COUR ADMINISTRATIVE D’APPEL
DE DOUAI N°12DA00884 ____________ LIGUE FRANÇAISE POUR LA DEFENSE DES DROITS DE L’HOMME ET DU CITOYEN ____________ M. Hubert Delesalle Rapporteur ____________ Mme Agnès Eliot Rapporteur public ____________ Audience du 13 novembre 2013 Lecture du 27 novembre 2013 ____________ 54-01-04-01-02 R |
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Vu la requête, enregistrée le 19 juin 2012, présentée pour la Ligue française pour la défense des droits de l’homme et du citoyen, dont le siège est 138 rue Marcadet à Paris (75048), représentée par son président, par Me Norbert Clément ;
La Ligue française pour la défense des droits de l’homme et du citoyen demande à la cour :
1°) d’annuler le jugement nos 1104998-1105002-1105009 du 12 avril 2012 du tribunal administratif de Lille en tant qu’il a rejeté sa demande tendant à l’annulation de l’arrêté du 29 juillet 2011 du maire de la commune de La Madeleine interdisant les fouilles de poubelles, de conteneurs, ou de tout autre lieu de regroupement de déchets sur son territoire ;
2°) d’annuler pour excès de pouvoir cet arrêté ;
3°) de mettre à la charge de la commune de La Madeleine la somme de 1 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient que :
– la gravité du trouble à l’ordre public sur lequel l’arrêté contesté se fonde n’est pas établie ;
– les interdictions édictées ne sont ni nécessaires, ni proportionnées ;
– l’arrêté porte atteinte à la libre utilisation du domaine public, au droit à l’alimentation, consacré par le pacte international relatif aux droits sociaux, économiques et culturels et indissociable du droit au respect de la dignité humaine et du droit à l’assistance reconnu notamment par le onzième alinéa du préambule de la Constitution de 1946, ainsi qu’au droit à la vie et au respect de la vie privée, reconnus respectivement par les articles 2 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;
– en raison de sa traduction en roumain et en bulgare, l’arrêté contesté porte atteinte au principe de non-discrimination en méconnaissance de l’article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, de l’article 1er du douzième protocole additionnel à cette convention et de la directive 2000/43/CE du Conseil du 29 juin 2000 relative à la mise en œuvre du principe de l’égalité de traitement entre les personnes sans distinction de race ou d’origine ethnique ;
Vu le jugement et l’arrêté attaqués ;
Vu les mémoires, enregistrés le 3 décembre 2012 et les 22 août et 29 août 2013, présentés pour la commune de La Madeleine, représentée par son maire en exercice, par la SCP Avocats du Nouveau Siècle et Me Bérengère Lecaille, qui conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de la Ligue française pour la défense des droits de l’homme et du citoyen de la somme de 4 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle fait valoir que :
– la Ligue française pour la défense des droits de l’homme et du citoyen est dépourvue d’intérêt pour agir contre l’arrêté contesté ;
– l’arrêté est suffisamment motivé ;
– l’interdiction édictée est nécessaire et proportionnée aux agissements et phénomènes auxquels sont confrontés les habitants de la commune de La Madeleine ;
– l’arrêté respecte les principes fondamentaux invoqués ;
– l’arrêté n’est pas discriminatoire ;
– le motif lié à l’application de l’article 82 du règlement sanitaire départemental suffit à fonder l’arrêté ;
Vu le mémoire, enregistré le 28 octobre 2013, présenté pour la Ligue française pour la défense des droits de l’homme et du citoyen qui conclut aux mêmes fins que précédemment par les mêmes moyens ;
Elle soutient, en outre, que l’arrêté est illégal en raison de l’illégalité de l’article 82 du règlement sanitaire départemental, lequel édicte une interdiction générale et absolue ;
Vu le mémoire, enregistré le 6 novembre 2013, présenté pour la commune de La Madeleine qui ramène à 1 500 euros la somme demandée au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative et maintient le surplus de ses conclusions précédentes, par les mêmes motifs ;
Elle fait valoir, en outre, que :
– l’arrêté se borne à rappeler les dispositions de l’article 82 du règlement sanitaire départemental et ne fait pas grief, ce qui rend irrecevable la demande tendant à son annulation ;
– l’article 82 du règlement sanitaire départemental est légal ;
Vu le mémoire, enregistré le 11 novembre 2013, présenté pour la Ligue française pour la défense des droits de l’homme et du citoyen ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;
Après avoir entendu au cours de l’audience publique plénière :
– le rapport de M. Hubert Delesalle, premier conseiller,
– les conclusions de Mme Agnès Eliot, rapporteur public,
– et les observations de Me Norbert Clément, avocat de la Ligue française pour la défense des droits de l’homme et du citoyen, et de Me Justine Roels, avocat substituant à titre occasionnel Me Bérangère Lecaille, avocat de la commune de La Madeleine ;
1. Considérant qu’eu égard à la généralité de son objet, qui est notamment de « défendre les principes énoncés dans les Déclarations des droits de l’homme de 1789 et de 1793, la Déclaration universelle de 1948 et la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et ses protocoles additionnels », d’œuvrer « à l’application des conventions et des pactes internationaux et régionaux en matière de droit d’asile, de droit civil, politique, économique, social et culturel », de combattre « l’injustice, l’illégalité, l’arbitraire, l’intolérance, toute forme de racisme et de discrimination (…) et plus généralement toute atteinte au principe fondamental d’égalité entre les êtres humains, (…) », de lutter « en faveur du respect des libertés individuelles en matière de traitement des données informatisées, et contre toute atteinte à la dignité, à l’intégrité et à la liberté du genre humain pouvant notamment résulter de l’usage de techniques médicales ou biologiques » et à son champ d’action national, la Ligue française pour la défense des droits de l’homme et du citoyen ne justifie pas d’un intérêt lui donnant qualité pour demander l’annulation de l’arrêté de police du maire de la commune de La Madeleine interdisant sur le territoire de la commune les fouilles de poubelles, de conteneurs, ou de tout autre lieu de regroupement de déchets, qui n’a qu’une portée strictement locale ;
2. Considérant qu’il résulte de ce qui précède que la Ligue française pour la défense des droits de l’homme et du citoyen n’est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande ;
3. Considérant que les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de La Madeleine, qui n’est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que demande la Ligue française pour la défense des droits de l’homme et du citoyen au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu’il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de l’association appelante le versement à la commune de La Madeleine de la somme de 1 500 euros qu’elle demande dans le dernier état de ses écritures au titre des frais de même nature exposés par elle ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de la Ligue française pour la défense des droits de l’homme et du citoyen est rejetée.
Article 2 : La Ligue française pour la défense des droits de l’homme et du citoyen versera à la commune de La Madeleine la somme de 1 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la Ligue française pour la défense des droits de l’homme et du citoyen et à la commune de La Madeleine.