Demandeur : Le procureur général près la cour d’appel de Grenoble
Défendeur : M. Adda X…
Sur le moyen de cassation soulevé d’office pris de la violation de l’article 111-5 du code pénal et de l’article 11 de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955 relative à l’état d’urgence ;
Vu les articles 111-5 du code pénal et 11 – I de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955 relative à l’état d’urgence dans sa rédaction résultant de la loi n° 2015-1501 du 20 novembre 2015 prorogeant l’application de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955 relative à l’état d’urgence et renforçant l’efficacité de ses dispositions ;
Attendu qu’aux termes du premier de ces textes, les juridictions pénales sont compétentes pour interpréter les actes administratifs, réglementaires ou individuels et pour en apprécier la légalité lorsque, de cet examen, dépend la solution du procès pénal qui leur est soumis ; qu’il en va ainsi lorsque, de la régularité de ces actes, dépend celle de la procédure pénale ;
Attendu que, selon le second de ces textes, le décret déclarant ou la loi prorogeant l’état d’urgence peut, par une disposition expresse, conférer au ministre de l’intérieur, pour l’ensemble du territoire où est institué l’état d’urgence, et au préfet, dans le département, le pouvoir d’ordonner des perquisitions en tout lieu, y compris un domicile, de jour et de nuit, sauf dans un lieu affecté à l’exercice d’un mandat parlementaire ou à l’activité professionnelle des avocats, des magistrats ou des journalistes, lorsqu’il existe des raisons sérieuses de penser que ce lieu est fréquenté par une personne dont le comportement constitue une menace pour la sécurité et l’ordre publics ;
Attendu qu’il résulte de l’arrêt attaqué et des pièces de procédure que, le 8 décembre 2015, le préfet de l’Isère a ordonné de procéder sans délai à la perquisition des locaux de l’épicerie « l’Epicedre » et de ses annexes, sis 39 avenue de Grugliasco à Echirolles (38), dans lesquels il existait, selon l’arrêté du préfet, des raisons sérieuses de penser que ces lieux étaient fréquentés par un individu susceptible d’y détenir illégalement des armes, d’entretenir des liens et de servir de soutien à des individus radicalisés ; que le même jour, à 15 heures 50, les fonctionnaires de police ont perquisitionné ces locaux, où, en présence du gérant de ce commerce, M.Adda X… , un officier de police judiciaire a saisi un sachet contenant dix grammes d’herbe de cannabis ; que M. X… a été poursuivi du chef de détention illicite de stupéfiants devant le tribunal correctionnel ; que le prévenu a soulevé une exception de nullité prise de l’illégalité de l’ordre de perquisition ; que le tribunal, faisant droit à cette exception, a renvoyé M. X… des fins de la poursuite ; que le procureur de la République a relevé appel de cette décision ;
Attendu que, pour accueillir l’exception de nullité tirée de l’illégalité de l’acte administratif et annuler l’intégralité des actes de la procédure, l’arrêt retient que, si l’absence de désignation nominative d’un individu visé par la perquisition et l’absence d’avis au procureur de la République ne sont pas de nature à vicier l’ordre de perquisition, l’arrêté préfectoral, qui ne fait référence à aucun élément factuel, fût-il sommaire, propre à établir la légitimité de l’affirmation selon laquelle le lieu concerné était fréquenté par un ou plusieurs individus dont les comportements constituaient une menace pour la sécurité et l’ordre publics, est insuffisamment précis pour justifier la contrainte exercée ;
Attendu que c’est à bon droit que la cour d’appel a retenu sa compétence pour apprécier la légalité de l’ordre de perquisition ;
Mais attendu qu’en accueillant cette exception, alors qu’il ressort des motifs de l’arrêt que l’arrêté préfectoral énonçait, au visa des dispositions de l’article 11- I de la loi susvisée, que les locaux concernés étaient fréquentés par une personne susceptible d’y détenir illégalement des armes, d’entretenir des liens et de servir de soutien à des individus radicalisés, d’où il se déduisait une menace pour la sécurité et l’ordre publics, la cour d’appel, à qui il incombait, si elle estimait l’arrêté insuffisamment motivé, de solliciter le ministère public afin d’obtenir de l’autorité préfectorale les éléments factuels sur lesquels celle-ci s’était fondée pour prendre sa décision, a méconnu les textes susvisés et le principe ci-dessus rappelé ;
D’où il suit que la cassation est encourue de ce chef ;
Par ces motifs, et sans qu’il soit besoin d’examiner les moyens de cassation proposés :
CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l’arrêt susvisé de la cour d’appel de Grenoble, en date du 29 juin 2016, et pour qu’il soit à nouveau jugé, conformément à la loi,
Président : M. Guérin
Rapporteur : M. Ricard
Avocat général : M. Lagauche