RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
CASSATION sur le pourvoi formé par :
– X… Liliane, épouse Y…,
contre un arrêt de la cour d’appel de Nancy (2e chambre) en date du 21 décembre 1979 qui l’a condamnée à 2 mois d’emprisonnement avec sursis pour infraction à un arrêté d’expulsion.
LA COUR,
Vu le mémoire personnel régulièrement produit ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de l’insuffisance des motifs et du défaut de réponse à conclusions ;
Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des règles de compétence ;
Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des règles relatives à la légalité des actes administratifs ;
Les moyens étant réunis ;
Vu les articles 384 et 593 du Code de procédure pénale et 13 de la loi des 16-24 août 1790 ;
Attendu, d’une part, que les juges sont tenus de répondre aux chefs péremptoires des conclusions dont ils sont régulièrement saisis ;
Attendu, d’autre part, que, lorsqu’un acte administratif est assorti d’une sanction pénale qu’il est demandé à un tribunal judiciaire de prononcer, les juges ont le devoir de s’assurer, tant en la forme qu’éventuellement au fond, de la conformité de cet acte à la loi ;
Attendu qu’il résulte de l’arrêt attaqué et de l’examen de la procédure que Liliane X…, épouse Y…, a été déférée à la juridiction correctionnelle comme prévenue d’infraction à un arrêté d’expulsion ; que, devant les juges du fond, la prévenue a contesté la légalité de cet acte en soutenant, d’une part, que l’avis prévu par l’article 24 de l’ordonnance du 2 novembre 1945 dans sa rédaction antérieure à la loi du 29 octobre 1981 ne lui avait pas été notifié conformément aux dispositions de l’article 25 de la même ordonnance et de l’article 3 du décret du 13 mars 1946 et, d’autre part, que ledit arrêté était entaché d’une erreur manifeste d’appréciation relative aux conséquences, pour l’ordre public, de la présence de la prévenue sur le territoire français ;
Attendu, sur le premier point, que, pour rejeter l’exception, les juges d’appel énoncent que l’arrêté d’expulsion a été notifié à l’intéressée le 12 juillet 1968 à la maison centrale de Rennes et que Liliane X… n’a pas usé du droit de demander » dans le délai de huit jours à partir de la notification » à être entendue par la Commission spéciale des expulsions ;
Mais attendu que ces énonciations, qui sont relatives non à la notification prévue par les articles 24 et 25 précités de l’ordonnance du 2 novembre 1945 mais celle de l’arrêté lui-même et aux conséquences, d’ailleurs erronées, que la Cour attribue à cette notification, ne répondent pas aux conclusions de la prévenue ;
Attendu, sur le second point, que, pour rejeter l’exception présentée, les juges d’appel énoncent que » l’arrêté apparaissant régulier en la forme, la juridiction judiciaire n’a le pouvoir d’en contrôler ni l’opportunité ni le bien-fondé sous peine de s’immiscer dans les fonctions administratives » ;
Attendu, cependant, que si à bon droit la cour d’appel a écarté l’examen de l’opportunité de l’acte critiqué, elle ne pouvait, dès lors qu’elle y était invitée par les conclusions de la prévenue, se refuser à prononcer sur la question de savoir si l’autorité administrative n’avait pas commis une erreur manifeste d’appréciation en estimant que la présence de Liliane X… sur le territoire français constituait une menace pour l’ordre public ; qu’en effet, une telle erreur, à supposer qu’elle ait été commise, eût été une cause d’illégalité de l’acte précité et que, dès lors, en statuant ainsi qu’ils l’ont fait, les juges ont méconnu l’étendue de leurs propres attributions ;
D’où il suit que la cassation est encourue ;
Par ces motifs :
CASSE ET ANNULE en toutes ses dispositions l’arrêt susvisé de la cour d’appel de Nancy du 21 décembre 1979 et, pour qu’il soit statué à nouveau conformément à la loi :
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d’appel de Dijon.