AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
CASSATION sur le pourvoi formé par X…, Y…, Z…, contre un arrêt de la chambre d’accusation de la cour d’appel de Rennes, en date du 10 décembre 1987, qui les a renvoyés devant la cour d’assises du Morbihan, sous l’accusation de complicité de ce crime.
LA COUR,
Vu l’arrêt rendu par la chambre criminelle de la Cour de Cassation le 18 juin 1984 et portant règlement de juges ;
Sur le pourvoi de X… et Y… ;
Attendu qu’aucun moyen n’est produit à l’appui du pourvoi ;
Sur le pourvoi de Z… ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 147 du Code pénal, 336 du Code civil, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale :
» en ce que l’arrêt attaqué a dit qu’il y avait lieu d’accuser X… d’avoir commis un faux en écriture publique et, par suite, Z… d’avoir provoqué X… à commettre un tel crime ;
» aux motifs que » X… aurait déclaré mensongèrement devant l’officier d’état civil d’Auray qu’il était père de l’enfant Jennifer V…, et aurait ainsi délibérément altéré la vérité d’un acte de reconnaissance qui a portée juridique et probatoire et n’aurait été produit en justice que pour se faire constater la fausse qualité de père dont il se prévalait et faire ainsi échec à l’action en recherche de paternité engagée par Mme V… contre Z… ; que de ces faits qualifiés crime par la loi pénale résultent charges suffisantes de faux en écritures publiques et complicité… » ;
» alors qu’une simple déclaration mensongère unilatérale ne constitue pas une infraction de faux ; qu’en l’espèce, la reconnaissance de paternité effectuée par X… ne faisait preuve que contre lui et n’était pas susceptible de nuire à des tiers, ceux-ci pouvant toujours contester le bien-fondé de la déclaration » ;
Vu lesdits articles ;
Attendu, d’une part, que tout jugement ou arrêt doit contenir les motifs propres à justifier la décision ; que l’erreur ou l’insuffisance des motifs équivaut à leur absence ;
Attendu, d’autre part, que la reconnaissance mensongère d’un enfant naturel dans un acte de l’état civil ne constitue pas en soi un faux punissable, cette reconnaissance pouvant toujours, en vertu de l’article 339 du Code civil, être contestée par son auteur lui-même ;
Attendu que pour déclarer qu’il résulte de l’information et des pièces de la procédure charges suffisantes contre X… d’avoir commis un faux en écriture publique et contre Z… et Y… de s’être rendus complices de ce crime les juges relèvent que ce dernier aurait, moyennant le versement d’une somme de 30 000 francs, mis en relation Z… avec X… qui aurait souscrit devant l’officier de l’état civil de la ville d’Auray une fausse déclaration de reconnaissance de paternité de l’enfant Jennifer en vue de rendre irrecevable l’action en recherche de paternité engagée contre Z… par Sophie V…, mère de l’enfant ;
Mais attendu qu’en l’état de ces motifs, d’où il résulte que seule la véracité de la paternité affirmée dans l’acte incriminé était en cause, les juges d’appel ont méconnu le principe ci-dessus énoncé ;
Attendu en outre que la chambre d’accusation qui était tenue de vérifier si les faits reprochés, à les supposer établis, ne tombaient pas sous le coup d’autres textes répressifs et, notamment en raison du concert frauduleux imputé aux inculpés, sous celui de l’article 405 du Code pénal, n’a pas donné une base légale à sa décision ;
D’où il suit que la cassation est encourue ;
Et attendu qu’en raison de l’indivisibilité des faits la cassation doit s’étendre aux trois demandeurs ;
Par ces motifs :
CASSE ET ANNULE l’arrêt de la chambre d’accusation de la cour d’appel de Rennes, en date du 10 décembre 1987, en toutes ses dispositions, et pour qu’il soit statué à nouveau conformément à la loi :
RENVOIE la cause et les parties devant la chambre d’accusation de la cour d’appel d’Angers.
Analyse
Publication : Bulletin criminel 1988 N° 117 p. 296
Décision attaquée : Cour d’appel de Rennes (chambre d’accusation) , du 10 décembre 1987
Textes appliqués :
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- Code civil 336
- Code pénal 147