AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Procédure contentieuse antérieure :
M. C…A…a demandé au Tribunal administratif de Paris, d’une part, d’annuler la décision implicite de rejet née du silence gardé par le gouverneur de la Banque de France sur sa demande du 8 juillet 2013 tendant au bénéfice de la protection fonctionnelle, d’autre part, de condamner la Banque de France à lui verser la somme de 600 000 euros en réparation des préjudices qu’il estime avoir subis du fait d’attaques dont il aurait fait l’objet de la part de délégués du personnel et de fautes qu’aurait commises son employeur lors de l’exercice du droit d’alerte par ces représentants du personnel, enfin, de mettre à la charge de la Banque de France le versement de la somme de 5 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par une ordonnance du 7 novembre 2013, le président de la 5ème section du Tribunal administratif de Paris a transmis au Tribunal administratif de Montreuil, en application de l’article R. 351-3 du code de justice administrative, la demande présentée par M.A….
Par un jugement n° 1311152 du 18 juin 2015, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté cette demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés respectivement le 17 août 2015 et le 14 décembre 2015, M.A…, représenté par la Selarl Cabinet Férès et associés, avocats, demande à la Cour :
1° d’annuler ce jugement ;
2° d’annuler, pour excès de pouvoir, cette décision implicite de rejet ;
3° de condamner la Banque de France à lui verser la somme de 600 000 euros en réparation des préjudices qu’il estime avoir subis ;
4° de mettre à la charge de la Banque de France le versement de la somme de 15 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
– le principe général du droit, selon lequel, lorsqu’un agent public est mis en cause par un tiers à raison de ses fonctions, il incombe à la collectivité dont il dépend de le couvrir des condamnations civiles prononcées contre lui, dans la mesure où une faute personnelle détachable du service ne lui est pas imputable, de lui accorder sa protection dans le cas où il fait l’objet de poursuites pénales, sauf s’il a commis une faute personnelle, et, à moins qu’un motif d’intérêt général ne s’y oppose, de le protéger contre les menaces, violences, voies de fait, injures, diffamations ou outrages dont il est l’objet, est applicable aux agents de la Banque de France ;
– ayant fait l’objet de dénonciations répétées et d’accusations diffamatoires de la part de délégués du personnel et d’une mise en oeuvre irrégulière du droit d’alerte, il remplissait les conditions pour obtenir le bénéfice de la protection fonctionnelle, à titre préventif ou à titre indemnitaire ;
– son employeur a manqué à son obligation, telle que prévue par l’article L. 4121-2 du code du travail, d’assurer la sécurité et la protection de la santé des agents placés sous son autorité, qui est une obligation de résultat ;
– son employeur a méconnu les règles internes à l’institution et, notamment, l’action 24 de l’accord d’entreprise relatif à la prévention des risques psychosociaux, qui impose de saisir au préalable les instances régionales et de réaliser un travail d’investigation ; en effet, avant de décider de diligenter une enquête à la suite de l’exercice du droit d’alerte par des délégués du personnel, la » personne ressource » rattachée au directeur général des ressources humaines n’a pas saisi le comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail régional ; en outre, la direction générale des ressources humaines n’a pas, à titre préalable, contacté ses hiérarchies départementales et régionales, ni mis en place des réunions ressources-humaines-médico-sociales, ni avisé le médecin du travail, ni pris le soin de réunir les témoignages à charge, ni, enfin, ne l’a informé des faits qui lui étaient reprochés ; ainsi, en diligentant de manière précipitée et inadaptée une enquête, son employeur a commis une faute de nature à engager sa responsabilité ;
– alors qu’il avait été saisi par des délégués du personnel de faits imprécis, son employeur n’a pas vérifié si les conditions légales d’exercice du droit d’alerte étaient réunies au regard des dispositions de l’article L. 2313-2 du code du travail, qui confère à l’employeur le pouvoir d’apprécier la réalité de l’atteinte dénoncée, ni ne s’est assuré de la réalité des faits reprochés ou, à tout le moins, de la communication des éléments justificatifs de ces faits annoncés dans le mail des délégués du personnel en date du 17 décembre 2012 ; en outre, il n’a pas davantage tenu compte ni du contexte professionnel dans lequel il travaillait en tant qu’agent d’encadrement, ni de ses états de service ; ainsi, son employeur a commis une faute de nature à engager sa responsabilité ;
– les conditions de son audition du 31 janvier 2013, qui a eu lieu sur son lieu de travail, devant le personnel dont il avait la charge et en présence des délégués du personnel qui l’avaient mis en cause et qui a duré près de sept heures, revêtent également un caractère fautif, alors que l’enquête de l’inspection générale s’est limitée à cette audition, qui s’est déroulée en méconnaissance des droits de la défense, du principe du contradictoire et du droit à un procès équitable et dans des conditions humiliantes et vexatoires, et que son employeur ne pouvait ignorer son état de santé, fragilisé en raison d’un accident vasculaire cérébral survenu en 2006 sur son lieu de travail du fait d’un stress professionnel ; en outre, les conditions de cette audition ont été telles qu’il a été placé en arrêt maladie, puis en congé de longue maladie à compter du 1er février 2013 jusqu’au 1er juillet 2014, date de sa mise à la retraite ; enfin, par un courrier du 10 mai 2013, son employeur a reconnu ses propres manquements quant aux conditions de mise en oeuvre du droit d’alerte ;
– les fautes commises par son employeur lui ont causé des préjudices dont il est en droit de demander réparation, y compris au titre de la protection fonctionnelle ;
– il a subi un préjudice de carrière ainsi qu’un préjudice moral qui doivent être évalués à la somme globale de 600 000 euros.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
– le code monétaire et financier ;
– le code du travail ;
– le statut du personnel de la Banque de France ;
– le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.
Ont été entendus au cours de l’audience publique :
– le rapport de M. d’Haëm,
– les conclusions de Mme Mégret, rapporteur public,
– et les observations de MeB…, pour la Banque de France.
1. Considérant que M. A…, recruté par la Banque de France le 1er septembre 1968, a exercé, à compter de l’année 2010, les fonctions de directeur de l’antenne économique de la succursale de Pantin ; que, le 17 décembre 2012, les délégués du personnel de cette unité ont exercé le droit d’alerte prévu par les dispositions de l’article L. 2313-2 du code du travail en saisissant le directeur général des ressources humaines de l’institution de faits relatifs à la gestion du personnel de la succursale et à la situation professionnelle de certains de ses agents ; qu’à la suite d’une enquête menée du 18 janvier 2013 au 1er février 2013 avec les délégués du personnel, l’inspection générale de la Banque de France a conclu, par un rapport du 11 avril 2013, à l’absence d’atteinte aux droits des personnes, à leur santé physique ou mentale ou aux libertés individuelles dans l’unité ; que, le 8 juillet 2014, M. A…a demandé à la Banque de France le bénéfice de la protection fonctionnelle et l’indemnisation des préjudices résultant pour lui des attaques dont il estimait avoir fait l’objet de la part des délégués du personnel ainsi que des fautes qu’aurait commises l’institution dans l’engagement et le déroulement de l’enquête ; qu’il relève appel du jugement du 18 juin 2015 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant, d’une part, à l’annulation de la décision implicite de rejet née du silence gardé par le gouverneur de la Banque de France sur sa demande tendant au bénéfice de la protection fonctionnelle, d’autre part, à la condamnation de la Banque de France à lui verser la somme de 600 000 euros en réparation des préjudices qu’il estime avoir subis ;
Sur les conclusions à fin d’annulation :
En ce qui concerne le principe de la protection fonctionnelle :
2. Considérant qu’il résulte d’un principe général du droit que, lorsqu’un agent public est mis en cause par un tiers à raison de ses fonctions, il incombe à l’administration dont il dépend de le couvrir des condamnations civiles prononcées contre lui, dans la mesure où une faute personnelle détachable du service ne lui est pas imputable, de lui accorder sa protection dans le cas où il fait l’objet de poursuites pénales, sauf s’il a commis une faute personnelle, et, à moins qu’un motif d’intérêt général ne s’y oppose, de le protéger contre les menaces, violences, voies de fait, injures, diffamations ou outrages dont il est l’objet ; que ce principe général du droit s’étend à tous les agents publics, quel que soit le mode d’accès à leurs fonctions ;
3. Considérant qu’il résulte de l’ensemble des dispositions législatives la régissant que la Banque de France est une personne publique chargée par la loi de missions de service public qui sont pour l’essentiel de nature administrative ; que, par suite, alors même qu’elle revêt une nature particulière et présente des caractéristiques propres au nombre desquelles figure l’application à son personnel des dispositions du code du travail qui ne sont incompatibles ni avec son statut, ni avec les missions de service public dont elle est chargée, le principe général du droit mentionné ci-dessus est applicable aux agents de cette institution, qui collaborent à ses missions de service public et exercent ainsi des fonctions administratives ; que, par suite, M. A…, directeur de l’antenne économique de la succursale de la Banque de France de Pantin, pouvait, en cette qualité, solliciter auprès de son employeur, le bénéfice de la protection fonctionnelle ;
En ce qui concerne la légalité du refus de protection fonctionnelle :
4. Considérant qu’il ressort des pièces du dossier que le courriel adressé le 17 décembre 2012 au directeur général des ressources humaines de la Banque de France par les quatre délégués du personnel de la succursale de Pantin, faisait état, notamment, » d’une problématique grave à la succursale de Pantin et qui dure depuis de nombreux mois « , d’une politique de gestion du personnel » anormale » qui serait contraire aux règles et préconisations en matière de prévention des risques psychosociaux et d' » un climat de » terreur « , basé sur l’intimidation et le chantage » susceptible d’affecter » le bien-être moral et psychologique des agents » ainsi que de la situation de plusieurs agents confrontés à cette politique ; que les critiques ainsi formulées, qui n’excèdent pas les limites de la liberté d’expression de représentants du personnel, exerçant le droit d’alerte prévu par les dispositions de l’article L. 2313-2 du code du travail, ne sauraient être regardées comme présentant le caractère d’attaques à l’encontre de M. A…et, en particulier, d’injures, de diffamations ou d’outrages lui permettant de bénéficier de la protection fonctionnelle ; qu’en outre, la circonstance que le rapport d’enquête de l’inspection générale de la Banque de France en date du 11 avril 2013 a conclu à l’absence d’atteinte aux droits des personnes, à leur santé physique ou mentale ou aux libertés individuelles dans l’unité gérée par M. A…et que les faits signalés par les représentants du personnel ont été considérés, au terme de cette enquête, comme non établis ou inexactement qualifiés, ne saurait conférer à ces critiques un tel caractère ; que, par ailleurs, il n’est pas établi, ni même allégué, qu’à la suite de l’enquête, les délégués du personnel auraient contesté ses résultats et, en particulier, saisi, en application de l’article L. 2313-2 du code du travail, le bureau de jugement du conseil de prud’hommes statuant selon la forme des référés ou réitéré, d’une quelconque manière, leurs critiques ; qu’enfin, il ressort des pièces du dossier que, par un courrier du 10 mai 2013, qui a d’ailleurs fait l’objet d’une diffusion, le directeur général des ressources humaines de la Banque de France a fait part à M. A… de la confiance que lui témoignait l’institution et que, par un courrier du 6 juin 2013, l’un des sous-gouverneurs de la Banque de France a proposé de le rencontrer, ce que M. A… a refusé ; qu’ainsi, à la date à laquelle M. A…a sollicité le bénéfice de la protection fonctionnelle, soit le 8 juillet 2013, alors, d’une part, que l’enquête diligentée par son employeur avait permis de mettre un terme aux critiques formulées à l’encontre de sa gestion, d’autre part, que ces critiques, qui ne présentaient pas, au demeurant, le caractère d’attaques, n’avaient pas été réitérées et enfin, que son employeur lui avait renouvelé sa confiance, aucune démarche adaptée aux agissements contre lesquels cette protection était sollicitée ne pouvait, en tout état de cause, encore être mise en oeuvre ; que, dans ces conditions, le gouverneur de la Banque de France a pu légalement rejeter la demande de l’intéressé tendant au bénéfice de la protection fonctionnelle afin qu’il soit mis fin à ces agissements ;
5. Considérant qu’il résulte de ce qui précède que M. A…n’est pas fondé à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a rejeté ses conclusions à fin d’annulation ;
Sur les conclusions à fin d’indemnité :
6. Considérant, en premier lieu, qu’il résulte de ce qui précède que les critiques formulées par les délégués du personnel à l’encontre de M. A…ne constituant pas des attaques au sens du principe général du droit mentionné au point 2, le requérant n’est pas fondé à demander à ce que la Banque de France soit condamnée, au titre de la protection fonctionnelle, à réparer les préjudices qu’il invoque et qui résulteraient, selon lui, de ces agissements ;
7. Considérant, en second lieu, qu’aux termes de l’article L. 2313-2 du code du travail : » Si un délégué du personnel constate, notamment par l’intermédiaire d’un salarié, qu’il existe une atteinte aux droits des personnes, à leur santé physique et mentale ou aux libertés individuelles dans l’entreprise qui ne serait pas justifiée par la nature de la tâche à accomplir, ni proportionnée au but recherché, il en saisit immédiatement l’employeur. Cette atteinte peut notamment résulter de faits de harcèlement sexuel ou moral ou de toute mesure discriminatoire en matière d’embauche, de rémunération, de formation, de reclassement, d’affectation, de classification, de qualification, de promotion professionnelle, de mutation, de renouvellement de contrat, de sanction ou de licenciement. / L’employeur procède sans délai à une enquête avec le délégué et prend les dispositions nécessaires pour remédier à cette situation. / En cas de carence de l’employeur ou de divergence sur la réalité de cette atteinte, et à défaut de solution trouvée avec l’employeur, le salarié, ou le délégué si le salarié intéressé averti par écrit ne s’y oppose pas, saisit le bureau de jugement du conseil de prud’hommes qui statue selon la forme des référés. / Le juge peut ordonner toutes mesures propres à faire cesser cette atteinte et assortir sa décision d’une astreinte qui sera liquidée au profit du Trésor. » ; que, par ailleurs, en vertu de l’action 24 de l’accord d’entreprise sur la prévention des risques psychosociaux signé le 21 décembre 2011 entre le gouverneur de la Banque de France et trois syndicats du personnel de l’institution, intitulé : » Offrir aux agents comme aux managers un » point d’entrée » hors hiérarchie en cas de situation critique, en complément du réseau d’alerte naturel (managers, GRH, CHSCT, représentants du personnel, médecin du travail…) « , » Un cadre est désigné pour assurer une fonction de » point d’entrée » en cas de situation de blocage rapportée par la hiérarchie ou les agents. / Cette » personne ressource » est rattachée au Directeur général des ressources humaines et doit : / – en premier lieu, vérifier que la ligne hiérarchique, les managers, le GRH, le médecin du travail ou le CHSCT… ont été informés des difficultés rencontrées ; / – en second lieu, si cette information a eu lieu et que les démarches précédentes ont échoué, diriger et accompagner l’agent vers l’acteur le plus à même de trouver une solution à la situation (…). » ;
8. Considérant, d’une part, qu’il résulte des termes mêmes de l’action 24 de l’accord d’entreprise sur la prévention des risques psychosociaux précité que les préconisations qu’il contient en cas de » situation critique » ou » de blocage » ne sauraient avoir pour objet ou pour effet de réglementer l’exercice du droit d’alerte prévu par les dispositions précitées de l’article L. 2313-2 du code du travail, qui disposent que l’employeur, saisi par un délégué du personnel qui a constaté qu’il existe une atteinte aux droits des personnes, à leur santé physique et mentale ou aux libertés individuelles dans l’entreprise, doit procéder sans délai à une enquête avec le délégué et prendre les dispositions nécessaires pour remédier à cette situation ; qu’ainsi, avant de procéder, à la suite de l’exercice, le 17 décembre 2012, de ce droit d’alerte par les délégués du personnel de la succursale de Pantin, à une enquête, dont l’objet même est de vérifier la réalité de l’atteinte invoquée par les représentants du personnel, l’employeur de M. A… n’était pas tenu, contrairement à ce que prétend le requérant, de mettre en oeuvre les préconisations figurant à l’action 24 de l’accord d’entreprise précité et, en particulier, de saisir les supérieurs hiérarchiques de l’intéressé, le médecin du travail ou le comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail régional, ni, en tout état de cause, de réaliser un travail préalable d’investigation sur les faits reprochés à l’intéressé ou d’informer celui-ci de ces faits ; qu’au demeurant, il résulte de l’instruction qu’avant même l’exercice du droit d’alerte et alors que M. A… avait participé à des » réunions de respiration du corps social » mises en place au niveau local pour prévenir les risques psychosociaux, les délégués du personnel de la succursale de Pantin avaient, dès le mois de novembre 2012, saisi la » personne ressource « , rattachée au directeur général des ressources humaines, celle-ci ayant informé de leurs griefs le directeur régional, également président du comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail régional, ainsi que le gestionnaire des ressources humaines compétent ; que, par suite, aucune faute tirée de la méconnaissance de cet accord ne saurait être reprochée à la Banque de France ;
9. Considérant, d’autre part, qu’il n’est pas établi que l’exercice du droit d’alerte, le 17 décembre 2012, par les quatre délégués du personnel de la succursale de Pantin, qui ont fait état, de manière suffisamment précise, de faits relatifs à la gestion du personnel de la succursale et à la situation professionnelle de certains de ses agents, aurait revêtu un caractère abusif ; que, dès lors, en décidant, à la suite de cette saisine, de procéder à une enquête, dont l’objet même est, ainsi qu’il a été dit au point 7, de vérifier la réalité de l’atteinte signalée aux droits des personnes, à leur santé physique et mentale ou aux libertés individuelles dans l’entreprise, l’employeur de M. A… n’a fait que mettre en oeuvre les dispositions précitées de l’article L. 2313-2 du code du travail, prescrivant à l’employeur, en cas d’exercice du droit d’alerte, de procéder sans délai à une enquête ; qu’en outre, la seule circonstance que l’employeur de l’intéressé n’a pas recueilli ou même sollicité, avant d’effectuer l’enquête, les témoignages de divers agents dont la production était annoncée dans le courriel du 17 décembre 2012 ne saurait constituer ou révéler une faute alors qu’il était saisi, au titre du droit d’alerte, dont l’exercice n’est d’ailleurs soumis à aucun formalisme par les dispositions précitées de l’article L. 2313-2 du code du travail, de faits suffisamment circonstanciés ; qu’au demeurant, au terme de l’enquête menée du 18 janvier 2013 au 1er février 2013, l’inspection générale de la Banque de France a conclu, par un rapport du 11 avril 2013, à l’absence d’atteinte aux droits, à la santé ou aux libertés des agents ; qu’enfin, si, dans un courrier du 10 mai 2013 adressé à M. A…, le directeur général des ressources humaines de la Banque de France a estimé que l’exercice du droit d’alerte par les représentants du personnel aurait dû être évité dès lors que l’enquête avait établi que les conditions du recours à celui-ci n’étaient pas réunies, un tel courrier ne saurait être regardé, contrairement à que soutient le requérant, comme une reconnaissance, par l’institution, de fautes qu’elle aurait commises dans la mise en oeuvre des dispositions précitées de l’article L. 2313-2 du code du travail ; que, par suite, il ne résulte pas de l’instruction que l’employeur de M. A… aurait, lors du déclenchement de l’enquête prévue par ces dispositions, commis une faute de nature à engager sa responsabilité ;
10. Considérant, enfin, que M. A…n’établit pas que les conditions de son audition réalisée, le 31 janvier 2013, lors de l’enquête, auraient revêtu un caractère humiliant et vexatoire ; qu’en particulier, contrairement à ce qu’il soutient, il résulte de l’instruction que cette enquête ne s’est pas limitée à son audition, mais a été l’occasion de recueillir le témoignage d’autres agents de la succursale de Pantin ; qu’en outre, ni la circonstance que cette audition a duré près de sept heures, ni la circonstance que l’un des quatre représentants du personnel ayant exercé le droit d’alerte était présent lors de cette audition menée par deux inspecteurs de l’institution, alors que les dispositions précitées de l’article L. 2313-2 du code du travail prévoit que l’employeur procède » à une enquête avec le délégué « , ne sauraient, à elles seules, revêtir un caractère vexatoire ou humiliant ; que, par ailleurs, l’autorité ayant procédé à cette audition, consistant à recueillir son témoignage au cours de l’enquête prévue par l’article L. 2313-2 du code du travail, n’a pas le caractère d’un tribunal au sens des stipulations de l’article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des droits de la défense, du principe du contradictoire et du droit à un procès équitable garantis par ces stipulations ne peut qu’être écarté, alors qu’au demeurant, il résulte de l’instruction que M. A… a pu, au cours de cet entretien et sans difficulté particulière, s’expliquer longuement et précisément sur l’ensemble des faits signalés lors de l’exercice du droit d’alerte ; qu’enfin, si le requérant, qui se prévaut d’un manquement de son employeur à son obligation, telle que prévue par l’article L. 4121-2 du code du travail, d’assurer la sécurité et la protection de la santé des agents placés sous son autorité, soutient que ce dernier ne pouvait ignorer son état de santé, fragilisé en raison d’un accident vasculaire cérébral survenu en 2006 sur son lieu de travail du fait d’un stress professionnel, et que les conditions de son audition ont été telles qu’il a été placé par la suite en congé de maladie, il n’apporte à l’appui de ces affirmations aucun élément, notamment aucun document médical, de nature à en démontrer le bien-fondé ; qu’en particulier, l’intéressé n’établit, ni n’allègue qu’il aurait fait état à son employeur, avant ou lors de l’entretien du 31 janvier 2013, d’un quelconque motif médical de nature à y faire obstacle, ni ne peut être regardé comme justifiant que les conditions de cet entretien seraient à l’origine de la dégradation de son état de santé ; que, par suite, il ne résulte pas de l’instruction que l’employeur de M. A…aurait eu, lors du déroulement de l’enquête menée du 18 janvier 2013 au 1er février 2013, un comportement fautif de nature à engager sa responsabilité ;
11. Considérant qu’il résulte de ce qui précède que M. A…n’est pas fondé à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté ses conclusions à fin d’indemnité ;
Sur l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :
12. Considérant que les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la Banque de France, qui n’est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que demande M. A…au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ; qu’en revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de M. A…le versement à la Banque de France de la somme de 1 000 euros sur le fondement des mêmes dispositions ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. A…est rejetée.
Article 2 : M. A… versera à la Banque de France une somme de 1 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le surplus des conclusions présentées par la Banque de France au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative est rejeté.
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N° 15VE02740