RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu le mémoire, enregistré le 16 juillet 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d’État, présenté pour M. Philippe A, demeurant …, en application de l’article 23-5 de l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ; M. A demande au Conseil d’Etat, à l’appui de son pourvoi tendant à l’annulation de l’arrêt du 30 décembre 2009 par lequel la cour administrative d’appel de Nantes a enjoint au préfet du Calvados de réexaminer sa demande de droit de place de taxi sur le territoire de la commune de Mathieu, de renvoyer au Conseil constitutionnel la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution de la loi du 13 mars 1937 ayant pour objet l’organisation de l’industrie du taxi ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la note en délibéré, enregistrée le 8 octobre 2010, présentée pour M. A ;
Vu la Constitution, notamment son Préambule et ses articles 34 et 61-1 ;
Vu l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;
Vu la loi du 13 mars 1937 ayant pour objet l’organisation de l’industrie du taxi ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
– le rapport de M. Bruno Chavanat, Maître des Requêtes,
– les observations de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano, avocat de M. A,
– les conclusions de M. Mattias Guyomar, rapporteur public ;
La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano, avocat de M. A,
Considérant qu’aux termes du premier alinéa de l’article 23-5 de l’ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel : Le moyen tiré de ce qu’une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution peut être soulevé, y compris pour la première fois en cassation, à l’occasion d’une instance devant le Conseil d’Etat (…) ; qu’il résulte des dispositions de ce même article que le Conseil constitutionnel est saisi de la question prioritaire de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu’elle n’ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d’une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux ;
Considérant, en premier lieu, que si la méconnaissance par le législateur de sa propre compétence peut être invoquée à l’appui d’une question prioritaire de constitutionnalité dans le cas où est affecté un droit ou une liberté que la Constitution garantit, elle ne saurait l’être à l’encontre d’une disposition législative antérieure à la Constitution du 4 octobre 1958 ; que, par suite, le moyen tiré de ce que les dispositions de la loi du 13 mars 1937 ayant pour objet l’organisation de l’industrie du taxi seraient incompatibles avec l’article 34 de la Constitution en ce qu’elles ont renvoyé sans aucun encadrement ni limitation la détermination du nombre de taxis autorisés à circuler dans une commune ou une région, et du nombre de chauffeurs admis à la conduite de ces taxis, à des accords entre syndicats de loueurs et de conducteurs et, à défaut, à des décisions préfectorales, ne peut qu’être écarté ;
Considérant, en second lieu, que si M. A soutient que les dispositions de la loi du 13 mars 1937 sont contraires à la liberté d’entreprendre qui découle de l’article 4 de Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, il est toutefois loisible au législateur d’apporter à cette liberté, qui n’est ni générale ni absolue, des limitations liées à des exigences constitutionnelles ou justifiées par l’intérêt général, à la condition qu’il n’en résulte pas d’atteintes disproportionnées au regard de l’objectif poursuivi ; qu’en confiant à l’autorité administrative compétente, après accord des syndicats concernés ou, à défaut, après consultation des organisations professionnelles et des collectivités territoriales intéressées, le soin d’arrêter, dans une commune ou une région déterminée, les règles applicables à l’activité de taxi en matière de durée du travail, de modalités de répartition de la recette inscrite au compteur entre le propriétaire et le conducteur de la voiture et de réglementation du nombre des voitures en circulation dans la ville ou la région intéressées, le législateur n’a pas porté à la liberté d’entreprendre une atteinte disproportionnée au regard de l’intérêt qui s’attache à la préservation de la commodité des usagers et de la sécurité de la circulation sur les voies publiques dans les circonscriptions concernées ; que, dès lors, la question, qui n’est pas nouvelle au sens de l’article 23-5 de l’ordonnance du 7 novembre 1958, de la conformité à la Constitution des dispositions contestées ne présente pas de caractère sérieux ;
Considérant qu’il résulte de ce qui précède, sans qu’il soit besoin de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité invoquée, que le moyen tiré de ce que la loi du 13 mars 1937 porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution doit être écarté ;
D E C I D E :
————–
Article 1er : Il n’y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par M. A.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. Philippe A, au ministre de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales et au préfet du Calvados. Copie en sera adressée au Conseil constitutionnel.