RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la requête, enregistrée le 28 février 2001 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentée par M. Christian X…, domicilié … ; M. X… demande au juge des référés du Conseil d’Etat, sur le fondement des dispositions des articles L.521-2 et L.523-1 du code de justice administrative :
1°) d’annuler une ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Paris en date du 16 février 2001 rejetant sa demande tendant : a) à l’annulation de la décision par laquelle le ministre de l’intérieur a refusé de lui communiquer le dossier le concernant détenu par le service des renseignements généraux ; b) d’enjoindre sous astreinte au ministre de l’intérieur de lui communiquer ledit dossier ; c) de condamner l’Etat à lui payer la somme de 3 000 F au titre des frais non compris dans les dépens qu’il a exposés ;
2°) de faire droit à ses conclusions aux fins d’annulation et d’injonction, tout en condamnant l’Etat a lui payer la somme de 10 000 F au titre de l’article L.761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la Constitution du 4 octobre 1958 notamment son Préambule ;
Vu la loi n° 73-1227 du 31 décembre 1973 autorisant la ratification de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, ensemble le décret n° 74-360 du 3 mai 1974 portant publication de ladite convention ;
Vu la loi n° 78-6 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés modifiée notamment par l’article 257 de la loi n° 92-1336 du 16 décembre 1992 ;
Vu le décret n° 78-774 du 17 juillet 1978 pris pour l’application des chapitres Ier à IV et VII de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 ;
Vu le décret n° 79-1160 du 28 décembre 1979 fixant les conditions d’application aux traitements d’informations nominatives intéressant la sûreté de l’Etat, la défense et la sécurité publique de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 ;
Vu le décret n° 86-326 du 7 mars 1986 portant application à certains actes réglementaires relatifs à des traitements automatisés d’informations nominatives intéressant la sûreté de l’Etat, la défense et la sécurité publique des dispositions du deuxième alinéa de l’article 20 de la loi n° 78- 17 du 6 janvier 1978 ;
Vu le décret n° 91-1051 du 14 octobre 1991 portant application aux fichiers informatisés, manuels ou mécanographiques gérés par les services des renseignements généraux des dispositions de l’article 31, alinéa 3, de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 ;
Vu le code de justice administrative notamment ses articles L. 511-1, L.511-2 (alinéa 2), L.521-2, L.522-1, L.522-3, L.523-1, L.761-1, R.522-10 et R.523-3 ;
Considérant qu’aux termes de l’article L.511-1 du code de justice administrative : « Le juge des référés statue par des mesures qui présentent un caractère provisoire. Il n’est pas saisi du principal et se prononce dans les meilleurs délais » ; que selon l’article L.521-2 du même code, « saisi d’une demande en ce sens, justifiée par l’urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d’une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public (…) aurait porté dans l’exercice d’un de ses pouvoirs une atteinte grave et manifestement illégale » ; que le respect de ces conditions revêt un caractère cumulatif ;
Considérant que si l’article L.522-1 du même code énonce dans son premier alinéa que « le juge des référés statue au terme d’une procédure contradictoire … » et prévoit dans son deuxième alinéa qu’une audience publique est tenue lorsqu’il est demandé au juge de prononcer les mesures visées à l’article L.521-2, il est spécifié à l’article L.522-3 que ces formalités ne sont pas exigées notamment lorsqu’il apparaît manifeste, au vu de la demande, qu’elle est irrecevable ou qu’elle est mal fondée ;
Considérant qu’aux termes du premier alinéa de l’article 31 de la loi du 6 janvier 1978 : « il est interdit de mettre ou conserver en mémoire informatisée, sauf accord exprès de l’intéressé, des données nominatives qui, directement ou indirectement, font apparaître les origines raciales ou les opinions politiques, philosophiques ou les appartenances syndicales (…) des personnes » ; que, toutefois, selon le troisième alinéa du même article, pour des motifs d’intérêt public, il peut être fait exception à l’interdiction ci-dessus sur proposition ou avis conforme, de la Commission nationale de l’informatique et des libertés ; que, sur le fondement de ces dernières dispositions, est intervenu notamment le décret n° 91-1051 du 14 octobre 1991 applicable aux fichiers gérés par les services des renseignements généraux ;
Considérant que si les articles 34 et 45 de la loi posent en principe que toute personne justifiant de son identité a le droit d’interroger les services ou organismes qui détiennent les fichiers visés par ces articles en vue de savoir s’ils contiennent des informations nominatives la concernant, il est précisé à l’article 39 de la loi qu’en ce qui concerne les traitements intéressant la sûreté de l’Etat, la défense et la sécurité publique la demande d’accès « est adressée à la commission qui désigne l’un de ses membres appartenant ou ayant appartenu au Conseil d’Etat, à la Cour de cassation ou à la Cour des comptes pour mener toute investigation utile et faire procéder aux modifications nécessaires … » ; que le même article ajoute qu' »il est notifié au requérant qu’il a été procédé aux vérifications » ;
Considérant que le décret du 14 octobre 1991 portant application de l’article 31, alinéa 3, de la loi du 6 janvier 1978 aux fichiers gérés par les services des renseignements généraux, tout en posant en principe que le droit d’accès à ces fichiers s’exerce « conformément aux dispositions de l’article 39 de la loi » détermine par son article 7 des modalités complémentaires de mise en oeuvre ; que, selon le dernier alinéa de cet article « le ministre de l’intérieur peut s’opposer à la communication au requérant de tout ou partie des informations le concernant lorsque cette communication peut nuire à la sûreté de l’Etat, à la défense ou à la sécurité publique. Dans ce cas, la Commission nationale de l’informatique et des libertés informe le requérant qu’il a été procédé aux vérifications » ;
Considérant que M. X… a saisi par lettre du 25 mai 2000 la Commission nationale de l’informatique et des libertés d’une demande tendant à ce que lui soient communiquées les informations le concernant détenues par le service des renseignements généraux ; que, par une lettre en date du 19 juin 2000 émanant de son président, a été portée à la connaissance du demandeur la décision de mise en oeuvre de la procédure de l’article 39 de la loi ; que, par lettre du 13 décembre 2000, le président de la Commission nationale de l’informatique et des libertés a avisé l’intéressé que le membre de la Commission chargé de l’exercice du droit d’accès indirect, avait procédé aux vérifications, en application de l’article 39 de la loi du 6 janvier 1978 et du décret du 14 octobre 1991 ; que les termes de la lettre du 13 décembre 2000 rapprochés des dispositions de l’article 7 du décret impliquent que le ministre de l’intérieur s’est opposé à la communication au requérant des informations le concernant ;
Considérant que M. X… a demandé au juge des référés sur le fondement de l’article L.521-2 du code de justice administrative, d’une part, d’annuler pour excès de pouvoir la décision de refus du ministre de l’intérieur de lui communiquer le dossier du service des renseignements généraux le concernant, et d’autre part, d’enjoindre à ce ministre, sous astreinte, de lui communiquer ledit dossier ;
Sur les conclusions à fin d’annulation :
Considérant que si, pour le cas où l’ensemble des conditions posées par l’article L.521-2 du code de justice administrative sont remplies, le juge des référés peut prescrire « toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d’une liberté fondamentale », de telles mesures doivent, ainsi que l’impose l’article L.511-1 du même code, présenter un « caractère provisoire » ; qu’il suit de là que le juge des référés ne peut, sans excéder sa compétence, prononcer l’annulation d’une décision administrative ; que, par suite, les conclusions à fin d’annulation présentées dans le cadre de l’instance en référé sont manifestement irrecevables ;
Sur les conclusions à fin d’injonction :
Considérant que, dans les circonstances de l’espèce, l’injonction qu’il est demandé au juge des référés de prononcer n’a pas le caractère d’une mesure provisoire ; qu’en réalité, elle aurait des effets en tous points identiques à ceux qui résulteraient de l’exécution par l’autorité administrative de la décision par laquelle le juge de l’excès de pouvoir viendrait, le cas échéant, à prononcer l’annulation de la décision de refus de communication du dossier pour un motif reposant sur une fausse application de la loi ; que de telles conclusions sont, pour les motifs précédemment énoncés à propos des conclusions à fin d’annulation, irrecevables ;
Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que la requête dirigée contre l’ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Paris ne peut qu’être rejetée, conformément aux dispositions de l’article L.522-3 du code de justice administrative ;
Sur les conclusions tendant à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de l’article L.761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l’Etat, qui n’est pas dans la présente instance la partie perdante, soit condamné à verser à M. X… la somme qu’il réclame au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
Article 1er : La requête présentée par M. X… est rejetée.
Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à M. Christian X…, à la Commission nationale de l’informatique et des libertés et au ministre de l’intérieur.