RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu 1°), sous le n° 251120, la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 21 octobre 2002 et 21 février 2003 au secrétariat du contentieux, présentés pour M. Christian B, demeurant … ; M. B demande au Conseil d’Etat :
1°) à titre principal, d’annuler, sans renvoi, l’arrêt, en date du 30 mai 2002, par lequel la Cour des comptes a notamment fixé la ligne de compte de la gestion de fait de l’association du personnel de la commune de Noisy-le-Grand et l’a déclaré, conjointement et solidairement avec l’association du personnel et Mme A, débiteur envers la commune de Noisy-le-Grand de la somme de 404 172,42 euros assortie des intérêts légaux ;
2°) à titre subsidiaire, d’annuler l’arrêt attaqué puis, statuant comme juge du fond, d’annuler le jugement en date du 25 mai 1999 de la chambre régionale des comptes d’Ile- de-France ;
Vu 2°), sous le n° 251233, la requête sommaire et le mémoire ampliatif, enregistrés les 25 octobre et 31 décembre 2002 au secrétariat du contentieux, présentés pour Mme Françoise A, demeurant … ; Mme A demande au Conseil d’Etat :
1°) à titre principal, d’annuler, sans renvoi, l’arrêt, en date du 30 mai 2002, par lequel la Cour des comptes a fixé la ligne de compte de la gestion de fait de l’Association du personnel de la commune de Noisy-le-Grand et l’a, d’une part, conjointement et solidairement avec l’association du personnel, déclarée débitrice envers la commune de Noisy-le-Grand de la somme de 224 936,71 euros assortie des intérêts légaux, et, d’autre part, conjointement et solidairement avec M. Beausoleil et l’association du personnel, l’a déclarée débitrice de la somme de 404 172,42 euros assortie des intérêts légaux ;
2°) à titre subsidiaire, d’annuler l’arrêt attaqué puis, statuant comme juge du fond, d’annuler le jugement, en date du 16 décembre 1999, par lequel la chambre régionale des comptes d’Ile-de-France, statuant définitivement, a fixé la ligne de compte de la gestion de fait de l’Association du personnel de la commune de Noisy-le-Grand et l’a déclarée, conjointement et solidairement avec l’association et M. Beausoleil, débitrice envers la commune de Noisy-le-Grand d’une somme totale de 638 938,22 euros assortie des intérêts légaux ;
3°) de condamner la commune de Noisy-le-Grand à lui payer la somme de 4 000 euros en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;
Vu le code des juridictions financières ;
Vu la loi n°63-156 du 23 février 1963 et notamment son article 60 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
– le rapport de Mlle Vialettes, Auditeur,
– les observations de la SCP Gaschignard, avocat de M. B, de la SCP Parmentier, Didier, avocat de la commune de Noisy-le-Grand et de la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle, avocat de Mme A,
– les conclusions de M. Guyomar, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que les requêtes de M. B et de Mme A tendant à l’annulation du même arrêt du 30 mai 2002 de la Cour des comptes présentent à juger des questions semblables ; qu’il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;
Considérant qu’aux termes de l’article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales : I. Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle (…) ; que le juge des comptes, lorsqu’il prononce la gestion de fait puis fixe la ligne de compte de cette gestion de fait et met le comptable en débet, tranche, à chaque étape de cette procédure, des contestations portant sur des droits et obligations de caractère civil ; que les stipulations précitées sont, par suite, applicables à l’ensemble de la procédure ;
Sur les conclusions principales tendant à l’annulation, sans renvoi, de l’arrêt attaqué :
Considérant qu’à l’appui de leur pourvoi contre l’arrêt du 30 mai 2002 fixant la ligne de compte de la gestion de fait de l’association du personnel de la commune de Noisy-le-Grand, les requérants se prévalent d’un défaut d’impartialité de la Cour des comptes, en méconnaissance de l’article 6, §1, de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, au motif qu’elle avait déjà évoqué et qualifié les dépenses en cause dans son rapport public pour 1995 ;
Mais considérant qu’eu égard à la nature de la décision par laquelle la Cour des comptes fixe la ligne de compte, elle ne peut, en principe, être regardée comme ayant été préjugée par la seule insertion de mentions relatives aux mêmes dépenses à un rapport public antérieur ;
Considérant en l’espèce, que si la Cour des comptes a, dans le chapitre 14 de son rapport public pour 1995 consacré à la commune de Noisy-le-Grand, mentionné et qualifié certaines dépenses de l’association du personnel de la commune de Noisy-le-Grand, préjugeant en cela l’existence d’opérations de gestion de fait, ces mentions ne révèlent aucun préjugement de l’appréciation qu’il incombe à la cour de porter, une fois le périmètre de la gestion de fait définitivement fixé, au stade de la fixation de la ligne de compte de cette gestion de fait ; qu’il s’ensuit que le moyen tiré du défaut d’impartialité de la Cour des comptes, au motif qu’elle avait précédemment mentionné les dépenses en cause dans son rapport public, doit être écarté ; que, dès lors, les conclusions principales des requérants tendant à l’annulation, sans renvoi, de l’arrêt attaqué ne peuvent être accueillies ;
Sur les conclusions subsidiaires :
Sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens des requêtes :
Considérant que le principe d’impartialité applicable à toutes les juridictions administratives et rappelé par l’article 6, paragraphe 1, de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales fait obstacle à ce que le membre d’une chambre régionale des comptes participe au jugement de comptes dont il a eu à connaître à l’occasion d’une vérification de gestion ; qu’il s’ensuit que la participation au délibéré de la formation de jugement chargée de se prononcer sur la fixation de la ligne de compte de la gestion de fait du rapporteur auquel a été confiée la vérification de la gestion de l’organisme dont les deniers sont en cause entache d’irrégularité la composition de cette formation ;
Considérant qu’il ressort des pièces de la procédure suivie devant la Cour des comptes qu’un membre de la chambre régionale des comptes d’Ile-de-France a mené, pour le compte de cette chambre, le contrôle de la gestion de la commune de Noisy-le-Grand; qu’à la suite de son rapport, une procédure juridictionnelle de déclaration de gestion de fait des deniers de la commune de Noisy-le-Grand a été engagée à l’encontre de Mme A, de M. B et de l’association du personnel de la commune ; que le même membre de la chambre régionale des comptes d’Ile-de-France a ensuite, en tant que magistrat, occupé les fonctions de rapporteur devant la formation de jugement de cette chambre chargée de se prononcer sur la fixation de la ligne de compte de la gestion de fait ;
Considérant qu’il résulte de ce qui précède que la composition de cette formation de jugement était irrégulière ; que cette irrégularité ressortait des pièces du dossier soumis à la Cour des comptes ; que, dès lors, en ne la relevant pas d’office, la cour a entaché son arrêt d’une erreur de droit ;
Considérant qu’il résulte de ce qui précède que M. B et Mme A sont fondés à demander l’annulation de l’arrêt attaqué ; qu’il y a lieu de renvoyer l’affaire à la Cour des comptes ;
Sur les conclusions présentées au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu’il n’y a pas lieu, dans les circonstances de l’espèce, de faire application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative et de condamner la commune de Noisy-le-Grand à payer à Mme A la somme qu’elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; que les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que M. B et Mme A qui ne sont pas, dans la présente instance, les parties perdantes, soient condamnés à payer à la commune de Noisy-le-Grand la somme que demande celle-ci au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
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Article 1er : L’arrêt de la Cour des comptes du 30 mai 2002 est annulé.
Article 2 : L’affaire est renvoyée à la Cour des comptes.
Article 3 : Les conclusions présentées par Mme A et par la commune de Noisy-le-Grand au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. Christian B, à Mme Françoise A, à la commune de Noisy-le-Grand, à l’association du personnel de la commune de Noisy-le-Grand et au ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Une copie de la présente décision sera adressée au Procureur général près la Cour des comptes.