Vu la requête et le mémoire complémentaire, enregistrés au greffe de la cour les 9 mai et 9 juin 2005, présentés pour M. Chain X représentant son fils mineur Ranjit X, demeurant …, par Me Beauquier, avocat ; M. Chain X demande à la cour :
1°) d’annuler le jugement n° 050767, en date du 19 avril 2005, par lequel le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l’annulation de la décision du 10 décembre 2004 par laquelle le recteur de l’académie de Créteil a confirmé la mesure d’exclusion définitive de Ranjit X du lycée Louise-Michel de Bobigny (93000), prononcée le 5 novembre 2004 par le conseil de discipline du lycée ;
2°) d’annuler cette décision pour excès de pouvoir ;
3°) de condamner l’Etat à lui verser une somme de 1 000 euros au titre de l’article L. 7611 du code de justice administrative;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen ;
Vu la Constitution ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;
Vu le code de l’éducation ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;
Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 7 juillet 2005 :
– le rapport de M. Benel, rapporteur,
– les observations de Me de Belloy, avocat, pour M. X et celles de Mme Fallope pour le ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche,
– et les conclusions de M. Bachini, commissaire du gouvernement ;
Considérant que le conseil de discipline du lycée Louise-Michel de Bobigny (93000) a, lors de sa séance du 5 novembre 2004, prononcé la sanction de l’exclusion définitive sans sursis de l’établissement de Ranjit X, élève de première, pour ne pas avoir respecté la loi n° 2004-228 du 15 mars 2004 encadrant, en application du principe de laïcité, le port de signes ou de tenues manifestant une appartenance religieuse dans les écoles, collèges et lycées publics ; que, par une décision du 10 décembre 2004, prise après avis de la commission académique d’appel, le recteur de l’académie de Créteil a maintenu cette sanction ; que M. Chain X, agissant en qualité de représentant de son fils mineur Ranjit X, relève appel du jugement du 19 avril 2005 par lequel le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande d’annulation de la décision rectorale susmentionnée ;
Sur la légalité de la décision du 10 décembre 2004 :
Considérant qu’aux termes de l’article L. 141-5-1 du code de l’éducation issu de la loi n° 2004-228 du 15 mars 2004 : « Dans les écoles, les collèges et les lycées publics, le port de signes ou tenues par lesquels les élèves manifestent ostensiblement une appartenance religieuse est interdit. / Le règlement intérieur rappelle que la mise en oeuvre d’une procédure disciplinaire est précédée d’un dialogue avec l’élève » ;
Considérant que Ranjit X s’est présenté lors de la rentrée scolaire 2004 au lycée Louise-Michel avec un sous-turban, ou keshi sikh, dont il ne conteste pas qu’il présente un caractère religieux ; que, bien que ce sous-turban soit d’une dimension plus modeste que le turban traditionnel et qu’il soit de couleur sombre, il ne peut être qualifié de signe discret ; qu’en le portant dans une enceinte scolaire l’intéressé a manifesté ostensiblement son appartenance à la religion sikhe, alors même que son intention n’était pas d’extérioriser sa foi ; qu’il a ainsi adopté une attitude contraire aux dispositions législatives précitées ; qu’à elle seule cette violation de l’interdiction légale, jointe au refus réitéré d’y renoncer, rendait son auteur passible d’une sanction disciplinaire, même si elle ne s’était accompagnée d’aucun acte de prosélytisme et en admettant même qu’elle n’ait entraîné aucun trouble à l’ordre public ; qu’il s’ensuit qu’en confirmant la sanction disciplinaire contestée le recteur de l’académie de Créteil a légalement tiré les conséquences de la violation par Ranjit X de l’article L. 141-5-1 du code de l’éducation ;
Considérant que la décision attaquée a été prise pour assurer le respect de l’article L. 141-5-1 du code de l’éducation et que le recteur n’a pas méconnu les conditions d’application de ces dispositions législatives ; que dès lors les moyens tirés de la violation de l’article 10 de la Déclaration de doits de l’homme et du citoyen et de l’article 1er de la Constitution du 4 octobre 1958 sont inopérants ;
Considérant que la décision litigieuse n’a pas non plus porté atteinte à la dignité de la personne du requérant ;
Considérant qu’aux termes de l’article 9 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales : «1. Toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion ; ce droit implique … la liberté de manifester sa religion ou sa conviction individuellement ou collectivement, en public ou en privé, par le culte, l’enseignement, les pratiques et l’accomplissement des rites. – 2. La liberté de manifester sa religion ou ses convictions ne peut faire l’objet d’autres restrictions que celles qui, prévues par la loi, constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité publique, à la protection de l’ordre, de la santé ou de la morale publiques, ou à la protection des droits et libertés d’autrui » ; que selon l’article 14 de la même convention : « La jouissance des droits et libertés reconnus dans la présente Convention doit être assurée, sans distinction aucune, fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, la langue, la religion, les opinions politiques ou toutes autres opinions, l’origine nationale ou sociale, l’appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance ou toute autre situation » ; que, compte tenu de l’intérêt qui s’attache au respect du principe de laïcité dans les établissements scolaires publics français, la sanction prononcée à l’égard d’un élève qui ne se conforme pas à l’interdiction légale du port de signes extérieurs d’appartenance religieuse n’entraîne pas une atteinte excessive à la liberté de pensée, de conscience et de religion ; que ladite sanction, qui constitue l’application d’une règle de portée générale, ne peut non plus être regardée comme une mesure de discrimination fondée sur la religion ; que dès lors, en prenant la décision attaquée, le recteur de l’académie de Créteil n’a pas méconnu les articles 9 et 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;
Considérant qu’il résulte de ce qui précède que M. Chain X n’est pas fondé à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l’annulation de la décision du 10 décembre 2004 par laquelle le recteur de l’académie de Créteil a confirmé la mesure d’exclusion définitive de Ranjit X du lycée Louise-Michel de Bobigny, prononcée le 5 novembre 2004 par le conseil de discipline du lycée ;
Sur les frais irrépétibles :
Considérant qu’en vertu des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative, la cour ne peut pas faire bénéficier la partie tenue aux dépens ou la partie perdante du paiement par l’autre partie des frais qu’elle a exposés à l’occasion du litige soumis au juge ; que les conclusions présentées à ce titre par M. Chain X doivent dès lors être rejetées ;
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. Chain X est rejetée.
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N° 05PA01831