AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;
Vu le code de procédure pénale ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
– le rapport de Mme Sophie Roussel, Auditeur,
– les conclusions de M. Xavier de Lesquen, rapporteur public ;
Considérant que M. A demande l’annulation de la circulaire du 4 novembre 2010 du ministre d’Etat, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés concernant l’application des dispositions du code de procédure pénale relatives à la garde à vue ; que, par cette circulaire, adressée aux magistrats du parquet pour attribution et aux magistrats du siège pour information, le garde des sceaux a prescrit aux magistrats du parquet, après avoir rappelé la jurisprudence du Conseil constitutionnel et de la Cour de cassation sur le régime de la garde à vue alors en vigueur, d’organiser dans leurs ressorts des réunions afin de souligner la nécessité d’appliquer strictement les dispositions, toujours en vigueur, du code de procédure pénale relatives à la garde à vue ;
Sur la compétence de la juridiction administrative :
Considérant que la juridiction administrative est compétente pour connaître des recours pour excès de pouvoir dirigés contre les instructions ou circulaires par lesquelles l’autorité ministérielle fait connaître, au moyen de dispositions impératives à caractère général, l’interprétation qu’elle entend donner des lois et règlements ; qu’il en va ainsi alors même que les instructions ou circulaires concernent la procédure pénale, sous réserve toutefois qu’elles ne se rapportent pas directement et exclusivement au déroulement d’une procédure judiciaire ;
Considérant que la circulaire attaquée, adressée pour attribution aux magistrats du parquet et pour information aux magistrats du siège, a pour objet de rappeler les dispositions du code de procédure pénale relatives à la garde à vue en vigueur à la suite, d’une part, de la décision n° 2010-14/22 QPC du Conseil constitutionnel en date du 30 juillet 2010, d’autre part, des arrêts nos 5699, 5700 et 5701 de la chambre criminelle de la Cour de cassation en date du 19 octobre 2010 ; que la circulaire attaquée ne se rapporte pas au déroulement de procédures judiciaires particulières et est par elle-même sans effet sur la régularité des procédures judiciaires ; qu’il ne peut dès lors être soutenu que la juridiction administrative serait incompétente pour connaître de la requête de M. A tendant à son annulation ;
Sur les conclusions à fin de non-lieu :
Considérant qu’il ne ressort pas des pièces du dossier que la circulaire du 4 novembre 2010, alors même qu’elle a été implicitement mais nécessairement abrogée par une circulaire du 15 avril 2011 relative aux droits de la personne gardée à vue, postérieure à l’introduction de la requête, n’a pas reçu application ; que, par suite, le ministre n’est pas fondé à soutenir que les conclusions de la requête dirigées contre la circulaire du 4 novembre 2010, enregistrées le 24 décembre 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, seraient privées d’objet ;
Sur la légalité de la circulaire attaquée :
Sans qu’il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par le garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés ;
Considérant que lorsqu’une autorité administrative commente, par la voie d’une circulaire, une décision de justice, et prescrit d’en tirer certaines conséquences, elle ne peut que respecter l’autorité qui s’attache à cette décision ; qu’il n’appartient pas au juge de l’excès de pouvoir, saisi d’un recours dirigé contre une telle circulaire, d’apprécier le bien-fondé de la décision de justice commentée ; qu’il lui appartient en revanche d’apprécier, dans l’exercice de son contrôle de légalité et dans la limite des moyens soulevés, si l’interprétation retenue par la circulaire ne méconnaît pas le sens et la portée de cette décision ;
Considérant que la circulaire attaquée n’a pas d’autre objet que de commenter la jurisprudence constitutionnelle et judiciaire, en vigueur à la date de son édiction, relative aux dispositions du code de procédure pénale concernant la garde à vue et de prescrire aux magistrats du ministère public de s’y conformer en mettant en oeuvre strictement les dispositions pertinentes du code de procédure pénale, toujours applicables, dans l’attente de l’entrée en vigueur de la loi destinée à les mettre en conformité avec les exigences constitutionnelles et conventionnelles ; que, dès lors, le moyen tiré de ce que cette circulaire serait entachée d’illégalité en ce qu’elle prescrirait de continuer à appliquer des dispositions du code de procédure pénale contraires aux stipulations de l’article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et en ce qu’elle ferait obstacle, fût-ce pour une durée déterminée, à l’application immédiate des principes découlant de ces stipulations, ne peut qu’être écarté ;
Considérant qu’il résulte de ce qui précède que le requérant n’est pas fondé à demander l’annulation de la circulaire attaquée ;
D E C I D E :
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Article 1er : La requête de M. A est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. Jérémy A et au garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés.
ECLI:FR:CESSR:2012:345301.20120424