RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l’arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l’arrêt confirmatif attaqué (Versailles, 31 janvier 2013) que l’hebdomadaire « Point de vue » édité par la société Groupe Express-Roularta, a publié dans son numéro 3215, daté du 3 au 9 mars 2010, un article annoncé en première page, illustré de plusieurs photographies accompagnées de commentaires relatifs à Mme X… et à M. Y…, l’une d’entre elles constituant la couverture ; qu’estimant que cette publication portait atteinte au respect dû à sa vie privée et à son droit à l’image, Mme X… a fait assigner la société en réparation de son préjudice ;
Attendu que Mme X… fait grief à l’arrêt de rejeter sa demande alors, selon le moyen :
1°/ que la publication non autorisée de l’image d’une personne prise lors d’une manifestation publique n’est licite que si elle est en relation directe avec l’article publié ; que l’article litigieux paru le 3 mars 2010 dans le n° 3215 du magazine Point de Vue, intitulé « A Londres, Charlotte et Alex : leur amour au grand jour », et sous-titré « d’un vernissage à une soirée de gala, la fille de Caroline et son amoureux galeriste prometteur, illuminent les soirées londoniennes » est relatif à la liaison de Mme X… et de M. Y… prétendument affichée au cours de soirées mondaines à Londres, dont la cour d’appel a exclu qu’il constitue une atteinte à la vie privée après avoir constaté le caractère notoire de cette relation ; que parmi les nombreuses photographies illustrant cet article, figurent des clichés représentant Charlotte X…, seule, lors d’une compétition équestre et d’un défilé de mode s’étant tenus à Paris, ainsi qu’une photographie du couple prise lors d’un gala de bienfaisance s’étant tenu près de deux ans avant la publication en cause et dont l’article ne fait pas état ; qu’il s’en évinçait que ces photographies, sans lien direct avec l’article en cause, avaient été sorties de leur contexte ; qu’en jugeant néanmoins qu’aucune atteinte n’avait été portée au droit à l’image de l’intéressée dont les photographies étaient « en relation » avec les propos contenus dans l’article, la cour d’appel a violé l’article 9 du code civil ;
2°/ que la publication non autorisée de l’image d’une personne prise lors d’une manifestation publique est illicite lorsqu’au moyen d’une légende sans rapport avec la manifestation publique en cause, le cliché est sorti de son contexte pour illustrer un tout autre sujet ; que parmi les nombreuses photographies illustrant l’article litigieux intitulé « Charlotte et Alex à Londres : leur amour au grand jour » paru dans le n° 3215 du magazine Point de vue du 3 mars 2010, figure un cliché de Charlotte X… accompagnée d’Alex Y…, pris lors d’un gala de charité en juin 2008 dont l’article litigieux paru près de deux ans plus tard ne fait pas état, et dont la légende mentionne en gros caractères « Aux côtés d’Alex, Charlotte paraît détendue et sûre d’elle comme galvanisée par sa présence » ; qu’y figure encore un cliché du couple pris lors d’une compétition équestre à Paris dont la légende mentionne « Alex comme fidèle supporteur » ; qu’en excluant toute atteinte au droit à l’image de Mme X…, lorsque ces clichés, non seulement sans lien direct avec l’article en cause, avaient en outre été détournés de leur contexte aux seules fins de nourrir le propos relatif aux sentiments prétendument éprouvés par Mme X… et M. Y… l’un envers l’autre, la cour d’appel a violé l’article 9 du code civil ;
Mais attendu que, par motifs propres et adoptés, la cour d’appel a retenu que, Mme X… et M. Y…, personnalités notoires en raison de leurs appartenances familiales respectives, avaient, en posant enlacés dans différentes manifestations publiques en 2007, 2009, 2010, officialisé leur relation sentimentale, de sorte que le caractère anodin des commentaires litigieux à ce sujet excluait toute atteinte illicite à leur vie privée, et a constaté, par ailleurs, que les clichés représentant Mme X… seule, pris lors d’autres manifestations publiques, étaient en relation pertinente avec les propos contenus dans l’article ; qu’elle a ainsi légalement justifié sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme X… aux dépens ;
Vu l’article 700 du code de procédure civile rejette la demande de Mme X… et la condamne à payer à la société Groupe Express-Roularta la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, signé par Mme Credeville, conseiller, conformément aux dispositions des articles 456 et 1021 du code de procédure civile, en remplacement du conseiller rapporteur empêché et prononcé par le président en son audience publique du treize mai deux mille quatorze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils pour Mme X…
IL EST FAIT GRIEF à l’arrêt attaqué d’AVOIR, confirmant le jugement entrepris, débouté Mademoiselle X… de sa demande tendant à voir condamner la société EXPRESS ROULARTA à lui verser des dommages et intérêts en réparation de l’atteinte à son droit à l’image ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE « le magazine POINT DE VUE, édité par la société GROUPE EXPRESS ROULARTA, a publié dans son numéro 3215, daté du 3 au 9 mars 2010, un article intitulé «A Londres, Charlotte X… &Alex Y… leur amour au grand jour» ; que cet article illustré de plusieurs photographies est annoncé en page de couverture par une photographie de pleine page des deux intéressés et le titre «Charlotte & Alex à Londres leur amour au grand jour» ; Qu’estimant que cette publication porte atteinte à l’intimité de sa vie privée et à son droit à l’image, Charlotte X… a assigné la société GROUPE EXPRESS ROULARTA en paiement de dommages-intérêts devant le tribunal de grande instance de Nanterre qui l’a déboutée de ses demandes
Sur l’atteinte à l’intimité de la vie privée
Considérant qu’au soutien de son recours, Charlotte X… se prévalant des dispositions de l’article 9 du code civil et de l’article 8 de la CEDH, expose que les relations sentimentales supposées ou avérées d’une personne ressortent de sa sphère privée, qu’elle soit célèbre ou pas et que la publication de commentaires sur les sentiments d’une personne n’est pas commandée par les nécessités de l’actualité ou par un objectif d’information légitime du public; qu’elle fait valoir que l’article litigieux ne rend compte d’aucun événement d’actualité et évoque exclusivement sa vie privée et sa prétendue liaison sentimentale sur laquelle elle ne s’est pas exprimée et qui ne peut être qualifiée de notoire;
Que la société intimée réplique que l’hebdomadaire pouvait légitimement rendre compte de la présence de Charlotte X… et d’Alex Y… à une soirée organisée au profit d’une oeuvre de bienfaisance laquelle constituait un fait d’actualité et évoquer à cette occasion la relation sentimentale les liant à raison de leurs nombreuses apparitions publiques dans des attitudes dépourvues d’ambiguïté sur la nature de leurs liens; qu’elle ajoute que l’article se borne à rappeler des informations notoires sur la présence de l’intéressée à des manifestations mondaines, culturelles et sportives;
Considérant que par des motifs pertinents que la cour adopte, les premiers juges, relevant la publication d’articles parus dans la presse dans le courant de l’année 2007, ont estimé à juste titre que Charlotte X… et Alex Y… ont officialisé leur relation sentimentale en posant, enlacés lors du Ark Charity Gala en juin 2008, puis le 15 octobre 2009, lors de la foire d’art contemporain de Londres, en posant à nouveau côte à côte dans la galerie d’art d’Alex Y…, lors du vernissage de l’exposition dénommée «The Embassy» et le 23 février 2010, en se rendant ensemble à la soirée du Love Ball à Londres, Alex Y… posant sa main sur l’épaule dénudée de Charlotte X… ;
Qu’il ne peut donc être fait grief à l’hebdomadaire Point de Vue d’avoir, dans son édition datée du 3 au 9 mars 2010, rendu compte de la soirée du Love Ball du 23 février 2010 à laquelle Charlotte X… participait en compagnie d’Alex Y… et évoqué, en des termes anodins, qui n’excèdent pas les limites tolérées, la nature de leurs liens;
Que le contenu de l’article dont le sous-titre (page 17) est le suivant «D’un vernissage à une soirée de gala, la fille de Caroline et son amoureux, galeriste prometteur, illuminent les soirées londoniennes», rapporte sa participation aux événements artistiques londoniens, à des compétitions équestres et à la conception d’un magazine consacré à la mode et à l’environnement, faits qui ne relèvent pas de la sphère de la vie privée;
Qu’il s’ensuit que le jugement entrepris doit être confirmé en ce qu’il a débouté Charlotte X… de sa demande au titre d’une atteinte à l’intimité de sa vie privée;
Sur l’atteinte au droit à l’image
Considérant que Charlotte X… soutient que la circonstance que certains clichés aient pu être réalisés lors de manifestations publiques ne les rend pas licites dans la mesure où ils sont sortis de leur contexte de fixation et détournés afin d’accréditer les propos intrusifs de l’article; Que la société intimée objecte que les photographies illustrent avec pertinence la participation de Charlotte X… à des compétitions ainsi que ses apparitions publiques avec Alex Y… lors d’évènements mondains;
Considérant que les premiers juges ont exactement relevé que les clichés qui illustrent cet article se rapportent à des manifestations publiques auxquelles l’appelante a participé et sont en relation avec les propos contenus dans celui-ci;
Que le jugement entrepris sera donc confirmé en ce qu’il a débouté Charlotte X… de l’ensemble de ses demandes »
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE « Selon l’article 9 du code civil: « Chacun a droit au respect de sa vie privée. Les juges peuvent, sans préjudice de la réparation du dommage subi, prescrire toutes mesures, telles que séquestre, saisie et autres, propres à empêcher ou faire cesser une atteinte à l’intimité de la vie privée ; ces mesures peuvent, s’il y a urgence, être ordonnées en référé. » Le droit au respect de la vie privée de toute personne est garanti par cet article et permet à chacun, quelle que soit sa notoriété, de s’opposer à la diffusion, sans son autorisation, d’informations la concernant, en dehors de tout événement d’actualité ou de tout débat d’intérêt général. De même, chacun dispose d’un droit exclusif sur son image et peut légitimement s’opposer à sa fixation sur tous supports, à sa reproduction ou à son utilisation sans son autorisation préalable.
Sur l’atteinte à la vie privée:
Charlotte X… reproche essentiellement au magazine incriminé d’évoquer sa relation sentimentale avec Alex Y… et de spéculer sur les sentiments qu’elle éprouve, ses goûts, ses activités et ses projets.
Alors que la société GROUPE EXPRESS-ROULARTA mentionne l’existence d’articles datant de l’année 2007 faisant état de cette relation sentimentale, les intéressés ont décidé de l’officialiser en posant, enlacés, lors du « Ark Charity Gala » en juin 2008, puis le 15 octobre 2009 lors de la foire d’art contemporain de Londres, en posant de nouveau côte à côte dans la galerie d’art d’Alex Y…, à l’occasion du vernissage de l’exposition baptisée « The Embassy ».
Encore, le 23 février 2010, ils se sont rendus ensemble à la soirée mondaine du « Love Ball » à Londres, Alex Y… posant sa main sur l’épaule dénudée de Charlotte X….
Dès lors que cette relation sentimentale est devenue notoire, il ne peut être reproché au magazine POINT DE VUE de faire état de cet « amour au grand jour ». Les digressions banales qui entourent ce propos au sujet d’un couple de jeunes amoureux ne dépassent pas ce que la presse est en droit de rapporter au sujet de deux personnalités, dont la notoriété respective, due pour l’une à son statut de membre d’une famille princière régnante et pour l’autre à celui de galeriste en vue et fils d’une famille fortunée, ne fait pas débat.
De même, la pratique de l’équitation en compétition ou la conception du magazine « Ever Manifesto » à laquelle Charlotte X… s’est consacrée, sont des faits publics, dont la société GROUPE EXPRESS-ROULARTA rapporte la preuve de la notoriété et qui n’entrent donc pas dans sa sphère intime.
Enfin, la publication en cause témoigne, de par son iconographie, que Charlotte X… participe régulièrement à des événements mondains, de sorte qu’aucune atteinte à sa vie privée dans l’article querellé ne peut être valablement soutenue.
Les nombreux clichés qui illustrent cet article licite ont tous trait à des manifestations publiques auxquelles Charlotte X… a participé. Il ne peut donc être davantage retenu une violation du droit dont elle dispose sur la libre diffusion de son image.
En conséquence, Charlotte X… sera déboutée de l’ensemble de ses prétentions »
1/ ALORS QUE la publication non autorisée de l’image d’une personne prise lors d’une manifestation publique n’est licite que si elle est en relation directe avec l’article publié; que l’article litigieux paru le 3 mars 2010 dans le n° 3215 du magazine Point de Vue, intitulé « A Londres, Charlotte et Alex: leur amour au grand jour », et sous-titré « d’un vernissage à une soirée de gala, la fille de Caroline et son amoureux galeriste prometteur, illuminent les soirées londoniennes » est relatif à la liaison de Mademoiselle Charlotte X… et de Monsieur Alex Y… prétendument affichée au cours de soirées mondaines à Londres, dont la Cour d’appel a exclu qu’il constitue une atteinte à la vie privée après avoir constaté le caractère notoire de cette relation ; que parmi les nombreuses photographies illustrant cet article, figurent des clichés représentant Charlotte X…, seule, lors d’une compétition équestre et d’un défilé de mode s’étant tenus à Paris, ainsi qu’une photographie du couple prise lors d’un gala de bienfaisance s’étant tenu près de deux ans avant la publication en cause et dont l’article ne fait pas état ; qu’il s’en évinçait que ces photographies, sans lien direct avec l’article en cause, avaient été sorties de leur contexte ; qu’en jugeant néanmoins qu’aucune atteinte n’avait été portée au droit à l’image de l’intéressée dont les photographies étaient « en relation » avec les propos contenus dans l’article, la Cour d’appel a violé l’article 9 du Code civil ;
2/ ALORS QUE la publication non autorisée de l’image d’une personne prise lors d’une manifestation publique est illicite lorsqu’au moyen d’une légende sans rapport avec la manifestation publique en cause, le cliché est sorti de son contexte pour illustrer un tout autre sujet ; que parmi les nombreuses photographies illustrant l’article litigieux intitulé « Charlotte et Alex à Londres : leur amour au grand jour » paru dans le n° 3215 du Magazine Point de vue du 3 mars 2010, figure un cliché de Charlotte X… accompagnée d’Alex Y…, pris lors d’un gala de charité en juin 2008 dont l’article litigieux paru près de deux ans plus tard ne fait pas état, et dont la légende mentionne en gros caractères « Aux côtés d’Alex, Charlotte paraît détendue et sûre d’elle comme galvanisée par sa présence » ; qu’y figure encore un cliché du couple pris lors d’une compétition équestre à Paris dont la légende mentionne « Alex comme fidèle supporteur » ; qu’en excluant toute atteinte au droit à l’image de Mademoiselle Charlotte X…, lorsque ces clichés, non seulement sans lien direct avec l’article en cause, avaient en outre été détournés de leur contexte aux seules fins de nourrir le propos relatif aux sentiments prétendument éprouvés par l’exposante et Monsieur Y… l’un envers l’autre, la Cour d’appel a encore violé l’article 9 du Code civil.