RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de justice à PARIS, a rendu l’arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :
– X… Paul,
– Y… Jean-Yves,
contre l’arrêt de la cour d’appel de RENNES, 3ème chambre, en date du 10 mars 1998, qui les a condamnés, pour rebellion, le premier, à 10 000 francs d’amende, le second, à 5 000 francs d’amende et a prononcé sur les intérêts civils ;
La COUR, statuant après débats en l’audience publique du 8 avril 1999 où étaient présents dans la formation prévue à l’article L.131-6, alinéa 4, du Code de l’organisation judiciaire : M. Gomez président, M. Blondet conseiller rapporteur, M. Roman conseiller de la chambre ;
Avocat général : M. Di Guardia ;
Greffier de chambre : Mme Ely ;
Sur le rapport de M. le conseiller BLONDET, les observations de la société civile professionnelle Le BRET et LAUGIER, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l’avocat général DI GUARDIA ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 433-6, 433-7 du Code pénal, 493, 495, 503 du nouveau Code de procédure civile, 593 du Code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale ;
« en ce que l’arrêt attaqué a déclaré Paul X… et Jean-Yves Y… coupables de rebellion à officier public ou ministériel, et condamnés ceux-ci respectivement à une amende de 10 000 francs et 5 000 francs, ainsi qu’à la somme d’1 franc au profit de Mes Hubert et A… au titre des intérêts civils ;
« aux motifs que, le 4 juillet 1996, Mes A… et Hubert, huissiers de justice, et M. Z…, expert judiciaire, se sont présentés à 17 heures 30 dans les locaux de la société Marchix-Coirre-Tregouet au centre espace performance à Saint-Grégoire, pour exécuter une ordonnance sur requête, rendu le 3 juillet 1996 par le premier président de la cour de Rennes leur donnant mission de prendre une copie sur disquette de l’ensemble des fichiers et données comptables contenues dans le fichier informatique de la société ; que Jean-Yves Y…, comptable de la société, s’est opposé à cette mission en demandant d’attendre la direction, en tentant de pousser les huissiers à l’extérieur de son bureau et de les empêcher d’accéder au système informatique et en fermant son bureau à clef, alors que les huissiers s’y trouvaient et en les bousculant ; que Paul X…, cogérant, survenu ultérieurement, leur demandait de quitter les lieux, empoignait Me A… par le bras pour le faire sortir du bureau, lui fouillait les poches pour retrouver une clef prétendument confisquée et le lâchait sur l’indication que la clef était sur le bureau ; que Paul X… et Jean-Yves Y… font valoir que Mes A… et Hubert n’étaient pas porteurs de la minute de l’ordonnance qu’ils prétendaient mettre à exécution, de sorte qu’ils ne peuvent être considérés comme ayant été au moment des faits en situation d’exécution d’une décision de justice ; qu’une jurisprudence constante et ancienne décide que le délit de rebellion ne saurait être excusé à raison de la prétendue illégalité de l’acte accompli par l’expert, notamment lorsque l’agent se trouve dans le cadre de sa compétence et invoque un titre légal, toute résistance avec violences ou voies de fait est une rebellion, alors même qu’une irrégularité entacherait, soit le titre invoqué, soit l’acte d’exécution de ce titre ; que les huissiers A… et Hubert agissaient dans l’exercice de leurs fonctions en vertu de ladite ordonnance ; que Jean-Yves Y… et Paul X…, auxquels les huissiers ont décliné leurs identités et l’objet de leur visite, l’ordonnance ayant été lue à Jean-Yves Y…, ne pouvaient s’opposer avec violence à ce que les huissiers instrumentent ; qu’au demeurant, la résistance de Jean-Yves Y… n’était pas, de son propre aveu, motivée par une quelconque anomalie juridique ; que Paul X… a argué d’une erreur dans l’adresse des locaux pour s’opposer à l’action des huissiers ; qu’un tel motif inopérant ne pouvait être opposé et ne saurait justifier les violences légères dont il a usé ;
« et aux motifs adoptés expressément du jugement que les huissiers agissaient bien dans l’exercice de leurs fonctions, et il importe peu que la signification de l’acte puisse être entachée d’une irrégularité tenant à la non-présentation de la minute et à la notification d’une copie ; que cette irrégularité éventuelle qui n’entraînerait la nullité de la signification que par la preuve d’un grief, ne porterait pas atteinte au pouvoir donné par l’ordonnance aux huissiers désignés ;
« alors que l’exécution immédiate d’une ordonnance rendue non contradictoirement au sein des locaux d’une entreprise et au coeur de son activité, soit son fichier central informatique servant de tenue à sa comptabilité, exige le respect des formes légales prévues, par l’huissier instrumentaire chargé de cette exécution ; que ladite ordonnance ne pouvant être exécutée que sur minute, ne saurait l’être au vu d’une copie certifiée conforme comportant des mentions manuscrites ajoutées de la main de l’huissier de justice ; que, dès lors, l’arrêt attaqué n’a pas justifié l’existence du délit de rebellion à l’encontre de Paul X… et Jean-Yves Y… en se bornant à constater que les deux huissiers instrumentaires étaient dans l’exercice de leurs fonctions lorsqu’ils se sont présentés le 4 juillet 1996 au siège de la société Marchix-Coirre-Tregouet, dès lors que ces deux huissiers n’étaient porteurs d’aucun acte opposable à ladite société ;
« et alors que, si la prétendue rebellion ne saurait être excusée à raison de la prétendue illégalité de l’acte accompli par l’agent, la mise à exécution illégale d’un ordre ou d’une décision de justice inconnue de ceux auxquels elle est opposée ne peut être constitutive du délit de rebellion ; que, dès lors, la cour d’appel, en retenant que l’huissier instrumentaire demeurait dans sa sphère de compétence lorsqu’il accomplissait irrégulièrement un acte d’exécution se rapportant à un titre légal et qu’il était toujours dans l’exercice de ses fonctions, n’a pas donné de base légale à sa décision » ;
Attendu que les officiers ministériels auxquels les prévenus ont été déclarés coupables d’avoir résisté agissaient dans l’exercice de leurs fonctions et pour l’exécution d’une décision de justice ; que, dès lors, la résistance des demandeurs avec violence et voies de fait constituait le délit de rebellion ;
Qu’ainsi le moyen n’est pas fondé ;
Et attendu que l’arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le premier juin mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;