Vu la procédure suivante :
Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 29 mars et 2 avril 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, la Section française de l’Observatoire international des prisons, l’association Avocats pour la défense des droits des détenus, le Syndicat de la magistrature et le Syndicat des avocats de France demandent au juge des référés du Conseil d’Etat, statuant sur le fondement de l’article L. 521-2 du code de justice administrative :
1°) d’ordonner toutes mesures qu’il estimera utiles afin de faire cesser les atteintes graves et manifestement illégales portées aux libertés fondamentales des personnes détenues en France durant l’épidémie de covid-19 ;
2°) plus précisément, d’enjoindre au Premier ministre, au ministre des solidarités et de la santé, à la ministre de la justice et à tout autre ministre ou toute autre autorité publique de mettre en oeuvre les mesures suivantes :
– élargir le champ d’application du dispositif de l’article 28 de l’ordonnance n° 2020-303 du 25 mars 2020 à l’ensemble des personnes condamnées à une peine d’emprisonnement d’une durée inférieure ou égale à cinq ans, auxquelles il reste à subir un emprisonnement d’une durée égale ou inférieure à six mois et non de deux mois comme prévu actuellement ;
– prendre toute mesure d’accompagnement et de mise à disposition d’hébergements au profit des personnes détenues éligibles au dispositif de l’article 28 de l’ordonnance n° 2020-303 du 25 mars 2020, au besoin en recourant à des réquisitions ;
– prendre toute mesure utile pour faciliter et rendre effectif l’accès des personnes détenues aux demandes de grâce présidentielle, en particulier en définissant un ensemble de critères explicites et publics, afin d’inciter les détenus éligibles à la solliciter ;
– prendre un ensemble de mesures destinées à garantir l’effectivité du dispositif de libération anticipée prévu par l’ordonnance n° 2020-303 du 25 mars 2020 et des dispositifs d’aménagement ou de conversion de peine existants, en particulier :
o garantir une communication effective entre les personnes détenues et leurs avocats, notamment en permettant la mise en place des parloirs dans l’ensemble des établissements pénitentiaires et dans des conditions conformes aux exigences de distanciation sociale ;
o prévoir que les demandes d’aménagement ou de conversion de peine doivent être examinées avec une particulière célérité ;
o prévoir que la réduction de peine supplémentaire exceptionnelle prévue par l’ordonnance devra être immédiatement accordée à tous les détenus ;
o affecter des moyens humains suffisants à la mise en oeuvre du dispositif d’urgence prévu par l’ordonnance du 25 mars 2020, en particulier au profit des services pénitentiaires d’insertion et de probation et des services d’application des peines ;
– prévoir des mesures et dispositifs spécifiques concernant la libération de personnes placées en détention provisoire, afin de permettre un examen prompt et effectif des demandes de mise en liberté, notamment en autorisant leur dépôt par voie dématérialisée ;
– édicter des dispositions et consignes suffisamment explicites et contraignantes pour réduire significativement le nombre d’entrées en détention, notamment en limitant le recours aux comparutions immédiates et aux convocations par procès-verbal avec contrôle judiciaire ;
– distribuer à l’ensemble des personnes détenues des masques et gels hydro-alcooliques en quantité suffisante ;
– distribuer en grande quantité des produits d’hygiène pour permettre le nettoyage des cellules ;
– garantir un nettoyage régulier et renforcé de l’ensemble des établissements, en particulier concernant les points de contact propices à la transmission du virus entre les détenus mais aussi avec l’ensemble du personnel pénitentiaire ;
– mettre en place des dépistages systématiques du covid-19 auprès des détenus, à tout le moins au sein des établissements où la présence du virus a été identifiée et auprès de chaque nouveau détenu ou autres personnes entrant dans l’établissement pénitentiaire ;
– communiquer le plan des mesures prévues en cas de diffusion rapide de l’épidémie au sein de l’établissement pénitentiaire ou, en l’absence d’un tel plan, prévoir :
o un plan national, en concertation avec le ministre des solidarités et de la santé et dans le cadre du » comité interministériel de coordination de la santé pour les personnes placées sous main de justice « , prévu à l’article D. 348-2 du code de procédure pénale ;
o une série de plans au niveau de chaque établissement pénitentiaire, en concertation avec les autorités et établissements sanitaires locaux ainsi qu’avec toute autre autorité publique compétente au niveau local ;
– assurer le lavage des draps avec la régularité indispensable aux conditions minimales d’hygiène ;
– assurer le nettoyage régulier du linge personnel des détenus ;
– fournir du savon en quantité suffisante aux détenus afin de garantir leur hygiène personnelle en période de crise sanitaire ;
– garantir aux détenus un accès régulier et suffisant aux douches ;
– garantir la mise en place dans l’ensemble des établissements pénitentiaires de modalités de service des repas adaptées à la situation sanitaire ;
– prévoir que le recours aux fouilles des détenus durant la période de crise sanitaire doit être particulièrement exceptionnel ;
– prendre un ensemble de mesures pour permettre aux détenus de maintenir des liens familiaux et personnels avec l’extérieur ;
3°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 4 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
– à titre liminaire, il est indispensable, compte tenu notamment des conditions actuelles de détention en France marquées par la surpopulation et la vétusté des installations pénitentiaires, d’agir avec la plus grande diligence et célérité pour réduire effectivement et efficacement les risques d’exposition des personnes détenues à la menace épidémique, les risques de contamination du personnel pénitentiaire et de l’ensemble des personnels amenés à intervenir en détention et les risques subséquents de diffusion du virus et d’encombrement des hôpitaux ;
– ils disposent d’un intérêt à agir ;
– la condition d’urgence est remplie à raison de la situation sanitaire actuelle en France, de l’exposition des personnes détenues à de multiples dangers pour leur vie et leur intégrité physique et morale et des atteintes massives à leur dignité ;
– l’insuffisance des mesures prises pour protéger l’ensemble des personnes détenues en France contre l’épidémie de covid-19 révèle une carence de l’administration qui porte une atteinte grave et manifestement illégale au droit au respect de la vie, au droit de ne pas être soumis à des traitements inhumains ou dégradants et au droit de recevoir les traitements et les soins appropriés à son état de santé ;
– en premier lieu, le dispositif de libération des personnes détenues prévu par l’ordonnance n° 2020-303 du 25 mars 2020 est trop restrictif pour réduire significativement la population carcérale, permettre d’atteindre l’objectif d’encellulement individuel et juguler l’ampleur de la menace sanitaire dès lors qu’il n’a vocation à s’appliquer qu’aux personnes condamnées à une peine d’emprisonnement d’une durée inférieure ou égale à cinq ans auxquelles il reste à subir un emprisonnement d’une durée égale ou inférieure à deux mois, à l’exclusion de celles qui ne bénéficient pas d’un hébergement, qu’il ne contient pas de mesures facilitant l’accès à la grâce présidentielle ni de mesures garantissant la communication entre les personnes détenues et leurs avocats ni de mesures permettant le respect de la distanciation sociale d’au moins un mètre dans les parloirs, qu’il ne prévoit pas de délais réduits pour que le juge de l’application des peines statue sur les demandes de libération, qu’il diffère à un mois l’étude des réductions supplémentaires de peine en raison de » circonstances exceptionnelles « , qu’il ne prévoit pas de moyens humains suffisants pour permettre d’effectuer un nombre significatif de libérations anticipées, qu’il ne contient aucune mesure spécifique concernant la libération des personnes placées en détention provisoire et qu’il ne fixe pas de consignes suffisamment explicites et contraignantes pour réduire significativement le nombre d’entrées en détention ;
– en deuxième lieu, les mesures prises pour protéger les détenus de l’épidémie et réduire le risque de contamination sont insuffisantes au regard de la gravité de la menace dès lors qu’aucune distribution de masques et de gels hydro-alcooliques, pourtant indispensables aux détenus compte tenu de leur situation particulière, n’a été mise en place, que la distribution en grande quantité de produits d’hygiène nécessaires au nettoyage des cellules et le nettoyage régulier et renforcé de l’ensemble des établissements pénitentiaires ne sont pas prévus, que les dépistages systématiques du covid-19 auprès des détenus ou, a minima, au sein des établissements où la présence du virus a été identifiée et auprès de chaque nouveau détenu ou autres personnes entrant dans l’établissement pénitentiaire n’ont pas été mis en place et que l’élaboration d’un plan des mesures prévues en cas de diffusion rapide de l’épidémie au sein de l’établissement pénitentiaire n’a pas été imposée ;
– en troisième lieu, les conditions de détention durant la crise sanitaire sont particulièrement dégradées et manifestement contraires aux exigences attachées au respect de la dignité humaine dès lors que le lavage des draps n’est plus assuré avec la régularité indispensable aux conditions matérielles d’hygiène, que l’accès aux douches est réduit dans plusieurs établissements au motif qu’il conviendrait de limiter les situations de promiscuité, que les conditions de service de la nourriture ne sont pas adaptées au contexte épidémique dans de nombreux établissements, que des fouilles récurrentes persistent dans des conditions sanitaires périlleuses et que de nombreux détenus sont désormais totalement ou quasi-totalement privés de contacts avec leurs familles et proches ;
– l’impératif de protection des libertés fondamentales en cause ne saurait souffrir d’aucune dérogation en considération des circonstances actuelles et des moyens dont l’administration dispose.
Par un mémoire en défense, enregistré le 1er avril 2020, la garde des sceaux, ministre de la justice conclut au rejet de la requête. Elle soutient que ni l’urgence à statuer dans un délai de quarante-huit heures ni l’atteinte grave et manifestement illégale aux libertés fondamentale invoquées ne sont caractérisées.
La requête a été communiquée au Premier ministre et au ministre des solidarités et de la santé qui n’ont pas produit d’observations.
Après avoir convoqué à une audience publique, d’une part, la Section française de l’Observatoire international des prisons, l’association Avocats pour la défense des droits des détenus, le Syndicat de la magistrature et le Syndicat des avocats de France et, d’autre part, le Premier ministre, la garde des sceaux, ministre de la justice, et le ministre des solidarités et de la santé ;
Ont été entendus lors de l’audience publique du 3 avril 2020 à 10 heures :
– Me Spinosi avocat au Conseil d’Etat et à la Cour de cassation, avocat de la Section française de l’Observatoire international des prisons, de l’association Avocats pour la défense des droits des détenus, du Syndicat de la magistrature et du Syndicat des avocats de France ;
– la représentante de la Section française de l’Observatoire international des prisons ;
– la représentante de l’association Avocats pour la défense des droits des détenus ;
– la représentante du Syndicat de la magistrature ;
– les représentants de la garde des sceaux, ministre de la justice ;
– le représentant du ministre des solidarités et de la santé ;
et à l’issue de laquelle le juge des référés a différé la clôture de l’instruction au 6 avril 2020 à 15 heures puis reporté cette clôture au 7 avril 2020 à 22 heures.
Vu les nouveaux mémoires et les pièces complémentaires, enregistrés les 6 et 7 avril 2020, par lesquels la Section française de l’Observatoire international des prisons, l’association Avocats pour la défense des droits des détenus, le Syndicat de la magistrature et le Syndicat des avocats de France maintiennent leurs conclusions et leurs moyens. Ils demandent, en outre, au juge des référés du Conseil d’Etat, statuant sur le fondement de l’article L. 521-2 du code de justice administrative, d’enjoindre au Premier ministre, au ministre des solidarités et de la santé, à la garde des sceaux, ministre de la justice, ou à toute autre autorité publique compétente d’adopter les mesures suivantes : a) établir et mettre en oeuvre un plan national de diffusion d’un mode d’emploi permettant aux personnes détenues de fabriquer des masques » grand public » ou » alternatifs « , conformément aux recommandations de l’Académie de Médecine ; b) fournir aux personnes détenues les matériaux nécessaires à une telle confection.
Vu les nouveaux mémoires et les pièces complémentaires, enregistrés les 6 et 7 avril 2020, par lesquels la garde des sceaux, ministre de la justice, maintient ses conclusions et ses moyens.
Par une intervention, enregistrée le 7 avril 2020, l’association Robin des lois déclare intervenir au soutien de la requête et demande que soit mise à la charge de l’Etat la somme de 2 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
– la Constitution ;
– la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;
– le code de la santé publique ;
– le code de procédure pénale ;
– la loi n° 2009-1436 du 24 novembre 2009 pénitentiaire ;
– la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 ;
– l’ordonnance n° 2020-303 du 25 mars 2020 ;
– le code de justice administrative ;
Considérant ce qui suit :
1. L’article L. 511-1 du code de justice administrative dispose que : » Le juge des référés statue par des mesures qui présentent un caractère provisoire. Il n’est pas saisi du principal et se prononce dans les meilleurs délais. » Aux termes de l’article L. 521-2 du même code : » Saisi d’une demande en ce sens justifiée par l’urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d’une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d’un service public aurait porté, dans l’exercice d’un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. Le juge des référés se prononce dans un délai de quarante-huit heures. « .
Sur l’intervention :
2. L’association » Robin des lois » justifie d’un intérêt suffisant pour intervenir au soutien de la requête de la Section française de l’Observatoire international des prisons, l’association Avocats pour la défense des droits des détenus, le Syndicat de la magistrature et le Syndicat des avocats de France. Son intervention est, par suite, recevable.
Sur le cadre juridique du litige, l’office du juge des référés et les libertés fondamentales en jeu :
3. Dans l’actuelle période d’état d’urgence sanitaire, il appartient aux différentes autorités compétentes, en particulier au Premier ministre, de prendre, en vue de sauvegarder la santé de la population, toutes dispositions de nature à prévenir ou à limiter les effets de l’épidémie. Ces mesures, qui peuvent limiter l’exercice des droits et libertés fondamentaux doivent, dans cette mesure, être nécessaires, adaptées et proportionnées à l’objectif de sauvegarde de la santé publique qu’elles poursuivent.
4. Il résulte de la combinaison des dispositions des articles L. 511-1 et L. 521-2 du code de justice administrative qu’il appartient au juge des référés, lorsqu’il est saisi sur le fondement de l’article L. 521-2 et qu’il constate une atteinte grave et manifestement illégale portée par une personne morale de droit public à une liberté fondamentale, résultant de l’action ou de la carence de cette personne publique, de prescrire les mesures qui sont de nature à faire disparaître les effets de cette atteinte, dès lors qu’existe une situation d’urgence caractérisée justifiant le prononcé de mesures de sauvegarde à très bref délai. Ces mesures doivent, en principe, présenter un caractère provisoire, sauf lorsque aucune mesure de cette nature n’est susceptible de sauvegarder l’exercice effectif de la liberté fondamentale à laquelle il est porté atteinte. Sur le fondement de l’article L. 521-2, le juge des référés peut ordonner à l’autorité compétente de prendre, à titre provisoire, des mesures d’organisation des services placés sous son autorité, dès lors qu’il s’agit de mesures d’urgence qui lui apparaissent nécessaires pour sauvegarder, à très bref délai, la liberté fondamentale à laquelle il est gravement, et de façon manifestement illégale, porté atteinte. Le caractère manifestement illégal de l’atteinte doit s’apprécier notamment en tenant compte des moyens dont dispose l’autorité administrative compétente et des mesures qu’elle a déjà prises.
5. Pour l’application de l’article L. 521-2 du code de justice administrative, le droit au respect de la vie, le droit de ne pas être soumis à des traitements inhumains ou dégradants ainsi que le droit de recevoir les traitements et les soins appropriés à son état de santé constituent des libertés fondamentales au sens des dispositions de cet article.
6. Eu égard à la vulnérabilité des détenus et à leur situation d’entière dépendance vis à vis de l’administration, il appartient à celle-ci, et notamment au garde des sceaux, ministre de la justice et aux directeurs des établissements pénitentiaires, en leur qualité de chefs de service, de prendre les mesures propres à protéger leur vie, leur éviter tout traitement inhumain ou dégradant ainsi qu’à leur permettre de recevoir les traitements et les soins appropriés à leur état de santé afin de garantir le respect effectif des libertés fondamentales énoncées au point précédent. Lorsque la carence de l’autorité publique crée un danger caractérisé et imminent pour la vie des personnes, les expose à être soumises, de manière caractérisée, à un traitement inhumain ou dégradant ou conduit à ce qu’elles soient privées, de manière caractérisée, des traitements et des soins appropriés à leur état de santé portant ainsi une atteinte grave et manifestement illégale à ces libertés fondamentales, et que la situation permet de prendre utilement des mesures de sauvegarde dans un délai de quarante-huit heures, le juge des référés peut, au titre de la procédure particulière prévue par l’article L. 521-2, prescrire, dans les conditions et les limites définies au point 4, les mesures de nature à faire cesser la situation résultant de cette carence.
Sur les circonstances :
7. L’émergence d’un nouveau coronavirus (covid-19), de caractère pathogène et particulièrement contagieux et sa propagation sur le territoire français ont conduit le ministre des solidarités et de la santé à prendre, par plusieurs arrêtés à compter du 4 mars 2020, des mesures sur le fondement des dispositions de l’article L. 3131-1 du code de la santé publique. En particulier, par un arrêté du 14 mars 2020, un grand nombre d’établissements recevant du public ont été fermés au public, les rassemblements de plus de 100 personnes ont été interdits et l’accueil des enfants, élèves et étudiants dans les établissements les recevant et les établissements scolaires et universitaires a été suspendu. Puis, par un décret du 16 mars 2020 motivé par les circonstances exceptionnelles découlant de l’épidémie de covid-19, modifié par décret du 19 mars, le Premier ministre a interdit le déplacement de toute personne hors de son domicile, sous réserve d’exceptions limitativement énumérées et devant être dûment justifiées, à compter du 17 mars à 12h, sans préjudice de mesures plus strictes susceptibles d’être ordonnées par le représentant de l’Etat dans le département. Le ministre des solidarités et de la santé a pris des mesures complémentaires par des plusieurs arrêtés successifs.
8. Par l’article 4 de la loi du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19, a été déclaré l’état d’urgence sanitaire pour une durée de deux mois sur l’ensemble du territoire national. Par un nouveau décret du 23 mars 2020 pris sur le fondement de l’article L. 3131-15 du code de la santé publique issu de la loi du 23 mars 2020, plusieurs fois modifié et complété depuis lors, le Premier ministre a réitéré les mesures précédemment ordonnées tout en leur apportant des précisions ou restrictions complémentaires. Leurs effets ont été prolongés par décret du 27 mars 2020.
Sur la demande en référé :
9. Par leur requête, les syndicats et association requérants demandent au juge des référés du Conseil d’Etat, statuant sur le fondement de l’article L. 521-2 du code de justice administrative, d’ordonner, dans le contexte de l’épidémie causée par la propagation du virus covid-19, toutes mesures qu’il estimera utiles afin de faire cesser les atteintes graves et manifestement illégales portées aux libertés fondamentales des personnes détenues qu’ils invoquent.
10. Il résulte de l’instruction que, depuis que l’épidémie de covid-19 a atteint la France et au fur et à mesure de l’évolution des stades 1, 2 et 3 de l’épidémie, la ministre de la justice a édicté, au moyen de plusieurs instructions adressées aux services compétents, un certain nombre de mesures visant à prévenir le risque de propagation du virus au sein des établissements pénitentiaires. Ces instructions définissent des orientations générales et arrêtent des mesures d’organisation du service public pénitentiaire qu’il revient aux chefs des 187 établissements pénitentiaires de mettre en oeuvre et d’appliquer sous l’autorité des directions interrégionales des services pénitentiaires. Il appartient aux chefs d’établissements pénitentiaires responsables de l’ordre et de la sécurité au sein de ceux-ci, de s’assurer du respect des consignes données pour lutter contre la propagation du virus et de prendre, dans le champ de leurs compétences, toute mesure propre à garantir le respect effectif des libertés fondamentales des personnes détenues et des personnes y travaillant ou y intervenant.
11. Il résulte de l’instruction que le nombre de personnes détenues dans les établissements pénitentiaires diminue régulièrement depuis le 17 mars 2020, sous l’effet conjugué de la baisse du nombre d’écrous et de l’application des dispositifs de libération des personnes détenues prévues par l’ordonnance du 25 mars 2020 portant adaptation de règles de procédure pénale. Alors que le nombre de détenus s’élevait, au 16 mars 2020, à 72 575 dont 22 606 en maisons d’arrêt, il est, au 2 avril 2020, de 65 757 dont 19 930 en maisons d’arrêt. S’agissant de la contamination par le virus Covid-19, on recense, parmi les personnes détenues, le 6 avril 2020, 63 cas confirmés et 697 confinements sanitaires correspondant aux cas symptomatiques et aux personnes placées en quatorzaine. Parmi les agents du service public pénitentiaire qui sont environ au nombre de 35 000, étaient recensés, à la même date, 377 cas confirmés et 1512 cas symptomatiques.
En ce qui concerne les dispositifs de libération des personnes détenues et le nombre d’entrées en détention :
12. Les requérants demandent que soient ordonnés l’élargissement du champ d’application du dispositif de l’article 28 de l’ordonnance du 25 mars 2020 portant adaptation de règles de procédure pénale à l’ensemble des personnes condamnées à une peine d’emprisonnement d’une durée inférieure ou égale à cinq ans, auxquelles il reste à subir un emprisonnement d’une durée égale ou inférieure à six mois, l’édiction de mesures d’accompagnement et de mise à disposition d’hébergements au profit des personnes détenues éligibles à ce dispositif, au besoin en recourant à des réquisitions, l’édiction d’un ensemble de mesures destinées à garantir l’effectivité de ce dispositif de libération anticipée, notamment l’affectation de moyens humains suffisants, l’édiction de toute mesure utile pour faciliter et rendre effectif l’accès des personnes détenues aux demandes de grâce présidentielle, en particulier la définition d’un ensemble de critères explicites et publics, afin d’inciter les détenus éligibles à la solliciter, l’édiction de mesures et dispositifs spécifiques concernant la libération de personnes placées en détention provisoire ainsi que l’édiction de consignes contraignantes visant à réduire significativement le nombre d’entrées en détention, notamment en limitant le recours aux comparutions immédiates et aux convocations par procès-verbal avec contrôle judiciaire.
13. Eu égard à leur objet, les injonctions sollicitées, qui portent sur des mesures relevant du domaine de la loi ou sur des mesures d’ordre structurel reposant sur des choix de politique publique insusceptibles d’être mises en oeuvre, et dès lors de porter effet, à très bref délai, ne sont pas au nombre des mesures d’urgence que la situation permet de prendre dans le cadre des pouvoirs que le juge des référés tient de l’article L. 521-2 du code de justice administrative.
En ce qui concerne les conditions matérielles de détention :
14. En ce qui concerne les conditions matérielles de détention, les requérants demandent que soient ordonnées un certain nombre de mesures destinées à protéger les personnes détenues et à réduire le risque de contamination.
S’agissant des règles et des mesures d’hygiène :
15. Les requérants demandent que soient ordonnés un nettoyage régulier et renforcé de l’ensemble des établissements pénitentiaires, en particulier concernant les points de contact propices à la transmission du virus, la distribution en grande quantité des produits d’hygiène pour permettre le nettoyage des cellules, la fourniture aux personnes détenues de savon en quantité suffisante et de gel hydro-alcoolique, le lavage régulier des draps, le nettoyage régulier du linge personnel des détenus, l’édiction de mesures garantissant aux détenus un accès régulier et suffisant aux douches ainsi que la mise en place de modalités de service des repas adaptées à la situation sanitaire.
16. En premier lieu, il résulte de l’instruction que la consigne générale a été donnée à l’ensemble des établissements pénitentiaires d’effectuer un nettoyage renforcé et une aération régulière des locaux, de fournir gratuitement à toutes les personnes détenues une quantité suffisante de savon et de produits d’entretien, d’assurer aussi régulièrement que possible le lavage des draps et le nettoyage du linge. Il appartient au chef d’établissement pénitentiaire de prendre toutes les mesures nécessaires afin d’assurer le respect effectif de ces consignes au sein de son établissement et de mettre à même les personnes qui y sont détenues d’appliquer correctement les règles d’hygiène et les » gestes barrière » permettant d’éviter les risques de contamination.
17. En deuxième lieu, il résulte de l’instruction que la consigne générale a été donnée à l’ensemble des établissements pénitentiaires, s’agissant des détenus dont les cellules ne sont pas équipées de douche individuelle, de constituer, pour l’organisation des douches collectives, des groupes toujours composés des mêmes personnes et d’assurer, après le passage de chaque groupe, un nettoyage renforcé des locaux et équipements. Il appartient au chef d’établissement pénitentiaire de prendre toutes les mesures nécessaires afin d’assurer le respect effectif de ces consignes au sein de son établissement en veillant à ce que la réorganisation qu’implique leur mise en oeuvre n’entraîne pas une diminution du nombre de douches hebdomadaire que chaque détenu peut habituellement prendre, qui, en vertu du code de procédure pénale, ne peut être inférieur à trois.
18. En troisième lieu, il résulte des échanges au cours de l’audience publique et d’une note du 6 avril 2020, rédigée après celle-ci et versée au débat contradictoire, qu’ont été définies les mesures générales d’hygiène devant être appliquées dans les cuisines des établissements pénitentiaires en ce qui concerne le port des équipements de protection individuelle et le lavage des mains. Il appartient au chef d’établissement pénitentiaire de prendre toutes les mesures nécessaires afin d’assurer le respect effectif de ces consignes au sein des cuisines de son établissement et lors de la distribution des repas aux personnes détenues, le cas échéant en les adaptant aux contraintes et spécificités propres à son établissement.
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19. Il s’ensuit qu’il n’apparaît pas, en l’état de l’instruction et à la date de la présente ordonnance, que, s’agissant des règles et des mesures d’hygiène, devrait être ordonnée, au motif d’une atteinte grave et manifestement illégale aux libertés fondamentales invoquées, l’édiction d’autres instructions de portée générale, y compris en ce qui concerne la distribution aux personnes détenues de gel hydro-alcoolique, que celles déjà prises par la ministre de la justice.
S’agissant de la distribution aux personnes détenues de masques de protection, de la diffusion d’un mode d’emploi permettant la fabrication de masques ainsi que des matériaux nécessaires à leur confection et de la mise en place des dépistages systématiques du covid-19 :
20. Les requérants demandent que soient ordonnées, d’une part, la distribution à l’ensemble des personnes détenues de masques de protection ainsi que la diffusion d’un mode d’emploi permettant la fabrication de masques ainsi que des matériaux nécessaires à leur confection et, d’autre part, la mise en place des dépistages systématiques du covid-19 afin de remédier à l’insuffisance des mesures prises pour assurer la sécurité sanitaire des personnes détenues et des personnels travaillant et intervenant au sein des établissements pénitentiaires.
21. En premier lieu, il résulte de l’instruction qu’il a été décidé, dès le 27 février 2020, de limiter les mouvements à l’intérieur des établissements pénitentiaires et de réduire les flux de circulation entre l’intérieur et l’extérieur. A ce titre, ont été décidées, le 17 mars 2020, la suspension des activités socio-culturelles et d’enseignement, du sport en espace confiné, des cultes, de la formation professionnelle, du travail ainsi que la suspension des visites aux parloirs, parloirs familiaux et unités de vie familiale et des entretiens avec les visiteurs de prison. Seuls ont été maintenus, dans des conditions permettant de respecter les règles de sécurité sanitaire, les déplacements qu’impliquent les rendez-vous aux » parloirs avocats « , les promenades et activités de sport en plein air ainsi que l’accès aux douches collectives et, le cas échéant, les missions des unités sanitaires en milieu pénitentiaire (USMP). Il est veillé à ce que les groupes de personnes participant à des activités communes restent les mêmes d’un jour sur l’autre afin que les contacts qui demeurent ne se fassent qu’entre les membres d’un groupe préconstitué de personnes asymptomatiques. Enfin, à titre de précaution, les personnes entrant en détention sont placées en quatorzaine, le temps nécessaire à la vérification qu’elles sont asymptomatiques.
22. En deuxième lieu, il résulte de l’instruction qu’il a également été demandé, dès le 27 février 2020, qu’il soit strictement veillé au respect des règles de sécurité sanitaire à l’intérieur des établissements pénitentiaires. Des consignes ont été données de veiller à ce que soient strictement respectés, tant par les personnes détenues que par les personnels pénitentiaires, les » gestes barrières » : lavage régulier des mains, limitation stricte des contacts physiques, distance minimale entre les personnes. A compter du 31 mars, le port d’un masque de protection a été imposé aux personnels en contact direct et prolongé avec les personnes détenues afin d’organiser, au sein de chaque établissement, un » anneau sanitaire « .
23. En troisième lieu, il résulte de l’instruction que, conformément à ce qu’avaient annoncé les représentants des ministères de la justice et de la santé au cours de l’audience publique, un protocole relatif au signalement et à la détection des cas symptomatiques a été défini, par une note du 6 avril 2020 et l’actualisation, à la même date, de la fiche intitulée » Etablissements pénitentiaires : organisation de la réponse sanitaire par les unités sanitaires en milieu pénitentiaire en collaboration avec les services pénitentiaires » à partir des éléments discutés au cours de cette audience. Il ressort des pièces versées au débat contradictoire que la conduite à tenir en la matière est désormais clairement définie afin que puissent être détectées, dans les meilleurs délais, les personnes détenues présentant les symptômes du covid-19. Ce protocole repose sur une responsabilité partagée entre les personnes détenues, le personnel pénitentiaire et les équipes des unités sanitaires en milieu pénitentiaire. Une information, régulièrement actualisée, sur les symptômes du virus est diffusée au sein des établissements, notamment par voie d’affichage, afin de mettre les personnes détenues à même de repérer l’apparition de symptômes et de prendre rendez-vous avec l’unité sanitaire. Afin de permettre une plus grande réactivité, il est en outre demandé aux personnels de surveillance de prévenir, par téléphone, soit l’unité sanitaire soit, en dehors de ses horaires d’ouverture, le centre 15, de tout cas préoccupant porté à leur connaissance, à la suite d’un signalement par la personne concernée ou par un co-détenu ou sur la base de leur propre évaluation de la situation. Enfin, à titre préventif, il est recommandé aux équipes des unités sanitaires de faire montre d’une vigilance renforcée, en particulier auprès des personnes vulnérables, en organisant, le cas échéant, des consultations supplémentaires et en profitant du temps de distribution des médicaments en quartier de détention pour procéder au repérage d’éventuels symptômes afin de les signaler aux médecins.
24. En quatrième lieu, il résulte de l’instruction que les modalités de prise en charge des personnes détenues suspectées ou positives au covid-19 visent à limiter la propagation du virus en milieu carcéral. Toute personne correspondant à un cas confirmé ou un cas symptomatique dont la prise en charge médicale ne justifie pas une hospitalisation fait l’objet d’un confinement sanitaire c’est-à-dire un placement en cellule individuelle, situé, dans toute la mesure du possible, dans un quartier spécifique de l’établissement. Elle n’a ainsi plus vocation à entrer en contact avec des personnes détenues asymptomatiques. Elle est munie d’un masque de protection qu’elle doit porter pendant l’ensemble de ses déplacements et de ses rendez-vous. A ces mesures s’ajoute le placement en quatorzaine des personnes ayant été codétenues avec elle.
25. Compte tenu des mesures prises pour limiter les contacts avec l’extérieur et réduire les mouvements à l’intérieur des établissements, des consignes et des mesures prises pour assurer le respect des » gestes barrière « , du protocole relatif au signalement et à la détection des cas symptomatiques ainsi que des modalités de prise en charge des cas confirmés ou symptomatiques, il n’apparaît pas, en l’état de l’instruction et à la date de la présente ordonnance, qu’eu égard à la stratégie de gestion et d’utilisation maîtrisée des masques mise en place à l’échelle nationale, en l’état du nombre de masques de protection actuellement disponibles, l’absence de distribution de masques de protection à l’ensemble des personnes détenues révèlerait une carence portant, de manière caractérisée, une atteinte grave et manifestement illégale aux libertés fondamentales invoquées. Il s’ensuit que les conclusions tendant à fournir aux personnes détenues un mode d’emploi permettant de fabriquer des masques dits » grand public » ou » alternatifs » ainsi que les matériaux nécessaires à une telle confection ne peuvent, en tout état de cause, en l’état de l’instruction et eu égard aux pouvoirs que le juge des référés tient des dispositions de l’article L. 521-2 du code de justice administrative, qu’être rejetées.
26. Compte tenu des éléments rappelés au point précédent et eu égard aux critères de priorité, constamment ajustés, retenus, en l’état des disponibilités, pour effectuer les tests de dépistage, les conclusions tendant à ce qu’il soit procédé à un dépistage systématique de toutes les personnes détenues ne peuvent, en tout état de cause, en l’état de l’instruction et eu égard aux pouvoirs que le juge des référés tient des dispositions de l’article L. 521-2 du code de justice administrative, qu’être rejetées.
S’agissant du recours aux fouilles :
27. Il résulte de l’instruction que la consigne générale a été donnée à l’ensemble des établissements pénitentiaires, que soient privilégiées, pendant la durée de l’état d’urgence sanitaire, les mesures alternatives aux fouilles telle la détection par portique et que les fouilles de personnes détenues ne soient pratiquées que de manière exceptionnelle, par des personnels dotés de masque de protection et de gants à usage unique. Il appartient au chef d’établissement pénitentiaire de prendre toutes les mesures nécessaires afin d’assurer le respect effectif de ces consignes au sein de son établissement. Dans ces conditions, il n’apparaît pas, en l’état de l’instruction et à la date de la présente ordonnance, que devrait être ordonnée, au motif d’une atteinte grave et manifestement illégale aux libertés fondamentales invoquées, l’édiction d’autre règle encadrant le recours aux fouilles que celles déjà fixées par la ministre de la justice.
S’agissant du maintien des liens familiaux et personnels des personnes détenues et des échanges avec leurs avocats :
28. En premier lieu, il résulte de l’instruction que la ministre de la justice a pris un certain nombre de mesures tendant, pendant l’état d’urgence sanitaire, à garantir, autant qu’il est possible, le maintien des liens familiaux et personnels des personnes détenues alors que la décision a été prise, le 17 mars, de suspendre les visites aux parloirs, parloirs familiaux et unités de vie familiale. Afin de faciliter les échanges téléphoniques, notamment avec les membres de sa famille et ses proches, une somme de 20 euros a été allouée sur le crédit téléphonique de chaque détenu au .titre du mois de mars Cette somme a été portée à 40 euros au mois d’avril et sera reconduite aussi longtemps que les visites aux parloirs resteront suspendues. A en outre été mise en place une messagerie vocale permettant aux personnes dont le numéro de téléphone est préalablement enregistré auprès de l’établissement pénitentiaire de laisser, à destination d’une personne détenue, un message d’une durée maximum de 30 minutes. Au cours de l’audience publique, les représentants du ministère de la justice ont également fait valoir qu’était à l’examen le projet de mise en place de visio-conférences qui permettraient aux personnes détenues d’échanger avec des personnes à l’extérieur.
29. En second lieu, il résulte de l’instruction que la ministre de la justice a pris un certain nombre de mesures permettant de garantir, pendant l’état d’urgence sanitaire, le maintien effectif des échanges entre les personnes détenues et leurs avocats. Conformément à ce qu’avaient annoncé les représentants du ministère de la justice au cours de l’audience publique, ces mesures ont été présentées dans une note de synthèse relative aux modalités d’exercice du droit des détenus de communiquer avec leurs avocats et leurs mandataires pendant l’état d’urgence sanitaire, en date du 6 avril 2020, qui a été versée au débat contradictoire. D’une part, il y est rappelé que sont maintenues les visites aux » parloirs avocats » et précisé que ces visites doivent se dérouler dans le respect à la fois des règles de sécurité sanitaire et de la confidentialité des échanges entre un avocat et son client. Les avocats sont ainsi autorisés à se présenter munis d’un masque de protection et il est envisagé, dans l’hypothèse où les locaux des » parloirs avocats » ne permettraient pas de respecter les règles de distanciation sociale, d’utiliser les locaux des autres parloirs inoccupés. D’autre part, la note rappelle que tant le forfait téléphonique alloué à chaque détenu que le dispositif de messagerie vocale décrit au point précédent ont également pour objet de faciliter les échanges téléphoniques entre une personne détenue et son conseil. S’agissant de la messagerie vocale, il résulte des éléments versés dans le cadre de l’instruction de la présente demande en référé que les avocats qui souhaiteraient l’utiliser pour déposer des messages à l’attention de leurs clients peuvent enregistrer le numéro de leur choix directement auprès de l’établissement pénitentiaire et que les dispositions techniques ont été prises afin de garantir que leurs messages ne seront pas écoutés par l’administration pénitentiaire ainsi que l’exige le respect de la confidentialité des échanges entre un avocat et son client.
30. Il s’ensuit que les mesures prises pour garantir, pendant l’état d’urgence sanitaire, le maintien, d’une part, des liens familiaux et personnels des personnes détenues et, d’autre part, des échanges entre ces dernières et leurs avocats ne révèlent pas, en l’état de l’instruction et à la date de la présente ordonnance, de carence de l’autorité publique portant, de manière caractérisée, une atteinte grave et manifestement illégale aux libertés fondamentales invoquées.
En ce qui concerne la communication d’un plan national et d’une série de plans au niveau de chaque établissement pénitentiaire :
31. Compte tenu du nombre et de la teneur des instructions ministérielles qui ont été prises depuis le 27 février dernier pour faire face à l’épidémie de Covid-19, y compris celles rédigées après l’audience publique ainsi que des éléments fournis au cours de cette audience par les représentants de la ministre de la justice et du ministre chargé de la santé, il n’apparaît pas, en tout état de cause, en l’état de l’instruction et à la date de la présente ordonnance, que devrait être ordonnée, au motif d’une atteinte grave et manifestement illégale aux libertés fondamentales invoquées, la communication d’un plan national et d’une série de plans au niveau de chaque établissement pénitentiaire.
32. En l’absence, en l’état de l’instruction, d’atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale, la demande présentée au juge des référés ne peut être accueillie.
33. Il résulte de tout ce qui précède que, sans qu’il soit besoin de se prononcer sur la condition d’urgence, la requête de la Section française de l’Observatoire international des prisons, de l’association Avocats pour la défense des droits des détenus, du Syndicat de la magistrature et du Syndicat des avocats de France, y compris les conclusions présentées au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative, doit être rejetée. Ces dispositions font obstacle à ce qu’il soit fait droit aux conclusions présentées, à leur titre, par l’association » Robin des lois » qui n’est pas partie à l’instance.
O R D O N N E :
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Article 1er : L’intervention de l’association » Robin des lois » est admise.
Article 2: La requête de la Section française de l’Observatoire international des prisons, de l’association Avocats pour la défense des droits des détenus, du Syndicat de la magistrature et du Syndicat des avocats de France est rejetée.
Article 3 : Les conclusions de l’association » Robin des lois » présentées au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : La présente ordonnance sera notifiée à la Section française de l’Observatoire international des prisons, premier requérant dénommé, à la garde des sceaux, ministre de la justice, au ministre des solidarités et de la santé et à l’association » Robin des lois « .
Copie en sera adressée au Premier ministre.
ECLI:FR:CEORD:2020:439827.20200408