Le Conseil constitutionnel a été saisi, dans les conditions prévues à l’article 61, alinéa 2, de la Constitution, de la loi de modernisation sociale, le 20 décembre 2001, par MM. Josselin de ROHAN, Nicolas ABOUT, Jean-Paul ALDUY, Jean-Paul AMOUDRY, Pierre ANDRÉ, Philippe ARNAUD, Jean ARTHUIS, Denis BADRÉ, Gérard BAILLY, Bernard BARRAUX, Jacques BAUDOT, Michel BÉCOT, Roger BESSE, Laurent BÉTEILLE, Joël BILLARD, Jacques BLANC, Maurice BLIN, Mme Annick BOCANDÉ, MM. Joël BOURDIN, Jean BOYER, Jean-Guy BRANGER, Gérard BRAUN, Mme Paulette BRISEPIERRE, MM. Jean-Claude CARLE, Gérard CÉSAR, Jean CHÉRIOUX, Jean CLOUET, Jean-Patrick COURTOIS, Xavier DARCOS, Robert DEL PICCHIA, Jean-Paul DELEVOYE, Fernand DEMILLY, Marcel DENEUX, Gérard DÉRIOT, Michel DOUBLET, Paul DUBRULE, Alain DUFAUT, André DULAIT, Ambroise DUPONT, Jean-Léonce DUPONT, Louis DUVERNOIS, Jean-Paul ÉMIN, Pierre FAUCHON, Jean FAURE, André FERRAND, Hilaire FLANDRE, Gaston FLOSSE, Jean-Pierre FOURCADE, Bernard FOURNIER, Serge FRANCHIS, Yann GAILLARD, Christian GAUDIN, Mme Gisèle GAUTIER, MM. Patrice GÉLARD, Alain GÉRARD, François GERBAUD, Francis GIRAUD, Paul GIROD, Alain GOURNAC, Adrien GOUTEYRON, Francis GRIGNON, Louis GRILLOT, Georges GRUILLOT, Charles GUENÉ, Michel GUERRY, Hubert HAENEL, Mme Françoise HENNERON, MM. Pierre HÉRISSON, Daniel HOEFFEL, Jean-François HUMBERT, Jean-Jacques HYEST, Alain JOYANDET, Jean-Marc JUILHARD, Joseph KERGUÉRIS, Jean-Philippe LACHENAUD, Lucien LANIER, Jacques LARCHÉ, Gérard LARCHER, André LARDEUX, Patrick LASSOURD, Robert LAUFOAULU, Dominique LECLERC, Jacques LEGENDRE, Marcel LESBROS, Mme Valérie LÉTARD, MM. Gérard LONGUET, Jean-Louis LORRAIN, Simon LOUECKHOTE, Roland du LUART, Serge MATHIEU, Louis MOINARD, Georges MOULY, Bernard MURAT, Philippe NOGRIX, Mme Nelly OLIN, M. Jacques OUDIN, Mme Anne-Marie PAYET, MM. Michel PELCHAT, Jean PÉPIN, Bernard PLASAIT, Jean PUECH, Jean-Pierre RAFFARIN, Henri de RAINCOURT, Victor REUX, Charles REVET, Henri REVOL, Henri de RICHEMONT, Bernard SAUGEY, Jean-Pierre SCHOSTECK, Bruno SIDO, Louis SOUVET, Michel THIOLLIERE, André TRILLARD, François TRUCY, Maurice ULRICH, André VALLET, Jean-Marie VANLERENBERGHE, Alain VASSELLE, Jean-Pierre VIAL, Xavier de VILLEPIN, Serge VINÇON et François ZOCCHETTO, sénateurs,
et, le même jour, par MM. Jean-Louis DEBRÉ, Philippe DOUSTE-BLAZY, Jean-François MATTEI, Bernard ACCOYER, Mme Michèle ALLIOT-MARIE, MM. René ANDRÉ, Philippe AUBERGER, Pierre AUBRY, Jean AUCLAIR, Gauthier AUDINOT, Jean BARDET, Léon BERTRAND, Jean-Yves BESSELAT, Jean BESSON, Franck BOROTRA, Bruno BOURG-BROC, Michel BOUVARD, Philippe BRIAND, Bernard BROCHAND, Christian CABAL, Gilles CARREZ, Mme Nicole CATALA, MM. Richard CAZENAVE, Henri CHABERT, Jean-Paul CHARIÉ, Jean CHARROPPIN, Philippe CHAULET, Jean-Marc CHAVANNE, Olivier de CHAZEAUX, François CORNUT-GENTILLE, Alain COUSIN, Charles COVA, Henri CUQ, Arthur DEHAINE, Patrick DELNATTE, Yves DENIAUD, Patrick DEVEDJIAN, Guy DRUT, Jean-Michel DUBERNARD, Jean-Pierre DUPONT, Nicolas DUPONT-AIGNAN, François FILLON, Robert GALLEY, Henri de GASTINES, Hervé GAYMARD, Michel GIRAUD, Jacques GODFRAIN, Lucien GUICHON, François GUILLAUME, Gérard HAMEL, Michel HUNAULT, Christian JACOB, Didier JULIA, Alain JUPPÉ, Jacques KOSSOWSKI, Robert LAMY, Pierre LASBORDES, Jean-Claude LEMOINE, Lionnel LUCA, Alain MARLEIX, Jean MARSAUDON, Philippe MARTIN, Patrice MARTIN-LALANDE, Jacques MASDEU-ARUS, Mme Jacqueline MATHIEU-OBADIA, MM. Gilbert MEYER, Jean-Claude MIGNON, Pierre MORANGE, Jean-Marc NUDANT, Patrick OLLIER, Mme Françoise de PANAFIEU, MM. Robert PANDRAUD, Jacques PÉLISSARD, Etienne PINTE, Serge POIGNANT, Bernard PONS, Robert POUJADE, Didier QUENTIN, Jean-Bernard RAIMOND, Jean-Luc REITZER, André SCHNEIDER, Bernard SCHREINER, Philippe SÉGUIN, Frantz TAITTINGER, Michel TERROT, Georges TRON, Jean UEBERSCHLAG, Léon VACHET, François VANNSON, Roland VUILLAUME, Mme Marie-Jo ZIMMERMANN, MM. Pierre ALBERTINI, Pierre-Christophe BAGUET, Jacques BARROT, Jean-Louis BERNARD, Claude BIRRAUX, Emile BLESSIG, Mmes Marie-Thérèse BOISSEAU, Christine BOUTIN, MM. Loïc BOUVARD, Jean BRIANE, Yves BUR, Charles de COURSON, Yves COUSSAIN, Francis DELATTRE, Léonce DEPREZ, Jean-Pierre FOUCHER, Germain GENGENWIN, Gérard GRIGNON, Pierre HÉRIAUD, Patrick HERR, Mme Anne-Marie IDRAC, MM. Jean-Jacques JÉGOU, Edouard LANDRAIN, Jacques LE NAY, Maurice LIGOT, François LOOS, Christian MARTIN, Pierre MÉHAIGNERIE, Pierre MENJUCQ, Pierre MICAUX, Hervé MORIN, Dominique PAILLÉ, Henri PLAGNOL, Jean-Luc PRÉEL, Marc REYMANN, François ROCHEBLOINE, Rudy SALLES, Mme Nicole AMELINE, M. François d’AUBERT, Mme Sylvia BASSOT, MM. Dominique BUSSEREAU, Antoine CARRE, Pascal CLÉMENT, Georges COLOMBIER, Bernard DEFLESSELLES, Franck DHERSIN, Laurent DOMINATI, Charles EHRMANN, Nicolas FORISSIER, Claude GATIGNOL, Gilbert GANTIER, Claude GOASGUEN, François GOULARD, Michel HERBILLON, Philippe HOUILLON, Denis JACQUAT, Marc LAFFINEUR, Pierre LEQUILLER, Michel MEYLAN, Yves NICOLIN, Paul PATRIARCHE, Bernard PERRUT, Mme Marcelle RAMONET, MM. José ROSSI, Jean-Pierre SOISSON, Guy TESSIER, Gérard VOISIN et Jean VALLEIX, députés ;
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL,
Vu la Constitution ;
Vu l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
Vu le code du travail ;
Vu le code général des impôts ;
Vu le code de la construction et de l’habitation ;
Vu le code de la sécurité sociale ;
Vu le code pénal ;
Vu le code général des collectivités territoriales ;
Vu le code de l’éducation ;
Vu le code de commerce ;
Vu la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986 ;
Vu la loi n° 97-277 du 25 mars 1997 créant les plans d’épargne retraite ;
Vu la loi n° 2000-37 du 19 janvier 2000 relative à la réduction négociée du temps de travail ;
Vu la loi n° 2001-152 du 19 février 2001 sur l’épargne salariale ;
Vu la loi n° 2001-397 du 9 mai 2001 relative à l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes et notamment ses articles 24 à 31 ;
Vu la loi n° 2001-1066 du 16 novembre 2001, relative à la lutte contre les discriminations ;
Vu la convention du 23 mars 2000 passée entre l’Etat, l’AGIRC et l’ARRCO, relative à la validation pour la retraite complémentaire des périodes de pré-retraite et de chômage indemnisées par l’Etat ;
Vu les observations du Gouvernement, enregistrées le 3 janvier 2002 ;
Le rapporteur ayant été entendu ;
1. Considérant que les auteurs des saisines défèrent au Conseil constitutionnel la loi de modernisation sociale, en mettant en cause la régularité de la procédure ayant conduit à son adoption, ainsi que la conformité à la Constitution de son titre II et, en particulier, de ses articles 96, 97, 100, 101, 106, 107, 108, 112, 113, 118, 119 et 128 ; qu’en outre, les sénateurs requérants critiquent, en tout ou partie, ses articles 40, 48, 49, 158, 159, 162, 169, 170 et 217 et les députés requérants son article 98 ;
– SUR LA RÉGULARITÉ DE LA PROCÉDURE LÉGISLATIVE DANS SON ENSEMBLE :
2. Considérant que les députés requérants critiquent le dépôt, par le Gouvernement, lors de la deuxième lecture à l’Assemblée nationale, d’amendements portant articles additionnels » dont plus de quatorze concernent les licenciements » ; qu’ils allèguent que ces articles, parce qu’ils » modifient de façon conséquente le projet de loi, créant ex nihilo un nouveau régime juridique pour le droit de licenciement « , auraient dû, pour respecter l’article 39 de la Constitution, faire l’objet d’un projet de loi distinct ; qu’ils les considèrent en outre comme » sans lien avec le projet débattu » ;
3. Considérant, en premier lieu, qu’en vertu de la première phrase du deuxième alinéa de l’article 39 de la Constitution, » les projets de loi sont délibérés en Conseil des ministres après avis du Conseil d’Etat et déposés sur le bureau de l’une des deux assemblées » et qu’aux termes du premier alinéa de son article 44 : » Les membres du Parlement et le Gouvernement ont le droit d’amendement » ;
4. Considérant que le moyen tiré de la méconnaissance de l’article 39 de la Constitution est inopérant s’agissant d’amendements déposés par le Gouvernement, avant la réunion de la commission mixte paritaire, dans l’exercice du droit qu’il tient du premier alinéa de l’article 44 de la Constitution ;
5. Considérant, en second lieu, qu’il résulte des dispositions combinées des articles 39, 44 et 45 de la Constitution que le droit d’amendement s’exerce à chaque stade de la procédure législative, sous réserve des dispositions particulières applicables après la réunion de la commission mixte paritaire ; que, toutefois, les adjonctions ou modifications ainsi apportées au texte en cours de discussion, quels qu’en soient le nombre et la portée, ne sauraient, sans méconnaître les exigences qui découlent des premiers alinéas des articles 39 et 44 de la Constitution, être dépourvues de tout lien avec l’objet du projet ou de la proposition soumis au vote du Parlement ;
6. Considérant que le projet de loi comportait, dès son dépôt sur le bureau de l’Assemblée nationale, au premier chapitre de son titre II, des sections relatives respectivement à la prévention des licenciements, au droit à l’information des représentants du personnel, ainsi qu’au plan social et au droit au reclassement ; qu’en conséquence, les dispositions en cause, qui ont été introduites avant la réunion de la commission mixte paritaire, ne sont pas dénuées de lien avec le texte en cours de discussion ;
7. Considérant qu’il résulte de ce qui précède que doivent être rejetés les moyens tirés de l’irrégularité de la procédure législative ;
– SUR LE GRIEF TIRÉ DU DÉFAUT DE CLARTÉ ET D’INTELLIGIBILITÉ DES ARTICLES 96, 97, 98, 101, 106, 108, 112, 119, 128 et 162 :
8. Considérant que, selon les requérants, manqueraient aux exigences de clarté et d’intelligibilité de la loi, du fait de leur imprécision, de leur ambiguïté ou de leur obscurité, les dispositions des articles 96, 97, 98, 101, 106, 108, 112, 119, 128 et 162 ;
9. Considérant qu’il appartient au législateur d’exercer pleinement la compétence que lui confie l’article 34 de la Constitution ; qu’il doit, dans l’exercice de cette compétence, respecter les principes et règles de valeur constitutionnelle et veiller à ce que le respect en soit assuré par les autorités administratives et juridictionnelles chargées d’appliquer la loi ; qu’à cet égard, le principe de clarté de la loi, qui découle de l’article 34 de la Constitution, et l’objectif de valeur constitutionnelle d’intelligibilité de la loi, qui découle des articles 4, 5, 6 et 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, lui imposent, afin de prémunir les sujets de droits contre une interprétation contraire à la Constitution ou contre le risque d’arbitraire, d’adopter des dispositions suffisamment précises et des formules non équivoques ; qu’il revient au Conseil constitutionnel de procéder à l’interprétation des dispositions d’une loi qui lui est déférée dans la mesure où cette interprétation est nécessaire à l’appréciation de sa constitutionnalité ; qu’il appartient aux autorités administratives et juridictionnelles compétentes d’appliquer la loi, le cas échéant sous les réserves que le Conseil constitutionnel a pu être conduit à formuler pour en admettre la conformité à la Constitution ;
– En ce qui concerne l’article 96 :
10. Considérant que le I de l’article 96 insère trois alinéas après le premier alinéa de l’article L. 321-4-1 du code du travail ; que les deuxième et troisième alinéas nouveaux de cet article subordonnent l’établissement d’un plan de sauvegarde de l’emploi, dans les entreprises où la durée collective du travail est fixée à un niveau supérieur à 35 heures hebdomadaires ou à 1 600 heures sur l’année, à la conclusion préalable d’un accord collectif de réduction du temps de travail ou, à défaut, à l’engagement par l’employeur de négociations tendant à la conclusion d’un tel accord ; que le quatrième alinéa nouveau ouvre aux institutions représentatives du personnel dans l’entreprise, » jusqu’à l’achèvement de la procédure de consultation prévue à l’article L. 321-2 « , la faculté de saisir le juge statuant en la forme des référés, aux fins de faire prononcer la suspension de la procédure de licenciement et fixer un délai pour l’accomplissement par l’employeur de ses obligations ; qu’il prévoit également que » dès qu’il constate que les conditions fixées par le deuxième ou le troisième alinéa du présent article sont remplies, le juge autorise la poursuite de la procédure. Dans le cas contraire, il prononce, à l’issue de ce délai, la nullité de la procédure de licenciement » ;
11. Considérant que, selon les requérants, le législateur aurait insuffisamment précisé le régime juridique de l’obligation de négociation préalable pesant sur l’employeur ; qu’il lui revenait en particulier d’indiquer si le juge saisi est ou non tenu de suspendre la procédure de licenciement en cas de manquement à cette obligation et comment, après avoir fixé un délai pour son accomplissement, il peut se prononcer sans attendre l’expiration de ce délai ; qu’enfin, le législateur aurait omis de trancher le point de savoir si la carence de l’employeur peut être relevée à l’occasion d’un contentieux ultérieur portant sur la validité du plan de sauvegarde de l’emploi ;
12. Considérant qu’il résulte des termes mêmes de la loi déférée que le législateur a entendu définir une voie de droit spécifique conférant au juge, saisi en la forme des référés par le comité d’entreprise, le pouvoir de purger les irrégularités entachant la procédure de licenciement et, à défaut d’une telle régularisation, d’en prononcer la nullité ; que cette interprétation est confortée par la nouvelle rédaction donnée au premier alinéa de l’article L. 122-14-4 du code du travail par l’article 111 de la loi déférée, qui limite explicitement le champ de la nullité de la procédure de licenciement et de l’obligation de réintégration des salariés qui en découle au cas prévu par le cinquième alinéa de l’article L. 321-4-1, c’est-à-dire » tant qu’un plan visant au reclassement de salariés s’intégrant au plan de sauvegarde de l’emploi n’est pas présenté par l’employeur aux représentants du personnel » ; qu’en l’absence de disposition expresse en ce sens, et la nullité ne se présumant point, la violation de la loi ne pourrait pas être sanctionnée a posteriori devant le juge du contrat de travail par la nullité de la procédure de licenciement et l’obligation de réintégration qui en découlerait ; qu’une telle violation se traduirait seulement, le cas échéant, par l’octroi d’indemnités pour absence de cause réelle et sérieuse de licenciement, dans les conditions du droit commun ;
13. Considérant qu’il n’incombait pas à l’article critiqué de préciser davantage les pouvoirs du juge ni la procédure suivie devant celui-ci, dès lors qu’il peut être fait application, dans ces domaines, des règles du droit commun ; qu’ainsi, le législateur n’est pas resté en deçà de sa compétence ;
– En ce qui concerne l’article 101 :
14. Considérant que l’article 101 remplace le deuxième alinéa de l’article L. 432-1 du code du travail par six alinéas ; qu’aux termes des deuxième et troisième alinéas nouveaux de cet article : » Le comité d’entreprise est obligatoirement informé et consulté sur tout projet de restructuration et de compression des effectifs. Il émet un avis sur ledit projet et sur ses modalités d’application et peut formuler des propositions alternatives à ce projet. Ces avis et les éventuelles propositions alternatives sont transmis à l’autorité administrative compétente. – Le comité d’entreprise dispose d’un droit d’opposition qui se traduit par la saisine d’un médiateur selon les modalités prévues à l’article L. 432-1-3. Pendant la durée de la mission du médiateur, le projet en question est suspendu » ; que l’article L. 432-1-3 précité, créé par l’article 106 de la loi déférée, prévoit en son premier alinéa : » En cas de projet de cessation totale ou partielle d’activité d’un établissement ou d’une entité économique autonome ayant pour conséquence la suppression d’au moins cent emplois, s’il subsiste une divergence importante entre le projet présenté par l’employeur et la ou les propositions alternatives présentées par le comité d’entreprise, l’une ou l’autre partie peut saisir un médiateur, sur une liste arrêtée par le ministre du travail » ;
15. Considérant que, selon les sénateurs requérants, le renvoi par le nouvel article L. 432-1 aux » modalités prévues à l’article L. 432-1-3 » ne permettrait pas de définir le champ d’application du droit d’opposition du comité d’entreprise, dont on ne pourrait déterminer s’il peut s’exercer » en présence de tout projet de restructuration et de compression des effectifs « , ou seulement dans l’hypothèse prévue par le nouvel article L. 432-1-3 ; qu’en outre, selon les députés requérants, le terme de » restructuration » serait » très flou » ;
16. Considérant, en premier lieu, qu’il résulte des termes de l’article L. 432-1 modifié, éclairés par les travaux préparatoires, que cet article doit être interprété comme ouvrant au comité d’entreprise un droit d’opposition qui se traduit par la saisine d’un médiateur, dans les seuls cas de » cessation totale ou partielle d’activité d’un établissement ou d’une entité économique autonome ayant pour conséquence la suppression d’au moins cent emplois » ;
17. Considérant, en second lieu, que le terme de » restructuration » figurant à l’article 101 est suffisamment précis ;
18. Considérant qu’il résulte de ce qui précède que, sous la réserve énoncée dans le considérant 16 de la présente décision, l’article 101 n’est pas contraire à l’article 34 de la Constitution ;
– En ce qui concerne l’article 108 :
19. Considérant que l’article 108 de la loi déférée complète l’article L. 321-1 du code du travail par un alinéa ainsi rédigé : » Le licenciement pour motif économique d’un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d’adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l’intéressé sur un emploi relevant de la même catégorie que celui qu’il occupe ou sur un emploi équivalent ou, à défaut, et sous réserve de l’accord exprès du salarié, sur un emploi de catégorie inférieure ne peut être réalisé dans le cadre de l’entreprise ou, le cas échéant, dans les entreprises du groupe auquel l’entreprise appartient » ;
20. Considérant que les requérants soutiennent que l’obligation qui pèse ainsi sur l’employeur de réaliser » tous les efforts de formation et d’adaptation » est une obligation floue dont la portée et les limites ne sont pas définies ; que le législateur aurait dû préciser si la méconnaissance de cette obligation de reclassement prive le licenciement de cause réelle et sérieuse ou si elle entraîne la nullité du licenciement ouvrant droit à réintégration ;
21. Considérant qu’il résulte des travaux préparatoires de l’article 108 que le législateur a entendu consacrer la jurisprudence selon laquelle l’employeur, tenu d’exécuter de bonne foi le contrat de travail, a le devoir d’assurer l’adaptation des salariés à l’évolution de leurs emplois, obligation aujourd’hui codifiée à l’article L. 932-2 du code du travail par la loi susvisée du 19 janvier 2000 ; qu’en vertu de cette obligation, l’employeur doit offrir au salarié la formation nécessaire pour occuper les emplois qu’il lui propose dans le cadre de son obligation de reclassement, c’est-à-dire des emplois de même catégorie que celui qu’il occupe ou équivalents ou encore, sous réserve de son accord exprès, d’une catégorie inférieure ; qu’en l’absence de disposition expresse en ce sens, et la nullité ne se présumant point, la méconnaissance de cette obligation ne pourra pas être sanctionnée par la nullité de la procédure de licenciement et l’obligation de réintégration qui en résulterait ; que, sous ces réserves, l’article 108 n’est pas contraire à l’exigence de clarté découlant de l’article 34 de la Constitution ;
– En ce qui concerne l’article 112 :
22. Considérant que l’article 112 se borne à modifier, à l’article L. 321-4-1 du code du travail, la liste des mesures susceptibles d’être intégrées au plan de sauvegarde de l’emploi que l’employeur doit établir et mettre en oeuvre en vertu du premier alinéa du même article ; que, selon les sénateurs requérants, le législateur aurait omis de préciser les conditions permettant au juge de déclarer nulle la procédure de licenciement en cas d’insuffisance du plan de reclassement ; que, contrairement à ce que soutiennent les requérants, ces conditions sont définies au deuxième alinéa, devenu le cinquième, de l’article L. 321-4-1 du code du travail, qui n’est pas modifié par la loi déférée ; que, dès lors, le grief manque en fait ;
– En ce qui concerne l’article 128 :
23. Considérant que l’article 128 complète l’article L. 432-4-1 du code du travail pour conférer au comité d’entreprise le pouvoir de saisir l’inspecteur du travail de » faits susceptibles de caractériser un recours abusif aux contrats de travail à durée déterminée et aux contrats de travail temporaire » ; que les requérants critiquent l’usage par le législateur de la notion de » recours abusif » à ces formes d’emploi, qu’il n’a pas définie ;
24. Considérant qu’en vertu des articles L. 122-1 et L. 124-2 du code du travail, le contrat de travail à durée déterminée et le contrat de travail temporaire ne peuvent avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale de l’entreprise ; que l’article 128 doit être interprété au regard de ces dispositions de portée générale ; qu’en visant l’hypothèse d’un » recours abusif « , le législateur a entendu permettre au comité d’entreprise de saisir l’inspection du travail dans tous les cas où, sans préjudice de la qualification susceptible d’être ultérieurement retenue par les juges compétents, il lui apparaît que les articles L. 122-1 et L. 124-2 ont pu être méconnus par l’employeur ; que, dès lors, l’article 128 n’est pas entaché d’incompétence négative ;
– En ce qui concerne les autres dispositions critiquées :
25. Considérant que les articles 97 et 98 insèrent respectivement dans le code de commerce les articles L. 239-1 et L. 239-2 ; que la première de ces dispositions soumet la cessation d’activité d’un établissement ou d’une entité économique autonome entraînant la suppression d’au moins cent emplois à une décision des organes sociaux de direction et de surveillance, prise après consultation du comité d’entreprise et sur présentation, par le chef d’entreprise, d’une » étude d’impact social et territorial » dont le contenu est défini par décret en Conseil d’Etat ; que la seconde de ces dispositions impose la présentation d’une telle étude pour » tout projet de développement stratégique … susceptible d’affecter de façon importante les conditions d’emploi et de travail » au sein de la société ; que les requérants jugent trop imprécises les notions » d’établissement » et » d’entité économique autonome » adoptées par l’article 97 ; que, selon la saisine des députés, la définition retenue pour le » projet de développement stratégique » mentionné à l’article 98 serait également lacunaire ;
26. Considérant que l’article L. 432-1-3 inséré dans le code du travail par l’article 106 de la loi déférée énonce, en son cinquième alinéa, que : » Le médiateur dispose dans le cadre de sa mission des plus larges pouvoirs pour s’informer de la situation de l’entreprise » et, en son septième alinéa, que : » En cas d’acceptation par les deux parties, la recommandation du médiateur … emporte les effets juridiques d’un accord au sens des articles L. 132-1 et suivants » ; que, selon les requérants, seraient insuffisamment définis les pouvoirs du médiateur et le régime juridique de sa recommandation, lorsqu’elle est acceptée par les parties ;
27. Considérant que l’article 119 insère dans le code précité un article L. 321-4-3 relatif au congé de reclassement ; qu’aux termes du troisième alinéa de ce nouvel article : » Le congé de reclassement est effectué pendant le préavis, dont le salarié est dispensé de l’exécution. Lorsque la durée du congé de reclassement excède la durée du préavis, le terme de ce dernier est reporté d’une durée égale à la durée du congé de reclassement restant à courir. Pendant cette période, le préavis est suspendu » ; qu’en vertu de son quatrième alinéa, pendant la période de suspension du préavis, le salarié bénéficie d’une rémunération mensuelle, à la charge de l’employeur, dont le montant est fixé conformément au 4° de l’article L. 322-4 ; qu’il est reproché à cet article d’être » difficilement compréhensible » en ce qu’il prévoit la suspension d’un préavis qu’il prolonge par ailleurs ;
28. Considérant que l’article 162 ajoute à la loi du 6 juillet 1989 susvisée un article 22-2 qui dresse la liste limitative des documents que le bailleur ne peut demander au candidat à la location en préalable à l’établissement du contrat de location ; que ces documents sont les suivants : » – photographie d’identité ; – carte d’assuré social ; – copie de relevé de compte bancaire ou postal ; – attestation de bonne tenue de compte bancaire ou postal » ; que, selon les sénateurs requérants, la portée de ce texte serait incertaine, dès lors que son interprétation » a contrario » permettrait au bailleur d’exiger, dans trois de ces cas, la production d’une copie et, dans le quatrième, celle d’un original ;
29. Considérant que le législateur n’a nullement méconnu la compétence qui est la sienne en vertu de l’article 34 de la Constitution ; que les articles 97, 98, 106, 119 et 162 ne sont pas entachés d’incompétence négative ;
30. Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que doit être rejeté le grief tiré du défaut de clarté et d’intelligibilité des articles précités ;
– SUR LE GRIEF TIRÉ DE L’ATTEINTE AU PRINCIPE D’ÉGALITÉ PAR LES ARTICLES 48, 96 ET 113 :
31. Considérant que les auteurs des saisines reprochent aux articles 48, 96 et 113 de méconnaître le principe d’égalité ;
32. Considérant que le principe d’égalité ne s’oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu’il déroge à l’égalité pour des raisons d’intérêt général pourvu que, dans l’un et l’autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l’objet de la loi qui l’établit ;
– En ce qui concerne l’article 48 :
33. Considérant que l’article 48 abroge la loi susvisée du 25 mars 1997 ainsi que plusieurs de ses dispositions insérées dans le code général des impôts et dans le code de la sécurité sociale ;
34. Considérant que les sénateurs requérants soutiennent que cette abrogation créerait, en méconnaissance du onzième alinéa du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, » une inégalité devant la retraite entre travailleurs du secteur public et salariés du régime général « , du fait de la suppression de la » déductibilité du revenu imposable des versements effectués par les salariés en vue de se constituer une épargne retraite complémentaire » ;
35. Considérant, en premier lieu, que les salariés liés par un contrat de travail de droit privé, d’une part, et les agents des collectivités publiques, d’autre part, relèvent de régimes juridiques différents au regard de la législation sur les retraites ;
36. Considérant, en second lieu, qu’il est à tout moment loisible au législateur, statuant dans le domaine de sa compétence, de modifier des textes antérieurs ou d’abroger ceux-ci en leur substituant, le cas échéant, d’autres dispositions, dès lors que, ce faisant, il ne prive pas de garanties légales des exigences constitutionnelles ;
37. Considérant qu’en l’espèce, l’abrogation de la loi susvisée ne modifie en rien les droits des salariés du secteur privé aux prestations servies par les régimes de base de sécurité sociale et par les régimes complémentaires ; que, dès lors, elle ne prive pas de garanties légales les exigences issues du onzième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946 ;
38. Considérant qu’il résulte de ce qui précède que l’article 48 ne porte pas atteinte au principe d’égalité ;
– En ce qui concerne l’article 96 :
39. Considérant que les requérants reprochent à l’article 96, en imposant la négociation d’un accord de réduction du temps de travail préalablement à l’établissement d’un plan de sauvegarde de l’emploi, de rompre l’égalité au détriment des entreprises qui se trouveraient, faute d’organisation syndicale représentative en leur sein, dans l’impossibilité de négocier ;
40. Considérant que le législateur n’a pas entendu mettre à la charge des employeurs concernés une obligation de résultat, mais seulement une obligation de moyens ; qu’ainsi, l’article L. 321-4-1 du code du travail, dans sa rédaction issue de l’article contesté, doit être interprété comme visant exclusivement les entreprises dans lesquelles il existe au moins une organisation syndicale représentative et comme permettant de n’invoquer la carence de l’employeur que pour autant que l’inexécution des obligations prévues par cet article lui est imputable ; que, sous cette réserve, l’article 96 n’est pas contraire à la Constitution ;
– En ce qui concerne l’article 113 :
41. Considérant que les parlementaires requérants soutiennent qu’en majorant le taux de l’indemnité légale de licenciement pour motif économique, l’article 113 de la loi déférée introduit une rupture d’égalité au détriment des salariés licenciés pour un motif inhérent à leur personne ;
42. Considérant, toutefois, que les salariés licenciés pour motif économique sont, au regard de l’objectif de la loi qui est de prévenir les licenciements économiques en renchérissant leur coût, dans une situation différente de celle des salariés qui sont licenciés pour un autre motif ; qu’ainsi, l’article contesté ne méconnaît pas le principe d’égalité ;
– SUR LE GRIEF TIRÉ DE L’ATTEINTE PORTÉE A LA LIBERTÉ D’ENTREPRENDRE PAR L’ARTICLE 107 ET PAR LE CHAPITRE 1ER DU TITRE II :
– En ce qui concerne l’article 107 :
43. Considérant que l’article 107 de la loi déférée modifie l’article L. 321-1 du code du travail en remplaçant la définition du licenciement économique issue de la loi n° 89-549 du 2 août 1989 par une nouvelle définition ainsi rédigée : » Constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d’une suppression ou transformation d’emploi ou d’une modification du contrat de travail, consécutives soit à des difficultés économiques sérieuses n’ayant pu être surmontées par tout autre moyen, soit à des mutations technologiques mettant en cause la pérennité de l’entreprise, soit à des nécessités de réorganisation indispensables à la sauvegarde de l’activité de l’entreprise » ; qu’il résulte des termes mêmes de ces dispositions qu’elles s’appliquent non seulement dans l’hypothèse d’une suppression ou transformation d’emploi mais également en cas de refus par un salarié d’une modification de son contrat de travail ; qu’en vertu de l’article L. 122-14-4 du même code, la méconnaissance de ces dispositions ouvre droit, en l’absence de cause réelle et sérieuse du licenciement, à une indemnité qui ne peut être inférieure au salaire des six derniers mois ;
44. Considérant que les requérants soutiennent que cette nouvelle définition porte une atteinte disproportionnée à la liberté d’entreprendre ; qu’en limitant, par la suppression de l’adverbe » notamment « , la liste des situations économiques permettant de licencier, » le législateur écarte des solutions imposées par le bon sens comme la cessation d’activité » ; que la notion de » difficultés sérieuses n’ayant pu être surmontées par tout autre moyen » va permettre au juge de s’immiscer dans le contrôle des choix stratégiques de l’entreprise qui relèvent, en vertu de la liberté d’entreprendre, du pouvoir de gestion du seul chef d’entreprise ; que les notions de » mutations technologiques mettant en cause la pérennité de l’entreprise » ou de » nécessités de réorganisation indispensables à la sauvegarde de l’activité de l’entreprise » constituent des » formules vagues » dont la méconnaissance sera néanmoins sanctionnée par les indemnités dues en l’absence de cause réelle et sérieuse du licenciement ;
45. Considérant que le Préambule de la Constitution réaffirme les principes posés tant par la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 que par le Préambule de la Constitution de 1946 ; qu’au nombre de ceux-ci, il y a lieu de ranger la liberté d’entreprendre qui découle de l’article 4 de la Déclaration de 1789 ainsi que les principes économiques et sociaux énumérés par le texte du Préambule de 1946, parmi lesquels figurent, selon son cinquième alinéa, le droit de chacun d’obtenir un emploi et, en vertu de son huitième alinéa, le droit pour tout travailleur de participer, par l’intermédiaire de ses délégués, à la détermination collective des conditions de travail ainsi qu’à la gestion des entreprises ;
46. Considérant qu’il incombe au législateur, dans le cadre de la compétence qu’il tient de l’article 34 de la Constitution pour déterminer les principes fondamentaux du droit du travail, d’assurer la mise en oeuvre des principes économiques et sociaux du Préambule de la Constitution de 1946, tout en les conciliant avec les libertés constitutionnellement garanties ; que, pour poser des règles propres à assurer au mieux, conformément au cinquième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946, le droit pour chacun d’obtenir un emploi, il peut apporter à la liberté d’entreprendre des limitations liées à cette exigence constitutionnelle, à la condition qu’il n’en résulte pas d’atteinte disproportionnée au regard de l’objectif poursuivi ;
47. Considérant, en premier lieu, que la nouvelle définition du licenciement économique résultant de l’article 107 de la loi déférée limite aux trois cas qu’elle énonce les possibilités de licenciement pour motif économique à l’exclusion de toute autre hypothèse comme, par exemple, la cessation d’activité de l’entreprise ;
48. Considérant, en deuxième lieu, qu’en ne permettant des licenciements économiques pour réorganisation de l’entreprise que si cette réorganisation est » indispensable à la sauvegarde de l’activité de l’entreprise » et non plus, comme c’est le cas sous l’empire de l’actuelle législation, si elle est nécessaire à la sauvegarde de la compétitivité de l’entreprise, cette définition interdit à l’entreprise d’anticiper des difficultés économiques à venir en prenant des mesures de nature à éviter des licenciements ultérieurs plus importants ;
49. Considérant, en troisième lieu, qu’en subordonnant les licenciements économiques à » des difficultés économiques sérieuses n’ayant pu être surmontées par tout autre moyen « , la loi conduit le juge non seulement à contrôler, comme c’est le cas sous l’empire de l’actuelle législation, la cause économique des licenciements décidés par le chef d’entreprise à l’issue des procédures prévues par le livre IV et le livre III du code du travail, mais encore à substituer son appréciation à celle du chef d’entreprise quant au choix entre les différentes solutions possibles ;
50. Considérant que le cumul des contraintes que cette définition fait ainsi peser sur la gestion de l’entreprise a pour effet de ne permettre à l’entreprise de licencier que si sa pérennité est en cause ; qu’en édictant ces dispositions, le législateur a porté à la liberté d’entreprendre une atteinte manifestement excessive au regard de l’objectif poursuivi du maintien de l’emploi ; que, dès lors, les dispositions de l’article 107 doivent être déclarées non conformes à la Constitution ;
– En ce qui concerne l’ensemble du chapitre 1er du titre II :
51. Considérant que l’article 99 de la loi déférée modifie l’article L. 321-3 du code du travail pour préciser que la procédure de consultation du comité d’entreprise prévue par le chapitre premier du titre II du livre III ne peut être engagée qu’après l’achèvement de la procédure de consultation prévue par les premier et deuxième chapitres du titre III du livre IV du code du travail ; que l’article 101 remplace le deuxième alinéa de l’article L. 432-1 du même code par six alinéas qui disposent que la consultation du comité d’entreprise au titre du livre IV comporte deux réunions et que le comité d’entreprise peut recourir à l’assistance d’un expert-comptable ; que l’article 106 insère dans le même code un article L. 432-1-1 qui prévoit qu’en cas de projet de cessation totale ou partielle d’activité d’un établissement ou d’une entité économique autonome ayant pour conséquence la suppression d’au moins cent emplois, les parties peuvent faire appel, en cas de divergence importante, à un médiateur ; qu’enfin, l’article 116 modifie les deux derniers alinéas de l’article L. 321-7 du même code pour prévoir qu’à l’issue de la procédure de consultation au titre du livre III, le plan de sauvegarde de l’emploi définitivement arrêté est transmis par l’employeur à l’autorité administrative compétente qui peut en constater la carence éventuelle ; que, dans cette hypothèse, l’employeur est tenu d’organiser une réunion supplémentaire du comité d’entreprise en vue d’un nouvel examen du plan de sauvegarde de l’emploi ;
52. Considérant que les requérants soutiennent que ces dispositions conduiraient à un allongement excessif des procédures de licenciement collectif pour motif économique, qui constituerait une atteinte manifeste à la liberté d’entreprendre ;
53. Considérant qu’ainsi qu’il a été dit ci-dessus, il incombe au législateur, dans le cadre de la compétence qu’il tient de l’article 34 de la Constitution pour déterminer les principes fondamentaux du droit du travail, d’assurer la mise en oeuvre des principes économiques et sociaux du Préambule de la Constitution de 1946, tout en les conciliant avec les libertés constitutionnellement garanties ; que, pour définir les conditions et garanties de mise en oeuvre du droit pour tout travailleur de participer, par l’intermédiaire de ses délégués, à la détermination collective des conditions de travail ainsi qu’à la gestion des entreprises, il peut apporter à la liberté d’entreprendre des limitations liées à cette exigence constitutionnelle à la condition qu’il n’en résulte pas d’atteinte disproportionnée au regard de l’objectif poursuivi ;
54. Considérant que le législateur a encadré de façon précise les différentes phases de la procédure de licenciement collectif pour motif économique dans laquelle on ne saurait inclure, comme le soutiennent les requérants, la durée du congé de reclassement prévu à l’article L. 321-4-3 du code du travail dans sa rédaction résultant de l’article 119 de la loi déférée ; qu’ainsi, les deux réunions du comité d’entreprise prévues par l’article L. 432-1 du code du travail, dans sa rédaction résultant de l’article 101 de la loi déférée, sont séparées par un délai d’au moins quinze jours et d’au plus vingt et un jours lorsque le comité d’entreprise a désigné un expert-comptable ; que, de même, dans l’hypothèse où il est fait appel à un médiateur en vertu de l’article L. 432-1-3, dans sa rédaction résultant de l’article 106 de la loi déférée, le médiateur doit être saisi au plus tard dans les huit jours suivant l’issue de la procédure d’information et de consultation prévue au livre IV du code du travail ; que la durée de sa mission ne peut, à défaut d’accord entre les parties, excéder un mois ; que les deux parties disposent d’un délai de cinq jours pour lui faire connaître par écrit leur acceptation ou leur refus de sa recommandation ; qu’en vertu de l’article L. 321-7, dans sa rédaction résultant de l’article 116 de la loi déférée, l’autorité administrative compétente dispose d’un délai de huit jours pour constater la carence éventuelle du plan de sauvegarde de l’emploi ; que, dans cette hypothèse, le comité d’entreprise dispose d’un délai de deux jours ouvrables suivant la notification du constat de carence pour demander une réunion supplémentaire ; qu’en aménageant ainsi les délais des procédures de consultation du comité d’entreprise, le législateur n’a pas porté à la liberté d’entreprendre une atteinte manifestement excessive au regard de l’objectif poursuivi ;
– SUR L’ARTICLE 40 :
55. Considérant que l’article 40 invite le Gouvernement à organiser, dès la publication de la loi déférée, » une concertation avec les organisations syndicales en ce qui concerne l’élection des représentants des salariés au sein des conseils d’administration des organismes du régime général de sécurité sociale et avec les organisations patronales en ce qui concerne l’élection des représentants des employeurs » ;
56. Considérant que, contrairement à ce qu’allèguent les sénateurs requérants, cette disposition, d’ailleurs dépourvue de portée normative, ne présente pas le caractère d’une injonction qui serait adressée par le législateur au Gouvernement en méconnaissance des prérogatives que la Constitution attribue à ce dernier ; que, dès lors, le grief doit être écarté ;
– SUR L’ARTICLE 49 :
57. Considérant que l’article 49 met à la charge du fonds de solidarité vieillesse visé à l’article L. 135-1 du code de la sécurité sociale la validation, par des organismes de retraite complémentaire, de périodes de chômage et de préretraite indemnisées par l’Etat ;
58. Considérant que les sénateurs requérants soutiennent que le fonds de solidarité vieillesse, dès lors qu’il constitue un organisme créé pour concourir au financement des régimes obligatoires de base au sens de l’article L.O. 111-3 du code de la sécurité sociale, ne pourrait se voir confier d’autres missions, telles que le financement des régimes de retraite complémentaire ; qu’il allèguent, en outre, que les sommes versées par le fonds de solidarité vieillesse seraient inscrites comptablement selon la méthode des » encaissements-décaissements « , alors qu’elles sont retracées en droits constatés dans l’annexe f) du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2002 ; que l’article 49 altérerait ainsi la sincérité de ladite annexe ;
59. Considérant, en premier lieu, qu’en faisant référence aux organismes créés pour concourir au financement des régimes obligatoires de base dans les articles L.O. 111-3 et L.O. 111-4 du code de la sécurité sociale, le législateur organique n’a pas exclu que de tels organismes puissent également concourir au financement des régimes complémentaires ;
60. Considérant, en second lieu, que les annexes jointes au projet de loi de financement de la sécurité sociale constituent des documents mis à la disposition des membres du Parlement pour assurer leur information et leur permettre de se prononcer en connaissance de cause sur ledit projet ; qu’elles sont dépourvues de la portée normative qui s’attache aux dispositions de la loi de financement de la sécurité sociale ; que, dès lors, le grief tiré de ce que l’article 49 affecterait la sincérité de l’annexe f) au projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2002 est, en tout état de cause, inopérant ;
61. Considérant qu’il résulte de ce qui précède que les griefs dirigés contre l’article 49 doivent être écartés ;
– SUR L’ARTICLE 100 :
62. Considérant que l’article 100 insère dans le code du travail un article L. 431-5-1 ; qu’aux termes du deuxième alinéa de ce dernier article : » Le chef d’entreprise ne peut procéder à une annonce publique dont les mesures de mise en oeuvre sont de nature à affecter de façon importante les conditions de travail ou d’emploi des salariés, qu’après avoir informé le comité d’entreprise » ; qu’en vertu du troisième alinéa, » lorsque l’annonce publique concerne plusieurs entreprises appartenant à un groupe, les membres des comités d’entreprise de chaque entreprise intéressée ainsi que les membres du comité de groupe et, le cas échéant, les membres du comité d’entreprise européen sont informés » ; que le quatrième alinéa punit l’inobservation de ces prescriptions des peines prévues aux articles L. 483-1, L. 483-1-1 et L. 483-1-2 du code du travail relatifs au délit d’entrave au fonctionnement des comités d’entreprise ;
63. Considérant que les requérants reprochent à l’article 100 de méconnaître tant l’article 34 de la Constitution que le principe de légalité des délits et celui de la nécessité des peines inscrits à l’article 8 de la Déclaration de 1789 ; que le législateur aurait insuffisamment précisé le contenu de cette obligation d’information dont la violation constitue une infraction pénale ; qu’en particulier, il n’aurait pas indiqué le délai dans lequel le chef d’entreprise doit procéder à l’information des représentants du personnel ; qu’en outre, les prescriptions du nouvel article L. 431-5-1 seraient contraires à » la réglementation des marchés des valeurs mobilières qui fixe, quant à elle, le principe que tout émetteur doit porter à la connaissance du public tout fait important susceptible, s’il était connu, d’avoir une incidence sur le cours de l’instrument financier concerné « , de sorte que le respect de l’une de ces dispositions conduirait inévitablement l’employeur à méconnaître l’autre ;
64. Considérant, en premier lieu, que le législateur a défini la nature de l’obligation d’information en cause, son responsable et ses destinataires ; qu’il en a déterminé les modalités de mise en oeuvre, ainsi que le caractère préalable à toute annonce publique ; que, dans ces conditions, il n’a méconnu ni l’étendue de sa compétence, ni le principe constitutionnel de la légalité des délits et des peines ;
65. Considérant, en deuxième lieu, que l’ordre donné à l’employeur par la loi déférée d’informer les représentants du personnel avant de rendre public un projet de restructuration constitue une cause d’exonération de la responsabilité qu’il pourrait encourir, tant en matière pénale que civile, du seul fait de cette information ;
66. Considérant, enfin, qu’en vertu du deuxième alinéa de l’article L. 432-7 du code du travail applicable en l’espèce : » Les membres du comité d’entreprise et les représentants syndicaux sont tenus à une obligation de discrétion à l’égard des informations présentant un caractère confidentiel et données comme telles par le chef d’entreprise ou son représentant » ; qu’une telle obligation a vocation à s’appliquer sans préjudice des poursuites civiles et pénales auxquelles les intéressés s’exposeraient du fait de la divulgation ou de l’utilisation de ces informations en violation de toutes autres dispositions législatives ou réglementaires, et notamment du droit boursier ;
67. Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que les griefs formulés à l’encontre de l’article 100 doivent être écartés ;
– SUR L’ARTICLE 118 :
– En ce qui concerne le I de l’article 118 :
68. Considérant que le I de l’article 118 de la loi déférée permet au représentant de l’Etat dans le département, lorsqu’une entreprise occupant entre cinquante et mille salariés procède à des licenciements économiques susceptibles d’affecter l’équilibre d’un bassin d’emploi, de convoquer les parties intéressées pour que cette entreprise contribue » à la création d’activités, aux actions de formation professionnelle et au développement des emplois dans le bassin d’emploi » ; que les parlementaires requérants reprochent à cette disposition d’accorder au représentant de l’Etat dans le département » une latitude d’action exorbitante de nature à porter atteinte à divers règles et principes à valeur constitutionnelle, tels que la liberté d’entreprendre » ;
69. Considérant que la disposition contestée se borne à mettre en place un dispositif incitatif ; qu’en l’adoptant, le législateur n’a porté atteinte ni à la liberté d’entreprendre ni à aucun autre principe ou règle de valeur constitutionnelle ;
– En ce qui concerne le II de l’article 118 :
70. Considérant que le II de l’article 118 institue une contribution ayant un objet identique à celle du I mais qui en diffère par son caractère contraignant et ses modalités d’exercice ; que cette contribution est mise à la charge des entreprises qui occupent plus de mille salariés et qui procèdent à la fermeture partielle ou totale d’un site ; qu’elle peut prendre la forme soit de mesures en faveur de l’emploi, réalisées directement ou indirectement par l’entreprise concernée en application d’une convention signée avec l’Etat, soit d’un versement au Trésor public en cas d’absence de convention ou d’inexécution partielle ou totale de celle-ci ;
71. Considérant que les requérants reprochent au législateur d’avoir » méconnu le champ de sa propre compétence en laissant au préfet un pouvoir exorbitant quant au taux de la contribution demandée « , d’avoir » imposé une contribution disproportionnée aux facultés contributives d’une entreprise qui, en l’occurrence, a des difficultés économiques » et, enfin, de ne pas avoir » prévu, en cas de versement au Trésor public, l’affectation de ces sommes à la création d’activités dans le bassin d’emploi en question, contrairement à l’objectif poursuivi par la loi » ;
72. Considérant, en premier lieu, qu’il est loisible au législateur, sous réserve de ne pas créer de rupture caractérisée de l’égalité devant les charges publiques, d’obliger les grandes entreprises qui procèdent à des licenciements économiques susceptibles d’affecter l’équilibre d’un bassin d’emploi à réaliser des dépenses destinées à atténuer les effets de la fermeture partielle ou totale d’un site ; qu’en l’espèce, le législateur, qui a plafonné le montant des dépenses à quatre fois la valeur mensuelle du salaire minimum de croissance par emploi supprimé et autorisé sa modulation, entre deux et quatre fois cette valeur, en fonction notamment des » capacités financières » de l’entreprise concernée, n’a pas méconnu le principe d’égalité devant les charges publiques énoncé à l’article 13 de la Déclaration de 1789 ;
73. Considérant, en deuxième lieu, qu’en fixant le montant de la nouvelle contribution, en l’absence de convention, à quatre fois la valeur mensuelle du salaire minimum de croissance par emploi supprimé et, en cas d’inexécution totale ou partielle de la convention, à la différence entre le montant des actions prévues par la convention et les dépenses effectivement réalisées, le législateur a exercé pleinement sa compétence ;
74. Considérant, en troisième lieu, que, si la contribution financière versée par l’entreprise en l’absence de convention ou en cas d’inexécution totale ou partielle de celle-ci, constitue une recette fiscale de l’Etat, elle n’en poursuit pas moins une finalité incitative ; qu’il était loisible au législateur d’en faire une recette de l’Etat ;
75. Considérant qu’il s’ensuit que les griefs présentés contre l’article 118 doivent être rejetés ;
– SUR LES ARTICLES 158, 169 ET 170 :
76. Considérant que l’article 158 de la loi déférée complète l’article 1er de la loi susvisée du 6 juillet 1989 par deux alinéas ; que le premier dispose que nul ne peut se voir refuser la location d’un logement en raison d’un des motifs de discrimination qu’il énumère ; que le second aménage la charge de la preuve de la discrimination en cas de litige ;
77. Considérant que le I de l’article 169 insère dans le code du travail les articles L. 122-49 à L. 122-53 ; que l’alinéa premier du nouvel article L. 122-49 définit le harcèlement moral au travail, dont peut être victime un salarié, comme les agissements répétés » qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel » ; que le deuxième alinéa du même article interdit qu’un salarié soit sanctionné, licencié ou fasse l’objet d’une mesure discriminatoire pour avoir subi ou refusé de subir les agissements de harcèlement moral au travail définis au premier alinéa du même article, ou pour avoir témoigné de tels agissements ou les avoir relatés ; que le nouvel article L. 122-52 procède à un aménagement de la charge de la preuve » en cas de litige relatif à l’application des articles L. 122-46 et L. 122-49 « , lesquels traitent respectivement du harcèlement sexuel au travail et du harcèlement moral au travail ;
78. Considérant que le IV de l’article 169 de la loi déférée étend aux dispositions des articles L. 122-46 et L. 122-49 du code du travail l’application des peines d’un an d’emprisonnement et de 3 750 euros d’amende prévues par l’article L. 152-1-1 du même code ; que l’article 170 de cette même loi crée un article 222-33-2 du code pénal qui punit le harcèlement moral au travail d’une peine d’emprisonnement d’un an et d’une amende de 15 000 euros ;
79. Considérant que les sénateurs requérants font grief à l’article 169 de méconnaître l’exigence de clarté de la loi en ce que la définition qu’il donne du harcèlement moral au travail ne précise pas les » droits » auxquels il est porté atteinte ; qu’ils soutiennent en outre que les articles 158 et 169 » renversent la charge de la preuve sur le défendeur « , en tant qu’ils » dispensent le requérant de prouver la véracité de ses affirmations » ; que, selon eux, ces articles porteraient atteinte à la présomption d’innocence telle qu’édictée par l’article 9 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen ainsi qu’aux droits de la défense ; qu’enfin les articles 169 et 170, qui incriminent deux fois le même agissement, seraient contraires à l’article 8 de la Déclaration de 1789 ;
– En ce qui concerne les dispositions relatives au droit pénal :
80. Considérant qu’aux termes de l’article 222-33-2 du code pénal issu de l’article 170 de la loi déférée : » Le fait de harceler autrui par des agissements répétés ayant pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel, est puni d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende » ;
81. Considérant qu’il résulte des articles 8 et 9 de la Déclaration de 1789 qu’une peine ne peut être infligée qu’à la condition que soient respectés le principe de légalité des délits et des peines, le principe de nécessité des peines, le principe de non-rétroactivité de la loi pénale plus sévère, ainsi que la présomption d’innocence ;
82. Considérant, en premier lieu, que le législateur tient de l’article 34 de la Constitution, ainsi que du principe de la légalité des délits et des peines, l’obligation de fixer lui-même le champ d’application de la loi pénale et de définir les crimes et délits en termes suffisamment clairs et précis pour permettre la détermination des auteurs d’infractions et pour exclure l’arbitraire dans le prononcé des peines ;
83. Considérant que, si l’article L. 122-49 nouveau du code du travail n’a pas précisé les » droits » du salarié auxquels les agissements incriminés sont susceptibles de porter atteinte, il doit être regardé comme ayant visé les droits de la personne au travail, tels qu’ils sont énoncés à l’article L. 120-2 du code du travail ; que, sous cette réserve, doivent être rejetés les griefs tirés tant du défaut de clarté de la loi que de la méconnaissance du principe de légalité des délits ;
84. Considérant, en deuxième lieu, que les dispositions des articles 158 et 169 de la loi déférée aménagent la charge de la preuve en faveur des personnes qui considèrent que le refus de location d’un logement qui leur a été opposé trouve sa cause dans une discrimination prohibée par la loi, d’une part, et de celles qui s’estiment victimes d’un harcèlement moral ou sexuel, d’autre part ; qu’il ressort des termes mêmes des dispositions critiquées que les règles de preuve dérogatoires qu’elles instaurent trouvent à s’appliquer » en cas de litige » ; qu’il s’ensuit que ces règles ne sont pas applicables en matière pénale et ne sauraient, en conséquence, avoir pour objet ou pour effet de porter atteinte au principe de présomption d’innocence ; que, dès lors, le grief manque en fait ;
85. Considérant, en troisième lieu, qu’en vertu de l’article 8 de la Déclaration de 1789, la loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires ; que le principe de proportionnalité qui en découle implique que, lorsque plusieurs dispositions pénales sont susceptibles de fonder la condamnation d’un seul et même fait, les sanctions subies ne peuvent excéder le maximum légal le plus élevé ;
86. Considérant qu’il appartiendra aux autorités juridictionnelles, ainsi, le cas échéant, qu’aux autorités chargées du recouvrement des amendes, de respecter, dans l’application de la loi déférée, le principe de proportionnalité des peines ci-dessus énoncé ; que, sous cette réserve, l’instauration dans le code pénal et dans le code du travail de deux incriminations réprimant les agissements de harcèlement moral au travail, dont la première a d’ailleurs un champ d’application plus large que la seconde, n’est pas, en elle-même, contraire à la Constitution ;
– En ce qui concerne les dispositions relatives au droit civil et au droit du travail :
87. Considérant, d’une part, que le quatrième alinéa ajouté à l’article 1er de la loi susvisée du 6 juillet 1989 par l’article 158 de la loi déférée dispose qu' » en cas de litige » la personne qui considère que le refus de location d’un logement qui lui a été opposé trouve sa cause dans une discrimination prohibée par le premier alinéa du même article » présente des éléments de fait laissant supposer l’existence d’une discrimination directe ou indirecte » et qu' » au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que sa décision est justifiée » ; que le juge civil compétent pour connaître de ce litige » forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles » ;
88. Considérant, d’autre part, que le nouvel article L. 122-52, inséré dans le code du travail par l’article 169 de la loi déférée, aménage, dans les mêmes termes, la charge de la preuve pour les litiges portés devant le juge du travail en application des deux premiers alinéas de l’article L. 122-46 du code du travail relatifs au harcèlement sexuel au travail et du deuxième alinéa du nouvel article L. 122-49 relatif au harcèlement moral au travail ;
89. Considérant que les règles de preuve plus favorables à la partie demanderesse instaurées par les dispositions critiquées ne sauraient dispenser celle-ci d’établir la matérialité des éléments de fait précis et concordants qu’elle présente au soutien de l’allégation selon laquelle la décision prise à son égard constituerait une discrimination en matière de logement ou procéderait d’un harcèlement moral ou sexuel au travail ; qu’ainsi, la partie défenderesse sera mise en mesure de s’expliquer sur les agissements qui lui sont reprochés et de prouver que sa décision est motivée, selon le cas, par la gestion normale de son patrimoine immobilier ou par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ; qu’en cas de doute, il appartiendra au juge, pour forger sa conviction, d’ordonner toutes mesures d’instruction utiles à la résolution du litige ; que, sous ces strictes réserves d’interprétation, les articles 158 et 169 ne méconnaissent pas le principe constitutionnel du respect des droits de la défense ;
90. Considérant que, sous les strictes réserves énoncées aux considérants 83, 86 et 89, les articles 158, 169 et 170 ne sont pas contraires à la Constitution ;
– SUR L’ARTICLE 159 :
91. Considérant que l’article 159 de la loi déférée prévoit que, lorsque des immeubles destinés à loger des personnes en difficulté font l’objet de location ou de sous-location meublée, le prix de location des meubles sera fixé par arrêté ministériel ; qu’un même arrêté déterminera les conditions dans lesquelles ce prix pourra être révisé ;
92. Considérant que les sénateurs requérants font grief à ces dispositions d’être contraires aux articles 2 et 17 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen qui consacrent le droit de propriété ; qu’ils soutiennent que cette disposition » porte atteinte au droit d’usufruit des bailleurs sociaux concernés puisque ces derniers n’auront plus la faculté de fixer par eux mêmes, dans les limites d’un plafond, la valeur de location de leurs meubles » ;
93. Considérant, d’une part, que la disposition contestée n’entraîne aucune atteinte substantielle au droit de propriété ; qu’ainsi, le grief tiré de la violation des articles 2 et 17 de la Déclaration de 1789 doit être écarté ;
94. Considérant, d’autre part, qu’en disposant que le prix de location des meubles sera fixé » en tenant compte du prix des meubles et de la durée de leur amortissement « , la disposition critiquée s’inscrit dans le cadre de la mise en oeuvre de l’objectif de valeur constitutionnelle que constitue la possibilité pour toute personne de disposer d’un logement décent ; que, toutefois, si le principe d’égalité n’interdit pas au législateur d’imposer à certaines catégories de personnes des charges particulières en vue d’améliorer les conditions de vie d’autres catégories de personnes, il ne doit pas, ce faisant, méconnaître l’exigence découlant de l’article 13 de la Déclaration de 1789 ; qu’en outre, s’il est loisible au législateur d’apporter, pour des motifs d’intérêt général, des modifications à des contrats en cours d’exécution, il ne saurait porter à l’économie des contrats légalement conclus une atteinte d’une gravité telle qu’elle méconnaisse manifestement la liberté découlant de l’article 4 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen ;
95. Considérant que ces exigences sont satisfaites en l’espèce sous réserve que l’arrêté ministériel ne fixe pas un prix de location des meubles à un niveau entraînant une rupture caractérisée de l’égalité devant les charges publiques ;
– SUR L’ARTICLE 217 :
96. Considérant que l’article 217 modifie les articles L. 225-23 et L. 225-71 du code de commerce afin de rendre obligatoire la représentation des salariés actionnaires au sein du conseil d’administration ou du conseil de surveillance des sociétés anonymes, dès lors que les actions détenues par le personnel représentent plus de 3 % du capital social ;
97. Considérant que les sénateurs requérants soulèvent quatre motifs d’inconstitutionnalité à l’encontre de cet article ;
98. Considérant qu’ils contestent, en premier lieu, la régularité de sa procédure d’adoption, en faisant valoir que l’amendement dont il est issu, adopté par l’Assemblée nationale en première lecture, serait » dépourvu de tout lien avec l’objet du projet de loi tel que déposé à l’origine » ;
99. Considérant que le titre II du projet de loi comportait, dès son dépôt sur le bureau de l’Assemblée nationale, des dispositions relatives au droit du travail, et en particulier à l’information des représentants du personnel ; que, dès lors, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que l’article critiqué trouverait son origine dans un amendement dépourvu de tout lien avec le texte initial ;
100. Considérant qu’il est allégué, en deuxième lieu, que, les articles précités du code de commerce venant d’être modifiés par la loi susvisée du 19 février 2001, » une telle instabilité des dispositions législatives ne saurait être conforme avec l’objectif de valeur constitutionnelle d’accessibilité et d’intelligibilité de la loi » ; qu’en outre, le législateur aurait méconnu la compétence qu’il tient de l’article 34 de la Constitution en ne fixant pas de façon suffisamment précise les règles d’application des nouvelles dispositions et en ne prévoyant pas » le cas où la part du capital social détenu par les salariés tomberait en deçà de 3 % » ;
101. Considérant que la circonstance que les deux articles du code de commerce modifiés par l’article 217 l’ont déjà été par une loi récente ne porte atteinte ni à la clarté, ni à l’intelligibilité de la règle applicable ;
102. Considérant que la disposition contestée définit avec précision, par référence à l’article L. 225-102 du code de commerce, les catégories d’actions prises en compte pour le calcul de la part détenue par les salariés dans le capital social ; qu’ainsi, les salariés concernés, devenus actionnaires dans le cadre de procédures collectives d’acquisition de titres de la société, sont ceux pris en compte dans le rapport annuel obligatoirement porté à la connaissance de l’assemblée générale en application de l’article précité ;
103. Considérant que, en l’absence de disposition expresse de la loi, il appartient à l’assemblée générale, à l’occasion de la présentation dudit rapport annuel, de décider du maintien ou de la suppression de la représentation du personnel au conseil d’administration ou au conseil de surveillance, dans les cas où la part du capital social détenu par les salariés tomberait en dessous du seuil de 3 % ; qu’ainsi, le législateur n’est pas resté en deçà de sa compétence ;
104. Considérant qu’il résulte de ce qui précède que doivent être rejetés les griefs tirés de la méconnaissance par l’article 217 de l’article 34 de la Constitution ;
105. Considérant, en troisième lieu, que, selon les sénateurs requérants, l’article contesté porterait atteinte au principe d’égalité entre salariés, entre actionnaires et entre sociétés ; que, par ailleurs, ils estiment arbitraire le seuil de 3 % ;
106. Considérant que le principe d’égalité, ainsi qu’il a été dit ci-dessus, ne s’oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu’il déroge à l’égalité pour des raisons d’intérêt général, pourvu que, dans l’un et l’autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l’objet de la loi qui l’établit ;
107. Considérant qu’au regard de l’objectif de participation des salariés au capital de l’entreprise, poursuivi par le législateur, les salariés actionnaires sont dans une situation différente des autres actionnaires et des autres salariés ; que, dès lors, le législateur a pu, sans méconnaître le principe d’égalité, prévoir leur représentation spécifique ;
108. Considérant, en outre, qu’en fixant à 3 % le taux de participation appelant une représentation spécifique des salariés actionnaires, le législateur n’a pas commis d’erreur manifeste d’appréciation, ni porté atteinte à l’égalité entre les sociétés ;
109. Considérant, en quatrième lieu, que les requérants dénoncent l’atteinte portée au huitième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946, aux termes duquel : » Tout travailleur participe, par l’intermédiaire de ses délégués, à la détermination collective des conditions de travail ainsi qu’à la gestion des entreprises » ;
110. Considérant que, loin de méconnaître les dispositions du huitième alinéa du Préambule de 1946, l’article contesté a pour objet de les mettre en oeuvre en instaurant une représentation des salariés actionnaires au sein des organes de direction des sociétés ;
111. Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que doivent être rejetés les griefs allégués à l’encontre de l’article 217 ;
– SUR LES ARTICLES 134 ET 137 :
112. Considérant que les articles 134 et 137 modifient le code de l’éducation de manière à permettre l’obtention de diplômes par » la validation des acquis de l’expérience » ; qu’ils confient à un jury le soin de prononcer cette validation ; qu’ainsi, l’article 134, relatif aux diplômes et titres à finalité professionnelle, dispose que » la validation est effectuée par un jury dont la composition garantit une présence significative de représentants qualifiés des professions concernées » ; que l’article 137, relatif aux diplômes ou titres délivrés, au nom de l’Etat, par un établissement d’enseignement supérieur, dispose que la validation » est prononcée par un jury dont les membres sont désignés par le président de l’université ou le chef de l’établissement d’enseignement supérieur en fonction de la nature de la validation demandée… Ce jury comprend, outre les enseignants chercheurs qui en constituent la majorité, des personnes compétentes pour apprécier la nature des acquis, notamment professionnels, dont la validation est sollicitée » ; que les modalités d’application de ces dispositions sont renvoyées par les deux articles 134 et 137 à un décret en Conseil d’Etat ;
113. Considérant qu’aux termes de l’article 134, la composition du jury » concourt à une représentation équilibrée entre les femmes et les hommes » ; que, de même, aux termes de l’article 137 : » les jurys sont composés de façon à concourir à une représentation équilibrée entre les femmes et les hommes » ;
114. Considérant qu’en vertu de l’article 6 de la Déclaration de 1789 : » Tous les citoyens… sont également admissibles à toutes dignités, places et emplois publics selon leur capacité et sans autre distinction que celles de leurs vertus et de leurs talents » ;
115. Considérant qu’en raison de la mission confiée aux jurys prévus par les articles 134 et 137 de la loi déférée, les membres desdits jurys occupent des » dignités, places et emplois publics » au sens de l’article 6 de la Déclaration de 1789 ; que les articles 134 et 137, qui reprennent la formulation retenue par la loi susvisée du 9 mai 2001 relative à l’égalité professionnelle, ne fixent qu’un objectif de représentation équilibrée entre les femmes et les hommes ; qu’ils n’ont pas pour objet et ne sauraient avoir pour effet de faire prévaloir, lors de la constitution de ces jurys, la considération du genre sur celle des compétences, des aptitudes et des qualifications ; que, sous cette réserve, les articles 134 et 137 n’appellent aucune critique quant à leur conformité à la Constitution ;
– SUR L’ARTICLE 216 :
116. Considérant que l’article 216 modifie le code général des collectivités territoriales pour permettre aux communes, à leurs groupements, aux départements et aux régions d’attribuer des subventions de fonctionnement aux structures locales des organisations syndicales représentatives dans des conditions fixées par décret en Conseil d’Etat ; que les organisations ainsi subventionnées sont tenues de présenter à l’organe délibérant de la collectivité concernée un » rapport détaillant l’utilisation de la subvention » ;
117. Considérant qu’aux termes de l’article 72 de la Constitution : » Les collectivités territoriales de la République (…) s’administrent librement par des conseils élus et dans les conditions prévues par la loi » ; que, par ailleurs, l’égalité proclamée par l’article 6 de la Déclaration de 1789 doit être respectée non seulement devant la loi, mais encore devant les délibérations des assemblées locales ;
118. Considérant qu’il résulte de ces exigences constitutionnelles que l’article 216 ne saurait avoir pour effet d’autoriser une assemblée locale à traiter inégalement les structures locales des organisations syndicales représentatives également éligibles à l’octroi de telles subventions du fait des missions d’intérêt général qu’elles remplissent sur le plan local ; que, sous cette réserve, l’article 216 n’est pas contraire à la Constitution ;
119. Considérant qu’il n’y a lieu, pour le Conseil constitutionnel, de soulever aucune autre question de conformité à la Constitution ;
DECIDE :
Article 1 :
L’article 107 est déclaré contraire à la Constitution.
Article 2 :
Ne sont pas contraires à la Constitution, sous les réserves énoncées dans la présente décision, les articles 96, 101, 108, 134, 137, 158, 159, 169, 170 et 216.
Article 3 :
La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française.
Délibéré par le Conseil constitutionnel dans ses séances des 11 et 12 janvier 2002, où siégeaient : MM. Yves GUÉNA, Président, Michel AMELLER, Jean-Claude COLLIARD, Olivier DUTHEILLET de LAMOTHE, Pierre JOXE, Pierre MAZEAUD, Mmes Monique PELLETIER, Dominique SCHNAPPER et Simone VEIL.