Le Conseil constitutionnel,
Saisi le 11 juin 1970 par le Premier Ministre, en application des dispositions de l’article 54 de la Constitution, de la question de savoir si le traité portant modification de certaines dispositions budgétaires des traités instituant les Communautés européennes et du traité instituant un Conseil unique et une Commission unique des Communautés européennes, signé à Luxembourg le 22 avril 1970, ainsi que la décision du Conseil des Communautés européennes en date du 21 avril 1970, relative au remplacement des contributions financières des Etats membres par des ressources propres aux Communautés comportent ou non des clauses contraires à la Constitution ;
Vu la Constitution et notamment son préambule et ses articles 53, 54 et 62 ;
Vu l’ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
Vu le traité du 18 avril 1951 instituant la Communauté européenne du charbon et de l’acier ;
Vu le traité du 25 mars 1957 instituant la Communauté économique européenne ;
Vu le traité du 25 mars 1957 instituant la Communauté européenne de l’énergie atomique ;
Vu le traité du 8 avril 1965 instituant un Conseil unique et une Commission unique des Communautés européennes ;
Vu le règlement n° 25 du 4 avril 1962 du Conseil de la Communauté économique européenne relatif au financement de la politique agricole commune ;
1. Considérant que la nécessité d’une révision de la Constitution, préalablement à l’autorisation de ratifier ou d’approuver un engagement international, prévue à l’article 54 de la Constitution est subordonnée par ce même texte à la déclaration par le Conseil constitutionnel, saisi par le Président de la République, le Premier Ministre, ou le Président de l’une ou l’autre Assemblée, que ledit engagement international comporte une clause contraire à la Constitution ; qu’il incombe donc au Conseil constitutionnel, dans le cas de l’espèce, comme dans tous les cas de cette nature, de déclarer si les engagements internationaux, soumis à son examen, en application de l’article 54, contiennent ou non des clauses contraires à la Constitution ;
En ce qui concerne le traité signé à Luxembourg le 22 avril 1970 portant modification de certaines dispositions budgétaires des traités instituant les Communautés européennes et du traité instituant un Conseil unique et une Commission unique des Communautés européennes :
2. Considérant que ce traité ne contient que des dispositions relatives au fonctionnement interne des Communautés modifiant la répartition des compétences entre les divers organes de celles-ci et qu’il n’affecte pas l’équilibre des relations entre les Communautés européennes, d’une part, et les Etats membres, d’autre part ;
3. Considérant, au surplus, que les engagements contenus dans les dispositions soumises à l’examen du Conseil constitutionnel ne prennent effet qu’après le dépôt du dernier instrument de ratification et qu’ils ont donc le caractère d’engagements réciproques ;
4. Considérant, en conséquence, qu’ils ne peuvent être contraires à aucune disposition de la Constitution ;
En ce qui concerne la décision du Conseil des Communautés européennes du 21 avril 1970 relative au remplacement des contributions financières des Etats membres par des ressources propres aux Communautés :
5. Considérant qu’il résulte des dispositions tant du traité de Paris du 18 avril 1951, instituant la Communauté européenne du charbon et de l’acier, que des traités de Rome du 25 mars 1957 instituant respectivement la Communauté économique européenne et la communauté européenne de l’énergie atomique, que le développement des Communautés européennes prévoit, notamment, pour le financement de leur budget, sous réserve du respect des procédures prévues par les stipulations des traités susmentionnés, le passage progressif d’un système de contribution des Etats membres à un régime de ressources propres ; que lesdits traités ont été régulièrement ratifiés et publiés et sont, dès lors, entrés dans le champ d’application de l’article 55 de la Constitution ;
6. Considérant que la décision du 21 avril 1970, qui recommande le remplacement des contributions financières des Etats membres par des ressources propres aux Communautés, a le caractère d’une mesure d’application des dispositions sus-rappelées des traités instituant les Communautés européennes, dès lors qu’elle est prise dans les conditions prévues notamment à l’article 201 du traité instituant la Communauté économique européenne et à l’article 173 du traité instituant la Communauté européenne de l’énergie atomique, c’est-à-dire conformément aux règles constitutionnelles respectives des Etats membres ; que l’application de ces règles exige que l’adoption des dispositions prévues par ladite décision qui, sur certains points, porte sur des matières de nature législative telles qu’elles sont définies à l’article 34 de la constitution, soit subordonnée, conformément à l’article 53, à l’intervention d’une loi ; que la condition de réciprocité susmentionnée se trouve remplie ;
7. Considérant, en conséquence, et sous réserve de son approbation par la loi, que ladite décision n’est pas en contradiction avec la Constitution,
8. Considérant, d’ailleurs, que la décision du 21 avril 1970 prend place dans un ensemble de mesures d’exécution liées à l’établissement d’une politique commune, qu’elle ne saurait donc avoir par elle-même valeur de principe ;
9. Considérant, que dans le cas de l’espèce, elle ne peut porter atteinte, ni par sa nature, ni par son importance, aux conditions essentielles d’exercice de la souveraineté nationale ;
Décide :
Article premier :
Le traité portant modification de certaines dispositions budgétaires des traités instituant les Communautés européennes et du traité instituant un Conseil unique et une Commission unique des Communautés européennes, signé à Luxembourg le 22 avril 1970 ainsi que la décision du 21 avril 1970 relative au remplacement des contributions financières des Etats membres par des ressources propres aux Communautés ne comportent pas de clause contraire à la Constitution.
Article 2 :
La présente décision sera notifiée au Premier Ministre et publiée au Journal officiel de la république française.
Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 19 juin 1970.