RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Attendu que dans son numéro 2920 daté du 5 mai 2005, l’hebdomadaire Paris-Match a publié, en ses pages 50 à 59, un entretien avec Mme X…, consacré à la révélation de la naissance d’un garçon prénommé Alexandre, et présenté comme issu de ses relations intimes avec Albert Y…, prince de Monaco ; que le texte est illustré de plusieurs photographies représentant celui-ci avec celui-là ; que ces développements sont annoncés en gros caractères dès la couverture, sous le titre « Albert de Monaco : Alexandre, l’enfant secret, Nicole, sa mère raconte leur longue histoire » ; que le prince Albert, arguant d’atteinte à ses droits sur sa vie privée et son image, a assigné la société Hachette Filipacchi (la société), éditrice du journal, et Mme A…, directrice de la publication ; que l’arrêt confirmatif attaqué, accueillant la demande, a condamné la société au paiement de dommages-intérêts et à la publication de la décision ;
Sur le premier moyen :
Attendu qu’il est fait grief à la cour d’appel (Versailles, 24 novembre 2005) d’avoir violé l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme, sa décision ne visant pas une note en délibéré produite par la société après que le ministère public eut pris la parole le dernier ;
Mais attendu que la disposition visée n’exige pas qu’une note en délibéré, déposée en réponse aux conclusions du ministère public partie jointe au procès civil, conformément aux articles 443 et 445 du nouveau code de procédure civile, soit mentionnée par la décision à s’ensuivre ; qu’il résulte des pièces de la procédure que l’audience publique s’est tenue le 27 octobre 2005, que la note adressée par la société est arrivée au secrétariat-greffe de la cour de Versailles le 2 novembre 2005, que l’arrêt a été rendu le 24 novembre suivant ; qu’il en résulte que la pièce est bien parvenue au juge dans le cours du délibéré ; qu’il n’est pas établi que celui-ci aurait été tenu pour définitivement clos dès avant son arrivée, de sorte que le moyen n’est pas fondé ;
Et sur le second moyen, pris en ses trois branches :
Attendu qu’il est aussi fait grief à l’arrêt d’avoir violé les articles 9 du code civil et 10 de la Convention européenne des droits de l’homme, dès lors que la révélation dans l’article incriminé de la paternité d’Albert de Monaco, souverain régnant depuis avril 2005 sur une principauté pratiquant la transmission héréditaire du pouvoir, concernait la vie publique en raison des fonctions de l’intéressé, et était ainsi justifiée par les nécessités de l’information et le droit du lectorat sur celle-ci, sans que l’on puisse reprocher par ailleurs ni des digressions diverses, anodines et seulement destinées à mettre la nouvelle en perspective, ni l’adjonction de photographies, remises par Mme X…, prises au soutien de l’événement, et en relation directe avec lui ;
Mais attendu que toute personne, quel que soit son rang, sa naissance, sa fortune, ses fonctions présentes ou à venir a droit au respect de sa vie privée ; que l’arrêt relève d’une part que, à la date de la parution de l’article, l’existence et la filiation de l’enfant étaient inconnues du public, que d’autre part, la Constitution de la principauté exclut que, né hors mariage, il puisse accéder au trône, situation que, du reste, les conclusions de la société ne soutenaient ni être en débat dans les sociétés française ou monégasque, ni être étudiée par la publication litigieuse, et, enfin, que l’article comportait de nombreuses digressions sur les circonstances de la rencontre et de la liaison de Mme X… et du prince Albert, les réactions de celui-ci à l’annonce de la grossesse et son comportement ultérieur à l’égard de l’enfant ; qu’au vu de ces constatations et énonciations, la cour d’appel a exactement retenu l’absence de tout fait d’actualité comme de tout débat d’intérêt général dont l’information légitime du public aurait justifié qu’il fût rendu compte au moment de la publication litigieuse ; que par ailleurs, la publication de photographies représentant une personne pour illustrer des développements attentatoires à sa vie privée porte nécessairement atteinte à son droit au respect de son image ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Hachette Filipacchi associés et Mme A… aux dépens ;
Vu l’article 700 du nouveau code de procédure civile, condamne, solidairement, la société Hachette Filipacchi associés et Mme A… à payer à M. Y… la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-sept février deux mille sept.