COUR ADMINISTRATIVE D’APPEL
DE NANCY
N° 14NC00652
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Mme H.
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Mme Pellissier
Présidente
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M. Richard
Rapporteur
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M. Favret
Rapporteur public
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Audience du 18 décembre 2014
Lecture du 22 janvier 2015
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135-01-04-02-03
18-03-02-01-01
C+
vf
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS,
La cour administrative d’appel de Nancy
(1ère chambre)
Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme H. a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d’annuler le titre exécutoire en date du 8 août 2011 par lequel le président du service départemental d’incendie et de secours du Bas-Rhin lui a réclamé la somme de 1 430,34 euros correspondant à la facturation de son intervention du 7 mai 2011.
Par un jugement n° 1105782 du 19 février 2014, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté la demande de Mme H..
Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires enregistrés le 17 avril 2014, le 18 septembre 2014 et le 20 octobre 2014, Mme H., représentée par Me Brand, demande à la cour :
1°) d’annuler le jugement n° 1105782 du 19 février 2014 du tribunal administratif de Strasbourg ;
2°) d’annuler le titre exécutoire du 8 août 2011 ;
3°) de mettre à la charge du service départemental d’incendie et de secours du Bas-Rhin une somme de 2 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Mme H. soutient que :
– le jugement est irrégulier dès lors qu’il ne répond pas de manière suffisamment motivée à ses moyens ;
– seul le conseil d’administration du SDIS pouvait décider de demander l’indemnisation des frais de dépollution sur la base de l’article L. 211-5 du code de l’environnement ;
– la procédure a été suivie en méconnaissance des dispositions de l’article 24 de la loi du 12 avril 2000 ;
– le titre exécutoire méconnaît les dispositions de l’article 4 de la loi du 12 avril 2000 et de l’article L. 1617-5 du code général des collectivités territoriales ;
– le titre exécutoire ne comprend pas d’information quant au taux et au montant de TVA ;
– la délibération du 16 décembre 2010 fixant le montant des interventions payantes est illégale ;
– l’article L. 211-5 du code de l’environnement était inapplicable ;
– aucune substitution de base légale ne peut intervenir pour justifier le titre exécutoire ;
– le montant exigé n’est pas justifié au regard de la disproportion des moyens mis en œuvre et de son absence de correspondance avec les frais réellement engagés.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 24 juillet 2014, 12 septembre 2014, 30 septembre 2014 et 23 octobre 2014, le service départemental d’incendie et de secours du Bas-Rhin, représenté par Me Bourgun, conclut au rejet de la requête et à ce qu’une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de Mme H. au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que les moyens soulevés par Mme H. ne sont pas fondés et notamment que les dispositions de l’article L. 211-5 du code de l’environnement sont susceptibles de constituer le fondement légal de la créance du SDIS à l’égard de Mme H. et que le montant est légalement justifié au regard de la délibération du 16 décembre 2010.
Par une ordonnance du 7 octobre 2014, l’instruction a été close au 28 octobre 2014.
Vu :
– les autres pièces du dossier ;
– le code de l’environnement ;
– le code général des collectivités territoriales ;
– la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;
– le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.
Ont été entendus au cours de l’audience publique :
– le rapport de M. Richard, premier conseiller,
– les conclusions de M. Favret, rapporteur public,
– et les observations de Me Maamouri, pour Mme H..
Considérant ce qui suit :
1. A la suite d’une intervention réalisée chez Mme H., le 7 mai 2011, pour un déversement accidentel de fuel dans le sol environnant, le service départemental d’incendie et de secours (SDIS) du Bas-Rhin a émis à son encontre, le 8 août 2011, un titre exécutoire lui demandant, sur le fondement de l’article L. 1424-42 du code général des collectivités territoriales, le versement d’une somme de 1 430,34 euros en recouvrement des frais exposés à cette occasion. La requérante relève appel du jugement en date du 19 février 2014 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l’annulation de ce titre exécutoire.
2. Aux termes de l’article L. 1424-2 du code général des collectivités territoriales : « Les services d’incendie et de secours sont chargés de la prévention, de la protection et de la lutte contre les incendies. Ils concourent, avec les autres services et professionnels concernés, à la protection et à la lutte contre les autres accidents, sinistres et catastrophes, à l’évaluation et à la prévention des risques technologiques ou naturels ainsi qu’aux secours d’urgence. Dans le cadre de leurs compétences, ils exercent les missions suivantes : 1° La prévention et l’évaluation des risques de sécurité civile ; 2° La préparation des mesures de sauvegarde et l’organisation des moyens de secours ; 3° La protection des personnes, des biens et de l’environnement ; 4° Les secours d’urgence aux personnes victimes d’accidents, de sinistres ou de catastrophes ainsi que leur évacuation ». Aux termes de l’article L. 1424-42 du même code : « Le service départemental d’incendie et de secours n’est tenu de procéder qu’aux seules interventions qui se rattachent directement à ses missions de service public définies à l’article L. 1424-2. S’il a procédé à des interventions ne se rattachant pas directement à l’exercice de ses missions, il peut demander aux personnes bénéficiaires une participation aux frais, dans les conditions déterminées par délibération du conseil d’administration ».
3. Il résulte de l’instruction que l’intervention du 7 mai 2011, à laquelle les sapeurs pompiers ont procédé chez Mme H. et sa voisine afin de remédier à un déversement accidentel de fuel et à prévenir son infiltration vers la nappe phréatique, se rattachait directement aux missions de service public qui lui incombent en application des dispositions de l’article L. 1424-2 (3°) du code général des collectivités territoriales. Cette intervention ne pouvait donc donner lieu à la perception de la participation visée à l’article L. 1424-42 du même code, alors même que l’intéressée était responsable de la pollution des sols et du risque de pollution de la nappe phréatique constatés. Mme H. est ainsi fondée à soutenir que le titre exécutoire repose sur un fondement légal erroné.
4. Toutefois, le SDIS fait valoir que les dispositions de l’article L. 211-5 du code de l’environnement peuvent être substituées à celles de l’article L. 1424-42 du code général des collectivités territoriales afin de donner un fondement légal à la créance visée par le titre exécutoire litigieux.
5. Aux termes de l’article L. 211-5 du code de l’environnement : « Le préfet et le maire intéressés doivent être informés, dans les meilleurs délais par toute personne qui en a connaissance, de tout incident ou accident présentant un danger pour la sécurité civile, la qualité, la circulation ou la conservation des eaux. La personne à l’origine de l’incident ou de l’accident et l’exploitant ou, s’il n’existe pas d’exploitant, le propriétaire sont tenus, dès qu’ils en ont connaissance, de prendre ou faire prendre toutes les mesures possibles pour mettre fin à la cause de danger ou d’atteinte au milieu aquatique, évaluer les conséquences de l’incident ou de l’accident et y remédier. Le préfet peut prescrire aux personnes mentionnées ci-dessus les mesures à prendre pour mettre fin au dommage constaté ou en circonscrire la gravité et, notamment, les analyses à effectuer. En cas de carence, et s’il y a un risque de pollution ou de destruction du milieu naturel, ou encore pour la santé publique et l’alimentation en eau potable, le préfet peut prendre ou faire exécuter les mesures nécessaires aux frais et risques des personnes responsables. Le préfet et le maire intéressés informent les populations par tous les moyens appropriés des circonstances de l’incident ou de l’accident, de ses effets prévisibles et des mesures prises pour y remédier. Les agents des services publics d’incendie et de secours ont accès aux propriétés privées pour mettre fin aux causes de danger ou d’atteinte au milieu aquatique et prévenir ou limiter les conséquences de l’incident ou de l’accident. Sans préjudice de l’indemnisation des autres dommages subis, les personnes morales de droit public intervenues matériellement ou financièrement ont droit au remboursement, par la ou les personnes à qui incombe la responsabilité de l’incident ou de l’accident, des frais exposés par elles. A ce titre, elles peuvent se constituer partie civile devant les juridictions pénales saisies de poursuites consécutives à l’incident ou à l’accident ».
6. Lorsqu’il constate que le titre de recettes dont l’annulation lui est demandée aurait pu être émis sur le fondement d’un texte pour lequel l’autorité administrative dispose du même pouvoir d’appréciation que celui sur lequel repose l’émission de ce titre, le juge de plein contentieux peut, le cas échéant d’office, substituer ce fondement à celui qui a servi de base légale à l’émission du titre litigieux, sous réserve que l’intéressé ait disposé des garanties dont est assortie l’application du texte sur le fondement duquel la participation aurait dû lui être demandée.
7. En l’espèce, le président du SDIS, lorsqu’il émet un titre exécutoire sur le fondement des dispositions de l’article L. 211-5 du code de l’environnement qui lui donnent le droit, à l’instar d’autres personnes publiques, d’obtenir le remboursement intégral par la personne responsable d’un accident des frais exposés par le SDIS pour y remédier, ne met pas en œuvre un pouvoir d’appréciation équivalent à celui qu’il tient des dispositions de l’article L. 1424-42 du code général des collectivités territoriales, qui sont relatives à la participation exigible des tiers ayant demandé au SDIS une intervention qui n’entre pas dans le champ de ses missions légales définies à l’article L. 1424-2 du même code. La participation aux frais prévue à l’article L. 1424-42 du code général des collectivités territoriales est d’ailleurs définie dans son principe et ses modalités par une délibération du conseil d’administration du SDIS, alors que l’article L. 211-5 du code de l’environnement permet d’obtenir le remboursement des frais effectivement exposés. Mme H. est ainsi fondée à soutenir que le titre exécutoire en date du 8 août 2011 manque de base légale dès lors qu’il ne pouvait légalement être fondé sur les dispositions de l’article L. 1424-42 du code général des collectivités territoriales et que celles de l’article L. 211-5 du code de l’environnement ne peuvent leur être régulièrement substituées.
8. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu’il soit besoin de statuer sur la régularité du jugement et d’examiner les autres moyens de la requête, que Mme H. est fondée à soutenir que c’est à tort que le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l’annulation du titre exécutoire du 8 août 2011.
Sur l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :
9. Les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de Mme H. qui n’est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que le service départemental d’incendie et de secours du Bas-Rhin demande au titre des frais qu’il a exposés pour sa défense. En revanche, il y a lieu, sur le fondement des mêmes dispositions, de mettre à la charge du service départemental d’incendie et de secours du Bas-Rhin le paiement de la somme de 1 500 euros à Mme H. au titre des frais que celle-ci a exposés.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 1105782 en date du 19 février 2014 du tribunal administratif de Strasbourg et le titre exécutoire du 8 août 2011 sont annulés.
Article 2 : Le service départemental d’incendie et de secours du Bas-Rhin versera à Mme H. une somme de 1 500 € (mille cinq cents euros) au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Les conclusions du service départemental d’incendie et de secours du Bas-Rhin tendant à l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme H. et au service départemental d’incendie et de secours du Bas-Rhin.
Délibéré après l’audience du 18 décembre 2014, à laquelle siégeaient :
Mme Pellissier, présidente de chambre,
Mme Stefanski, président,
M. Richard, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 22 janvier 2015.
Le rapporteur,
Signé : M. RICHARD
La présidente,
Signé : S. PELLISSIER
La greffière,
Signé : C. JADELOT
La République mande et ordonne préfet du Bas-Rhin en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l’exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
C. JADELOT
N° 14NC00652