REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la requête, enregistrée le 17 décembre 2004 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentée pour la COMMUNE DE CHANTONNAY, représentée par son maire ; la COMMUNE DE CHANTONNAY demande au Conseil d’Etat :
1°) d’annuler l’ordonnance du 1er décembre 2004 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Nantes a rejeté, comme portée devant une juridiction incompétente pour en connaître, sa demande tendant : 1) à ce que soit ordonnée l’expulsion de Mme Suzanne X et de son fils, M. Dimitri Y, et de tous occupants de leur chef, du logement qu’ils occupent à …, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, 2) à dire qu’en cas de persistance du trouble, la commune pourra se faire assister de la force publique ;
2°) statuant comme juge des référés, de lui accorder le bénéfice de ses écritures de première instance ;
3°) de mettre solidairement à la charge de Mme X et de M. Y, ou de l’un à défaut de l’autre, le versement de la somme de 4 000 euros en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
– le rapport de M. Pierre-François Mourier, Maître des Requêtes,
– les observations de Me Ricard, avocat de la COMMUNE DE CHANTONNAY et de la SCP Boré et Salve de Bruneton, avocat de Mme X et de M. Y,
– les conclusions de M. Laurent Olléon, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que, par un contrat de location en date du 10 avril 2003, Mme X et M. Y se sont vu mettre à disposition un logement situé dans l’ancienne école de l’Angle, qui faisait alors partie du domaine public de la COMMUNE DE CHANTONNAY ; que, par une délibération en date du 16 juin 2003, le conseil municipal de la COMMUNE DE CHANTONNAY a procédé au déclassement en vue de sa vente de l’immeuble dans lequel se trouvait ce logement ; que la commune a alors proposé à Mme X et à M. Y d’acquérir le logement qu’ils occupaient, un compromis de vente fixant au 10 mars 2004 la date avant laquelle les acquéreurs devaient justifier de l’obtention de leur financement ; que, les occupants du logement n’étant pas parvenus à obtenir le financement adéquat, le maire de la commune leur a, par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 26 avril 2004, notifié leur congé en indiquant que les lieux devaient être libérés avant le 1er juillet 2004 ; qu’après avoir fait délivrer le 27 août 2004 une sommation d’avoir à quitter les lieux à Mme X et à M. Y, la COMMUNE DE CHANTONNAY a saisi le 18 novembre 2004 le juge des référés du tribunal administratif de Nantes, sur le fondement de l’article L. 521-3 du code de justice administrative, pour que soit ordonnée leur expulsion sous astreinte ; que, par une ordonnance en date du 1er décembre 2004, le juge des référés a rejeté la requête de la COMMUNE DE CHANTONNAY comme portée devant une juridiction incompétente pour en connaître ;
Considérant qu’aux termes de l’article L. 521-3 du code de justice administrative : En cas d’urgence et sur simple requête qui sera recevable même en l’absence de décision administrative préalable, le juge des référés peut ordonner toutes autres mesures utiles sans faire obstacle à l’exécution d’aucune décision administrative ;
Sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens de la requête ;
Considérant que le juge des référés du tribunal administratif ne peut connaître d’une requête tendant à l’expulsion d’un occupant d’immeubles relevant du domaine privé que si le contrat relatif à l’occupation de ces immeubles a le caractère d’un contrat de droit public ;
Considérant que le contrat de location en date du 10 avril 2003 stipulait qu’il était consenti et accepté pour une période d’un an à compter du 1er mars 2003, renouvelable par tacite reconduction, et qu’Au cas où la municipalité aurait besoin du logement, les preneurs s’engagent à libérer le logement dans un délai de deux mois, à compter de la réception d’un simple préavis et sans qu’ils puissent prétendre à aucune indemnité ; qu’il suit de ces clauses exorbitantes du droit commun que le contrat de location en vertu duquel a été consentie cette occupation était un contrat administratif ; que, dès lors, en jugeant que ce contrat de location ne comportait aucune clause exorbitante du droit commun, le juge des référés du tribunal administratif de Nantes a inexactement qualifié le contrat qui lui était soumis ; que, par suite, la COMMUNE DE CHANTONNAY est fondée à demander l’annulation de l’ordonnance attaquée ;
Considérant qu’il y a lieu, en application de l’article L. 821-2 du code de justice administrative, de régler l’affaire au titre de la procédure de référé engagée ;
Sans qu’il soit besoin d’examiner les moyens de la requête ;
Considérant, ainsi qu’il a été dit ci-dessus, que le logement occupé par Mme X et M. Y a fait l’objet d’un arrêté municipal de déclassement en date du 16 juin 2003, et en conséquence relève du domaine privé de la commune ; qu’en application de la clause de ce contrat selon laquelle, au cas où la municipalité aurait besoin du logement, les preneurs s’engageaient à le libérer dans un délai de deux mois à compter de la réception d’un simple préavis, le maire de la commune a notifié leur congé à Mme X et à M. Y par courrier recommandé avec demande d’accusé de réception en date du 26 avril 2004 ; qu’une sommation de quitter les lieux leur a été faite le 27 août 2004, avec un délai expirant au 15 septembre 2004 ; que, dans ces conditions, à la date de la présente décision, il n’existe plus de lien contractuel entre les parties ; que, par suite, le juge administratif étant incompétent pour connaître d’une demande tendant à l’expulsion d’un occupant sans titre du domaine privé, dès lors que la relation contractuelle qui l’autorisait à occuper les lieux a, en tout état de cause, pris fin, la requête de la COMMUNE DE CHANTONNAY ne peut qu’être rejetée ;
Sur les conclusions tendant à l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de Mme X et de M. Y, qui ne sont pas dans la présente instance la partie perdante, la somme que la COMMUNE DE CHANTONNAY demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu’il n’y a pas lieu, dans les circonstances de l’espèce, de faire droit aux conclusions de Mme X et de M. Y tendant à ce que la COMMUNE DE CHANTONNAY leur verse une somme sur le même fondement ;
D E C I D E :
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Article 1er : L’ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Nantes en date du 1er décembre 2004 est annulée.
Article 2 : La demande présentée par la COMMUNE DE CHANTONNAY devant le juge des référés est rejetée comme portée devant une juridiction incompétente pour en connaître.
Article 3 : Les conclusions présentées par Mme X et M. Y sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à la COMMUNE DE CHANTONNAY, à Mme Suzanne X, à M. Dimitri Y et au ministre d’Etat, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire.