RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
ARRÊT N° 1
Attendu, selon l’arrêt attaqué, que M. X…, victime d’un accident du travail, s’est vu reconnaître un certain taux d’incapacité permanente partielle par un tribunal du contentieux de l’incapacité ; que la Cour nationale de l’incapacité et de la tarification de l’assurance des accidents du travail a rejeté le recours de son employeur, la société Deroche, contre cette décision ;
Sur le premier moyen :
Vu l’article 6.1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;
Attendu que toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue par un tribunal indépendant et impartial ;
Attendu qu’il résulte du dossier de la procédure que la décision attaquée a été rendue par une formation de jugement de la Cour nationale, comprenant parmi ses membres un fonctionnaire honoraire d’administration centrale ;
Que cet élément et le fait que la juridiction comprend des fonctionnaires de catégorie A, en activité ou honoraires, du ministère chargé de la Sécurité sociale ou du ministère chargé de l’Agriculture, nommés sans limitation de durée de sorte qu’il peut être mis fin à tout moment et sans condition à leurs fonctions par les autorités de nomination qui comprennent le ministre, exerçant ou ayant exercé, lorsqu’ils étaient en activité, le pouvoir hiérarchique sur eux, constituaient des circonstances de nature à porter atteinte à l’indépendance de la Cour nationale et à faire naître un doute légitime sur son impartialité ;
D’où il suit que la cause n’a pas été entendue par un tribunal indépendant et impartial au sens de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;
Sur le deuxième moyen :
Vu l’article 6.1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, ensemble l’article 16 du nouveau Code de procédure civile ;
Attendu que toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement ; que cette exigence implique que chaque partie ait la faculté de prendre connaissance et de discuter de toute pièce ou observation présentée au juge en vue d’influencer sa décision ;
Attendu que l’arrêt a été rendu après examen préalable du dossier par un médecin qualifié, choisi sur une liste établie par arrêté du ministre chargé de la Sécurité sociale ou du ministre chargé de l’Agriculture, dont l’avis n’a pas été communiqué aux parties ; qu’il en résulte que l’appelant a été privé de la faculté de prendre connaissance et de discuter les observations présentées par le médecin qualifié à la Cour nationale ;
Que la procédure suivie ayant été dépourvue de caractère contradictoire, la Cour nationale a violé les textes susvisés ;
Sur le troisième moyen :
Vu l’article 6.1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, ensemble les articles 14 et 433 du nouveau Code de procédure civile ;
Attendu que toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue publiquement ;
Attendu qu’il ne ressort pas des mentions de l’arrêt que la Cour nationale ait convoqué l’appelant à l’audience et organisé des débats lui permettant de faire valoir publiquement ses prétentions ;
Qu’en statuant ainsi, la Cour nationale a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur le quatrième moyen :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 30 octobre 1998, entre les parties, par la Cour nationale de l’incapacité et de la tarification de l’assurance des accidents du travail ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la Cour nationale de l’incapacité et de la tarification de l’assurance des accidents du travail autrement composée.
MOYENS ANNEXES
Moyens produits par M. Balat, avocat aux Conseils pour la société Deroche.
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est reproché à l’arrêt attaqué, rendu par la Cour nationale de l’incapacité et de la tarification de l’assurance des accidents du travail, qui a rejeté le recours de la société Deroche, employeur, en contestation du taux d’incapacité partielle permanente attribuée par la caisse primaire d’assurance maladie du Val-de-Marne à l’un de ses salariés en raison d’un accident du travail, en étant composée de M. Hanne, président, de M. A… et de Mme Roy-Tauzin, conseillers, et de MM. Z… et Y…, assesseurs, de ne pas mentionner si les conseillers étaient des magistrats ou des fonctionnaires du ministère chargé de la Sécurité sociale.
ALORS QUE le droit de toute personne à ce que sa cause soit entendue équitablement par un tribunal impartial et indépendant s’oppose à ce que la Cour nationale de l’incapacité et de la tarification puisse statuer sur un litige opposant un employeur à une caisse primaire d’assurance maladie en étant composée de fonctionnaires appartenant au ministère chargé de la Sécurité sociale, qui, soumis à une autorité hiérarchique, ont, en raison de leurs fonctions administratives, des liens privilégiés avec la caisse primaire d’assurance maladie ; que l’arrêt attaqué, qui ne permet pas à la Cour de Cassation de vérifier que la Cour était composée exclusivement de magistrats, est privé de toute base légale au regard de l’article 6.1 de la Convention européenne des droits de l’homme et des libertés fondamentales.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :
Il est reproché à l’arrêt attaqué d’avoir été rendu sans que l’avis du médecin qualifié près la Cour nationale de l’incapacité et de la tarification de l’assurance des accidents du travail ait été communiqué aux parties.
ALORS QUE le droit de toute personne à un procès équitable implique que soit soumis à la discussion contradictoire des parties toute pièce ou observation présentée au juge en vue d’influencer sa décision ; qu’en s’étant référée à l’avis du médecin qualifié placé auprès d’elle pour motiver sa décision sans susciter la discussion des parties sur cet avis, la Cour nationale de l’incapacité a violé l’article 6.1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.
TROISIEME MOYEN DE CASSATION :
Il est reproché à l’arrêt attaqué d’avoir été rendu uniquement sur pièces, hors la présence des parties et sans audience publique.
ALORS QUE toute personne a droit à ce que le tribunal qui doit se prononcer sur ses obligations statue en sa présence et en audience publique ; qu’en ayant statué dans ces conditions, la Cour nationale de l’incapacité et de la tarification de l’assurance des accidents du travail a violé l’article 6.1 de la Convention européenne des droits de l’homme et des libertés fondamentales.
QUATRIEME MOYEN DE CASSATION : (Publication sans intérêt) .