RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
ARRÊT N° 3
Sur le moyen unique :
Vu l’article 6.1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, ensemble l’article 16 du nouveau Code de procédure civile ;
Attendu que toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement ; que cette exigence implique que chaque partie ait la faculté de prendre connaissance et de discuter de toute pièce ou observation présentée au juge en vue d’influencer sa décision ;
Attendu, selon l’arrêt attaqué, que, titulaire d’une pension d’invalidité de 1re catégorie depuis 1988, Mme Y… a sollicité d’une caisse régionale d’assurance maladie le bénéfice d’une pension d’invalidité de 2e catégorie, qui lui a été refusée ; qu’elle a été déboutée du recours qu’elle avait exercé devant la Cour nationale de l’incapacité et de la tarification de l’assurance des accidents du travail ;
Attendu que l’arrêt a été rendu après examen préalable du dossier par un médecin qualifié, choisi sur une liste établie par arrêté du ministre chargé de la Sécurité sociale ou du ministre chargé de l’Agriculture, dont l’avis n’a pas été communiqué aux parties ; qu’il en résulte que l’appelant a été privé de la faculté de prendre connaissance et de discuter les observations présentées par le médecin qualifié à la Cour nationale ;
Que la procédure suivie ayant été dépourvue de caractère contradictoire, la Cour nationale a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 7 octobre 1997, entre les parties, par la Cour nationale de l’incapacité et de la tarification de l’assurance des accidents du travail ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la Cour nationale de l’incapacité et de la tarification de l’assurance des accidents du travail autrement composée.
MOYEN ANNEXE
Moyen produit par la SCP Coutard et Mayer, avocat aux Conseils pour Mme Y… ;
Le moyen reproche à l’arrêt confirmatif attaqué d’avoir rejeté la demande d’une travailleuse invalide (Mme Y…) tendant à être classée dans la deuxième catégorie des invalides au sens de l’article L. 341-4 du Code de la sécurité sociale ;
AUX MOTIFS QUE l’arrêt était prononcé par la Cour sur le rapport de M. Lequin, après avoir entendu le médecin qualifié désigné en application de l’article R. 143-28 du Code de la sécurité sociale (arrêt p. 2) ; que le médecin qualifié près la Cour nationale de l’incapacité et de la tarification de l’assurance des accidents du travail observait : » L’intéressée présente une névrose d’angoisse et des troubles anxiodépressifs ayant motivé une mise en invalidité de première catégorie au 25 février 1988. Depuis cette époque, elle travaille comme commis d’ordre à la Sécurité sociale mais ne supporte pas son environnement. Elle est suivie régulièrement en psychiatrie et en psychothérapie. Elle suit un traitement psychotrope depuis 10 ans, mais présente des crises d’angoisse souvent compensées par la prise d’alcool. L’examen du 10 octobre 1994 montrait un poids de 87 kg pour 1,69 m, une tension artérielle à 12,5/8, un état somatique sans particularité. Sur le plan psychique, il existe une phobie du milieu professionnel avec une tendance à l’isolement et à la manie de la persécution. Le traitement est relativement léger. L’intéressée pourrait exercer une activité ne nécessitant pas le contact avec d’autres personnes » ; qu’il concluait : » A la date du 1er février 1995, l’état de l’intéressée restait compatible avec l’exercice d’une activité rémunérée » ; que considérant l’avis médical, les documents du dossier et l’ensemble des éléments d’appréciation visés aux articles L. 341-3 et L. 341-4 du Code de la sécurité sociale, la Cour nationale de l’incapacité et de la tarification de l’assurance des accidents du travail estimait qu’à la date du 1er février 1995, l’état de l’intéressée ne justifiait pas l’attribution d’une pension d’invalidité de deuxième catégorie ; qu’elle décidait en conséquence de confirmer la décision attaquée (arrêt p. 3) ;
ALORS QU’en ne s’assurant pas que le rapport du rapporteur et l’avis du médecin qualifié avaient été transmis à la requérante, et que cette dernière avait été mise en mesure de présenter ses observations sur ces documents, la Cour n’a pas assuré le respect des exigences du procès équitable, et elle a violé l’article 6.1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.