RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Requête de Mme X… tendant :
1° à l’annulation du jugement du 9 avril 1985 du tribunal administratif de Nouméa rejetant sa demande tendant à l’annulation et au sursis à l’exécution de l’arrêté du 23 février 1985 par lequel le haut-commissaire de la République lui a interdit de séjourner sur l’ensemble du territoire de la Nouvelle-Calédonie et dépendances ;
2° à l’annulation dudit arrêté ;
3° à ce qu’il soit sursis à son exécution ;
Vu la loi du 3 avril 1955 instituant un état d’urgence et en déclarant l’application en Algérie ; la loi du 6 septembre 1984 relative à l’organisation de la Nouvelle-Calédonie et dépendances ; la loi du 25 janvier 1985 relative à l’état d’urgence en Nouvelle-Calédonie et dépendances ; le décret du 10 mai 1955 portant règlement d’administration publique pour l’application de l’article 7 de la loi du 3 avril 1955 instituant un état d’urgence et en déclarant l’application en Algérie ; l’arrêté du 12 janvier 1985 par lequel le haut-commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie et dépendances a proclamé l’état d’urgence en Nouvelle-Calédonie et dépendances ; le code des tribunaux administratifs ; l’ordonnance du 31 juillet 1945 et le décret du 30 septembre 1953 ; la loi du 30 décembre 1977 ;
Considérant que l’état d’urgence proclamé en Nouvelle-Calédonie et dépendances par l’arrêté du 12 janvier 1985 du haut-commissaire de la République en application de l’article 119 de la loi du 6 septembre 1984 portant statut du territoire de la Nou- velle-Calédonie et dépendances et de la loi du 3 avril 1955 instituant un état d’urgence, a été rétabli jusqu’au 30 juin 1985 par la loi n° 85-96 du 25 janvier 1985 ; qu’aux termes de l’article 5-3° de la loi précitée du 3 avril 1955, le préfet dont le département se trouve en tout ou partie compris dans une circonscription où l’état d’urgence a été déclaré peut » interdire le séjour dans tout ou partie du département à toute personne cherchant à entraver, de quelque manière que ce soit, l’action des pouvoirs publics » ; que, par un arrêté du 21 février 1985, le haut-commissaire de la République a interdit le séjour de Mme X… sur le territoire de la Nouvelle-Calédonie, et lui a enjoint de quitter le territoire avant le 25 février à 24 heures ; que, par l’arrêté attaqué, en date du 23 février 1985, le haut-commissaire de la République, après avoir rapporté son précédent arrêté, a pris la même mesure d’interdiction de séjour à l’égard de Mme X… et lui a enjoint de quitter immédiatement le territoire ;
Cons. qu’il résulte des pièces du dossier que le moyen tiré de ce que la commission consultative prévue à l’article 7 de la loi précitée du 3 avril 1955 n’aurait pas été constituée à la date à laquelle a été pris l’arrêté attaqué, manque en fait ;
Cons. que si le retrait d’une mesure défavorable est susceptible de créer des droits au profit des personnes qui en sont l’objet, rien ne s’oppose, lorsqu’une telle mesure paraît entachée d’un vice de forme, à ce que, en vue de couvrir ce vice, l’autorité administrative en prononce le retrait et prenne une nouvelle décision fondée sur les mêmes faits ; que, par suite, Mme X… ne tenait du retrait de l’arrêté du 21 février 1985, prononcé en raison de l’insuffisance prêtée à sa motivation, aucun droit qu’aurait méconnu la décision, d’ailleurs prise simultanément, l’interdisant de séjour à raison des faits qui avaient motivé la mesure rapportée ; qu’en retenant la participation active de Mme X… à une manifestation interdite, le haut-commissaire de la République ne s’est pas fondé, alors même que cette manifestation a pu en fait se dérouler, sur des faits matériellement inexacts ; qu’en estimant que le comportement de Mme X… à cette occasion était de nature à justifier une mesure d’interdiction de séjour, le haut-commissaire de la République n’a pas entaché sa décision d’erreur manifeste d’appréciation ;
Cons. que si, en prescrivant l’exécution immédiate de la mesure d’interdiction de séjour, le haut-commissaire a pris une mesure plus grave que celle qui avait été prise par l’arrêté du 21 février, cette aggravation était justifiée par des faits nouveaux survenus depuis le premier arrêté et résultant de la résolution, rendue publique par Mme X…, de ne pas se soumettre à la mesure d’interdiction de séjour prise à son encontre ; qu’alors même que l’arrêté dont il s’agit a été rapporté par l’arrêté attaqué, le haut-commissaire de la République a pu, sans erreur de droit, retenir les agissements de Mme X… pour prendre, sur le fondement de l’article 5, 3° de la loi du 3 avril 1955 une mesure qui a pour objet de prévenir les risques pour l’ordre public provenant de ces agissements, et non de sanctionner la méconnaissance d’une décision administrative ;
Cons. que si l’article 13 de la loi du 3 avril 1955 prévoit des sanctions pénales en cas d’inexécution des décisions prises sur le fondement de l’article 5-3°, cette circonstance ne fait pas obstacle à ce que l’autorité administrative prescrive l’exécution immédiate d’une mesure d’interdiction de séjour ;
Cons. enfin que le détournement de pouvoir allégué n’est pas établi ;
Cons. qu’il résulte de tout ce qui précède que Mme X… n’est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nouméa a rejeté sa requête tendant à l’annulation de l’arrêté par lequel le haut-commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie et dépendances a décidé de lui interdire le séjour sur le territoire néocalédonien et a prescrit l’exécution immédiate de cette mesure ;
rejet .N
1 Cf. Ministre de l’intérieur c/ Hurtaud, 27 janv. 1971, p. 68.
2 Rappr. Sect. Ministre de l’intérieur c/ Gay, 23 juill. 1974, p. 441.
3 Ab. jur., Ass., Keddar, 3 févr. 1956, p. 46.