233• Si le principe de légalité a dominé tout le XIXème siècle en France, il va faire l’objet, au XXème siècle, sous couvert de dépassement de « l’Etat légal » par « l’Etat de droit », d’une remise en cause progressive qui va bouleverser l’agencement des pouvoirs censé protéger les droits et libertés. La puissance législative illimitée, favorisée par la représentation idéalisée de la loi, acte incontestable dont le bien-fondé ne saurait être mis en doute, est apparue de plus en plus incompatible avec les fondements de l’ordre juridique (tout pouvoir institué est par essence limité et ne saurait être considéré comme « souverain ») et la protection des droits. Si le contrôle juridictionnel de la loi avait, jusque-là, été jugé pas nécessaire et contraire à nos traditions juridiques, la remise en cause du privilège d’incontestabilité de la loi va progressivement légitimer l’existence d’un tel contrôle. Elément clé dans d’autres régimes comme les Etats-Unis pour garantir l’équilibre des pouvoirs et le respect conséquent des droits et libertés, il va permettre à ceux qui vont l’exercer, en l’occurrence les juges, de jouer un nouveau rôle dans la lecture de la séparation tripartite des pouvoirs (A).
234• En France, le contrôle juridictionnel de la loi va se matérialiser sous une double forme : le contrôle de la loi par rapport à la Constitution (contrôle de constitutionnalité) mais aussi par rapport aux traités internationaux (contrôle de conventionnalité) ce qui va légitimer l’action et la montée en puissance de ce qu’on peut qualifier de nouveau « pouvoir juridictionnel » puisque c’est dorénavant cinq catégories de juges ou cinq cours suprêmes (Cf. les deux articles de D. de Béchillon, « Conflits de sentences entre les juges et la loi », Pouvoirs 2001, n°96, p. 107 et « Cinq cours suprêmes ? Apologie (mesurée) du désordre », Pouvoirs 2011, n°137, p. 33) qui se disputent, dorénavant, le pouvoir de contrôler la loi française. Le Conseil constitutionnel, qui a reçu l’office d’en examiner la constitutionnalité par voie d’action et par voie d’exception, la Cour de cassation et le Conseil d’Etat, qui se sont l’un et l’autre reconnu le pouvoir de contrôler la conventionnalité des lois par rapport aux traités internationaux sur le fondement de l’article 55 C°, et la CJUE et la CourEDH qui peuvent être amenés à vérifier l’adéquation des lois aux traités dont elles ont respectivement la garde. Traditionnellement perçu comme contrevenant à la théorie de la séparation des pouvoirs, le contrôle de la loi par le juge devient ainsi la nouvelle « faculté d’empêcher » propice à l’équilibre des pouvoirs (B).
A – La mise en place du contrôle juridictionnel de la loi
235• Si on a mis du temps pour déceler les insuffisances du principe de légalité, il a fallu aussi du temps pour mettre en place le contrôle juridictionnel de la loi dans la mesure où, contraire à nos traditions juridiques, il a fait l’objet de multiples discussions et tentatives (1) avant de faire partie concrètement du paysage juridique et, ainsi, concrétiser, au final, un Etat de droit complet dans notre pays (2).
1 – Les prémisses du contrôle juridictionnel de la loi
236• Les moyens mis en place par les révolutionnaires, couplés au principe de légalité, se sont vite retrouvés incertains et insuffisants pour garantir les droits et libertés. A défaut de l’existence d’un juge constitutionnel pouvant contrôler l’action du législateur dans le respect des droits et libertés, ce sont les juges ordinaires qui ont été amenés à contrôler indirectement la loi par certaines techniques faisant alors naitre un certain contrôle indirect de constitutionnalité de la loi.
a) Des moyens révolutionnaires et un principe de légalité insuffisants et incertains pour préserver les droits et libertés : le moyen tenant à l’organisation politique
i) La Constitution de 1791 et le régime de « la terreur » : un abandon des principes démocratiques un an après leur adoption
237 • Le 1er moyen de garantir les droits et libertés pour les révolutionnaires tenait à l’organisation politique des pouvoirs et à la mise en place d’une répartition équitable pour que chacun des pouvoirs puisse rappeler à celui qui s’égarerait ce que sont les droits et libertés par le pouvoir d’empêcher. Il a rapidement montré ses insuffisances dans la mesure où la 1ère tentative de mise en place d’une république démocratique s’est rapidement transformée en un régime quasi totalitaire : la Constitution du 3 septembre 1791 est abandonnée un an après son adoption et fait place au régime de « la Terreur » (2 au 7 septembre 1792 jusqu’au 28 juillet 1794, date de la chute de Robespierre) caractérisée par le règne de l’arbitraire et les exécutions de masse contre les ennemis de l’extérieur (coalition des monarchies européennes) et les opposants de l’intérieur (les vendéens). Beaucoup de personnes sont emprisonnées, exécutées (guillotinés ou fusillés) ou victimes de massacres et la légalisation d’une telle violence est en totale contradiction avec les principes proclamés quelques années auparavant par la DDHC. Tout avait pourtant bien commencé, notamment avec la « fête de la Fédération », le 14 juillet 1790, fêtant le 1er anniversaire de la prise de la Bastille et symbolisant l’union entre le Roi et la Nation. La Constitution de 1791 établissait une stricte séparation des pouvoirs, certes, contraire au système alors préconisé par Montesquieu. Ce dernier visait, lui, à garantir plutôt une séparation souple des pouvoirs en leur confiant à chacun une « faculté de statuer » et une « faculté d’empêcher ». Mais les trois pouvoirs sont, pour la 1ère fois, confiés à des organes distincts avec une participation des deux principaux (exécutif et législatif) à la confection des lois. L’initiative et le droit de vote appartiennent à l’Assemblée mais une fois voté le texte n’est qu’un décret. Pour devenir loi, il doit être revêtu de la sanction royale. Le Roi est un véritable co-auteur de la loi même si le veto royal est simplement suspensif (l’Assemblée peut, après deux sessions parlementaires, passer outre le veto mais l’entrée en vigueur de la loi peut néanmoins être retardée de 6 ans).
ii) La Constitution de 1791 et le régime de « la terreur » : un système absolutiste par l’entremise du législateur
238• La stricte égalité dans la répartition des pouvoirs de la Constitution de 1791 va vite se transformer en séparation inégalitaire au profit du pouvoir législatif. Le serment civique inscrit dans la Constitution visant, à ce que, pour régner, le Roi devait prêter serment d’être fidèle à la nation et à la loi et de maintenir la Constitution, était déjà révélateur de cette subordination de la fonction exécutive royale à la fonction législative. Mais celle-ci va être accentuée par le choix de la mise en place d’une chambre unique au sein du corps législatif. Les constituants appliquant, à leur tour, un système absolutiste par l’entremise du législateur, système qu’ils voulaient justement combattre, en transférant le siège de la souveraineté du Roi à l’Assemblée nationale. Au final, le système va échouer par manque de moyens d’action entre les pouvoirs pour régler les différents mais aussi en raison de l’attitude de Louis XVI qui n’était pas disposé à devenir un monarque constitutionnel. La loi comme le veto royal sont devenus une arme de détournement de la volonté du peuple, on bascule à nouveau vers une révolution : c’est la journée insurrectionnelle du 10 août 1792 qui met fin à la Constitution de 1791 seulement un an après son instauration. La 1ère introduction de l’idée démocratique en France a été un échec dans cette appropriation de la souveraineté sans partage par une assemblée élue et l’effacement du pouvoir exécutif subordonné au seul pouvoir créateur, celui de la loi. Le contexte international allait encore accentuait cette remise en cause des droits et libertés. Robespierre justifie la mise en place du gouvernement révolutionnaire par le contexte que connaît la France en 1793 (« le gouvernement révolutionnaire a besoin d’une activité extraordinaire, précisément parce qu’il est en guerre » (Le Moniteur universel, n°97, p. 390)). La Révolution, il est vrai, est alors menacée de toutes parts, l’exécution du Roi et la persécution des prêtres ayant retourné contre elle l’opinion de la plupart des Etats Européens et des citoyens français.
iii) La Constitution de 1791 et le régime de « la terreur » : un Etat d’exception
239• L’objectif de Robespierre est de « fonder » la République même si cela doit se faire au prix du sang des ennemis. Il entend imposer cette conception à tous, quitte à recourir à la force, ce qui par essence porte atteinte aux droits et libertés. Pour ce faire, il n’hésite pas à recourir aux menaces, aux allusions expéditives (« le gouvernement révolutionnaire […] ne doit aux ennemis du peuple que la mort […] », Le Moniteur universel, n°97, p. 390) tout en mettant en place un régime d’exception. Le cœur du pouvoir est aux mains du Comité de salut public, qui contrôle les ministres et les généraux. Robespierre est à la tête du Comité. La terreur est appliquée. Parmi les textes et normes mis alors en application au détriment des droits et libertés les plus élémentaires et des principes consacrés par la DDHC, on peut citer le décret du 17 septembre 1793 (20 vendémiaire an II, http://mafr.fr) dites « loi des suspects » ou « loi de prairial » où « Tous les gens suspects qui se trouvent dans le territoire de la République et qui sont encore en liberté seront mis en état d’arrestation » (art. 1er). On retrouve parmi les suspects : des « émigrés », des « nobles » mais il y a aussi les opposants politiques comme les Girondins « partisans du fédéralisme » et plus généralement toute personne sortant du lot « ceux qui par leur conduite, leurs relations, leurs propos, leurs écrits, se sont montrés partisans de la tyrannie, du fédéralisme et ennemis de la liberté » (art. 2). La population française est donc sous étroite surveillance. Cette loi correspond typiquement à un Etat policier où l’on confisque la démocratie. Si « la Terreur » a permis de redresser la situation externe (fin 1793, les armées étrangères sont repoussées, l’insurrection vendéenne et les soulèvements en province sont écrasés), au niveau interne, le bilan est accablant (17 000 personnes condamnées à mort par les tribunaux révolutionnaires, 23 000 exécutées sans jugement, et 150 000 victimes civiles en Vendée).
b) Des moyens révolutionnaires et un principe de légalité insuffisants et incertains pour préserver les droits et libertés : le moyen tenant au « droit de résister à l’oppression »
i) Des dispositions juridiques qui s’opposent à la reconnaissance d’un tel droit
240• Le 2nd moyen permettant pour les révolutionnaires de faire respecter les droits et libertés est la résistance à l’oppression (art. 2 DDHC qui proclame que « le but de toute association politique est la conservation des droits naturels et imprescriptibles de l’homme » et qui compte parmi ces droits « la résistance à l’oppression »). Si le pouvoir exécutif (et non le législatif puisque la résistance à la loi est jugée absurde, elle est nécessairement bonne en tant qu’elle est l’expression de la volonté générale, on ne résiste pas à la loi sans se désobéir à soi-même), enfreint les droits fondamentaux, l’usage de la violence est légitime car il ne s’agit que de légitime défense, ce droit naturel de répliquer à la violence par la violence (Vim vi repellere licet). L’idée d’un droit de résistance est justifiée par la considération selon laquelle la communauté n’institue le pouvoir politique qu’en vue de son propre bien. Si les gouvernants utilisent le pouvoir pour opprimer le peuple, celui-ci a le droit de s’opposer à leur autorité. Cependant, au-delà du caractère extrême et ambigu du droit ainsi consacré, il y a beaucoup de dispositions juridiques qui s’opposent manifestement à la reconnaissance de ce droit et à donner une valeur juridique contraignante à l’article 2 DDHC. C’est le cas, tout d’abord de la déclaration elle-même qui met en avant, à travers son article 5 DDHC, que « tout ce qui n’est pas défendu par la Loi ne peut être empêché » ce qui, a contrario, peut s’interpréter comme autorisant le législateur et lui-seul à contraindre ou à interdire à l’individu tel droit ou telle action. De plus, l’article 7 DDHC établit que « tout citoyen appelé ou saisi en vertu de la Loi doit obéir à l’instant : il se rend coupable par la résistance » ce qui transforme la résistance en infraction. Il y a, à cet égard, dans le Code pénal un délit de rébellion qui a été posé par les articles 433-6 à 433-10 du Code pénal qui interdit de s’opposer à tout acte d’un agent dépositaire de l’autorité publique dans l’exercice de ces fonctions.
ii) Une résistance à un acte illégal de l’autorité publique qui n’est pas un droit
241• On a parfois soutenu que la résistance à un acte illégal de l’autorité publique serait un droit, le Code pénal ne pouvant protéger que l’exercice régulier de la fonction publique. Cette affirmation semble pouvoir être contredite par la lettre de plusieurs arrêts de la Cour de cassation qui paraissent poser certains principes contraires. Un citoyen n’est, d’abord, jamais autorisé à résister avec violence et voies de fait à une action même illégale des agents de l’autorité. Une jurisprudence constante et ancienne décide « que le délit de rébellion ne saurait être excusé à raison de la prétendue illégalité de l’acte accompli par l’agent » (Cf., par ex., Cass., crim., 23 janvier 1991, n° de pourvoi : 90-82.761 ; Cass., crim., 7 février 1995, n° de pourvoi : 94-81.502, Bull. crim. 1995, n° 51 ; Cass., crim., 1er juin 1999, n° de pourvoi : 98-83.609). De même, le particulier doit obéissance aux injonctions de ces mêmes autorités et ne peut que réclamer, après l’exécution, pour obtenir la réparation qui lui est due et la punition de l’agent coupable s’il y a lieu. La simple incitation à s’opposer par la résistance violente à un acte prétendu illégal est qualifiée de « provocation directe à la rébellion » (art. 433-10 Code pénal). Cette dernière permet de réprimer des comportements d’auteurs intellectuels actifs qui rendent particulièrement difficile la mission des représentants de la force publique, la répression étant permise même si la provocation n’a pas été suivie d’effet. Il y a, enfin, une présomption légale selon laquelle les agents d’autorité n’agissent que pour l’exécution des lois, sans qu’il y ait lieu de distinguer s’ils agissent sans ordres légaux ou pour l’exécution de tels ordres (Cass., crim., 5 janvier 1821, S. 1821, 1, p. 358 ; Cass., crim., 22 août 1866, Bull. crim. 1866, n° 199 ; Cass., crim., 29 février 1884, Bull. crim. 1884, n° 60). A noter qu’il n’y a pas néanmoins de devoir absolu d’obéissance qui amènerait les autorités publiques à accomplir en toute impunité des actes dont l’illégalité est flagrante. La jurisprudence a pu admettre que la rébellion ne pouvait pas être retenue à l’endroit de la personne qui a résisté, même avec violence, à un officier public agissant manifestement hors de ses fonctions, sans titre légal, sans la moindre base légale. La résistance est autorisée dans cette hypothèse mais les violences et voies de fait opposées à l’action illégale doivent être indispensables pour éviter un mal grave (mise en péril grave de l’intégrité corporelle par exemple), voire des conséquences irréparables (mort ou blessures par exemple) et elles doivent être adéquates et mesurées. Cette résistance relève alors de la légitime défense et comporte les limites de celle-ci.
iii) Des éléments indirects qui permettent néanmoins de consacrer ce droit
242• Si l’on ne peut donner une certaine effectivité juridique au « droit de résistance », il y a, néanmoins, certains éléments indirects qui permettent de consacrer ce droit. Le Conseil constitutionnel fait ainsi du « droit de résistance » un principe à valeur constitutionnelle dans la mesure où il a pu affirmer que : « les principes mêmes énoncés par la Déclaration des droits de l’homme ont pleine valeur constitutionnelle […] en ce qui concerne le caractère fondamental du droit de propriété dont la conservation constitue l’un des buts de la société politique et qui est mis au même rang que la liberté, la sûreté et la résistance à l’oppression » (CC, n° 81-132 DC, 16 janvier 1982, Loi de nationalisation, Rec. CC, p. 18, JO, 17 janvier 1982, p. 299). Il existe aussi certaines garanties légales posées par le législateur qui peuvent être interprétées comme aménageant légalement le « droit de résistance ». Si le fonctionnaire doit, en principe, obéissance à ses supérieurs hiérarchiques, la désobéissance devient un devoir lorsque l’ordre donné est « manifestement illégal et de nature à compromettre gravement un intérêt public » (CE, sect., 10 novembre 1944, Langneur, req. n°71856, Rec. CE, p. 288, D. 1945, p. 87, concl. B. Chenot, JCP 1945, II, n°2852, note C. Chavanon qui théorise ce devoir de résistance du fonctionnaire et art. 28 de la loi n°83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires).
iv) La paillote de « Chez Francis » et les conditions très restrictives du devoir de désobéissance
243• Les autorités publiques qui ont incendié la fameuse paillote corse de « Chez Francis » sur les ordres de leur Préfet ont tous été condamnés pénalement (directeur de cabinet, colonel, capitaine et simples gendarmes) pour ne pas s’être soustraits à un ordre illégal du Préfet (Cass., crim., 13 octobre 2004, Bernard Bonnet et autres, n° de pourvoi : 03-81763, 00-86727, 00-86726, 01-83943, 01-83945, 01-83944, Bull. crim. n° 243, p. 885). Pour autant, la jurisprudence amenant à clarifier le devoir de désobéissance est très restrictive. Les deux conditions (l’ordre donné doit être « manifestement illégal et de nature à compromettre gravement un intérêt public ») sont cumulatives et l’absence de l’une ou de l’autre impose l’obéissance. L’appréciation de ces conditions est aussi très délicate pour les agents concernés eu égard, notamment, à l’appréciation de l’illégalité manifeste alors que le critère de grave compromission d’un intérêt public est difficilement prévisible. Comme peut le relever Clément Chauvet, « En apparence donc, le devoir de désobéir est pleinement consacré dans l’administration civile. À l’analyse néanmoins, on peut aussi estimer que le régime issu de la décision Langneur conduit, dans bien des cas, à affermir l’obligation d’obéissance » (C. Chauvet, « Fonctionnaire Obéir/Désobéir », Pouvoirs 2015, n°155, p. 153), l’auteur poursuivant sur le fait qu’on « peut alors nourrir le sentiment que l’édifice jurisprudentiel et textuel prolongeant la jurisprudence Langneur conduit à proclamer le devoir de désobéir en posant des modalités si restrictives et ambiguës qu’elles incitent à ne pas désobéir » (Ibid., p. 155).
c) Des moyens révolutionnaires et un principe de légalité insuffisants et incertains pour préserver les droits et libertés : le moyen tenant à l’imposition par la force mentale
i) Les trois déclarations de la période révolutionnaire
244• Les révolutionnaires de 1789 ont toujours été philosophiquement convaincus que les hommes ont des droits naturels qui s’imposent par la force de l’évidence ou de la vérité. Les imposer au législateur semble, en conséquence, inutile mais il a semblé, néanmoins, nécessaire de fixer une sorte d’aide-mémoire rappelant ce qui est d’ores et déjà acquis et inscrit dans la conscience de chacun. C’est en ce sens que la DDHC précèdera la Constitution de 1791 pour fixer « l’esprit de la législation » et devenir, selon la métaphore de Barnave, « un catéchisme national » (Discours sur la DDHC du 1er août 1789). L’idée est de garantir les droits par la conscience, la raison voire la foi dans cette idéologie qui se traduira dans la législation et non par des actions reconnues à chaque citoyen afin de défendre les droits et libertés contre le pouvoir. La DDHC doit ainsi être « constamment présente à tous les Membres du corps social » pour leur rappeler « sans cesse leurs droits et leurs devoirs » (Préambule de la DDHC de 1789) mais ne fait, en aucun cas, partie intégrante du droit positif. C’est en ce sens que la DDHC et l’ensemble des textes proclamant des droits et libertés ont été perçues par la suite. Deux déclarations ont succédé à celle de 1789. La 2nde déclaration est celle du 24 juin 1793 rédigée après la destitution des Girondins et l’exécution d’une grande partie d’entre eux. Elle est marquée par la victoire des Montagnards et leur philosophie plus égalitaire. Elle constitue le préambule de la 2nde Constitution française, celle qu’on a dénommée Constitution montagnarde du 24 juin 1793. En conséquence, elle a suivi le sort de cette dernière et n’a jamais été appliquée. La 3ème a été élaborée par les « Thermidoriens » après leur coup d’Etat contre les tenants de « la Terreur », le 27 juillet 1794 et se trouvait en position liminaire de la 3ème Constitution française du 22 août 1795. Leurs formes sont quasiment similaires, puisque toutes comprennent une déclaration liminaire suivie d’un énoncé des articles excepté, peut-être, la déclaration de 1795 qui se démarque par sa partie devoirs et une modification formelle qui marque une volonté de raffermissement de l’ordre. Si la DDHC de 1789 est d’idéologie bourgeoise, la 2nde se veut plus égalitariste et socialiste car plus axée sur des revendications sociales et collectives. La 3ème déclaration rompt avec l’esprit de celle de 1793. Elle proclame aussi la propriété mais restreint l’égalité au domaine de la loi et donne en conséquence plus de marge à la liberté.
ii) Des rappels aux principes de 1789 mais sans réalisations législatives
245• Les trois déclarations consacrent la logique révolutionnaire liée à la mise en place de la séparation des pouvoirs (art. 16 en 1789, de façon sous-entendue dans les propos liminaires de la déclaration en 1793 et à l’article 18 en 1795) et du principe de légalité (art. VI en 1789, art. 4 en 1793 et art. 6 en 1795). La Constitution du 22 frimaire An VIII marque une rupture avec les constitutions précédentes puisqu’on ne trouve pas de déclaration des droits et des libertés. Cependant certains droits sont affirmés dans les dispositions générales, comme l’inviolabilité du domicile (art. 76), le droit à la sûreté (art. 77 à 82) ou encore le droit de pétition (art. 83). Les Chartes constitutionnelles de 1814 et 1830 énoncent les principales libertés qui figurent dans la déclaration de 1789 dans un titre 1er consacré aux « droits publics des français » (respectivement 12 puis 11 articles). La Constitution de 1848 reconnaît dans son préambule « des droits et des devoirs antérieurs et supérieures aux lois positives » et dans son chapitre 1er les « droits des citoyens garantis par la Constitution ». La Constitution du 14 janvier 1852 redevient plus explicite par rapport à la déclaration en ce qu’elle « reconnaît, confirme et garantit les grands principes proclamés en 1789, et qui sont la base du droit public des Français » (art. 1er). Au final, à travers toutes ses constitutions, la référence ou la révérence aux principes de 1789 est incontestable mais les déclarations d’intention ne se traduisent pas forcément par des réalisations législatives. A partir des années 1880, le régime républicain s’implante durablement mais les trois lois constitutionnelles instituant la IIIème république ne portent pas le nom de Constitution. Si cette forme originale peut s’expliquer par le compromis rendue nécessaire entre monarchistes et républicains et l’impossibilité concrète de se mettre d’accord sur tous les points, elle s’explique aussi par la prégnance et la permanence du principe de légalité faisant des trois lois de simples règles de répartition des compétences et non des normes suprêmes garantissant les droits et libertés hérités de la révolution.
iii) Le débat doctrinal sur la valeur et la portée des principes de 1789
246• Le débat porte sur la valeur et la portée des dispositions de la DDHC de 1789 mais aussi, plus généralement, de toutes les déclarations de droits. La plupart des auteurs leur refusent une quelconque autorité juridique même s’ils reconnaissent aux déclarations une certaine valeur historique, morale et politique. Ils font, ainsi, une opposition classique entre déclaration de droits et garantie de droits. Pour Adhémar Esmein, « Les déclarations de droit émanent donc de corps possédant une autorité légale et même souveraine, d’assemblées constituantes ; mais ce ne sont pas des articles de lois précis et exécutoires. Ce sont purement et simplement des déclarations de principes […] ». (A. Esmein, Eléments de droit constitutionnel français et comparé, Paris, Sirey, 6e éd., 1914, réimpr. Panthéon-Assas, 2001, pp. 554-564, spéc., p. 554). De même, pour Raymond Carré de Malberg, « les lois constitutionnelles de 1875 ne s’occupent – ainsi que leur titre même l’annonce – que de l’organisation et des rapports des pouvoirs publics, et (…) elles ne formulent, au profit des Français, aucune garantie juridique, ni même aucune énumération ou déclaration, de leurs droits opposables à l’État. De toutes les lacunes qui ont pu être reprochées à la Constitution de 1875 », convient-il, « aucune n’est plus grave » (R. Carré de Malberg, Contribution à la théorie générale de l’Etat, Paris, Sirey, 1922, tome 2, p. 578-579). D’autres auteurs partagent néanmoins l’idée du caractère juridiquement obligatoire des droits et libertés et, entre tous, ceux de la DDHC de 1789, tant à l’égard du pouvoir législatif que du pouvoir constituant. Les droits et libertés formeraient alors une sorte d’ensemble normatif extérieur, antérieur et supérieur à l’Etat, donc l’existence et la force juridique ne dépendent donc pas de sa volonté. Ainsi pour Léon Duguit « la Garanties des droits, comme les Déclarations des droits, sont des dispositions impératives pour l’Etat lui-même, parce qu’elles formulent une règle antérieure et supérieure à l’Etat, qui s’impose à lui » (L. Duguit, Traité de droit constitutionnel, Paris, De Boccard, 3e éd., tome 2, 1928, p. 186). Maurice Hauriou a également défendu la thèse de la valeur juridique, en quelque sorte supra-constitutionnelle, des déclarations en précisant qu’ « Ayant une valeur juridique, les déclarations de droit ont une valeur constitutionnelle. Sans doute, elles ne sont pas incorporées au texte même de la constitution, elles lui servent de préambule, mais cela signifie qu’elles contiennent des principes constitutionnels supérieurs à la constitution écrite […] » (M. Hauriou, Précis élémentaire de droit constitutionnel, Paris, Sirey, 2e éd., 1929, p. 243).
iv) Un accord général sur l’absence de portée pratique des principes de 1789
247• Au-delà des divergences entre les auteurs sur l’autorité des Déclarations de droits, ils s’accordaient néanmoins à cette époque pour considérer que les droits et libertés inscrits dans ces textes étaient, au regard de la configuration du système juridique et du fait de leur imprécision, privés de toute portée pratique en l’absence d’intervention du législateur. Or, sous la IIIème république, l’omnipotence parlementaire fait de plus en plus craindre la tyrannie de la majorité et, partant, le mépris pour les droits et libertés. Les excès du parlementarisme contribuent à discréditer la loi dont on relativise alors les vertus. Une réflexion renouvelée sur la sanction de la règle de droit conduit ainsi à une revalorisation notable du rôle du juge et des garanties juridictionnelles. On commence à parler de contrôle de constitutionnalité des lois mais exercé non par une instance spécialisée mais par les juges ordinaires pour ne pas mettre en cause la vocation libérale de la loi (Voir, en ce sens, M. Hauriou, op. cit., p. 270 et L. Duguit, op.cit., tome 3, 1930, p. 715 et suiv.). Seule Charles Eisenmann, dans la digne lignée de Hans Kelsen, suggère alors l’idée d’un contrôle de constitutionnalité des lois avant leur entrée en vigueur par un juge spécialisé (C. Eisenmann, La justice constitutionnelle et la Cour constitutionnelle d’Autriche, Aix, Economica-PUAM, rééd., 1986). A noter, cependant, que le célèbre théoricien pris en exemple par Charles Eisenmann était néanmoins opposé à ce que les Cours constitutionnelles puissent se prononcer sur la constitutionnalité des lois au regard des droits et libertés. Il considérait qu’un tel contrôle, exercé à l’aune d’énoncés exprimés en des termes très généraux, pouvait « jouer un rôle extrêmement dangereux » et opérer un transfert « insupportable » de pouvoir du Parlement vers le juge constitutionnel (H. Kelsen, « La garantie juridictionnelle de la Constitution (La Justice constitutionnelle) », RDP 1928, p. 240 à 242).
d) La mise en place d’un contrôle indirect de constitutionnalité par les juges ordinaires
248• La posture des juridictions à l’égard de la DDHC de 1789 fut, à l’origine, plutôt nuancée. Le juge judiciaire a mobilisé dès la fin du XVIIIème siècle des dispositions de la déclaration en les comme une source légitimante de ses décisions. Le juge administratif a, lui, nié la valeur juridique de ce texte en refusant, jusqu’à la toute fin de la IVème République, de trancher un litige sur le fondement de l’une de ses dispositions. La Constitution a pourtant vocation à être appliquée par toutes les juridictions.
i) Le Tribunal de cassation et le contrôle de constitutionnalité des décisions des juridictions judiciaires
249• C’est d’abord le Tribunal de cassation qui, en tant que juridiction suprême nouvellement instituée, considéra que les articles de la Constitution de 1791 étaient susceptibles d’être invoqués en justice. Il pratiqua un véritable contrôle de constitutionnalité en privant de tout effet des décisions de justice qui violaient les dispositions des 27 articles du Titre III, Chapitre V de la Constitution de 1791 consacré au Pouvoir judiciaire. On peut citer, à titre d’exemple, deux arrêts du 1eroctobre 1791 qui cassent et annulent respectivement un arrêt de la Cour des aides de Paris (Trib. de cass., 1er octobre 1791, Mager C. Les invalides in Ledru-Rollin, Journal du Palais. Recueil le plus ancien et le plus complet de la jurisprudence française, Paris, F.F. Patris, tome 1er, 1791-1792), 1841, 3ème éd., p. 7) ou un jugement du Tribunal de district de Semur en Auxois (Trib. de cass., 1er octobre 1791, Commissaire du Roi du Tribunal de Semur en Auxois in Gazette des tribunaux ou Recueil de jurisprudence et de législation, Paris, C.F. Perlet et L.P. Couret, 3ème tome, 1792, p. 29). Les arrêts en question étaient contraires à certains articles de la « loi constitutionnelle de l’Etat ». On pouvait parler, dans cette logique et eu égard aux termes utilisés, d’un certain contrôle de constitutionnalité. Beaucoup de jugements ont été censurés, par la suite, eu égard aux dispositions du titre VIII (71 articles) de la Constitution de l’an III. Ces dispositions amenaient une protection aux personnes poursuivies devant les juridictions répressives en réaction contre les abus de la Terreur (il y a eu un peu plus de 200 jugements en cassation pour inconstitutionnalité dont une quinzaine liée à la DDHC de 1795. Cité par J.-L. Mestre, « Les contrôles judiciaires a posteriori de constitutionnalité à partir de la Révolution », Les cahiers du CC 2010, n°28).
ii) La Cour de cassation et le contrôle de constitutionnalité du pouvoir réglementaire
250• Depuis 1804, c’est au tour de la Cour de cassation de veiller, au respect, par les juridictions inférieures, des Constitutions qui se sont succédé. C’est surtout un contrôle de constitutionnalité du pouvoir réglementaire qui va être mis en place d’abord à propos des décrets impériaux (Cf. C. Durand, « Les décrets-lois napoléoniens devant la jurisprudence de la restauration », Mélanges Macqueron, Aix, PUAM, 1995, p. 35) puis, surtout, ensuite, à propos du contrôle de la « légalité constitutionnelle » des ordonnances royales qui se développèrent dès le règne de Charles X (1824-1830). La révolution de juillet 1830 a précisément été suscitée par des ordonnances royales jugées contraires à la Charte de 1814 (Cf. J.-L. Mestre, « Les juridictions judiciaires et l’inconstitutionnalité des ordonnances royales », RFDC 1993, n°15, p. 451 et « L’inconstitutionnalité des actes réglementaires de 1814 à 1851 » in G. Burdeau (dir.), Administration et droit, Paris, LGDJ, 1996, p. 122). Le rétablissement du Sénat sous le 2nd Empire chargé, sur le modèle de celui du 1er Empire, du contrôle de constitutionnalité des lois ne mit pas fin au contrôle exercé par la Cour de cassation, ce contrôle apparaissant comme un moyen de compenser l’omnipotence et les pleins pouvoirs de Napoléon III. La pratique persiste sous la IIIème république notamment dans le contrôle des décrets pris par le Président de la République dans le cadre du pouvoir législatif alors confié au chef de l’Etat dans certaines colonies françaises (Cf. Sénatus-Consulte du 3 mai 1854 qui règle la Constitution des colonies de la Guadeloupe, de la Martinique et de la Réunion) (Cf. J.-L. Mestre, « Les contrôles judiciaires a posteriori de constitutionnalité à partir de la Révolution », Les cahiers du CC 2010, n°28).
iii) La Cour de cassation et le contrôle de constitutionnalité des lois proprement dites : l’affaire « Paulin » et un premier refus
251• En réalité, le juge judiciaire n’a exercé que de façon très rare un contrôle de constitutionnalité vis-à-vis des lois proprement dites. Ce problème s’est notamment posé au début de la Monarchie de juillet à l’occasion de l’affaire « Paulin ». L’article 69 de la Charte de 1830 annonçait l’adoption future d’une loi mettant en place des jurys pour les délits de presse. Or, le sieur Paulin, gérant d’un journal, a été condamné sans l’intervention d’un jury par des magistrats se fondant explicitement sur une loi du 8 octobre 1830 qui ne prévoyait pas une telle intervention. L’exception d’inconstitutionnalité est soulevée mais sans succès, la chambre criminelle de la Cour de cassation refusant de se prononcer sur l’inconstitutionnalité du texte car la loi, adoptée et promulguée « dans les formes constitutionnelles prescrites par la Charte, fait la règle des tribunaux et ne peut être attaquée devant eux pour cause d’inconstitutionnalité » (Cass., Crim. 11 mai 1833, Paulin, S. 1833, 1, p. 357, concl. Voysin de Gartempe). La Cour de cassation a, cependant, élargi sa jurisprudence sous la 2nde république en acceptant d’examiner la constitutionnalité intrinsèque de deux dispositions législatives (Cf. En ce sens, J.-L. Mestre, « Les contrôles judiciaires a posteriori de constitutionnalité à partir de la révolution », Cahiers du CC 2010, n°28).
iv) La Cour de cassation et le contrôle de constitutionnalité des lois proprement dites : un contrôle qui existe sous la 2ndeRépublique
252• La chambre criminelle a, à deux reprises, expressément accepté d’exercer un contrôle de constitutionnalité (Cass., crim., 15 mars 1851, Gauthier, D. 1851, I, 142 et Cass., crim., 17 novembre 1851, Gent, S. 1833, I, 333). L’article 4 de la Constitution de 1848 interdisait la création de « tribunaux extraordinaires » et posait en principe que « nul ne sera distrait de ses juges naturels ». Or, les prévenus, dans les deux affaires en question, étaient des civils jugés par des Conseils de guerre alors que l’Etat de siège était en vigueur posant la question de la constitutionnalité de l’attribution, vis-à-vis des civils, de ces Conseils de guerre. Les requérants s’appuyaient, au surplus, sur un précédent qui avait jugé, dans des circonstances comparables lors d’une tentative d’insurrection républicaine à Paris en juin 1832 menée par les Républicains pour renverser la Monarchie de juillet, que les Conseils de guerre devenaient alors des tribunaux extraordinaires et qu’un décret impérial était ainsi contraire aux articles 53, 54 et 56 à la Charte de 1814 qui prohibaient les tribunaux d’exception et garantissaient le jugement par jury (Cass., crim., 29 juin 1832, Geoffroy, Journal du Palais. Jurisprudence française, Paris, Imprimerie Lange Levy, tome 24, p. 1219). La Cour de cassation a rejeté les deux pourvois faisant état de dérogations possibles à l’article 4 de la Constitution de 1848 mais elle avait ainsi atteint « le point culminant » de la « tendance des juges judiciaires à contrôler la constitutionnalité des textes invoqués devant eux » (J.-L. Mestre, « Les contrôles judiciaires a posteriori de constitutionnalité à partir de la révolution », Cahiers du CC 2010, n°28 et voir, en ce sens, du même auteur, « Le contrôle de la constitutionnalité de la loi par la Cour de cassation sous la 2nde république », Mélanges Favoreu, Paris, Dalloz, 2007, p. 291 et suiv.).
e) Des techniques jurisprudentielles qui permettent un contrôle indirect de la loi par le Conseil d’Etat
i) L’exemple de la fonction consultative
253• On a vu que le juge administratif s’était traditionnellement refusé, dans un souci d’opportunité politique, à opérer un contrôle de constitutionnalité des lois que ce soit de manière directe ou dans le cadre de l’examen de la légalité d’un acte administratif (CE, sect., 6 novembre 1936, Arrighi et Dame Coudert, op.cit.). Malgré les réticences de la doctrine, cette position a été constamment réaffirmée par la suite. Or, l’interprétation et la garantie de la Constitution ne sont pas l’apanage du Conseil constitutionnel, qui n’a qu’un monopole en matière de contrôle a priori des lois et des traités. La Constitution est aussi une règle obligatoire pour l’administration et le juge administratif a vocation à l’appliquer et à la faire respecter. L’incompétence de principe du juge administratif pour contrôler explicitement la constitutionnalité de la loi n’empêche pas l’existence d’un certain contrôle, moins explicite, lié à la hiérarchie des normes et aux règles de la Constitution. C’est le cas lorsque le Conseil d’Etat intervient dans le processus de confection de la loi grâce à sa fonction consultative (Cf. ordonnance n°45-1708 du 31 juillet 1945 (JO, 1er août 1945, p. 4770) sur le Conseil d’Etat et art. 39 al. 2 de la Constitution pour les projets de lois et d’ordonnances et art. 39 al.5 de la Constitution qui étend la possibilité de consultation aux propositions de lois. Cf., sur ce dernier point, la loi n°2009-689 (JO, 16 juin 2009, p. 9784) tendant à modifier l’ordonnance n°58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires et à compléter le code de justice administrative). Ce contrôle non juridictionnel a pu être considéré par certains (Par ex., O. Gohin, « Le Conseil d’Etat et le contrôle de constitutionnalité de la loi », RFDA 2000, p. 1175 ou Y. Gaudemet, « La Constitution et la fonction législative du Conseil d’Etat », Mélanges Foyer, Paris, PUF, 1997, p. 61) comme étant un certain contrôle de constitutionnalité de la loi eu égard à l’intérêt particulier que pouvait avoir le Conseil d’Etat à soulever, pendant sa fonction, des questions de constitutionnalité.
ii) L’exemple de l’abrogation implicite de la loi
254• Le Conseil d’Etat peut aussi constater, selon une technique jurisprudentielle assez ancienne, l’abrogation implicite d’une loi du fait de l’application d’une disposition de la Constitution entrée en vigueur postérieurement à la loi. Ce moyen a été utilisé sous l’empire de la Constitution de la IVème république (CE, 9 octobre 1959, Taddéi, req. n°24244, 24245, 32862, 32863, 34576 et 34577, Rec. CE, p. 495) mais aussi depuis l’entrée en vigueur de la Constitution de la Vème république (CE, sect., 20 mai 1966, Meunier, req. n° 58839, Rec. CE, p. 343 ; CE, 2 octobre 1981, Mama M’Bodj et autres, req. n°17721, Rec. CE, p. 345). La méthode employée par le juge a été clarifiée assez récemment, l’abrogation implicite tenant essentiellement au caractère « inconciliable » des normes entre elles (CE, 16 décembre 2005, Ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité et Syndicat national des huissiers de justice, req. n°259584, Rec. CE, p. 570 ; CE, 21 novembre 2005, Boisvert, req. n°287217 ; CE, sect., 23 novembre 2005, Mme Baux, req. n° 285601, Rec. CE, p. 519). Le Conseil d’Etat distingue clairement ce contrôle de compatibilité avec le contrôle de constitutionnalité parce que la règle constitutionnelle l’emporte sur la règle législative non en raison de sa supériorité mais en raison de sa postériorité. La distinction est, cependant, moins claire pour certains auteurs qui parlent d’une « technique de substitution » qui viendrait pallier l’impossibilité pour le juge, jusqu’en 2008, de contrôler la constitutionnalité d’une loi promulguée (Cf. C.-E. Sénac, « Le constat juridictionnel de l’abrogation implicite d’une loi par la Constitution », RDP 2008, p. 1081 ; G. Vedel, « Excès de pouvoir législatif et excès de pouvoir administratif », Cahiers du CC 1996 et 1997, n°1 et n°2 ; J. Dubrulle, « La compatibilité des lois avec la Constitution : un contrôle de constitutionnalité ? », AJDA 2007, p. 127).
iii) L’exemple de l’interprétation de la loi au regard des règles constitutionnelles
255• Le juge administratif peut aussi, enfin, lorsqu’il est saisi de la légalité d’un acte administratif et lorsqu’il a des doutes sur la constitutionnalité de la loi qui sert de fondement à l’acte administratif, faire une interprétation de cette loi conformément aux règles et principes à valeur constitutionnelle qui régissent l’exercice du pouvoir législatif. La technique a d’abord été utilisée à travers le recours aux principes généraux du droit avant d’être également utilisée en dehors de ces principes. Le Conseil d’Etat a ainsi pu interpréter une loi en conciliant l’objectif d’égalité homme-femme et l’article 6 de la DDHC relatif au principe d’égalité d’accès aux emplois publics (CE, sect., 22 juin 2007, Lesourd, req. n°288206). En privilégiant l’interprétation de la loi la plus favorable au respect de la Constitution, le juge administratif neutralise ainsi les possibles effets d’une loi suspectée d’inconstitutionnalité et opère un contrôle indirect de constitutionnalité même si l’on peut parler parfois d’une technique de conciliation entre les normes plutôt qu’un réel contrôle.
2 – La naissance du contrôle juridictionnel de la loi
256• Une réflexion renouvelée sur la sanction de la règle de droit conduit, au XXème siècle, à une revalorisation notable du rôle du juge et des garanties juridictionnelles. Alors que la conception légicentriste de l’ « effectivité » domine encore, la doctrine encourage le développement du mécanisme du recours pour excès de pouvoir devant le juge administratif pour imposer à l’administration les lois protégeant les droits fondamentaux. Cette doctrine tend, aussi, par ailleurs, à admettre, de plus en plus, le principe d’un contrôle de constitutionnalité des lois, contrôle dont les premières tentatives de mise en place remontent, contrairement à ce que l’on peut penser, aux premières années de la révolution.
a) Les 1ères tentatives de mise en place d’un contrôle de constitutionnalité des lois (1789-1851)
257• L’analyse de la réalité de la garantie des droits fondamentaux n’est guère une question constitutionnelle au XIXe siècle. Toutes les réalisations effectives de contrôle de constitutionnalité sont, avant tout, conçues comme une manière de contrôler plus efficacement le pouvoir législatif soupçonné de vouloir outrepasser ses compétences. On a, très tôt, admis le besoin de mettre en place un organe conservateur veillant au respect de la Constitution par les pouvoirs constitués mais, essentiellement en parlant d’un contrôle formel visant à vérifier que le pouvoir législatif ne sorte pas de son domaine de compétence plutôt qu’un contrôle matériel marquant la garantie effective des droits et libertés reconnus par la Constitution. C’est vrai, tout d’abord, du projet de « Jurie constitutionnaire » proposés en l’an III par Sieyès, du projet de « pouvoir neutre et préservateur » dans sa version républicaine puis dynastique de Benjamin Constant entre 1795 et 1815 ou des attributions constitutionnelles des Sénats des 1er et 2nd Empire mais aussi, ensuite, du Comité constitutionnel de la IVème république ou du Conseil constitutionnel de la Vème république dans sa version de 1958.
i) Des mécanismes initiaux de démocratie directe pour contrôler les lois
258• Dès la fin de l’été 1789 la délicate question de la conservation de la Constitution et donc, conjointement, celle du contrôle de la constitutionnalité des lois, a été soulevée. De nombreux projets furent présentés dans les assemblées révolutionnaires. On a d’abord évoqué des mécanismes de démocratie directe pour contrôler les actes législatifs et le système représentatif dans son ensemble. Le but étant de protéger les citoyens contre le risque de violation de la Constitution par le Corps législatif. Le moyen le plus souvent proposé étant le « véto populaire » sur les lois (Contrôle théorisé par J.-A.-N. Caritat de Condorcet, Archives parlementaires, I s., LVIII, p. 588 et relevant du titre VIII – De la censure du peuple sur les actes de la représentation nationale et du droit de pétition – du projet de Constitution du 13 février 1793). Plusieurs constituants ont ensuite proposé la création d’un « tribunal des censeurs » chargé de contrôler la conformité à la Constitution de la conduite de la chambre et de l’exécutif (Cf. Par ex., les projets de A.-G. Kersaint, Archives parlementaires, I s., LXII, p. 420, C. Lambert, Archives parlementaires, I s., LXII, p. 431 ou encore D. Williams, Archives parlementaires, I s., LXIII, p. 583 ; le chapitre XV du projet de Constitution jacobine contenait des dispositions qui instituaient un jury, Du grand jury national, Moniteur, séance du 16 juin 1793, p. 732). Mais parmi la multitude de projets mis en avant, c’est celui de Sieyès qui allait se retrouver être le plus abouti et le plus complet.
ii) La « Jurie constitutionnaire » d’Emmanuel Sieyès
259• C’est lors du débat constitutionnel déclenché par les « thermidoriens » après la chute de Robespierre en 1794 et celui, jusqu’en 1795, pour mener à la Constitution de l’an III que Sieyès propose que soit établi « un jury de constitution ou […] une jurie constitutionnaire » (E. Sieyès, « Opinions sur plusieurs articles des titres IV et V du projet de Constitution prononcée à la Convention le 2 thermidor de l’an III », Ruvres, t. III, §40, p. 11). Les membres de l’institution devaient être élus parmi les membres des deux conseils du Corps législatif, à savoir le Conseil des anciens et le Conseil des Cinq-Cents et auraient été les dépositaires conservateurs de l’acte constitutionnel. La seule division au sein du pouvoir législatif ne lui suffisait pas étant soucieux, au lendemain de « la Terreur », d’éviter que la République devienne une « Ré-totale » (E. Sieyès, « Opinions […] », op. cit., §41, p. 7) au lieu de rester simplement une « ré-publique » libérale (Ibid.). Le jury aurait exercé trois fonctions : être un tribunal de cassation de l’ordre constitutionnel en garantissant, tout d’abord, pour la 1ère fois en France, la sauvegarde de la Constitution et le maintien des principes fondamentaux de la société ; être un endroit où l’on présente les projets de révisions constitutionnelle (fonction non prévue pour le conseil constitutionnel d’aujourd’hui) pour améliorer la C° ; être, enfin, un lieu de contrôle des jugements émis par les juges ordinaires fondé sur le droit naturel. Cette 3ème prérogative est la plus originale, le jury aurait exercé les fonctions d’une sorte de tribunal des droits de l’homme dans le cas où les tribunaux ordinaires auraient considéré que la loi positive présentait des lacunes ou aurait été injuste.
iii) La création du Sénat conservateur sous la Constitution de l’an VIII et son pouvoir politique de contrôle de constitutionnalité
260• Si l’institution d’une « Jurie constitutionnaire » a été réduite à néant dans le débat constitutionnel de l’an III, la question de la constitutionnalité des lois est régulièrement soulevée dans les années 1795-1797 à la tribune des assemblées. La nécessité d’un pouvoir conservateur se fait de plus en plus sentir. Sieyès va retenir les leçons et développer ses idées. En 1799, il entre au Directoire et prépare le coup d’Etat du 18 brumaire. Il est, avec Napoléon Bonaparte et Roger Ducos, l’un des trois consuls provisoires chargés de préparer une nouvelle Constitution : ce sera celle du Consulat (dite aussi du 22 frimaire an VIII), dans laquelle certaines de ses idées sont retenues et notamment la proposition de création d’un « collège de conservateurs » devenant plus tard le « Sénat conservateur », qui, contrairement à ce que son nom peut laisser penser, n’était pas une assemblée exerçant une fonction législative (puisque les deux assemblées législatives sont alors le Tribunat et le Corps législatif) mais une assemblée chargée de maintenir ou d’annuler « tous les actes qui lui sont déférés comme inconstitutionnels par le Tribunat ou par le Gouvernement » (art. 21 de la Constitution du 22 frimaire an VIII (13 décembre 1799)). Le but de la Constitution de l’an VIII était de remplacer la primauté du pouvoir législatif, très caractéristique de la période révolutionnaire, par la prépondérance de la fonction gouvernementale et, dans cette logique, apparaissait la question d’un contrôle des actes du pouvoir législatif. Le contrôle de constitutionnalité avait ici une valeur plus politique que juridictionnelle par rapport à l’an III ce qui indique le choix en faveur des termes de « Collège » et « Sénat » plutôt que le terme de « Jury ». Le contrôle a priori voit, ainsi, constitutionnellement le jour pour la 1ère fois depuis 1789. L’innovation ne concrétisera pas tous les espoirs placés en elle puisque le Sénat n’exerça pas la mission qui lui avait été confiée. Placé sous la dépendance de Bonaparte, son principal rôle consista à veiller à la conservation de l’ordre napoléonien face à ses ennemis, ce qui aura pour effet d’affaiblir durablement en France l’idée même d’un contrôle de constitutionnalité des lois. Le rôle du Sénat resta théorique dans la pratique, il ne pouvait décider tout seul. Aucun acte de gouvernement ne fut jamais l’objet d’un renvoi et le Tribunat, autre organe propulseur, hésitait souvent sur l’entrée de rentrer en conflit avec le gouvernement.
iv) Les tentatives doctrinales quant à la mise en place d’une magistrature inamovible chargé de garantir la Constitution et les droits et libertés
261• Le contrôle de constitutionnalité de Sieyès, théorisé en l’an III et constitutionnalisé en l’an VIII, n’a jamais fonctionné. Il y avait, pourtant là, une 1ère tentative de créer en France un pouvoir neutre de nature politico-juridictionnelle. On ne parlait pas encore de garantie effective des droits et libertés par ce contrôle même si l’idée avait été effleurée par Sieyès dans sa Jurie constitutionnaire statuant en tant que tribunal de l’équité naturelle. Seuls quelques auteurs explorent alors cette piste. On peut citer Alexis de Tocqueville et Edouard Laboulaye attentifs, l’un comme l’autre, à tempérer les excès de la démocratie par la présence d’une magistrature inamovible chargé de garantir, face aux caprices de l’opinion, le respect de la Constitution et la préservation des droits et libertés (Cf. par ex., A. de Tocqueville, De la démocratie en Amérique, 1835, t. 1, 2ème partie, chapitre VIII – De qui tempère aux Etats-Unis la tyrannie de la majorité –, www.classiques.uqac.ca et E. Laboulaye, La république constitutionnelle, Paris, Charpentier, 1871). A ceux qui les accusent de vouloir établir un « gouvernement des juges », ils répondent, et notamment Laboulaye, que : « Croire qu’il y a une démocratie indépendante de la justice, c’est là qu’est l’erreur ; la véritable liberté n’est que le règne du droit » (E. Laboulaye, Histoire des Etats-Unis, Paris, Charpentier, t. III, 1867, p. 498).
v) Le pouvoir neutre et conservateur de Benjamin Constant
262• Parmi les auteurs qui se sont essayés à définir et établir l’existence d’une magistrature inamovible chargé de garantir la Constitution et les droits et libertés, il faut citer Benjamin Constant qui aborde également la question lorsqu’il manifeste son souci d’ajouter « un supplément de vertu institutionnelle à la séparation des pouvoirs par l’instauration d’un pouvoir neutre, arbitre des autres pouvoirs » (Cf. , J.-P. Feldmann, « Le constitutionnalisme selon Benjamin Constant », RFDC 2008, n°76, p. 675). Pour l’auteur, qui suit ainsi la logique de Sieyès, si la séparation des pouvoirs a « le grand mérite de freiner la volonté souveraine, [elle] ne peut affirmer sa vocation vertueuse pour les institutions représentatives qu’en prenant appui sur une institution « neutre » dédiée à la limitation du contenu même de cette volonté » (M.-H. Caitucoli-Wirth, « La vertu des institutions : l’héritage méconnu de Sieyès et Constant », Histoire@Politique 2012, n°16, p. 121 et suiv.). A la base, il faut que quelqu’un rappelle à l’exécutif ou au législatif les règles du jeu et la souveraineté limitée de ces pouvoirs comme le ferait un arbitre. Comme un arbitre, ce quelqu’un doit être neutre et en aucun cas capable d’action despotique. En Monarchie, l’auteur confie ce pouvoir neutre au Roi. Dans une République, il imagine un organe collectif spécialisé ayant la seule fonction de préservation des institutions, formés de membres désignés à vie par les citoyens de chaque département parmi des hommes ayant déjà exercé des fonctions exécutives ou législatives et offrant des garanties d’âge et de fortune. Au final, ce pouvoir neutre ou préservateur se rapproche de la jurie constitutionnaire de Sieyès dans les modalités de formation : quand il n’est pas héréditaire, il est particulièrement démocratique alors que le jury de Sieyès repose sur un principe de nomination plus aristocratique.
b) Les 1ères tentatives de mise en place d’un contrôle de constitutionnalité des lois (1851-1958)
i) Le contrôle de constitutionnalité du Sénat du 2nd Empire : un contrôle juridictionnel
263• On a pu voir que le Sénat de l’an VIII avait plus été un agent de la concentration du pouvoir qu’un juge constitutionnel. Le sort du Sénat du 2nd Empire va être différent. Son intitulé fait d’abord l’économie de l’adjectif « conservateur » même s’il l’a bien été au sens politique cette fois. Composé « des cardinaux, des maréchaux, des amiraux » et « des citoyens que le président de la République juge convenable d’élever à [cette] dignité » (article 20), il est présenté comme « le gardien du pacte fondamental et des libertés publiques » car « aucune loi ne peut être promulguée avant de lui avoir été soumise » (article 25). Il n’était pas un organe exclusivement chargé du contrôle de constitutionnalité. Il pouvait annuler d’autres actes (article 29), exercer le pouvoir constituant (article 27) tout comme proposer « les bases de projets de loi d’un grand intérêt national » (article 30). Il n’était pas une assemblée législative, simplement une composante de la puissance législative (article 4) dans l’impossibilité de se livrer au vote de la loi. Il était associé à la procédure législative mais seulement à travers son pouvoir de sanction qu’il exerçait de façon autonome et concurrente avec celui exercé par l’Empereur. Son contrôle n’était donc pas politique mais plutôt juridictionnel puisqu’il consistait à confronter l’existence ou non d’une contrariété entre deux normes, en l’occurrence les lois et les normes constitutionnelles. On parlait déjà à l’époque de bloc de constitutionnalité puisque les sénateurs avaient une interprétation large de la notion de Constitution incluant des textes extérieurs (ex : les Sénatus-consultes) et que l’article 1er de la Constitution faisant référence aux « grands principes proclamés en 1789 » leur offrait une très grande liberté d’interprétation. Néanmoins, les sénateurs se comportaient plus en politiques qu’en juristes s’interrogeant plus sur l’opportunité de la loi que sur sa constitutionnalité. Au final, en raison de l’imbrication des caractères juridique et politique, la nature du contrôle de constitutionnalité était difficilement définissable. C’est une des raisons de l’échec de ce contrôle même si celui-ci n’a pas été inexistant (le Sénat procéda effectivement à l’examen de la conformité des lois à la Constitution même si son interprétation des textes était souvent plus favorable à la défense des prérogatives parlementaires qu’à celles du respect des droits et libertés).
ii) Le contrôle de constitutionnalité du Sénat du 2nd Empire : un échec comme contre-pouvoir
264• Ce sont les principes relatifs à la compétence du Corps législatif qui furent principalement invoqués et interprétés par le Sénat du 2nd Empire. Il y avait, pourtant, une volonté de faire exister le Sénat en tant que contre-pouvoir à la fois face à l’exécutif mais aussi face à la possible émancipation du Corps législatif. L’opposition face au Corps législatif ne se présenta jamais. Celle face au pouvoir exécutif ne fut pas gênante puisque le refus de promulgation ne fut opposé qu’à l’égard de textes d’intérêt local et non de textes d’intérêt national. On a souvent attribué cet échec au fait que le Sénat eut été un instrument docile aux mains de l’Empereur. En cela, c’est surtout la composition du Sénat qui a amené à ce que l’assemblée soutienne plus qu’elle ne s’oppose à l’Empereur. Beaucoup de sénateurs appartenaient à des instances politiques ou administratives ce qui portait atteinte à leur indépendance. Enfin, certains aspects procéduraux du contrôle sont venus conforter l’attitude de prudence des sénateurs. Il n’y avait, par exemple, pas de possibilité de procéder à des annulations partielles (l’appréciation portait sur toute la loi ce qui rendait le contrôle a priori assez brutal et ce qui renforça le caractère politique du débat à la mesure de l’enjeu de la décision). De même, le choix de refuser ou d’accorder la promulgation résultait d’un vote qui, par définition, n’avait pas à être motivé empêchant un quelconque impact des décisions sur le fonctionnement des institutions et les auteurs de la loi comme pourraient l’avoir aujourd’hui les décisions du Conseil constitutionnel. On peut comparer le Sénat à ce dernier à travers l’activité même de contrôle ou la tendance à avoir une conception extensive de la notion de Constitution mais la logique du contrôle était différente (le Sénat était guidé par une volonté d’expansion de la dynamique parlementaire alors que le juge constitutionnel vise aujourd’hui surtout à soumettre l’activité parlementaire aux contraintes de l’Etat de droit).
iii) Le Comité constitutionnel de la IVème république : une création sous l’égide des partis politiques
265• L’échec des Sénats impériaux a discrédité le système d’un contrôle par un organe politique voir le système de contrôle de constitutionnalité tout entier. C’est tout naturellement que la Charte de 1814 et les Lois constitutionnelles de 1875, qui ont succédés aux constitutions du 1er et 2nd Empire, n’organisent, en réaction, aucun contrôle de constitutionnalité. A la fin du XIXème siècle, les hommes politiques et la doctrine commencent néanmoins à reconsidérer la tradition d’hostilité à l’égard d’un contrôle juridictionnel de la loi. Un mouvement se déclenche sous la IIIème république avant de se concrétiser, très timidement, sous la IVème à travers la création du Comité constitutionnel (Cf. M. Charpy, « Le Comité constitutionnel de la Constitution de la Ive République », Mémoire de M2, Jus Politicum, n°16, 2015, http://juspoliticum.com). La volonté des constituants est de faire des partis politiques les maîtres de la désignation des membres de cet organe puisque ce dernier est présidé par le Président de la République (art. 91 titre XI C° 1946)est Constitué du Président de l’Assemblée nationale, du Président du Conseil de la République, de 7 membres élus par l’Assemblée nationale et de 3 membres élus par le Conseil de la République (ces derniers membres étant élus à la représentation proportionnelle des groupes parlementaires)
iv) Le Comité constitutionnel de la IVème république : un rôle très limité
266• Le comité était saisie des lois de l’Assemblée nationale sur demande conjointe du Président de la République et du Président du Conseil de la République. En examinant la loi, il devait, avant de la juger contraire à la Constitution, d’abord inviter les deux chambres à une nouvelle délibération sur la loi et provoquer ainsi un accord pour qu’elles rendent elles-mêmes la loi conforme à la Constitution (art. 92 C° 1946). Dans l’impossibilité de trouver cet accord, le Comité n’était compétent que pour statuer sur la possibilité de révision des dispositions (art. 91 al. 3 C° 1946). Si l’avis du Comité impliquait une révision de la loi, cette dernière était renvoyer à l’Assemblée nationale pour une nouvelle délibération. Dans l’hypothèse où cette assemblée maintenait son vote, la loi ne pouvait être promulguée avant la révision de la Constitution dans les conditions prévues à l’article 90 (art. 93 al. 1er et 2 C° 1946). Il apparaît, ainsi, plus comme un arbitre entre les pouvoirs publics que comme une véritable juridiction, et il est, dans sa composition comme dans ses attributions, un organe politique. Le caractère non juridictionnel est également illustré par la justification véritable de ses interventions : en cas de contrariété entre la loi et la Constitution, c’est cette dernière qui doit être révisée. Autrement dit, il ne faisait pas prévaloir la Constitution sur la loi mais la loi sur la Constitution dénaturant totalement le contrôle de constitutionnalité. Son intervention n’est destinée qu’à faire respecter la procédure adéquate, sur l’initiative de l’autre assemblée. Le contrôle opéré ne peut pas porter sur le fond de la loi, le Comité n’a pas la compétence pour déclarer une loi non conforme à la Constitution, encore moins pour l’annuler, il ne peut que renvoyer la loi au Parlement pour que celui-ci délibère à nouveau. Il n’y a pas de véritable contrôle de la loi, ni de sanction en cas de violation de la Constitution. De surcroit, le champ matériel de son contrôle ne pouvait porter que sur les Titres I à X de la Constitution, non sur le préambule. Ledit contrôle s’avérait, en conséquence, purement formel et procédural en aucune façon fondé sur la protection des libertés (Le Comité ne fut saisi qu’une seule fois sans même statuer, le 16 juin 1948, sur un problème de procédure à la suite d’un conflit entre les deux chambres à propos du délai dans lequel le Conseil de la République devait donner son avis sur les textes adoptés par l’Assemblée selon la procédure d’urgence. Le Comité se déclara compétent et invita les assemblées à harmoniser leurs règlements qui divergeaient et l’accord entre les deux chambres empêcha une révision de la Constitution).
v) Un Conseil constitutionnel simple protecteur de la répartition des compétences en 1958
267• Si le dogme de la loi disparaissait avec l’avènement de la Vème république, l’idée même d’instaurer enfin un véritable contrôle de constitutionnalité à travers un organe spécifique, spécialement dédié à cette fonction, s’avérait encore trop audacieuse. Il est intéressant, à cet égard, de se référer à la loi constitutionnelle du 3 juin 1958 dans laquelle les assemblées de la IVème République prévoyaient la révision, par le Gouvernement, de la Constitution de 1946. Un seul article dans la loi qui fixait les 5 principes que le projet de loi constitutionnelle devrait mettre en œuvre. Le 4ème de ces principes était le suivant : « L’autorité judiciaire doit demeurer indépendante pour être à même d’assurer le respect des libertés essentielles telles quelles sont définies par le Préambule de la Constitution de 1946 et par la Déclaration des droits de l’homme à laquelle il se réfère ». On ne parle pas de Conseil constitutionnel dans le projet de loi mais de l’autorité judiciaire et le respect des principes, aujourd’hui, sous la Vème République, est assuré, non par l’autorité judiciaire, mais par le Conseil constitutionnel. La fonction dévolue à ce dernier par la Constitution, dans sa rédaction initiale, lui conférait uniquement un rôle de juge de la répartition des compétences. Il se définissait, lui-même, d’ailleurs comme « un organe régulateur de l’activité des pouvoirs publics » (CC, n°62-20 DC, 6 novembre 1962, Loi relative à l’élection du Président de la République au suffrage universel direct, adoptée par le référendum du 28 octobre 1962, Rec. CC, p. 27, JO, 7 novembre 1962, p.10778, cons. n°2).
vi) Un Conseil constitutionnel avant tout protecteur du gouvernement en 1958
268• Sans retracer les débats qui ont eu lieu en 1958 à propos du Conseil constitutionnel, il faut rappeler qu’il a été conçu avant tout comme le censeur des assemblées législatives qui tenteraient de s’évader du cadre de l’article 34 C°. Le contrôle de la constitutionnalité des lois ordinaires n’est pas, dans sa conception initiale, une des compétences essentielles du Conseil constitutionnel. C’est surtout le respect du domaine respectif de la loi et du règlement (art. 34 et 37 C°) qui apparaît comme la tâche principale du nouvel organe. Ainsi, paradoxalement, il était à l’origine un organe plutôt favorable au gouvernement et, inversement sévère à l’égard du Parlement. Aujourd’hui, l’institution apparaît beaucoup plus comme une juridiction contrôlant et limitant le pouvoir du gouvernement que comme son défenseur face au Parlement. On peut même constater, qu’en de nombreuses circonstances, elle se présente comme un protecteur des droits du Parlement. Dans cette logique, les 1ères années du Conseil constitutionnel, qui coïncidaient avec la présidence de Charles de Gaulle, ont été marquées par une grande discrétion et l’alignement du Conseil sur la vision gaullienne des institutions : mise au pas des velléités d’indépendance des assemblées par une censure stricte sur les règlements, passivité face à l’utilisation extensive de l’article 16 C° (au-delà de la durée nécessaire) ou l’utilisation de l’article 11 C° lors de la révision constitutionnelle de 1962.
c) L’extension du principe de légalité et le contrôle premier du juge administratif pour protéger les droits et libertés
i) La crise du principe de légalité et l’effritement de la symbolique de la loi
269• La période charnière de la IIIème République marque une évolution dans les représentations associées au législateur et au juge. Cette période est caractérisée par un certain désenchantement à l’égard des mécanismes traditionnels de garantie des droits. Les excès du parlementarisme contribuent à discréditer la loi, dont on relativise alors les vertus. La loi n’apparait plus comme l’acte suprême et sacré placé en dehors du champ du pouvoir. L’objectif de limitation du pouvoir, qui était au cœur du principe de légalité, passe désormais au 2nd plan devant les mutations qu’entraîne la désacralisation de la loi. La confiance absolue en la loi s’est effritée sous l’effet de 2 facteurs. Le 1er facteur est la crise de la représentation. Le mythe de la loi, expression de la volonté générale, est mis à rude épreuve. La conception selon laquelle les élus ne feraient que parler au nom de la nation a fait place à une perception plus réaliste et à une évaluation beaucoup plus critique des vertus de la démocratie représentative. De même, le principe de majorité n’est plus considéré comme la garantie du bien-fondé de la loi mais comme un instrument de domination permettant au plus grand nombre de faire valoir ses vues. Le débat parlementaire n’est plus une caution suffisante pour légitimer la loi et éviter le risque d’arbitraire. Le 2nd facteur apparait dans la réorganisation des rapports entre le pouvoir et la loi. La loi apparaissait auparavant comme un principe d’assujettissement du pouvoir, elle apparait plus aujourd’hui comme un moyen d’action au service du pouvoir. En conséquence, le développement de la production législative étend plus l’emprise du pouvoir sur la vie sociale qu’il n’aboutit à une meilleure protection des droits individuels. Comme le note Jacques Chevallier, « ainsi, la loi se profile-t-elle sous un éclairage nouveau : de garantie suprême de la liberté, elle se transforme en vecteur d’un nouvel absolutisme ; la prolifération des lois dans tous les domaines aboutirait à une réduction croissante de la marge d’autonomie individuelle » (J. Chevallier, « La dimension symbolique du principe de légalité », RDP 1990, p. 1668).
ii) La crise du principe de légalité et la dégradation de l’ordre juridique classique
270• Sous la IIIème république, la loi était le symbole du pouvoir normatif, c’était la seule norme qui avait une autorité suffisante pour imposer des obligations de comportement déterminées. Depuis la révolution, il n’existe pas de réel pouvoir normatif en faveur de l’exécutif et, si le pouvoir réglementaire sera ultérieurement reconnu, ce n’est qu’au prix d’une stricte subordination à la loi. Aujourd’hui, la loi n’est plus la seule source de contrainte juridique, elle est remise en cause par un ensemble de mutations qui affecte la structure de l’ordre juridique. Le principe de légalité, tel qu’il était originellement conçu, a été progressivement vidé de sa substance. 3 facteurs sont à l’origine de ce phénomène. Le 1er facteur tend au fait que le règlement devient désormais la source essentielle d’obligations et de contraintes pour les administrés. Les lois ne se présentent plus que comme des textes assez généraux fixant certains objectifs à atteindre. C’est l’administration qui est chargé, à partir des standards définis par le législateur, de donner un contenu concret à la règle. Cette dernière étant notamment chargée de l’exécution des lois. Le 2nd facteur tient à l’émancipation du pouvoir réglementaire par rapport à la loi. La législation, dans nos sociétés contemporaines, connait un développement exponentiel. Sur le plan juridique, cela se traduit par l’apparition de formules de délégations du pouvoir législatif (décrets-lois puis ordonnances) et par la consécration d’un pouvoir propre de réglementation au profit de l’exécutif (règlements autonomes). Le 3ème facteur tient à l’influence décisive aujourd’hui exercée par l’exécutif à l’intérieur même de la production législative. Les lois sont de plus en plus adoptées à l’initiative du gouvernement qui dispose des moyens de faire prévaloir ses vues à travers tous les moyens que lui offre le parlementarisme rationalisé et le phénomène majoritaire. Les services administratifs jouent, enfin, au surplus, un rôle déterminant dans la préparation des textes. On peut ainsi dire qu’ « à l’origine de la quasi-totalité des textes, quelle que soit leur forme, le gouvernement et l’administration sont devenus les nouveaux foyers de la normativité, en se substituant aux représentants élus de la Nation » (J. Chevallier, « La dimension symbolique du principe de légalité », RDP 1990, p. 1670).
iii) La nécessité d’un contrôle plus poussé de l’activité administrative par un juge indépendant pour faire face à la montée en puissance de l’exécutif (1)
271• La crise du principe de légalité a eu pour corollaire la montée en puissance de l’exécutif. Le contrôle de l’activité administrative par un juge indépendant est alors apparu plus que nécessaire. Juge naturel de l’administration et de l’activité administrative, le juge administratif s’est imposé comme le juge garant de la protection des droits et libertés contre les possibles excès de l’exécutif. Même si les améliorations avaient été réelles sous le 2nd Empire, le Conseil d’Etat (justice déléguée depuis la loi du 24 mai 1872 (JO, 31 mai 1872, p. 3625) de réorganisation du Conseil d’Etat), s’est surtout efforcé de soumettre l’Administration au principe de légalité sous la IIIème République, peut-être moins par égard pour les droits des administrés que par souci de bonne administration mais les effets ont souvent convergé. L’intervention du juge administratif a été rendue nécessaire parce que l’Etat de droit a été confronté à un facteur essentiel de déstabilisation : la montée en puissance de l’exécutif, qui s’est traduite par un processus d’émancipation juridique et par la crise du principe de légalité. De fortes secousses ont agité l’ordre juridique depuis la 1ère guerre mondiale. Des secousses d’abord conjoncturelles liées aux crises politiques et aux changements de régime. Si le régime de Vichy a contredit certains des principes les plus ancrés de l’Etat de droit, la libération et la mise en place de la Vème république ont aussi été marquées par des brèches dans la normalité. On peut citer, par exemple, les Ordonnances de l’article 92 qui sont des mesures législatives que le gouvernement a pu prendre pendant quatre mois à compter de la promulgation de la Constitution pour permettre la mise en place des institutions.
iv) La nécessité d’un contrôle plus poussé de l’activité administrative par un juge indépendant pour faire face à la montée en puissance de l’exécutif (2)
272• Les perturbations agitant l’ordre juridique se sont aussi manifestés par la guerre d’Algérie. La loi référendaire du 13 avril 1962 a, par exemple, donné au Président de la République l’autorisation d’agir par ordonnances pour l’application des accords d’Evian mais cette fois par le biais d’ordonnances de nature administrative (CE, Ass., 19 octobre 1962, Canal, Robin, Godot, req. n°58502, Rec. CE, p. 552, AJDA 1962, p. 612, obs. A. de Laubadère, JCP 1963, II, n°13068, note C. Debbasch, RA 1962, p.623, note G. Liet-Veaux). Il y a eu des perturbations plus durables ensuite où, l’autonomie nouvelle dont a bénéficié l’exécutif, a touché les fondements mêmes de la hiérarchie des normes. On peut citer, à cet égard, l’apparition de formules de délégation du pouvoir législatif comme les Décrets-lois sous les IIIème et IVème républiques ou les Ordonnances de l’article 38 auxquels ont eu recours tous les gouvernements de la Vème république. Il faut aussi évoquer la consécration d’un pouvoir réglementaire autonome. C’est d’abord la loi « André Marie » (loi n°48-1268 du 17 août 1948 (JO, 18 août 1948, p. 8082) tendant au redressement économique et financier) qui créa un domaine où le pouvoir réglementaire pouvait intervenir sans habilitation spécifique du législateur mais l’exécutif ne se voyait conférer qu’une compétence d’attribution, la compétence de droit commun restant celle du législateur. Le rapport de force s’inverse en 1958 avec les décrets de l’article 37 C°, le pouvoir réglementaire disposant désormais de la compétence de droit commun et le législateur ne disposant plus qu’une compétence d’attribution. Il faut aussi, enfin, évoquer l’article 16 de la Constitution de 1958, qui autorise, en cas de nécessité, le Président de la République à exercer une dictature temporaire, au sens romain du terme, et qui introduit dans la Constitution un régime d’exception prévu pour faire face à une crise institutionnelle particulièrement grave.
d) Un juge administratif qui impose son contrôle aux innovations normatives de la C° de 1958
i) Une indulgence première envers l’administration grâce à une conception élargie du principe de légalité avant 1958
273• Toutes les secousses affectant la hiérarchie des normes ont été contenues par le recours à une conception élargie du principe de légalité grâce, notamment, à la mise en place d’une jurisprudence, parfois osée, du juge administratif. Pour faire reculer l’arbitraire de l’administration, le juge administratif a étendu les voies de recours (spécialement le recours pour excès de pouvoir) et les motifs d’annulation des actes tout comme il délimité plus strictement la liste des actes de gouvernement. Il a, aussi, profondément modifié la conception même de la légalité et des normes de référence en intégrant, de façon progressive, dans le « bloc de légalité », la Constitution et les Traités tout comme les PGD. Le but étant de lui permettre de maintenir la subordination juridique de l’administration en comblant les failles de la législation. Il a, certes, comme on l’a vu, refusé d’opérer un contrôle de constitutionnalité des lois et appliquer très tôt la technique de l’écran législatif. Il s’est aussi montré indulgent avec l’Administration lorsqu’elle devait faire face à des circonstances exceptionnelles. Lors de la 1ère guerre mondiale, par exemple, il a consenti à ne pas déclarer illégales des mesures qui l’auraient été en période normale (jurisprudence des circonstances exceptionnelles : CE, 28 juin 1918, Heyriès, req. n°63412, Rec. CE, p. 651). Enfin, il a, aussi et surtout, assimilé aux lois proprement dites les actes faits pendant des périodes exceptionnelles, les textes en question n’étant pas des règlements administratifs malgré la confusion des pouvoirs législatif et exécutif dans les mains du gouvernement. Il en a décidé ainsi au sujet des lois édictées par le Gouvernement de Vichy (CE, 22 mars 1944, Vincent, Rec. CE, p. 417, S. 1945, 3, p. 53, concl. H. Detton, note R.-E. Charlier), des ordonnances du Comité français de Libération nationale et du Gouvernement provisoire de 1944 (CE, 22 février 1946, Botton, Rec. CE, p. 58, S. 1946, 3, p. 56, note P.H.), des ordonnances prises en vertu de l’article 92 C° (CE, 12 février 1960, Société Eky, req. n°46922, Rec. CE, p. 101, S. 1960, p. 131, concl. Kahn, D. 1960, jurispr. p. 236, note L’Huillier, JCP 1990, G, II, n°11629 bis, note G. Vedel).
ii) Un contrôle plus poussé de l’administration sur la base de la même jurisprudence : l’exemple des mesures liées à l’article 16 C°
274• Au-delà de cette indulgence envers l’administration, le juge administratif s’est, aussi, efforcé, très tôt, de dégager certaines règles jurisprudentielles dont il imposera, même sans texte, le respect à l’administration (jurisprudence praeter legem). Il s’est accordé un pouvoir d’interprétation assez libre des lois existantes pouvant aller, dans certains cas, jusqu’à contredire la lettre même de leurs dispositions (jurisprudence contra legem). Il a consacré, enfin, comme on a pu déjà le voir, des principes d’application générale (PGD) pour amortir ainsi toutes les secousses brutales que connaît l’ordre juridique et suppléer ainsi une légalité devenue défaillante. Cette conception extensive du principe de légalité va permettre au Conseil d’Etat d’atténuer la portée des innovations les plus spectaculaires de la Constitution de 1958 et de les rendre compatibles avec la structure classique de l’ordre juridique. Le Conseil d’Etat a d’abord fait en sorte que les décisions prises au titre de l’article 16 C° rentrent dans le moule de la hiérarchie des normes. Dans son arrêt « Rubin de Servens », il précise, certes, que la décision de mettre en œuvre les pouvoirs exceptionnels est « un acte de gouvernement dont il n’appartient pas au Conseil d’Etat d’apprécier la légalité ni de contrôler la durée d’application » (CE, Ass., 2 mars 1962, Rubin de Servens, req. n°55049, Rec. CE, p. 143, RDP 1962, p. 294, concl. Henry, AJDA 1962, p. 214, chron. J.-M. Galabert et M. Gentot, D. 1962, p. 109, chron. G. Morange, JCP 1962, I, n°1711, chron. J. Lamarque, S. 1962, p. 147, note R. Bourdoncle) mais il admet, qu’en revanche, les décisions prises par le Chef de l’Etat sur son fondement peuvent, dans certains cas, faire l’objet d’un recours dont la recevabilité sera admise. Les mesures de police du président de la République qui interviennent dans le domaine réglementaire peuvent ainsi être déférées au Conseil d’Etat (CE, Ass., 2 mars 1962, Rubin de Servens, op.cit.) Il faut néanmoins noter qu’aucun acte de cette nature ne lui a été soumis dans le cadre des décisions prises entre le 23 avril et le 29 septembre 1961, seule période où on a appliqué l’article 16 C° (la décision du 27 avril 1961 autorisant le ministre de l’Intérieur à interdire un écrit impliquait bien un pouvoir de police administrative mais cette dernière relevait du domaine de la loi : CE, 22 avril 1966, Société Union africaine de presse, req. n°61565, Rec. CE, p. 276, concl. Galmot, JCP 1966, G, II, n°14805, concl. Galmot, note R. Drago).
iii) Un contrôle plus poussé de l’administration sur la base de la même jurisprudence : un contrôle des ordonnances prises sur habilitation législative ou référendaire
275• Le Conseil d’Etat a transposé aux ordonnances prises sur habilitation législative (CE, 3 novembre 1961, Damiani, Rec. CE, p. 607 ; CE, Ass., 24 novembre 1961, Fédération nationale des Syndicats de Police, req. n°48841, Rec. CE, p. 658, S. 1963, p. 59, note L. Hamon, D. 1962, p. 424, note M. Fromont, AJDA 1962, p. 114, note J.T) ou référendaire (CE, Ass., 19 octobre 1962, Canal, Robin et Godot, op.cit.), la jurisprudence inaugurée en matière de décrets-lois en les considérant, jusqu’à leur ratification, comme des actes administratifs soumis à son contrôle. L’arrêt « Canal » a posé question à une bonne partie de la doctrine car la compétence du Conseil d’Etat en la matière était plus qu’hypothétique. Le recours était dirigé contre une ordonnance prise sur le fondement d’une habilitation accordée directement par le peuple souverain, et qui présentait une valeur législative. Le Conseil d’Etat aurait pu se déclarer incompétent et considérer que l’habilitation était une attribution d’une portion du pouvoir législatif. Il a plutôt considéré qu’il s’agissait simplement d’une autorisation accordée au pouvoir réglementaire d’intervenir, dans les strictes limites de l’habilitation, dans le domaine de la loi. Même si une telle ordonnance peut modifier une loi, elle conserve son caractère réglementaire justifiant le contrôle du juge administratif. A noter aussi que le Conseil d’Etat a fait prévaloir la hiérarchie traditionnelle entre la loi et le règlement en se reconnaissant compétent pour connaître des règlements autonomes et en les soumettant aux PGD (CE, sect., 26 juin 1959, Syndicat des ingénieurs-conseils, req. n°92099, Rec. CE, p. 354). Il rappelle, en agissant, ainsi le caractère subordonné du pouvoir réglementaire qui n’est pas l’égal du pouvoir législatif.
e) Le renforcement du contrôle juridictionnel du juge administratif pour faire face au développement du pouvoir discrétionnaire
276• En interprétant largement le principe de légalité, le juge administratif maintien un contrôle poussé de l’administration pour lui faire respecter les droits et libertés. Mais encore fallait-il que des mécanismes efficaces de contrôle, notamment à travers le contrôle juridictionnel, permettent d’en assurer concrètement le respect. On a pu voir que la marge d’autonomie dont bénéficiaient le gouvernement et l’Administration était croissante. Les lois ne contrôlent et ne limitent plus la puissance de l’administration, il ne sont que des textes généraux d’habilitation. Il y a, du coup, des nouveaux domaines d’intervention et un champ de compétence plus étendu pour l’administration. C’est le développement du pouvoir discrétionnaire à travers lequel l’administration dépasse la simple fonction « exécutive » à laquelle la tradition libérale prétendait la limiter. Elle ne se borne plus à appliquer la « loi » à un cas concret, elle va produire elle-même la règle juridique adéquate aux circonstances de chaque situation puisque les autorités administratives vont avoir le pouvoir de choisir entre deux décisions ou deux comportements qui sont considérés d’un point de vue égal au regard de la légalité. Le juge administratif s’est efforcé alors de parer à ce risque en adaptant son contrôle aux mutations du principe de légalité. Contrôlant l’administration sur le terrain des faits, il a subordonné, de plus en plus, la validité de ses actes à la double adéquation aux objectifs définis par le législateur et aux circonstances concrètes. En d’autres termes, il a été amené à vérifier que les mesures prises par les autorités administratives soient, à la fois, « nécessaires » compte tenu des objectifs de la loi et « proportionnés » à la situation. C’est la jurisprudence dite du « bilan coût-avantages » ou dites du « plein contrôle de proportionnalité » où les avantages et effets positifs d’une décision sont confrontés aux inconvénients et effets négatifs.
i) La technique du bilan coûts-avantages ou le « plein contrôle de proportionnalité »
277• Dans la mise en œuvre de la technique, c’est seulement si les avantages ou effets positifs d’une décision l’emportent sur les inconvénients et les effets négatifs que les faits dont la décision procède seront reconnus comme de nature à la justifier juridiquement. D’abord reconnu en matière d’expropriation (CE, Ass., 28 mai 1971, Fédération de défense des personnes concernées par le projet « Ville nouvelle Est », req. n°78825, Rec. CE, p. 409, concl. G. Braibant, AJDA 1971, chron. D. Labetoulle et P. Cabanes, D. 1972, p. 194, note J. Lemasurier, JCP 1971, n°16873, note A. Homont, RA 1971, p. 422, concl. G. Braibant, RDP 1972, p. 454, note M. Waline), cette jurisprudence n’a cessé de s’étendre et de se développer en dehors de son domaine initial. On peut citer, pour des exemples rapides après la décision et sans aller évoquer les exemples plus récents : le licenciement de « salariés protégés » dans une entreprise privé (CE, Ass., 5 mai 1976, Safer d’Auvergne contre Bernette, req. n°98647 et n°98820, Rec. CE, p. 232, AJDA 1976, p. 304, chron. M. Nauwelaers et L. Fabius, D. 1976, p. 563, note H. Sinay, JCP 1976, n°18429, note J.-P. Machelon) ou la légalité de certaines décisions de police notamment en matière de police des étrangers : CE, Ass., 18 mars 1955, Hamou Ben Brahin Ben Mohamed dit Paci, Rec. CE, p. 168 ou CE, Ass., 6 novembre 1987, Buayi, req. n°65590, Rec. CE, p. 348, AJDA 1987, p. 713, chron. M. Azibert et M. de Boisdeffre, RFDA 1988, p. 86, concl. C. Vigouroux). Elle apparaît désormais comme un nouveau principe général, le principe de proportionnalité, qui conduit le juge, pour apprécier la légalité d’une décision, à faire la balance entre son utilité et son coût financier et social. La décision ne sera légale que si elle est adéquatement proportionnée aux faits (Cf. X. Philippe, Le contrôle de proportionnalité dans les jurisprudences constitutionnelle et administrative françaises, Economica-PU d’Aix-Marseille, 1990).
ii) La technique de l’erreur manifeste d’appréciation
278• Dans le domaine du pouvoir discrétionnaire, le juge a été amené à vérifier à ce que l’Administration respecte un minimum de logique ou de bon sens. A ’origine seule la réalité des faits était contrôlée par le juge qui, pour le reste, s’en remettait aux appréciations de l’administration. On parle de « contrôle minimum » ou de « contrôle restreint » qui s’arrête à la vérification de l’existence matérielle des faits sans tenir compte de l’examen de la qualification des faits. C’est là que le juge administratif est intervenu, une 1ère fois, en limitant le pouvoir discrétionnaire par le recours à la notion d’erreur manifeste d’appréciation. C’est à partir de 1960 que la jurisprudence a ajouté l’exigence que la décision soit exempte d’erreur de fait, d’erreur de droit et de détournement de pouvoir, celle qu’elle ne soit pas viciée par une erreur manifeste d’appréciation (CE, sect., 15 février 1961, Lagrange, req. n°42259 et n°42260, Rec. CE, p. 121, AJDA 1961, p. 200, chron. J.-M. Galabert et M. Gentot). La notion a été étendue à des domaines jusque-là largement discrétionnaires, notamment celui de la « haute police » (CE, Ass., 2 novembre 1973, Société anonyme « Librairie François Maspero », req. n°82590, Rec. CE, p. 611, JCP 1974, II, n°17642, concl. G. Braibant, note R. Drago, AJDA 1973, p. 577, chron. M. Franc et M. Boyon, D. 1974, p. 433, note A. Pellet à propos d’un contrôle sur les publications étrangères ; CE, 3 février 1975, Pardov, req. n°94108, Rec. CE, p. 83, AJDA 1975, p. 131, chron. M. Franc et M. Boyon pour une décision d’expulsion d’un étranger ; CE, 19 février 1975, Fouéré, req. n°80470, Rec. CE, p. 1177, D. 1975, p. 435, note B. Pacteau, AJDA 1975, p. 143 pour un refus de passeport) avant que la jurisprudence ne la systématise à travers le contrôle de la détermination des sanctions disciplinaires dans la fonction publique (CE, sect., 9 juin 1978, Lebon, req. n°05911, Rec. CE, p. 245, AJDA 1978, p. 573, concl. B. Genevois, D. 1979, p. 30, note B. Pacteau, JCP 1979, n°19159, note S. Rials, RA 1978, p. 634, note F. Moderne, RDP 1979, p. 227, note J.-M. Auby).
f) La mise en place d’un droit administratif des droits et libertés
i) La reconnaissance première de la valeur juridique des préambules
279• Le juge administratif ne peut agir en tant que juge constitutionnel et user du droit constitutionnel proprement dit. Pour autant, il a néanmoins pu s’emparer d’un corpus de règles formellement constitutionnelles. Cela se justifie par le fait qu’il entend avant tout garantir aux administrés des droits et des libertés essentielles, sauf si la loi s’y oppose et donc, développer, autant qu’il soit possible, un droit administratif des libertés. Il a ainsi été beaucoup plus prompt que le Conseil constitutionnel à reconnaître la valeur juridique du préambule de la Constitution de 1946 (CE, Ass., 7 juillet 1950, Dehaene, req. n°01645, Rec. CE, p. 426, D. 1950, p.538, note A. Gervais, JCP 1950, II, 5681, concl. Gazier, RDP 1950, p. 691, concl. Gazier, note M. Waline, RA 1950, p. 366, concl. Gazier). Cependant, cette reconnaissance avait été possible grâce à la Constitution de 1946 où l’article 81 reconnaissait aux citoyens le droit « à la jouissance des droits et libertés garantis par le préambule de la présente Constitution ». Il n’y avait pas le même type de dispositions dans la Constitution de 1958. En effet, le Préambule se contente de proclamer « l’attachement » aux différentes déclarations de droits auxquelles il renvoie. Ce rattachement, pourtant assez lâche, n’a pas empêché le Conseil d’Etat de reconnaître la valeur constitutionnelle du Préambule (CE, Sect., 12 février 1960, Société Eky, req. n°46922, op. cit.).
ii) La reconnaissance consécutive de la valeur constitutionnelle des normes du préambule
280• La DDHC de 1789 (faisant déjà parti du Préambule de la Constitution de 1946) a été directement appliquée par le Conseil d’Etat dès 1957 dans l’arrêt « Condamine », dans lequel ce dernier applique directement les articles 9 et 10 respectivement relatifs à la présomption d’innocence et à la liberté de conscience (CE, 7 juin 1957, Condamine, RDP 1958, p. 98, note M. Waline) puis la jurisprudence deviendra constante dès la Vème République, avec notamment l’arrêt « Société Eky » précité dans lequel le Conseil d’Etat applique directement l’article 8 DDHC. Les Principes particulièrement nécessaires à notre temps ont eux aussi été consacrés, même si leur application a été plus indirecte. On peut citer, à cet égard, l’arrêt « Gisti » où le juge fonde sa décision directement sur ces principes, leur accordant ainsi une valeur constitutionnelle (CE, 8 décembre 1978, Gisti, CFDT, CGT, req. n°10097, 10677 et 10679, Rec. CE, p.493, concl. P. Dondoux, DSoc 1979, p. 57, concl. P. Dondoux, AJDA 1979, p. 38, chron. O. Dutheillet de Lamothe et Y. Robineau, D. 1979, p. 661, note L. Hamon). Enfin, le Conseil d’Etat va reconnaître aux Principes fondamentaux reconnus par les lois de la République (PFRLR) une valeur constitutionnelle, clairement établie dès l’arrêt « Amicale des Annamites de Paris » en 1956, dans lequel le juge reconnaît la liberté d’association comme PFRLR (CE, Ass., 11 juillet 1956, Amicale des Annamites de Paris, req. n°26638, Rec. CE, p. 317, AJDA 1956, II , p. 395 et note H. Fournier et G. Braibant).
iii) La reconnaissance finale de la valeur juridique de la Charte de l’environnement
281• Le long processus de la consécration de la valeur constitutionnelle des normes du Préambule de la Constitution s’est terminé avec la reconnaissance de la valeur juridique de la Charte de l’environnement. Alors qu’il avait estimé que si une loi s’interpose entre la Charte de l’environnement et un acte administratif, c’est cette loi qui est déterminante pour vérifier la légalité de l’acte en cas de litige (CE, 19 juin 2006, Association eaux et rivières de Bretagne, req. n°282456, BDEI 2006, p. 41, concl. M. Guyomar), sa position a fini par évoluer reconnaissant la valeur constitutionnelle de l’ensemble des dispositions contenues dans la Charte de l’environnement (CE, Ass., 3 octobre 2008, Commune d’Annecy, req. n°297931, Rec. CE, p. 322, AJDA 2008, p. 2166, chron. E. Geffray et S.-J. Liéber, D. 2009, p.1852, obs. V. Bernaud et L. Gay et p. 2448, obs. F. G. Trébulle, RDI 2008, p. 563, obs. P. Soler-Couteaux, RFDA 2008, p. 1147, concl. Y. Aguila et p. 1158, note L. Janicot, Constitutions 2010, p.139, obs. Y. Aguila). En l’espèce, le juge administratif se fonde sur l’article 7 de la Charte consacrant le principe de participation du public pour annuler pour incompétence un décret relatif aux lacs de montagne. Seul le législateur est, en effet, compétent, en vertu de l’article mentionné, pour préciser les conditions et les limites du droit de participation du public. Il faut relever, dans cet arrêt, que le juge administratif insiste sur la valeur supra-législative accordée à la Charte, en précisant que si un décret ne peut intervenir que pour appliquer des dispositions législatives, c’est sous réserve dans le cas d’espèce, « qu’elles ne soient pas incompatibles avec les exigences de la Charte ». Ainsi, le juge administratif pose le principe selon lequel la loi doit se soumettre à la Charte : une disposition contraire à une norme constitutionnelle se verrait obligatoirement annulée pour inconstitutionnalité.
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