REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Texte intégral
(Deuxième Chambre)
Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 3 mai 1995 sous le n 95NC00824 et les mémoires complémentaires enregistrés le 10 mai et le 3 août 1995, présentés par la SARL B.E.T.M., dont le siège est …, à Bar-le-Duc (Meuse), représentée par sa gérante en exercice ;
La SARL B.E.T.M. demande à la Cour :
– d’annuler le jugement n 9298 en date du 14 février 1995 par lequel le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande en décharge des suppléments d’impôt sur les sociétés auxquels elle a été assujettie au titre des années 1985 et 1986 ainsi que des pénalités y afférentes ;
– de lui accorder la décharge des impositions contestées ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts ;
Vu le livre des procédures fiscales ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel ;
Vu la loi n 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été dûment averties du jour de l’audience ;
Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 8 octobre 1998:
– le rapport de Mme GESLAN-DEMARET, Premier-Conseiller,
– et les conclusions de M. COMMENVILLE, Commissaire du Gouvernement ;
Considérant que la SARL B.E.T.M., créée le 1er février 1985, fait appel d’un jugement en date du 14 février 1995 par lequel le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande en décharge des suppléments d’impôt sur les sociétés auxquels elle a été assujettie au titre des années 1985 et 1986 ainsi que des pénalités y afférentes à raison, d’une part, de la remise en cause de l’exonération d’impôt sur les sociétés dont elle avait bénéficié en qualité d’entreprise nouvelle sur le fondement des dispositions de l’article 44 quater du code général des impôts et, d’autre part, de la réintégration de salaires que l’administration a regardés en partie comme fictifs ;
Sur la régularité de la procédure d’imposition :
En ce qui concerne la communication de procès-verbaux par l’autorité judiciaire :
Considérant qu’aux termes de l’article L.101 du livre des procédures fiscales : « L’autorité judiciaire doit communiquer à l’administration des impôts toute indication – qu’elle peut recueillir, de nature à faire présumer une fraude commise en matière fiscale ou une manoeuvre quelconque ayant eu pour résultat de frauder ou de compromettre un impôt, qu’il s’agisse d’une instance civile ou commerciale ou d’une information criminelle ou correctionnelle même terminée par un non-lieu » ;
Considérant qu’il résulte de ces dispositions que l’administration est en droit, avant l’intervention d’une décision, d’obtenir de l’autorité judiciaire la communication des indications que celle-ci est susceptible de détenir ; qu’il appartient à l’autorité judiciaire, qu’elle soit ou non saisie d’une telle demande, d’apprécier souverainement si les renseignements et les pièces qu’elle détient sont ou non au nombre des indications qui, étant de nature à faire présumer une fraude commise en matière fiscale, doivent être communiquées à l’administration ;
Considérant qu’il résulte de l’instruction que les déclarations de la gérante et d’un salarié de la SARL B.E.T.M. ont été recueillies dans le cadre d’une enquête de police judiciaire ; que, par suite et alors même que l’administration n’a infligé à la SARL B.E.T.M. aucune pénalité pour manoeuvres frauduleuses ou pour mauvaise foi, c’est par une régulière application des dispositions précitées de l’article L.101 du livre des procédures fiscales que l’autorité judiciaire a communiqué à l’administration les procès-verbaux d’audition ;
En ce qui concerne l’authenticité des signatures du vérificateur :
Considérant que l’examen comparatif des signatures figurant au bas des correspondances adressées par l’administration au contribuable durant la procédure de redressement, et ayant le même auteur selon la mention dactylographiée du nom du signataire qui y figure, ne révèle aucune différence significative pouvant laisser supposer que certains de ces documents, et en particulier la notification de redressement du 7 octobre 1988, auraient été signés par un autre fonctionnaire ; que, dès lors, et sans qu’il soit besoin d’ordonner l’expertise graphologique sollicitée, le moyen ainsi articulé doit être écarté ;
Sur le bien-fondé des impositions :
En ce qui concerne l’exonération d’impôt sur les sociétés en qualité d’entreprise nouvelle :
Considérant que l’article 44 quater du code général des impôts exonère temporairement d’impôt sur les sociétés à raison des bénéfices réalisés, certaines entreprises nouvelles créées entre le 1er janvier 1983 et le 31 décembre 1986, soumises de plein droit ou sur option à un régime réel d’imposition de leurs résultats et répondant aux conditions posées par l’article 44 bis II, 2 et 3 , et III du même code ; qu’en application des dispositions du III de l’article 44 bis même code, sont exclues du bénéfice de l’exonération « les entreprises créées dans le cadre d’une concentration ou d’une restructuration d’activités préexistantes ou pour la reprise de telles activités » ;
Considérant qu’il résulte de l’instruction, et notamment des dépositions de sa gérante devant la police judiciaire, que la SARL B.E.T.M. a été créée par d’anciens salariés de la société Serti, en liquidation judiciaire, à l’initiative de la société Bernard Frères, qui avait repris les fichiers clients et les moyens de production de la société Serti ; que la SARL B.E.T.M. est devenue la sous-traitante de la société Bernard Frères qui a constitué son unique client jusqu’en 1986 ; qu’elle doit donc être regardée comme ayant été créée pour la reprise de l’activité préexistante de la société Serti ; que la SARL B.E.T.M. ne pouvait par suite prétendre au bénéfice de l’exonération prévue par les dispositions de l’article 44 quater du code général des impôts ;
En ce qui concerne les salaires fictifs :
Considérant qu’aux termes de l’article 39.1 du code général des impôts : « Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant … notamment : 1 Les frais généraux de toute nature, les dépenses de personnel et main-d’oeuvre … Toutefois les rémunérations ne sont admises en déduction des résultats que dans la mesure où elles correspondent à un travail effectif et ne sont pas excessives eu égard à l’importance du service rendu … » ;
Considérant que, quelle qu’ait été la procédure suivie, il appartient à la SARL B.E.T.M. de justifier que les rémunérations qu’elle déduit de son bénéfice imposable correspondent à un travail effectif ; qu’il ressort des constatations, revêtues de l’autorité absolue de la chose jugée, du jugement du tribunal correctionnel de Nancy en date du 22 octobre 1993, qui a condamné pour ces faits la gérante de la SARL B.E.T.M. et les bénéficiaires, que les salaires versés à MM. X… et Bernard n’avaient pas pour contrepartie un travail effectif, à l’exception de la fraction des salaires perçus par M. X… admise en déduction par l’administration, soit 10% de leur montant ; que dans ces conditions, et alors même que, par un arrêt en date du 4 décembre 1990 la Cour d’appel de Nancy statuant en matière sociale a reconnu l’exigibilité des cotisations sociales assises sur les salaires versés aux intéressés, la SARL B.E.T.M. ne peut être regardée comme apportant la preuve que la fraction réintégrée des salaires perçus par les intéressés correspondait à un travail effectif ;
Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que la SARL B.E.T.M. n’est pas fondé à soutenir que c’est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande en décharge des suppléments d’impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 1985 et 1986, ainsi que des pénalités afférentes ;
Article 1er : La requête de la SARL B.E.T.M. est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL B.E.T.M. et au ministre de l’économie, des finances et de l’industrie.