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CEDH, 1er juillet 1997, Probstmeier contre Allemagne, req. n°20950/92

Citer : Revue générale du droit, 'CEDH, 1er juillet 1997, Probstmeier contre Allemagne, req. n°20950/92, ' : Revue générale du droit on line, 1997, numéro 57091 (www.revuegeneraledudroit.eu/?p=57091)


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....

Décision citée par :
  • Christophe De Bernardinis, B. Le juge constitutionnel et les droits fondamentaux consacrés par la ConvEDH


   En l’affaire Probstmeier c. Allemagne (1),

 

      La Cour européenne des Droits de l’Homme, constituée conformément

à l’article 43 (art. 43) de la Convention de sauvegarde des Droits de

l’Homme et des Libertés fondamentales (« la Convention ») et aux clauses

pertinentes de son règlement B (2), en une chambre composée des juges

dont le nom suit:

 

      MM. R. Ryssdal, président,

          R. Bernhardt,

          I. Foighel,

          R. Pekkanen,

          M.A. Lopes Rocha,

          L. Wildhaber,

          K. Jungwiert,

          U. Lohmus,

          J. Casadevall,

 

ainsi que de MM. H. Petzold, greffier, et P.J. Mahoney, greffier

adjoint,

 

      Après en avoir délibéré en chambre du conseil les 23 janvier et

29 mai 1997,

 

      Rend l’arrêt que voici, adopté à cette dernière date:

_______________

Notes du greffier

 

1.  L’affaire porte le n° 125/1996/744/943.  Les deux premiers chiffres

en indiquent le rang dans l’année d’introduction, les deux derniers la

place sur la liste des saisines de la Cour depuis l’origine et sur

celle des requêtes initiales (à la Commission) correspondantes.

 

2.  Le règlement B, entré en vigueur le 2 octobre 1994, s’applique à

toutes les affaires concernant les Etats liés par le Protocole n° 9

(P9).

_______________

 

PROCEDURE

 

1.    L’affaire a été déférée à la Cour par une ressortissante

allemande, Mme Mechthilde Probstmeier (« la requérante »), le

18 septembre 1996, puis par le gouvernement de la République fédérale

d’Allemagne (« le Gouvernement »), le 23 octobre 1996, dans le délai de

trois mois qu’ouvrent les articles 32 par. 1 et 47 de la Convention

(art. 32-1, art. 47).

 

      A son origine se trouve une requête (n° 20950/92) dirigée contre

l’Allemagne et dont Mme Probstmeier avait saisi la Commission

européenne des Droits de l’Homme (« la Commission ») le 9 juin 1992 en

vertu de l’article 25 (art. 25).

 

      La requête de la requérante renvoie à l’article 48 (art. 48)

modifié par le Protocole n° 9 (P9), que l’Allemagne a ratifié, celle

du Gouvernement aux articles 32 et 48 de la Convention (art. 32,

art. 48).  Elles ont pour objet d’obtenir une décision sur le point de

savoir si les faits de la cause révèlent un manquement de

l’Etat défendeur aux exigences de l’article 6 par. 1 de la Convention

(art. 6-1).

 

2.    Le 18 septembre 1996, la requérante avait désigné son conseil

(article 31 du règlement B), que le président a autorisé à employer la

langue allemande dans la procédure tant écrite qu’orale (article 28

par. 3).  Initialement désignée par les lettres M.P., elle a consenti

ultérieurement à la divulgation de son identité.

 

3.    Le 29 octobre 1996, le président de la Cour, M. R. Ryssdal, a

décidé, dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice et en

vertu de l’article 21 par. 6 du règlement B, qu’il y avait lieu de

confier cette affaire à la chambre déjà constituée pour connaître de

l’affaire Pammel c. Allemagne.

 

4.    Celle-ci comprenait de plein droit M. R. Bernhardt, juge élu de

nationalité allemande (article 43 de la Convention) (art. 43), et

M. Ryssdal, président de la Cour (article 21 par. 4 du règlement B).

Le 30 mars 1996, celui-ci avait tiré au sort le nom des sept autres

membres, à savoir MM. I. Foighel, R. Pekkanen, M.A. Lopes Rocha,

L. Wildhaber, K. Jungwiert, U. Lohmus et J. Casadevall, en présence du

greffier (articles 43 in fine de la Convention et 21 par. 5 du

règlement B) (art. 43).

 

5.    En sa qualité de président de la chambre (article 21 par. 6 du

règlement B), M. Ryssdal a consulté, par l’intermédiaire du greffier,

l’agent du Gouvernement, la requérante et le délégué de la Commission

au sujet de l’organisation de la procédure (articles 39 par. 1 et 40).

Conformément à l’ordonnance rendue en conséquence, le greffier a reçu

le mémoire de la requérante le 27 novembre 1996 et celui du

Gouvernement le 6 décembre 1996.

 

      Le 5 décembre 1996, la Commission avait produit des pièces de la

procédure suivie devant elle; le greffier l’y avait invitée sur les

instructions du président.

 

      Le 5 novembre 1996, le secrétaire de la Commission avait informé

le greffier que le délégué s’exprimerait de vive voix.

 

6.    Le 2 décembre 1996, le Gouvernement a prié la chambre de se

dessaisir avec effet immédiat au profit d’une grande chambre

(article 53 du règlement B).  Le 20 janvier 1997, la chambre a décidé

de ne pas accueillir la demande.

 

7.    Ainsi qu’en avait décidé le président – qui avait également

autorisé l’agent du Gouvernement à plaider en allemand (article 28

par. 2 du règlement B) -, les débats consacrés à cette affaire et à

l’affaire Pammel c. Allemagne se sont déroulés en public le

20 janvier 1997 au Palais des Droits de l’Homme à Strasbourg.  La Cour

avait tenu auparavant une réunion préparatoire.

 

      Ont comparu:

 

– pour le Gouvernement

 

  Mme H. Voelskow-Thies, Ministerialdirigentin,

      ministère fédéral de la Justice,                         agent,

  MM. M. Weckerling, Regierungsdirektor,

      ministère fédéral de la Justice,

      E. Radzwill, Regierungsrat zur Anstellung,

      ministère fédéral de la Justice,                   conseillers;

 

– pour la Commission

 

  M.  B. Marxer,                                             délégué;

 

– pour la requérante

 

  Me  P. Kloer, avocat au barreau de Munich,                 conseil;

 

– pour M. Pammel

 

  Me  C. Lenz, avocat au barreau de Stuttgart,               conseil.

 

      La Cour a entendu en leurs déclarations M. Marxer, Me Lenz,

Me Kloer et Mme Voelskow-Thies.

 

      Au cours de l’audience, cette dernière a en outre sollicité

l’autorisation de répondre par écrit aux demandes de la requérante et

de M. Pammel au titre de l’article 50 (art. 50).  Par une ordonnance

du 24 janvier 1997, le président a accueilli sa demande.  Le greffier

a reçu le mémoire complémentaire du Gouvernement le 13 février 1997,

les observations en réponse de Mme Probstmeier le 24 février et celles

de M. Pammel le 28 février.

 

EN FAIT

 

I.    Les circonstances de l’espèce

 

8.    Ressortissante allemande née en 1937, Mme Mechthilde Probstmeier

vit actuellement à Karlsruhe.

 

9.    Elle est propriétaire d’un terrain de 44 271 m2, reçu en

héritage, et donné à bail à l’association des jardins familiaux

(Kleingartenverein) de Munich qui, à son tour, le sous-loua à des

particuliers.

 

      Le contrat de bail initial allait du 1er janvier 1955 au

31 décembre 1979, le loyer (Pachtzins) s’élevant à 0,10 mark allemand

(DEM) le mètre carré par an.

 

    A.     La procédure devant les juridictions civiles

 

10.   Par une lettre du 22 novembre 1976, la requérante résilia le

contrat de bail avec effet au 31 décembre 1979.

 

11.   Le 20 février 1978, elle demanda l’éviction (Räumung) de

l’association des jardins familiaux devant le tribunal régional

(Landgericht) de Munich.

 

12.   Le 19 avril 1978, le tribunal régional débouta Mme Probstmeier,

qui interjeta appel de ce jugement devant la cour d’appel

(Oberlandesgericht) de Munich.

 

13.   Le 6 novembre 1978, à la demande des parties, la cour d’appel

décida de surseoir à statuer (das Verfahren auszusetzen) en attente

d’un arrêt de la Cour constitutionnelle fédérale

(Bundesverfassungsgericht) portant sur la constitutionnalité de

certaines dispositions de la loi sur les jardins familiaux

(Kleingartenordnung) relatives à la résiliation des baux.

 

14.   La Cour constitutionnelle fédérale rendit son arrêt le

12 juin 1979 et la procédure civile reprit en novembre 1979.

 

15.   Le 14 avril 1981, la cour d’appel décida à nouveau de surseoir

à statuer en attendant la promulgation d’une nouvelle législation en

matière de jardins familiaux.

 

16.   La nouvelle loi fédérale sur les jardins familiaux

(Bundeskleingartengesetz), du 28 février 1983, entra en vigueur le

1er avril 1983, et la procédure devant la cour d’appel reprit le

14 juin 1983.

 

17.   Le 12 décembre 1983, la cour d’appel débouta la requérante.

 

18.   Le 19 décembre 1983, Mme Probstmeier saisit la

Cour fédérale de justice (Bundesgerichtshof), qui accueillit son

recours le 13 décembre 1984.

 

    B.     La procédure devant la Cour constitutionnelle fédérale

 

19.   Le 24 mai 1985, la Cour fédérale de justice décida de surseoir

à statuer et de renvoyer l’affaire devant la Cour constitutionnelle

fédérale conformément à l’article 100 par. 1, première phrase, de la

Loi fondamentale (Grundgesetz) (paragraphe 29 ci-dessous), en lui

soumettant la question suivante:

 

        « Est-il conforme à l’article 14 de la Loi fondamentale

      [paragraphe 24 ci-dessous] qu’un contrat de bail, conclu avant

      l’entrée en vigueur de la loi fédérale sur les jardins familiaux

      du 28 février 1983 par un bailleur privé, pour une durée

      déterminée expirant avant l’entrée en vigueur de cette loi, et

      portant sur des jardins familiaux qui ne revêtent pas un

      caractère permanent, n’expire que le 31 mars 1987 d’après

      l’article 16 par. 3 de cette loi? »

 

      En effet, la Cour fédérale de justice estimait que la question

de la constitutionnalité de l’article 16 par. 3 de la loi sur les

jardins familiaux était décisive pour l’issue du litige.

 

20.   Parallèlement, le 26 juin 1987, la cour d’appel

(Oberlandesgericht) de Hamm soumit pour examen à la

Cour constitutionnelle fédérale la question de la constitutionnalité

de l’article 16 paras. 3 et 4 de la loi fédérale sur les

jardins familiaux (paragraphe 25 ci-dessous), soulevée dans

l’affaire Pammel (arrêt Pammel c. Allemagne du 1er juillet 1997,

Recueil des arrêts et décisions 1997-IV).

 

21.   Celle-ci décida de joindre les deux affaires.

 

22.   Après avoir reçu les observations du ministère pour l’aménagement

du territoire (Raumordnung, Bauwesen und Städtebau) au nom du

gouvernement fédéral, celles de l’organisation des villes allemandes

(Deutscher Städtetag), de quatre autres organisations non

gouvernementales, ainsi que des parties et de la

Cour fédérale de justice, la Cour constitutionnelle fédérale décida

d’élargir l’examen de constitutionnalité à l’article 5 par. 1,

première phrase, de la loi fédérale sur les jardins familiaux

(paragraphe 25 ci-dessous).

 

      Le 23 septembre 1992, la première chambre (Erster Senat) de la

Cour constitutionnelle fédérale rendit son arrêt (Recueil des décisions

de la Cour constitutionnelle fédérale, BVerfGE, vol. 87, pp. 114-151).

 

      Elle estima qu’en vertu des dispositions transitoires de

l’article 16 de cette loi, la limitation du loyer s’appliquait

également pendant la durée de prorogation des anciens contrats de bail

à durée déterminée.

 

      La Cour constitutionnelle fédérale conclut à la

constitutionnalité de l’article 16 paras. 3 et 4, première phrase, de

la loi fédérale sur les jardins familiaux, tout en soulignant que

l’article 16 par. 3 nécessitait une interprétation conforme à la

Loi fondamentale.  En revanche, elle décida que la limitation du loyer

prévu à l’article 5 par. 1, première phrase, de la loi fédérale sur les

jardins familiaux, était contraire à l’article 14 par. 1,

première phrase, de la Loi fondamentale, pour autant qu’elle concernait

des contrats de bail conclus avec des bailleurs privés, car elle

imposait une charge excessive et disproportionnée aux bailleurs.

 

23.   Le 25 avril 1993, la Cour fédérale de justice débouta

Mme Probstmeier.

 

II.   Le droit interne pertinent

 

    A.     Le droit matériel

 

24.   L’article 14 par. 1 de la Loi fondamentale dispose:

 

        « La propriété et le droit de succession sont garantis.  Leur

      contenu et leurs limites sont fixés par les lois. »

 

25.   Les dispositions pertinentes de la loi fédérale sur les

jardins familiaux du 28 février 1983, entrée en vigueur le

1er avril 1983, sont ainsi rédigées:

 

                           Article 5 par. 1

 

        « Le loyer devra au maximum s’élever au double de celui d’un

      bail pratiqué localement dans le domaine de la culture fruitière

      et maraîchère professionnelle, en fonction de la superficie

      totale du jardin familial.  Les surfaces destinées aux

      installations communes sont prises en compte lors de la fixation

      du montant du bail de chaque jardin familial. »

 

                              Article 16

 

        « 1) Les baux contractés pour des jardins familiaux et non échus

      au moment de l’entrée en vigueur de la présente loi sont régis

      par cette nouvelle loi à partir de son entrée en vigueur.

 

         2) Les baux contractés avant l’entrée en vigueur de la

      présente loi, pour des jardins qui, au moment de l’entrée en

      vigueur de cette loi, n’étaient pas des jardins « permanents »,

      doivent être considérés comme des baux relatifs à des jardins

      « permanents », dès lors que la commune est propriétaire du

      terrain.

 

         3) Dès lors que les baux décrits au paragraphe 2 portent sur

      des terrains dont la commune n’est pas propriétaire, les contrats

      parviennent à échéance le 31 mars 1987, dès lors qu’ils ont été

      conclus pour une durée déterminée et qu’ils ont pris fin avant

      cette date; pour le reste, le contrat respecte la durée convenue.

 

         4) Si la surface d’un jardin familial a été définie comme

      terrain pour jardins familiaux « permanents » dans le plan

      d’occupation des sols et ce, avant l’expiration de la durée du

      bail comme indiqué au paragraphe 3, le contrat de bail est

      prolongé pour une durée indéterminée.  Si la commune a décidé,

      avant le 31 mars 1987, de dresser un plan d’occupation des sols

      en vue de définir les surfaces destinées aux jardins familiaux

      « permanents », et a rendu publique sa décision conformément à

      l’article 2 par. 1, 2e alinéa, du code de l’urbanisme

      (Baugesetzbuch), le contrat de bail est prolongé pour une durée

      de quatre ans à partir de la publication de cette décision; la

      période entre la date convenue par l’expiration du contrat et le

      31 mars 1987 devant être prise en compte.  Les dispositions

      relatives aux jardins familiaux « permanents » doivent s’appliquer

      à partir du moment où le plan d’occupation des sols devient

      définitif. »

 

26.   A la suite de l’arrêt de la Cour constitutionnelle fédérale du

23 septembre 1992, une nouvelle loi amendant la loi fédérale sur les

jardins familiaux (Bundeskleingartenänderungsgesetz) est entrée en

vigueur le 1er avril 1994.

 

27.   L’article 5 par. 1 de cette nouvelle loi est ainsi rédigé:

 

        « Le loyer devra au maximum s’élever au quadruple de celui d’un

      bail pratiqué localement dans le domaine de la culture fruitière

      et maraîchère professionnelle, en fonction de la superficie

      totale du jardin familial.  Les surfaces destinées aux

      installations communes sont prises en compte lors de la fixation

      du montant du bail de chaque jardin familial. »

 

28.   Les dispositions transitoires de ladite loi prévoient que pour

toutes les instances en cours au 1er novembre 1992, en l’absence de

jugement définitif fixant le montant des loyers, les bailleurs privés

peuvent réclamer à titre rétroactif le quadruple du bail pratiqué

localement dans le domaine de la culture fruitière et maraîchère

professionnelle, et ce à compter du premier jour du mois suivant

l’introduction de ladite instance.

 

   B.      Le droit procédural

 

      1.  La Loi fondamentale

 

29.   L’article 100 par. 1 de la Loi fondamentale est ainsi libellé:

 

        « Si un tribunal estime qu’une loi dont la validité conditionne

      sa décision est inconstitutionnelle, il doit surseoir à statuer

      et soumettre la question (…) à la décision de la

      Cour constitutionnelle fédérale s’il s’agit de la violation de

      la présente Loi fondamentale (…) »

 

      2.  La loi sur la Cour constitutionnelle fédérale

 

30.   La composition et le fonctionnement de la Cour constitutionnelle

fédérale sont régis par la loi sur la Cour constitutionnelle fédérale

(Gesetz über das Bundesverfassungsgericht).

 

31.   L’article 2 de cette loi dispose que la

Cour constitutionnelle fédérale est constituée de deux chambres,

chacune composée de huit juges.

 

32.   Les articles 80 à 82 de cette loi ont trait au contrôle « concret »

de la constitutionnalité des lois (Konkrete Normenkontrolle):

 

                              Article 80

 

        « 1.  Dès lors que sont remplies les conditions énoncées à

      l’article 100, alinéa 1, de la Loi fondamentale, les tribunaux

      saisissent directement la Cour constitutionnelle fédérale afin

      que celle-ci rende une décision.

 

         2.  La motivation du renvoi doit préciser dans quelle mesure

      la décision du tribunal dépend de la validité de la disposition

      législative et avec quelle norme de droit supérieure une telle

      décision est incompatible.  Le dossier doit être joint au renvoi.

 

         3.  Le renvoi par le tribunal est indépendant de toute

      objection soulevée par l’une des parties au procès invoquant la

      nullité de la disposition légale. »

 

                              Article 81

 

        « La Cour constitutionnelle fédérale statue uniquement en

      droit. »

 

                              Article 82

 

        « 1.  Les dispositions des articles 77 à 79 sont applicables

      mutatis mutandis.

 

         2.  Les organes constitutionnels cités à l’article 77 peuvent

      se joindre à la procédure à n’importe quel moment.

 

         3.  La Cour constitutionnelle fédérale permet également aux

      parties au procès devant le tribunal qui l’a saisie de

      s’exprimer; elle les invite à participer à l’audience et accorde

      la parole aux représentants légaux présents.

 

         4.  La Cour constitutionnelle fédérale peut demander à des

      cours suprêmes de la Fédération ou à des cours d’appel du Land

      de lui faire part, premièrement, de la manière dont elles ont

      interprété jusqu’à présent la Loi fondamentale au regard de la

      question litigieuse, ainsi que sur la base de quelles

      considérations, puis de la manière dont elles ont, le cas

      échéant, appliqué la disposition légale contestée dans leur

      jurisprudence, et enfin des questions de droit connexes qui,

      selon elles, doivent faire l’objet d’une décision.  Elle peut en

      outre leur demander d’exposer leurs considérations au sujet d’une

      question de droit importante pour la décision.  La

      Cour constitutionnelle fédérale communique ces avis aux instances

      autorisées à se prononcer. »

 

33.   Les articles 77 à 79, auxquels renvoie l’article 82, sont ainsi

rédigés:

 

                              Article 77

 

        « La Cour constitutionnelle fédérale doit permettre au

      Bundestag, au Bundesrat, au gouvernement fédéral et, s’il existe

      des divergences d’opinion sur la validité du droit fédéral, aux

      gouvernements des Länder, et, s’il existe des divergences

      d’opinion sur la validité d’une norme du droit du Land, au

      parlement et au gouvernement du Land, dans lequel la norme a été

      promulguée, de se prononcer [sur la question] dans un délai qui

      reste à déterminer. »

 

                              Article 78

 

        « Si la Cour constitutionnelle fédérale acquiert la conviction

      qu’une norme fédérale est incompatible avec la Loi fondamentale,

      ou qu’une norme d’un Land est incompatible avec la

      Loi fondamentale ou toute autre norme fédérale, elle annule cette

      loi.  Si d’autres dispositions de cette même loi sont, pour des

      raisons similaires, incompatibles avec la Loi fondamentale ou

      toute autre norme fédérale, la Cour constitutionnelle fédérale

      peut également les annuler. »

 

                              Article 79

 

        « (…)

 

        2) Pour le reste, les décisions qui, fondées sur une norme

      déclarée nulle en vertu de l’article 78, ne sont plus

      attaquables, restent inchangées, sous réserve de la prescription

      énoncée à l’article 95, alinéa 2, ou d’une disposition légale

      particulière.  Leur exécution n’est pas autorisée (…) »

 

PROCEDURE DEVANT LA COMMISSION

 

34.   Mme Probstmeier a saisi la Commission le 9 juin 1992.  Invoquant

l’article 6 par. 1 de la Convention (art. 6-1) ainsi que l’article 14

de la Convention combiné avec l’article 1 du Protocole n° 1

(art. 14+P1-1), elle se plaignait de la durée de la procédure devant

la Cour constitutionnelle fédérale et d’une atteinte discriminatoire

à son droit de propriété.

 

35.   Les 28 juin 1994 et 26 juin 1995, la Commission a retenu la

requête (n° 20950/92) quant au grief relatif à la durée de la procédure

devant la Cour constitutionnelle fédérale et l’a déclarée irrecevable

pour le surplus.

 

      Dans son rapport du 25 juin 1996 (article 31) (art. 31), elle

conclut, par vingt-quatre voix contre cinq, qu’il y a eu violation de

l’article 6 par. 1 de la Convention (art. 6-1).  Le texte intégral de

son avis figure en annexe au présent arrêt (1).

_______________

Note du greffier

 

1.  Pour des raisons d’ordre pratique il n’y figurera que dans

l’édition imprimée (Recueil des arrêts et décisions 1997-IV), mais

chacun peut se le procurer auprès du greffe.

_______________

 

CONCLUSIONS PRESENTEES A LA COUR

 

36.   Dans son mémoire, le Gouvernement invite la Cour à dire

 

        « qu’il n’y a pas eu violation du droit du requérant à ce que

      sa cause soit entendue dans un délai raisonnable, garanti par

      l’article 6 par. 1 de la Convention (art. 6-1) ».

 

37.   De son côté, la requérante prie la Cour

 

        « de conclure à la violation de l’article 6 par. 1 de la

      Convention (art. 6-1) (…) et de dire que l’Allemagne devra

      verser 60 168,43 DEM à titre de réparation du préjudice matériel

      et 8 882,68 DEM au titre des frais et dépens ».

 

EN DROIT

 

I.    SUR LA VIOLATION ALLEGUEE DE L’ARTICLE 6 PAR. 1 DE LA CONVENTION

      (art. 6-1)

 

38.   D’après la requérante, la durée de la procédure devant la

Cour constitutionnelle fédérale a dépassé le délai raisonnable prévu

à l’article 6 par. 1 de la Convention (art. 6-1), ainsi libellé:

 

           « Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue

      (…) dans un délai raisonnable, par un tribunal (…) qui

      décidera (…) des contestations sur ses droits et obligations

      de caractère civil (…) »

 

39.   Le Gouvernement combat cette thèse, tandis que la Commission y

souscrit.

 

40.   Il y a lieu d’abord de se prononcer sur l’applicabilité de

l’article 6 par. 1 (art. 6-1).

 

    A.     Applicabilité de l’article 6 par. 1 (art. 6-1)

 

41.   Selon le Gouvernement, il existe des différences substantielles

entre un recours constitutionnel individuel (Verfassungsbeschwerde),

comme dans l’affaire Süßmann (arrêt Süßmann c. Allemagne

du 16 septembre 1996, Recueil des arrêts et décisions 1996-IV), et le

contrôle objectif de la constitutionnalité des lois exercé dans le

cadre d’un renvoi préjudiciel, tel que c’est le cas en l’espèce.  Même

si la procédure devant la Cour constitutionnelle fédérale avait un lien

avec des procédures portant « sur des droits et obligations de caractère

civil », son objet serait différent.  Il porterait sur la

constitutionnalité de dispositions de la loi sur les jardins familiaux.

Ce serait méconnaître la fonction particulière de la

Cour constitutionnelle fédérale, ainsi que la spécificité de ce type

de procédure, que de rattacher la décision sur renvoi préjudiciel aux

procédures devant les juridictions ordinaires.  Eu égard à la portée

d’une telle décision, qui a force de loi, on ne saurait en outre lui

imposer un délai précis avant de se prononcer.

 

42.   La requérante soutient que, d’après les critères fixés par la

jurisprudence de la Cour, l’applicabilité de l’article 6 par. 1 de la

Convention (art. 6-1) à la procédure litigieuse ne saurait faire de

doute.  Il y aurait à l’évidence un lien très étroit entre la procédure

devant les juridictions ordinaires et le contrôle de la

constitutionnalité des lois dans un cas concret (Konkrete

Normenkontrolle), où la décision de la Cour constitutionnelle fédérale

est toujours déterminante pour l’issue du litige.

 

43.   Se référant à la jurisprudence de la Cour, la Commission conclut

également à l’applicabilité de cette disposition (art. 6-1) à la

procédure en question.

 

44.   Comme elle l’avait déjà énoncé dans l’arrêt Süßmann, la Cour ne

méconnaît point le rôle et le statut particuliers d’une

Cour constitutionnelle qui, dans les Etats ayant instauré le droit de

recours individuel, garantit aux citoyens une protection juridique

supplémentaire au niveau national de leurs droits fondamentaux garantis

par la Constitution (voir l’arrêt Süßmann précité, p. 1170,

par. 37).

 

45.   Elle rappelle qu’elle a déjà eu à connaître à plusieurs reprises

de la question de l’applicabilité de l’article 6 par. 1 (art. 6-1) à

une procédure devant une Cour constitutionnelle.

 

46.   Conformément à sa jurisprudence bien établie sur cette question

(voir en dernier lieu les arrêts Ruiz-Mateos c. Espagne du

23 juin 1993, série A n° 262, p. 19, par. 35, et Süßmann précité,

p. 1171, par. 39), le critère pertinent pour déterminer s’il faut

prendre en compte une instance devant une Cour constitutionnelle en vue

d’établir le caractère raisonnable de la durée globale d’une procédure,

consiste à rechercher si le résultat de ladite instance peut influer

sur l’issue du litige devant les juridictions ordinaires.

 

47.   La présente espèce offre la particularité qu’elle ne concerne que

la durée de la procédure devant la Cour constitutionnelle fédérale

comme ce fut le cas dans l’affaire Süßmann, car devant la Commission,

la requérante ne s’était plaint que de la durée de celle-ci

(paragraphe 26 du rapport de la Commission).  En revanche, l’affaire

Süßmann avait trait à un recours constitutionnel individuel, alors

qu’en l’occurrence, la Cour fédérale de justice a déféré à la

Cour constitutionnelle fédérale la question de la constitutionnalité

de dispositions législatives.  Sur ce point, elle se rapproche donc

davantage de l’affaire Ruiz-Mateos (arrêt Ruiz-Mateos précité, p. 12,

par. 15, et p. 14, par. 22).

 

48.   La Cour rappelle qu’une procédure relève de l’article 6 par. 1

(art. 6-1), même si elle se déroule devant une juridiction

constitutionnelle, si son issue est déterminante pour des droits ou

obligations de caractère civil (arrêt Süßmann précité, p. 1171,

par. 41).

 

49.   En l’espèce, la requérante avait résilié le contrat de bail avec

l’association des jardins familiaux de Munich et demandé l’éviction de

cette dernière, en vue de récupérer son terrain (paragraphes 10 et 11

ci-dessus).  Le litige devant les juridictions civiles avait donc trait

au droit de propriété de l’intéressée, qui revêt assurément un

caractère civil au sens de l’article 6 (art. 6) (voir, entre autres,

l’arrêt Zander c. Suède du 25 novembre 1993, série A n° 279-B, p. 40,

par. 27).  Cela n’a d’ailleurs pas prêté à controverse.

 

50.   La Cour fédérale de justice a ensuite renvoyé l’affaire à la

Cour constitutionnelle fédérale, afin qu’elle statue sur la

constitutionnalité des dispositions litigieuses de la

loi fédérale sur les jardins familiaux (paragraphe 19 ci-dessus).

 

51.   En droit allemand, un tribunal doit surseoir à statuer et

renvoyer l’affaire devant la Cour constitutionnelle fédérale s’il

estime inconstitutionnelle une loi dont la validité conditionne sa

décision (article 100 par. 1 de la Loi fondamentale – paragraphe 29

ci-dessus).  Dans la motivation de son renvoi, il est tenu d’indiquer

dans quelle mesure l’issue du litige devant lui dépend de la validité

de la disposition législative en question (article 80 par. 2 de la

loi sur la Cour constitutionnelle fédérale – paragraphe 32 ci-dessus).

 

52.   En l’espèce, la procédure devant la Cour constitutionnelle

fédérale était donc étroitement liée à celle devant la

juridiction civile: non seulement la décision de la première était

directement déterminante pour le droit de caractère civil de la

requérante, mais en outre, s’agissant d’un renvoi préjudiciel, la

Cour fédérale de justice devait attendre la décision de la

Cour constitutionnelle fédérale avant de se prononcer.

 

53.   Partant, l’article 6 par. 1 (art. 6-1) s’applique à la procédure

litigieuse.

 

    B.     Observation de l’article 6 par. 1 (art. 6-1)

 

      1.  Période à considérer

 

54.   La période à considérer ne concerne que la durée de la procédure

devant la Cour constitutionnelle fédérale: elle a débuté le

24 mai 1985, date à laquelle la Cour fédérale de justice a saisi la

Cour constitutionnelle fédérale, et s’est achevée le 23 septembre 1992,

date à laquelle cette dernière a prononcé son arrêt.  Elle a donc duré

sept ans et quatre mois.

 

      2.  Critères applicables

 

55.   Le caractère raisonnable de la durée d’une procédure s’apprécie

suivant les circonstances de la cause et en fonction notamment de la

complexité de l’affaire et du comportement des parties et des autorités

concernées (voir l’arrêt Süßmann précité, pp. 1172-1173, par. 48).

 

           a) Complexité de l’affaire

 

56.   D’après la requérante, l’affaire n’était pas particulièrement

complexe: il aurait suffi à la Cour constitutionnelle fédérale de

transposer les réserves qu’elle avait déjà émises dans un arrêt de 1979

sur la constitutionnalité des dispositions de la loi fédérale sur les

jardins familiaux prévoyant le blocage des loyers (paragraphes 13-14

ci-dessus).

 

57.   Le Gouvernement soutient que l’affaire était complexe: après

l’arrêt de la Cour constitutionnelle fédérale de 1979, le législateur

avait promulgué en 1983 une loi entièrement nouvelle sur les

jardins familiaux, créant ainsi une nouvelle base pour les questions

juridiques y afférentes (paragraphe 16 ci-dessus).

 

58.   La Cour estime, avec la Commission, que l’affaire revêtait une

complexité certaine.  L’élargissement d’office de l’examen de

constitutionnalité à une autre disposition de la loi sur les

jardins familiaux, auquel la Cour constitutionnelle fédérale a procédé

dans son arrêt, largement motivé, du 23 septembre 1992, démontre la

difficulté juridique des points soulevés.  La portée de son arrêt

dépassait donc largement le cas d’espèce.  De plus, la

Cour constitutionnelle fédérale a dû recueillir les observations de

différentes autorités avant de se prononcer (paragraphe 22 ci-dessus).

 

           b) Comportement de la requérante

 

59.   La Cour relève, tout comme la Commission, que la requérante n’a

été à l’origine d’aucun retard dans la procédure.  Cela n’a d’ailleurs

pas été allégué par le Gouvernement.

 

           c)    Comportement de la Cour constitutionnelle fédérale

 

60.   D’après Mme Probstmeier, une durée de procédure de sept ans

dépasse largement le « délai raisonnable » au sens de l’article 6

par. 1 de la Convention (art. 6-1), et il appartient à l’Etat de

veiller à ce que la Cour constitutionnelle fédérale ne soit pas

surchargée.  De plus, les points soulevés toucheraient environ un

million de preneurs à bail et quelque cent mille bailleurs privés.

 

61.   Le Gouvernement insiste sur la surcharge de travail de la

Cour constitutionnelle fédérale depuis la fin des années 70.  C’est

pourquoi elle a dû traiter d’affaires plus urgentes, d’une importance

considérable sur le plan politique et social, dont certaines relatives

aux suites de la réunification allemande.  De multiples efforts

auraient par ailleurs déjà été entrepris pour réformer la

loi sur la Cour constitutionnelle fédérale et alléger le fardeau de

cette dernière.  Cependant, les possibilités de changements structurels

seraient objectivement limitées si la Cour constitutionnelle fédérale

devait conserver son rôle de gardienne de la Constitution et des droits

fondamentaux.

 

62.   Selon la Commission, la durée de la procédure suivie en l’espèce

a été excessive, eu égard notamment à l’importance particulière que

revêtait l’affaire pour les autres propriétaires fonciers se trouvant

dans une situation analogue.

 

63.   La Cour rappelle qu’elle a affirmé à maintes reprises que

l’article 6 par. 1 (art. 6-1) astreint les Etats contractants à

organiser leur système judiciaire de telle sorte que leurs juridictions

puissent remplir chacune de ses exigences, notamment quant au délai

raisonnable (voir l’arrêt Süßmann précité, p. 1174, par. 55).  Si une

telle obligation ne saurait s’interpréter de la même façon pour une

Cour constitutionnelle que pour une juridiction ordinaire, il

appartient cependant en dernier ressort à la Cour européenne d’en

contrôler l’application suivant les circonstances de la cause et les

critères fixés par sa jurisprudence.

 

64.   Par ailleurs, un engorgement passager du rôle n’engage pas la

responsabilité internationale d’un Etat contractant si ce dernier

applique, avec la promptitude voulue, des mesures aptes à y remédier

(voir l’arrêt Unión Alimentaria Sanders S.A. c. Espagne du

7 juillet 1989, série A n° 157, p. 15, par. 40).  Cependant, d’après

la jurisprudence constante de la Cour, une surcharge chronique, comme

c’est le cas de la Cour constitutionnelle fédérale depuis la fin des

années 70, ne saurait justifier une durée excessive de la procédure.

 

65.   En l’espèce, la Cour fédérale de justice a déféré l’affaire en

mai 1985 à la Cour constitutionnelle fédérale, où elle est restée en

instance pendant plus de sept ans (paragraphes 19 et 22 ci-dessus).

 

66.   Contrairement à ce qui a été jugé dans l’affaire Süßmann, la

réunification allemande n’a pu jouer qu’un rôle secondaire en l’espèce.

Au moment où le traité de réunification fut signé, le 3 octobre 1990,

l’affaire Probstmeier était pendante devant la

Cour constitutionnelle fédérale depuis plus de cinq ans.

 

67.   Dès lors, malgré la complexité de l’affaire, la durée de la

procédure constitutionnelle ne saurait répondre à la condition du délai

raisonnable posée par l’article 6 par. 1 de la Convention (art. 6-1).

 

           d) Conclusion

 

68.   A la lumière de l’ensemble des circonstances de la cause, la Cour

conclut qu’il y a eu dépassement du délai raisonnable prévu à

l’article 6 par. 1 (art. 6-1), lequel a donc été violé sur ce point.

 

II.   SUR L’APPLICATION DE L’ARTICLE 50 DE LA CONVENTION (art. 50)

 

69.   Aux termes de l’article 50 de la Convention (art. 50),

 

        « Si la décision de la Cour déclare qu’une décision prise ou une

      mesure ordonnée par une autorité judiciaire ou toute autre

      autorité d’une Partie Contractante se trouve entièrement ou

      partiellement en opposition avec des obligations découlant de la

      (…) Convention, et si le droit interne de ladite Partie ne

      permet qu’imparfaitement d’effacer les conséquences de cette

      décision ou de cette mesure, la décision de la Cour accorde, s’il

      y a lieu, à la partie lésée une satisfaction équitable. »

 

    A.     Dommage matériel

 

70.   Mme Probstmeier sollicite une indemnité de

60 168,43 marks allemands (DEM) pour dommage matériel, correspondant

à une perte d’intérêts pour la période allant de 1988 à 1994.  La

longue durée de la procédure devant la Cour constitutionnelle fédérale

l’aurait empêchée de réclamer en temps utile un loyer plus élevé devant

les juridictions civiles, comme le permettent les dispositions

transitoires de la nouvelle loi de 1994 sur les jardins familiaux

(paragraphe 28 ci-dessus).

 

71.   Le Gouvernement soutient qu’il n’y a aucun lien de causalité

entre le constat éventuel d’une violation liée à la durée de la

procédure et le préjudice matériel allégué.  L’objet de la procédure

devant la Cour fédérale de justice portait uniquement sur une demande

d’éviction des locataires par l’intéressée, et non sur une demande

d’augmentation de loyer (paragraphes 11-18 ci-dessus).  C’est pourquoi

seule la question de la constitutionnalité de l’article 16 de la

loi fédérale sur les jardins familiaux, relatif à la durée des contrats

de bail, avait été déférée à la Cour constitutionnelle fédérale

(paragraphe 19 ci-dessus).  Par ailleurs, il n’y aurait pas de lien de

causalité, ni entre la demande de renvoi initiale de la

Cour fédérale de justice et l’élargissement d’office par la

Cour constitutionnelle fédérale de l’examen de constitutionnalité, ni

entre l’arrêt de cette dernière et la promulgation d’une nouvelle loi

permettant aux bailleurs privés d’obtenir, à titre rétroactif, des

loyers plus élevés (paragraphe 28 ci-dessus).

 

72.   Quant au délégué de la Commission, il n’exclut pas que la durée

excessive de la procédure ait pu engendrer une perte pécuniaire pour

l’intéressée et invite la Cour à lui accorder une compensation

financière sur une base équitable.

 

73.   La Cour relève qu’en élargissant son examen de constitutionnalité

à l’article 5 de la loi fédérale sur les jardins familiaux, la

Cour constitutionnelle fédérale a dû considérer que les dispositions

relatives à la durée des contrats de bail et celles relatives à la

fixation du loyer étaient liées.

 

      Même si le législateur disposait d’une certaine marge de

manoeuvre (Gestaltungsbefugnis) dans la promulgation de la nouvelle loi

à la suite de l’arrêt de la Cour constitutionnelle fédérale, la Cour

estime raisonnable de conclure que l’intéressée a subi à cause du

retard, contraire à l’article 6 par. 1 (art. 6-1), relevé par le

présent arrêt, une certaine perte de chances justifiant l’octroi d’une

satisfaction équitable pour préjudice matériel (voir notamment,

mutatis mutandis, l’arrêt Martins Moreira c. Portugal du

26 octobre 1988, série A n° 143, pp. 22-23, par. 65, et l’arrêt

Silva Pontes c. Portugal du 23 mars 1994, série A n° 286-A, p. 16,

par. 46).

 

      Le dommage subi ne se prête pas à un calcul exact.  L’appréciant

dans son ensemble et, comme le veut l’article 50 (art. 50), en équité,

la Cour alloue à Mme Probstmeier une indemnité de 15 000 DEM.

 

    B.     Frais et dépens

 

74.   La requérante réclame en outre le remboursement des frais et

honoraires exposés devant les organes de la Convention, qu’elle chiffre

à 8 882,68 DEM, taxe sur la valeur ajoutée (TVA) comprise.  Le montant

des honoraires d’avocat est calculé d’après la valeur du litige,

conformément au règlement sur les honoraires d’avocat

(Bundesrechtsanwaltsgebührenordnung – BRAGO) applicable en Allemagne.

 

75.   Le Gouvernement estime que le calcul des honoraires d’avocat est

mal fondé, puisqu’il prend comme base un dommage matériel non établi.

 

76.   Quant au délégué de la Commission, il soutient que les montants

réclamés sont raisonnables.

 

77.   La Cour rappelle qu’elle n’est pas liée par les barèmes et

pratiques internes, même si elle peut s’en inspirer.

 

      Sur la base des éléments en sa possession et de sa jurisprudence

en la matière, elle estime raisonnable le montant réclamé par la

requérante et l’alloue en entier.

 

    C.     Intérêts moratoires

 

78.   Selon les informations dont dispose la Cour, le taux légal

applicable en Allemagne à la date d’adoption du présent arrêt est de

4% l’an.

 

PAR CES MOTIFS, LA COUR, A L’UNANIMITE,

 

1.    Dit que l’article 6 par. 1 de la Convention (art. 6-1) s’applique

      en l’espèce;

 

2.    Dit qu’il y a eu violation de l’article 6 par. 1 (art. 6-1);

 

3.    Dit que l’Etat défendeur doit verser à la requérante, dans les

      trois mois, 15 000 (quinze mille) marks allemands pour dommage

      matériel et 8 882,68 marks allemands (huit mille huit cent

      quatre-vingt-deux marks et soixante-huit pfennigs), TVA comprise,

      pour frais et dépens;

 

4.    Dit que ces montants sont à majorer d’un intérêt non

      capitalisable de 4% l’an à compter de l’expiration dudit délai

      et jusqu’au versement;

 

5.    Rejette la demande de satisfaction équitable pour le surplus.

 

      Fait en français et en anglais, puis prononcé en audience

publique au Palais des Droits de l’Homme, à Strasbourg, le

1er juillet 1997.

 

Signé: Rolv RYSSDAL

       Président

 

Signé: Herbert PETZOLD

       Greffier

 

      Au présent arrêt se trouve joint, conformément aux articles 51

par. 2 de la Convention (art. 51-2) et 55 par. 2 du règlement B,

l’exposé de l’opinion concordante de M. Foighel.

 

Paraphé: R. R.

 

Paraphé: H. P.

 

               OPINION CONCORDANTE DE M. LE JUGE FOIGHEL

 

                             (Traduction)

 

      Les critères à appliquer pour évaluer le caractère raisonnable

de la durée d’une procédure aux fins de l’article 6 par. 1 (art. 6-1)

se trouvent clairement énoncés au paragraphe 55, où la Cour dit que ce

caractère raisonnable « s’apprécie suivant les circonstances de la cause

et en fonction notamment de la complexité de l’affaire et du

comportement des parties et des autorités concernées ».

 

      La Cour précise au paragraphe 63 que l’obligation visée à

l’article 6 par. 1 (art. 6-1) « ne saurait s’interpréter de la même

façon pour une Cour constitutionnelle que pour une

juridiction ordinaire (…) »

 

      Cette formulation me paraît malheureuse.  Si à l’évidence

certaines affaires constitutionnelles peuvent être plus complexes que

certaines affaires non constitutionnelles, le simple fait qu’une

affaire soit examinée par une Cour constitutionnelle ne saurait en soi

modifier les critères mentionnés au paragraphe 55.  La circonstance que

certains Etats membres ne disposent pas de Cour constitutionnelle le

montre bien.

 

      La majorité m’a toutefois indiqué que la formulation du

paragraphe 63 n’entend pas changer la jurisprudence de la Cour, établie

de longue date, ni lui ajouter quoi que ce soit.

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