CAA de NANCY
N° 17NC00091
Inédit au recueil Lebon
4ème chambre – formation à 3
M. KOLBERT, président
Mme Julie KOHLER, rapporteur
Mme KOHLER, rapporteur public
LUDOT, avocat
lecture du mardi 26 septembre 2017
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Texte intégral
Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. G… D…et Mme B…F…épouse D…ont demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne :
1°) d’annuler la décision du 6 janvier 2016 par laquelle le préfet de la Marne a ordonné une perquisition administrative de leur domicile,
2°) d’enjoindre au préfet de la Marne de détruire les données informatiques copiées lors de cette perquisition ;
3°) de condamner l’Etat à leur verser une somme de 30 000 euros en réparation du préjudice résultant de cette décision.
Par un jugement n° 1600410 du 1er décembre 2016, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a, d’une part, annulé la décision du 6 janvier 2016, d’autre part, condamné l’Etat à verser à M. et Mme D…la somme de 700 euros en réparation du préjudice subi et rejeté le surplus des conclusions.
Procédure devant la cour :
I – Sous le n° 17NC00091, par une requête enregistrée le 17 janvier 2017, M. G… D…et Mme B…F…épouseD…, représentés par MeC…, demandent à la cour :
1°) d’annuler ce jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 1er décembre 2016 en tant qu’il a limité l’indemnité accordée à la somme de 700 euros et en tant qu’il a rejeté les conclusions à fin d’injonction de destruction des données informatiques copiées lors de la perquisition effectuée le 6 janvier 2016 à leur domicile ;
2°) d’ordonner une expertise médicale visant à chiffrer le préjudice de M. D…en lui allouant une indemnité provisionnelle de 10 000 euros ;
3°) d’accorder à Mme D…et à son fils mineur, M. A…E…, une indemnité de 10 000 euros chacun ;
4°) d’enjoindre au ministre de l’intérieur de procéder à la destruction des données informatiques copiées lors de la perquisition effectuée le 6 janvier 2016 à leur domicile ;
5°) de mettre à la charge de l’Etat le versement de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
– l’arrêté du 6 janvier 2016 n’était fondé sur aucun élément de nature à justifier, au fond, la perquisition de leur domicile ;
– cette perquisition a créé une situation de détresse psychologique et porté une atteinte à l’intégrité corporelle de M.D…, à la liberté de religion de MmeD…, et à la vie privée de la famille et elle est donc susceptible de leur ouvrir droit à indemnité ;
– aucun texte n’autorise la copie et la sauvegarde des données informatiques recueillies lors de la perquisition du 6 janvier 2016.
Par un mémoire en défense, enregistré le 24 mai 2017, le ministre de l’intérieur conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
– la décision ordonnant la perquisition n’étant entachée d’aucune erreur d’appréciation, c’est à juste titre que les premiers juges ont considéré qu’elle n’avait causé aucun préjudice indemnisable aux requérants ;
– aucune faute susceptible d’engager la responsabilité de l’Etat n’a été commise au cours
de la perquisition ;
– les enfants du couple n’ont été témoins d’aucune scène violente ;
– M. D…n’a subi aucune violence d’ordre physique ;
– Mme D…n’établit pas avoir été empêchée de porter le voile et ne justifie pas de la
réalité d’un préjudice ;
– les conclusions à fin d’injonction, sont irrecevables, d’une part parce qu’elles sont présentées à titre principal, d’autre part parce qu’elles sont dépourvues d’objet, les policiers n’ayant pas procédé à la copie de données informatiques.
Par ordonnance du 24 mai 2017, la clôture d’instruction a été fixée au 15 juin 2017 à 16h00.
M. et Mme D…ont été admis au bénéfice de l’aide juridictionnelle totale par des décisions du 24 avril 2017.
II – Sous le n° 17NC00246, par un recours enregistré le 3 février 2017, le ministre de l’intérieur demande à la cour :
1°) d’annuler ce même jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 1er décembre 2016 ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. et Mme D…devant le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne.
Il soutient que :
– l’arrêté du 6 janvier 2016 était suffisamment motivé ;
– la réalisation de la perquisition de nuit n’était pas fautive ;
– cette perquisition n’a causé aucun préjudice moral.
Le recours a été communiqué à M. et MmeD…, qui n’ont pas présenté de mémoire en défense.
Par ordonnance du 24 mai 2017, la clôture d’instruction a été fixée au 15 juin 2017 à 16h00.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
– la Constitution ;
– la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;
– le code pénal ;
– le code des relations entre le public et l’administration ;
– la loi n° 55-385 du 3 avril 1955 ;
– la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;
– la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
– la loi n°2010-1192 du 11 octobre 2010 ;
– la décision du Conseil constitutionnel n° 2016-536 QPC du 19 février 2016 ;
– le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.
Ont été entendus au cours de l’audience publique du 5 septembre 2017 :
– le rapport de M. D., premier conseiller,
– et les conclusions de Mme K., rapporteur public.
1. Considérant que le préfet de la Marne a ordonné, le 6 janvier 2016, la perquisition du logement et du véhicule de M. et MmeD… ; que les intéressés ont demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d’annuler cet ordre de perquisition du 6 janvier 2016, de condamner l’Etat à les indemniser des conséquences de cette décision et d’ordonner la destruction des données informatiques copiées à leur domicile le 6 janvier 2016 ; que, sous le n° 17NC00091, ils relèvent appel du jugement du 1er décembre 2015 en tant que, par ce jugement, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne n’a pas intégralement fait droit à leur demande indemnitaire et a rejeté leur demande d’injonction tendant à la destruction des données informatiques ; que, sous le n° 17NC00246, le ministre de l’intérieur relève appel du même jugement en tant qu’il a annulé cette décision ordonnant la perquisition et prononcé une condamnation à l’encontre de l’Etat ;
2. Considérant que les requêtes susvisées sont dirigées contre un même jugement et ont fait l’objet d’une instruction commune ; qu’il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt ;
Sur la légalité de l’ordre de perquisition du 6 janvier 2016 :
En ce qui concerne le motif d’annulation retenu par le tribunal :
3. Considérant qu’aux termes de l’article 11 de la loi du 3 avril 1955 dans sa rédaction issue de la loi du 20 novembre 2015 : » I. – Le décret déclarant ou la loi prorogeant l’état d’urgence peut, par une disposition expresse, conférer [au ministre de l’intérieur et aux préfets] le pouvoir d’ordonner des perquisitions en tout lieu, y compris un domicile, de jour et de nuit, sauf dans un lieu affecté à l’exercice d’un mandat parlementaire ou à l’activité professionnelle des avocats, des magistrats ou des journalistes, lorsqu’il existe des raisons sérieuses de penser que ce lieu est fréquenté par une personne dont le comportement constitue une menace pour la sécurité et l’ordre publics. / La décision ordonnant une perquisition précise le lieu et le moment de la perquisition (…) » ;
4. Considérant que les décisions qui ordonnent des perquisitions sur le fondement de ces dispositions présentent le caractère de décisions administratives individuelles défavorables qui constituent des mesures de police, lesquelles doivent être motivées en application de l’article L. 211-2 du code des relations entre le public et l’administration ; que cette motivation doit, sauf urgence particulière liée notamment aux circonstances exceptionnelles ayant conduit à la déclaration de l’état d’urgence, faire apparaître les raisons sérieuses qui ont conduit l’autorité administrative à penser que le lieu visé par la perquisition est fréquenté par une personne dont le comportement constitue une menace pour la sécurité et l’ordre publics ;
5. Considérant que l’ordre de perquisition du 6 janvier 2016 énonce les dispositions qui en constituent le fondement, et notamment le I de l’article 11 de la loi du 3 avril 1955 ainsi que la loi n° 2015-1501 du 20 novembre 2015 ; qu’il est motivé, en fait, par la gravité de la menace terroriste sur le territoire national à la suite des attentats du 13 novembre 2015, par la nécessité d’employer les moyens juridiques rendus possibles par la déclaration d’urgence pour prévenir cette menace et, plus particulièrement, par la circonstance que l’appartement situé au 1 mail du Legs Morel à Châlons-en-Champagne est fréquenté par Mme F…épouseD…, considérée comme radicalisée et dont le comportement constitue une menace pour l’ordre et la sécurité publics ; qu’eu égard à la finalité de la mesure de perquisition, qui ne peut avoir d’autre but que de préserver l’ordre public et de prévenir les infractions en recherchant des preuves matérielles du risque que peut faire peser le comportement d’un individu sur la sécurité et l’ordre publics, l’indication de ce que Mme D… est considérée comme radicalisée constitue une énonciation suffisamment précise des raisons sérieuses ayant conduit l’autorité administrative à ordonner la perquisition de son appartement ; que le ministre de l’intérieur est, par suite, fondé à soutenir que c’est à tort que le tribunal a retenu le moyen tiré de l’insuffisante motivation de l’ordre de perquisition pour prononcer l’annulation de ce dernier ;
6. Considérant toutefois qu’il appartient à la cour, saisie de l’ensemble du litige par l’effet dévolutif de l’appel, d’examiner les autres moyens soulevés par M. et Mme D…devant le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne ;
En ce qui concerne les autres moyens soulevés par M. et Mme D…devant le tribunal administratif :
7. Considérant, en premier lieu, qu’il ressort des pièces du dossier que la décision en litige est fondée non pas sur la seule appartenance religieuse de MmeD…, mais sur la circonstance que, du fait de son comportement général, elle peut être regardée comme radicalisée ; que, par suite, les moyens tirés de la méconnaissance de l’article 9 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, de l’article 10 de la déclaration des droits de l’homme et du citoyen et de ce que l’ordre de perquisition constituerait une discrimination réprimée par l’article 225 du code pénal doivent être écartés ;
8. Considérant, en deuxième lieu, qu’une perquisition ne peut être ordonnée sur le fondement de l’article 11 de la loi du 3 avril 1955 que lorsqu’il existe des raisons sérieuses de penser qu’un lieu est fréquenté par au moins une personne dont le comportement constitue une menace pour la sécurité et l’ordre publics ; qu’il appartient au juge administratif d’exercer un entier contrôle sur le respect de cette condition, afin de s’assurer, ainsi que l’a jugé le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2016-536 QPC du 19 février 2016, que la mesure ordonnée était adaptée, nécessaire et proportionnée à sa finalité, dans les circonstances particulières qui ont conduit à la déclaration de l’état d’urgence ; que ce contrôle est exercé au regard de la situation de fait prévalant à la date à laquelle la mesure a été prise, compte tenu des informations dont disposait alors l’autorité administrative sans que des faits intervenus postérieurement, notamment les résultats de la perquisition, n’aient d’incidence à cet égard ;
9. Considérant qu’il ressort des pièces du dossier que pour ordonner la perquisition litigieuse, le préfet de la Marne a estimé que le comportement de Mme D…laissait penser qu’elle était radicalisée en tenant compte, pour porter une telle appréciation, des éléments contenus dans une note blanche ; que selon cette dernière, les époux D…relèveraient de la mouvance salafiste, et ont fait l’objet de signalements émanant de plusieurs organismes logeurs les décrivant comme des individus ayant peu de contacts avec l’extérieur ainsi que d’un autre signalement émanant du collège du jeuneA…, le fils aîné de Mme D…né d’une première union, en raison d’une suspicion de fraude à la dispense scolaire pour les matières artistiques et sportives ; que, selon cette même note, Mme D…avait été interpellée à plusieurs reprises vêtue d’une tenue destinée à dissimuler son visage dans l’espace public et avait indiqué sur un site internet vouloir vivre en Arabie Saoudite ; qu’en se bornant à soutenir qu’ils sont des locataires paisibles, se consacrant à l’éducation de leurs enfants et à leur vie de famille, M. et Mme D…n’apportent aucun élément de nature à expliquer les raisons pour lesquelles ils s’abstiennent de tout contact avec l’extérieur ; que les certificats médicaux produits par les requérants ne suffisent pas à établir que les pathologies que présente le fils aîné de Mme D…rendraient nécessaires ses dispenses d’activités physiques et sportives ; qu’il ressort également des pièces du dossier que MmeD…, qui ne conteste pas être apparue en public vêtue d’une tenue destinée à dissimuler son visage, a persisté dans cette attitude après la publication de la loi du 11 octobre 2010 prohibant un tel comportement ; que la seule circonstance qu’elle n’ait jamais été verbalisée pour le port d’une telle tenue est par elle-même sans incidence sur la légalité de la décision contestée ; que, dans ces conditions, alors que Mme D…figure au fichier de prévention des atteintes à la sécurité publique et eu égard aux signes précurseurs d’une déscolarisation soudaine de son fils aîné, le préfet de la Marne, en ordonnant la perquisition de l’appartement de M. et MmeD…, n’a commis ni d’erreur de droit, ni d’erreur d’appréciation ;
10. Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que le ministre de l’intérieur est fondé à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a annulé l’ordre de perquisition du 6 janvier 2016 ;
Sur les conclusions à fin d’injonction :
11. Considérant qu’aux aux termes de l’article L. 911-1 du code de justice administrative : » Lorsque sa décision implique nécessairement qu’une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d’un service public prenne une mesure d’exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d’un délai d’exécution » ;
12. Considérant qu’en demandant la destruction des données informatiques copiées pendant la perquisition irrégulière, M. et Mme D…doivent être regardés comme demandant au juge administratif qu’il soit enjoint au préfet de la Marne d’ordonner cette mesure ; qu’en dehors des cas prévus par les articles L. 911-1 et suivants du code de justice administrative, il n’appartient pas au juge administratif d’adresser des injonctions à l’administration ; que la présente décision n’implique aucune mesure d’exécution ; que, par suite et alors même que le Conseil constitutionnel a, dans sa décision n° 2016-536 du 19 février 2016, déclaré inconstitutionnelles les dispositions de la loi de 1955 autorisant la copie des données informatiques sur tout support, les conclusions de M. et Mme D…tendant à ce que soit ordonnée la destruction des données informatiques qui auraient été copiées pendant la perquisition du 6 janvier 2016, ne sont pas recevables et doivent être rejetées ;
Sur les conclusions indemnitaires :
En ce qui concerne les fautes alléguées :
13. Considérant que si toute illégalité affectant la décision qui ordonne une perquisition est constitutive d’une faute susceptible d’engager la responsabilité de l’Etat, il résulte de ce qui a été dit précédemment que l’ordre de perquisition du 6 janvier 2016 n’est pas entaché d’illégalité ;
14. Considérant, toutefois que les conditions matérielles d’exécution des perquisitions sont également susceptibles d’engager la responsabilité de l’Etat à l’égard des personnes concernées par les perquisitions ; que notamment, la perquisition d’un domicile de nuit doit être justifiée par l’urgence ou l’impossibilité de l’effectuer de jour ; que sauf s’il existe des raisons sérieuses de penser que le ou les occupants du lieu sont susceptibles de réagir à la perquisition par un comportement dangereux ou de détruire ou dissimuler des éléments matériels, l’ouverture volontaire du lieu faisant l’objet de la perquisition doit être recherchée et il ne peut être fait usage de la force pour pénétrer dans le lieu qu’à défaut d’autre possibilité ; que lors de la perquisition, il importe de veiller au respect de la dignité des personnes et de prêter une attention toute particulière à la situation des enfants mineurs qui seraient présents ; que l’usage de la force ou de la contrainte doit être strictement limité à ce qui est nécessaire au déroulement de l’opération et à la protection des personnes ; qu’en cas de faute commise dans l’exécution d’une perquisition ordonnée sur le fondement de la loi du 3 avril 1955, il appartient au juge d’accorder réparation des préjudices de toute nature, directs et certains, qui en résultent ;
15. Considérant, en premier lieu, que la perquisition du domicile des époux D…s’est déroulée la nuit, entre 22h10 et 00h05 ; que le ministre fait état, d’une part de l’impossibilité de procéder à cette perquisition de jour compte tenu de l’absence supposée des époux D…durant la journée, d’autre part de la nécessité de procéder à cette perquisition de nuit pour éviter des troubles à l’ordre public dans le quartier sensible de la Blidée, où vivent M. et MmeD… ; qu’il ne ressort toutefois d’aucune pièce du dossier qu’il aurait été impossible de procéder à la perquisition en fin de journée, alors que M. D…suivait une formation en GRETA et que les deux enfants vivant au domicile du couple étaient âgés de dix-neuf mois et de onze ans ; que le ministre ne produit, par ailleurs, aucun élément de nature à établir l’existence de difficultés spécifiques liées au contexte local ou d’une situation d’urgence particulière rendant impossible l’organisation d’une perquisition de jour ; qu’il n’est, par suite, pas fondé à soutenir que c’est à tort que les premiers juges ont regardé l’exécution de cette perquisition la nuit comme constitutive d’une faute de nature à engager la responsabilité de l’Etat ;
16. Considérant, en deuxième lieu, que M. et Mme D…soutiennent que plusieurs agents auraient, lors de leur entrée dans les lieux, violemment plaqué M. D…au sol, alors qu’il ne manifestait aucune résistance ; que le procès-verbal de perquisition précise toutefois que M. et Mme D… ont assisté et coopéré à l’ensemble des opérations ; qu’ils n’y ont d’ailleurs porté aucune mention quant à l’utilisation, à leur encontre, de procédés contraignants ; que si le certificat médical qu’ils produisent, précise que l’aggravation de la déchirure du court adducteur dont souffrait alors M. D…serait consécutive à » l’intervention de la gendarmerie à son domicile « , cette mention qui se borne à relater les propos de l’intéressé qui présentait d’ailleurs cette pathologie depuis cinq jours, n’est pas de nature à démontrer qu’une telle aggravation serait imputable aux conditions dans lesquelles s’est déroulée la perquisition et en particulier à établir la réalité de l’usage de la violence au cours des opérations litigieuses ;
17. Considérant, en dernier lieu, que si M. et Mme D…soutiennent que plusieurs agents présents lors de la perquisition leur ont manqué de respect, les tutoyant et contraignant Mme D…à rester à visage découvert, aucune mention du procès-verbal rédigé lors des opérations ne permet de corroborer le contenu de ces allégations ; que, par suite, M. et Mme D…ne sont pas fondés à soutenir que d’autres fautes que celle retenue au point 15 ci-dessus, auraient été commises lors de l’exécution de la perquisition ;
En ce qui concerne les préjudices :
S’agissant des préjudices de M.D… :
18. Considérant que M. D…ne se prévaut que du préjudice consécutif à l’aggravation de sa déchirure musculaire ; qu’ainsi qu’il a été dit ci-dessus, aucun lien ne peut être démontré entre cette aggravation et les conditions dans lesquelles cette perquisition s’est déroulée et en particulier avec le choix fautif d’y procéder de nuit ; que, par suite, et sans qu’il soit besoin d’ordonner la mesure d’expertise demandée, les conclusions de M. et Mme D…tendant à l’indemnisation du préjudice allégué par M. D…ne peuvent qu’être rejetées ;
S’agissant des préjudices de MmeD… et de son fils mineur :
19. Considérant que M. et Mme D…soutiennent que les conditions d’exécution de la perquisition, notamment de nuit, ont été source d’un préjudice moral, notamment de beaucoup de stress et d’angoisse, en particulier pour Mme D…et son fils mineur A… ; que les certificats médicaux produits permettent d’attester que la perquisition réalisée de nuit a été particulièrement traumatisante pour Mme D…et son fils A…et qu’ainsi le préjudice moral dont se prévalent les intéressés doit être regardé comme établi et suffisamment certain ; qu’il sera fait une juste appréciation de ce préjudice en accordant à Mme D…et à son fils A…une somme de 750 euros chacun ;
20. Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que le ministre de l’intérieur n’est pas fondé à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a condamné l’Etat à indemniser M. et Mme D…des conséquences dommageables des conditions d’exécution de la perquisition du 6 janvier 2016 ; que M. et Mme D…sont seulement fondés, en revanche, à demander que cette somme soit portée à un montant global de 1 500 euros, correspondant, à hauteur de 750 euros chacun, au seul préjudice moral subi par Mme D…et son enfant mineur ;
Sur l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :
21. Considérant que dans les circonstances de l’espèce, il n’y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées par M. et Mme D…sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;
D É C I D E :
Article 1er : L’article 1er du jugement n° 1600410 du 1er décembre 2016 est annulé.
Article 2 : La somme que l’Etat est condamné à verser à M. et Mme D…est portée à 1 500 euros en réparation du préjudice subi par Mme D…et son enfantA….
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête n° 17NC00091 de M. et Mme D…et les conclusions de la demande présentée par eux devant le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne tendant à l’annulation de l’ordre de perquisition du préfet de la Marne du 6 janvier 2016 sont rejetés.
Article 4 : Le surplus des conclusions du ministre de l’intérieur est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. G…D…, à Mme B…F…épouse D…et au ministre de l’intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de la Marne.