REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
M. A…B…a demandé au tribunal administratif d’Orléans de condamner l’Etat à réparer les préjudices résultant des fautes commises, selon lui, par le préfet de Loir-et-Cher dans la gestion de la procédure du remembrement de la commune de Villerbon. Par un jugement n° 1004474 du 23 juin 2011, le tribunal administratif a rejeté sa demande.
Par un arrêt n° 11NT02593 du 14 mars 2013, la cour administrative d’appel de Nantes a annulé ce jugement et condamné l’Etat à verser à M. B…la somme de 50 000 euros.
1° Sous le n° 368730, par un pourvoi enregistré le 22 mai 2013 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, le ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt demande au Conseil d’Etat :
1°) d’annuler cet arrêt ;
2°) réglant l’affaire au fond, de rejeter l’appel de M. B… ;
2° Sous le n° 374340, par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 31 décembre 2013 et 31 mars 2014 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, M. B… demande au Conseil d’Etat :
1°) d’annuler les articles 2 et 4 de cet arrêt ;
2°) réglant l’affaire au fond, de faire droit à son appel ;
3°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 4 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
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Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu :
– le code rural ;
– le code rural et de la pêche maritime ;
– l’ordonnance n° 2004-632 du 1er juillet 2004 ;
– le décret n° 2006-504 du 3 mai 2006 ;
– le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
– le rapport de M. Gérald Bégranger, maître des requêtes en service extraordinaire,
– les conclusions de Mme Fabienne Lambolez, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à Me Brouchot, avocat de M. B…;
Vu la note en délibéré, enregistrée le 19 février 2015, présentée pour M. B… ;
1. Considérant qu’il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par un arrêté du 24 juillet 1990, le préfet de Loir-et-Cher a ordonné le remembrement des propriétés foncières situées sur le territoire de la commune de Villerbon ; qu’à la suite d’une réclamation devant la commission départementale d’aménagement foncier, puis de l’annulation de la décision de cette commission, la commission nationale d’aménagement foncier, lors de sa séance du 23 novembre 2001, a prescrit l’exécution de travaux destinés à rétablir le potentiel d’irrigation de parcelles exploitées par M.B…, tel qu’il existait à la date de cet arrêté ; que, par des lettres des 14 décembre 2005 et 2 mars 2007, M. B… s’est plaint auprès du préfet de Loir-et-Cher de ce que ces travaux d’irrigation n’avaient pas été exécutés et a demandé à l’autorité préfectorale d’en imposer la réalisation ; que, ces démarches ayant été vaines, il a recherché devant le juge administratif la responsabilité de l’Etat au titre des préjudices qu’il estimait avoir subis du fait d’une carence du préfet dans l’exercice de ses pouvoirs de tutelle sur l’association foncière de remembrement ; que sa demande indemnitaire a été rejetée par un jugement du tribunal administratif de Nantes du 23 juin 2011 dont il a relevé appel ; que, par un arrêt du 14 mars 2013, la cour administrative d’appel de Nantes a alloué à M. B…une indemnité de 50 000 euros, après avoir jugé que la responsabilité de l’Etat était engagée à son égard mais que le retard avec lequel il avait alerté l’autorité préfectorale avait concouru pour moitié aux dommages qu’il avait subis du fait de l’inexécution de ces travaux ; que le ministre chargé de l’agriculture et M. B… se pourvoient en cassation contre cet arrêt ; qu’il y a lieu de joindre ces pourvois pour statuer par une seule décision ;
Sur le pourvoi du ministre :
2. Considérant, d’une part, qu’il résulte des dispositions des articles L. 131-1 et R. 131-1 du code rural, devenu code rural et de la pêche maritime, que les associations foncières sont régies par les dispositions de l’ordonnance du 1er juillet 2004 relative aux associations syndicales de propriétaires et du décret du 3 mai 2006 pris pour son application, sous réserve des dispositions particulières par ce code ;
3. Considérant, d’autre part, qu’il résulte des dispositions des articles 30 de l’ordonnance du 1er juillet 2004 et 49 du décret du 3 mai 2006 qu’après une mise en demeure demeurée infructueuse, le préfet peut faire exécuter, d’office et aux frais de l’association foncière, les travaux incombant à celle-ci et dont l’inexécution ou l’exécution tardive nuirait gravement à l’intérêt public ;
4. Considérant, enfin, que lorsque l’association foncière s’abstient de réaliser des travaux décidés par les commissions d’aménagement foncier, la responsabilité de l’Etat ne peut être engagée, s’agissant de l’exercice d’un pouvoir de tutelle, que si, alors que les conditions légales d’exercice de ce pouvoir, prévues par les dispositions rappelées ci-dessus en cas de carence de l’association étaient réunies, le préfet s’est abstenu de le mettre en oeuvre dans un délai raisonnable à compter de la date à laquelle il a eu connaissance de son obligation d’agir, dans des conditions constitutives d’une faute lourde ;
5. Considérant qu’en se bornant à juger que le préfet avait commis une faute de nature à engager la responsabilité de l’Etat en ne mettant pas en oeuvre dans un délai raisonnable les pouvoirs dont il disposait en vue de la réalisation des travaux d’irrigation en cause, sans rechercher si leur inexécution nuisait gravement à l’intérêt public et si l’abstention du préfet était constitutive d’une faute lourde, la cour administrative d’appel a commis une erreur de droit ; que, par suite, sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens du pourvoi, son arrêt doit être annulé ;
Sur le pourvoi de M.B… :
6. Considérant que l’annulation par la présente décision, sur le pourvoi du ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, de l’arrêt de la cour administrative d’appel de Nantes du 14 mars 2013 prive d’objet les conclusions de M. B…tendant à l’annulation de l’arrêt attaqué ;
7. Considérant que les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu’une somme soit mise à ce titre à la charge de l’Etat qui n’est pas, dans la présente instance, la partie perdante ;
D E C I D E :
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Article 1er : L’arrêt de la cour administrative d’appel de Nantes du 14 mars 2013 est annulé.
Article 2 : L’affaire est renvoyée à la cour administrative d’appel de Nantes.
Article 3 : Il n’y pas lieu de statuer sur les conclusions de M. B…tendant à l’annulation de l’arrêt attaqué.
Article 4 : Les conclusions de M. B…présentées au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : La présente décision sera notifiée au ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement, et à M. A…B….