REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la requête, enregistrée au greffe de la cour le 30 juillet 2001, présentée pour le PORT AUTONOME DE PARIS par Me MICHEL, avocat ; le PORT AUTONOME DE PARIS demande à la cour :
1 ) d’annuler l’ordonnance n 01-2748/3 en date du 16 juillet 2001 par laquelle le président de la 4ème chambre du tribunal administratif de Melun a, à la demande de Mme X… de A…, ordonné une expertise afin de déterminer les causes d’un incendie survenu le 2 septembre 1999 ;
2 ) de rejeter la demande de première instance ;
3 ) de condamner Mme X… de A… au versement d’une somme de 6.000 F au titre de l’article L.761-1 du code de justice administrative, à raison de 6.000 F en première instance et 6.000 F en appel ;
VU les autres pièces du dossier ;
VU le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel ;
VU le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;
Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 13 novembre 2001 :
– le rapport de M. LENOIR, premier conseiller,
– les observations de M. Y…, pour le PORT AUTONOME DE PARIS,
– et les conclusions de Mme MASSIAS, commissaire du Gouvernement
Considérant que Mme X… de A… a confié à la société Paris-Europe-Déménagements le soin d’assurer la garde de son mobilier dans l’entrepôt, identifié sous l’appellation d’immeuble F4, qu’utilisait cette société sur le site du Port de Bonneuil-sur-Marne ; qu’à la suite d’un incendie qui s’est déclaré le 2 septembre 1999, le mobilier ainsi confié en dépôt a été entièrement détruit ; que Mme X… de A… a demandé au juge administratif des référés la désignation d’un expert afin de déterminer la responsabilité éventuelle du PORT AUTONOME DE PARIS dans la survenance de ce sinistre ; que le PORT AUTONOME DE PARIS fait appel de l’ordonnance en date du 16 juillet 2001 par laquelle le président de la 4ème chambre du tribunal administratif de Melun a désigné M. Z… comme expert ;
Sur la régularité de l’ordonnance attaquée :
Considérant, d’une part, que le juge des référés a motivé sa décision en faisant valoir qu’il ne pouvait décliner sa compétence dès lors que le litige dont il était saisi était de nature à relever, même pour partie, de la compétence de la juridiction administrative et a précisé que le PORT AUTONOME DE PARIS n’était pas manifestement étranger au litige qui pourrait naître de la destruction du mobilier de la demanderesse sur l’emprise du Port de Bonneuil ; qu’ainsi le juge des référés a répondu, dans les limites fixées par l’article R.532-1 du code de justice administrative, au moyen invoqué par le PORT AUTONOME DE PARIS en ce qui concerne l’absence d’intérêt à agir de Mme X… de A… ; que, de même, le juge des référés a répondu au moyen soulevé par le requérant en ce qui concerne l’inutilité de l’expertise en lui précisant que sa décision permettait de lui rendre opposable les opérations d’expertise déjà menées ; que, dès lors le PORT AUTONOME DE PARIS n’est pas fondé à soutenir que l’ordonnance qu’il critique serait insuffisamment motivée ;
Considérant, d’autre part, qu’il resssort de la lecture de l’ordonnance attaquée que si le juge des référés administratif a défini la mission confiée à l’expert en reprenant les divers points figurant dans une expertise ordonnée le 29 juin 2000 par le tribunal de grande instance de Créteil, les investigations confiées à cet homme de l’art, bien qu’identiques, ont été limitées aux constatations concernant le seul PORT AUTONOME DE PARIS, gestionnaire du Port de Bonneuil, lequel n’avait pu, compte tenu de sa qualité de personne publique, être attrait à la précédente expertise ; que, dans ces conditions, le PORT AUTONOME DE PARIS n’est pas fondé à soutenir que l’ordonnance attaquée serait entachée d’une contradiction entre les motifs, qui excluent de la mission de l’expert les questions faisant déjà partie de celle définie par le tribunal de grande instance, et son dispositif ;
Sur la légalité de l’ordonnance attaquée :
Considérant, en premier lieu, que si le port autonome soutient que l’expertise serait inutile dès lors que sa responsabilité ne pourrait être mise en jeu ni sur le fondement de l’article 1382 du code civil, ni sur le fondement de sa responsabilité contractuelle, la société Paris-Europe-Déménagements s’étant trouvée, à la date du sinistre, dépourvue de tout droit à occuper le domaine public, ni sur le fondement d’une éventuelle faute commise en matière de sécurité et de surveillance des locaux du Port de Bonneuil-sur-Marne, ni en sa qualité de maître de l’ouvrage public, il n’appartenait pas au juge des référés, saisi dans le cadre des dispositions de l’article R.532-1 du code de justice administrative, de porter une appréciation sur ces diverses demandes de mise hors de cause ; que, dès lors que la mise en jeu de la responsabilité du PORT AUTONOME DE PARIS sur l’un quelconque de ces fondements n’apparaissait pas manifestement impossible, c’est à bon droit que le premier juge a ordonné l’expertise sollicitée ;
Considérant, en second lieu, que la circonstance que l’entrepôt où était conservé le mobilier de Mme X… de A… ait été entièrement détruit n’obère pas l’utilité de l’expertise ordonnée dans la mesure où l’expert pourra se faire remettre, par le PORT AUTONOME DE PARIS, tous documents relatifs à la conception et à la sécurité dudit bâtiment ; qu’en raison des circonstances du sinistre et au vu, notamment des premières constatations permettant de supposer que l’incendie a pris naissance dans un autre immeuble, il n’apparaît pas frustratoire d’étendre les missions de l’expert à l’analyse de ceux proches de celui où le mobilier était entreposé, à partir desquels l’incendie a pu se propager, en vue, notamment, de vérifier les conditions dans lesquelles la sécurité contre l’incendie y était assurée ; que, toutefois, le sinistre s’étant trouvé circonscrit à l’entrepôt F qui regroupait les bâtiments F1 à F7, le PORT AUTONOME DE PARIS est fondé à soutenir que l’ordonnance attaquée a exagérément étendu la mission de l’expert en le chargeant de vérifier la conformité aux normes de protection d’incendie « des entrepôts objets des autorisations d’occupation du domaine public » ; qu’il y a lieu de réformer la mission sur ce point en la limitant à la vérification des seuls bâtiments objets du sinistre ;
Considérant, enfin, que, par l’ordonnance attaquée, le juge des référés a donné pour mission à l’expert de fournir « les éléments susceptibles de caractériser les éventuelles fautes du PORT AUTONOME DE PARIS » ; qu’une telle mesure qui, pour être utile, impliquerait qu’une appréciation soit portée par l’expert sur la qualification des faits constatés au cours de ses investigations, a pour effet de lui donner pour mission de trancher des questions de droit ; que, dans ces conditions, le PORT AUTONOME DE PARIS est fondé à demander l’annulation de l’ordonnance du 16 juillet 2001, en tant qu’elle inclut ce point dans la mission de l’expert ; qu’il y a lieu d’y substituer la mission de fournir au juge tous éléments lui permettant d’apprécier si et dans quelle mesure une obligation incombait au PORT AUTONOME, en sa qualité de gestionnaire du port de Bonneuil-sur-Marne, en matière de prévention et de lutte contre l’incendie dans l’enceinte du port ;
Considérant qu’il résulte de ce qui précède qu’il y a lieu d’annuler l’ordonnance attaquée en tant qu’elle a étendu la mission de l’expert à l’appréciation de questions de droit et à la vérification de l’ensemble des entrepôts objets des autorisations d’occupation du domaine public, de substituer à la mission initiale de l’expert une nouvelle mission telle que définie à l’article 2 du présent arrêt et de rejeter le surplus des conclusions de la requête ;
Sur les conclusions tendant à l’application de l’article L.761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu’aux termes de l’article L.761-1 du code de justice administrative : « Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a pas lieu à cette condamnation » ;
Considérant qu’il n’y a pas lieu, dans les circonstances de l’espèce, de condamner Mme X… de A… à verser au PORT AUTONOME DE PARIS la somme de 12.000 F demandée par ce dernier en application de l’article L.761-1 précité ;
Article 1er : L’ordonnance n 01-2748/3 en date du 16 juillet 2001 du juge des référés du tribunal administratif de Melun est annulée en tant qu’elle donne pour mission à l’expert de procéder à la vérification des normes de sécurité incendie de l’ensemble des bâtiments du port de Bonneuil-sur-Marne et d’apprécier si les faits constatés au cours de ses investigations sont de nature à engager la responsabilité du PORT AUTONOME DE PARIS.
Article 2 : L’ordonnance n 01-2748/3 en date du 16 juillet 2001 du juge des référés du tribunal administratif de Melun est réformée comme suit :
M. Jean Paul Z…, du laboratoire central de la Préfecture de Police aura pour mission de :
– se rendre sur place ;
– se faire communiquer tous documents et pièces utiles à l’accomplissement de sa mission et notamment les rapports établis à l’occasion de l’incendie du 2 septembre 1999 ainsi que les documents de conformité incendie des bâtiments touchés par le sinistre ;
– entendre tous sachants, procéder à toutes investigations techniques nécessaires, et vérifier la conformité aux normes de protection d’incendie des bâtiments ayant fait l’objet du sinistre ;
– fournir tous éléments techniques et de fait permettant de déterminer les causes de l’incendie et de sa propagation ainsi que tous éléments permettant au juge d’apprécier si et dans quelle mesure une obligation incombait au PORT AUTONOME DE PARIS, en sa qualité de gestionnaire du port de Bonneuil-sur-Marne, en matière de prévention et de lutte contre l’incendie dans l’enceinte du port ;
– plus généralement, fournir tous éléments techniques et de fait, de nature à permettre, le cas échéant, à la juridiction compétente, de se prononcer sur les circonstances du sinistre ;
Article 3 : Les conclusions du PORT AUTONOME DE PARIS tendant au versement d’une somme de 12.000 F en application de l’article L.761-1 du code de justice administrative sont rejetées.