En l’affaire Probstmeier c. Allemagne (1),
La Cour européenne des Droits de l’Homme, constituée conformément
à l’article 43 (art. 43) de la Convention de sauvegarde des Droits de
l’Homme et des Libertés fondamentales (« la Convention ») et aux clauses
pertinentes de son règlement B (2), en une chambre composée des juges
dont le nom suit:
MM. R. Ryssdal, président,
R. Bernhardt,
I. Foighel,
R. Pekkanen,
M.A. Lopes Rocha,
L. Wildhaber,
K. Jungwiert,
U. Lohmus,
J. Casadevall,
ainsi que de MM. H. Petzold, greffier, et P.J. Mahoney, greffier
adjoint,
Après en avoir délibéré en chambre du conseil les 23 janvier et
29 mai 1997,
Rend l’arrêt que voici, adopté à cette dernière date:
_______________
Notes du greffier
1. L’affaire porte le n° 125/1996/744/943. Les deux premiers chiffres
en indiquent le rang dans l’année d’introduction, les deux derniers la
place sur la liste des saisines de la Cour depuis l’origine et sur
celle des requêtes initiales (à la Commission) correspondantes.
2. Le règlement B, entré en vigueur le 2 octobre 1994, s’applique à
toutes les affaires concernant les Etats liés par le Protocole n° 9
(P9).
_______________
PROCEDURE
1. L’affaire a été déférée à la Cour par une ressortissante
allemande, Mme Mechthilde Probstmeier (« la requérante »), le
18 septembre 1996, puis par le gouvernement de la République fédérale
d’Allemagne (« le Gouvernement »), le 23 octobre 1996, dans le délai de
trois mois qu’ouvrent les articles 32 par. 1 et 47 de la Convention
(art. 32-1, art. 47).
A son origine se trouve une requête (n° 20950/92) dirigée contre
l’Allemagne et dont Mme Probstmeier avait saisi la Commission
européenne des Droits de l’Homme (« la Commission ») le 9 juin 1992 en
vertu de l’article 25 (art. 25).
La requête de la requérante renvoie à l’article 48 (art. 48)
modifié par le Protocole n° 9 (P9), que l’Allemagne a ratifié, celle
du Gouvernement aux articles 32 et 48 de la Convention (art. 32,
art. 48). Elles ont pour objet d’obtenir une décision sur le point de
savoir si les faits de la cause révèlent un manquement de
l’Etat défendeur aux exigences de l’article 6 par. 1 de la Convention
(art. 6-1).
2. Le 18 septembre 1996, la requérante avait désigné son conseil
(article 31 du règlement B), que le président a autorisé à employer la
langue allemande dans la procédure tant écrite qu’orale (article 28
par. 3). Initialement désignée par les lettres M.P., elle a consenti
ultérieurement à la divulgation de son identité.
3. Le 29 octobre 1996, le président de la Cour, M. R. Ryssdal, a
décidé, dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice et en
vertu de l’article 21 par. 6 du règlement B, qu’il y avait lieu de
confier cette affaire à la chambre déjà constituée pour connaître de
l’affaire Pammel c. Allemagne.
4. Celle-ci comprenait de plein droit M. R. Bernhardt, juge élu de
nationalité allemande (article 43 de la Convention) (art. 43), et
M. Ryssdal, président de la Cour (article 21 par. 4 du règlement B).
Le 30 mars 1996, celui-ci avait tiré au sort le nom des sept autres
membres, à savoir MM. I. Foighel, R. Pekkanen, M.A. Lopes Rocha,
L. Wildhaber, K. Jungwiert, U. Lohmus et J. Casadevall, en présence du
greffier (articles 43 in fine de la Convention et 21 par. 5 du
règlement B) (art. 43).
5. En sa qualité de président de la chambre (article 21 par. 6 du
règlement B), M. Ryssdal a consulté, par l’intermédiaire du greffier,
l’agent du Gouvernement, la requérante et le délégué de la Commission
au sujet de l’organisation de la procédure (articles 39 par. 1 et 40).
Conformément à l’ordonnance rendue en conséquence, le greffier a reçu
le mémoire de la requérante le 27 novembre 1996 et celui du
Gouvernement le 6 décembre 1996.
Le 5 décembre 1996, la Commission avait produit des pièces de la
procédure suivie devant elle; le greffier l’y avait invitée sur les
instructions du président.
Le 5 novembre 1996, le secrétaire de la Commission avait informé
le greffier que le délégué s’exprimerait de vive voix.
6. Le 2 décembre 1996, le Gouvernement a prié la chambre de se
dessaisir avec effet immédiat au profit d’une grande chambre
(article 53 du règlement B). Le 20 janvier 1997, la chambre a décidé
de ne pas accueillir la demande.
7. Ainsi qu’en avait décidé le président – qui avait également
autorisé l’agent du Gouvernement à plaider en allemand (article 28
par. 2 du règlement B) -, les débats consacrés à cette affaire et à
l’affaire Pammel c. Allemagne se sont déroulés en public le
20 janvier 1997 au Palais des Droits de l’Homme à Strasbourg. La Cour
avait tenu auparavant une réunion préparatoire.
Ont comparu:
– pour le Gouvernement
Mme H. Voelskow-Thies, Ministerialdirigentin,
ministère fédéral de la Justice, agent,
MM. M. Weckerling, Regierungsdirektor,
ministère fédéral de la Justice,
E. Radzwill, Regierungsrat zur Anstellung,
ministère fédéral de la Justice, conseillers;
– pour la Commission
M. B. Marxer, délégué;
– pour la requérante
Me P. Kloer, avocat au barreau de Munich, conseil;
– pour M. Pammel
Me C. Lenz, avocat au barreau de Stuttgart, conseil.
La Cour a entendu en leurs déclarations M. Marxer, Me Lenz,
Me Kloer et Mme Voelskow-Thies.
Au cours de l’audience, cette dernière a en outre sollicité
l’autorisation de répondre par écrit aux demandes de la requérante et
de M. Pammel au titre de l’article 50 (art. 50). Par une ordonnance
du 24 janvier 1997, le président a accueilli sa demande. Le greffier
a reçu le mémoire complémentaire du Gouvernement le 13 février 1997,
les observations en réponse de Mme Probstmeier le 24 février et celles
de M. Pammel le 28 février.
EN FAIT
I. Les circonstances de l’espèce
8. Ressortissante allemande née en 1937, Mme Mechthilde Probstmeier
vit actuellement à Karlsruhe.
9. Elle est propriétaire d’un terrain de 44 271 m2, reçu en
héritage, et donné à bail à l’association des jardins familiaux
(Kleingartenverein) de Munich qui, à son tour, le sous-loua à des
particuliers.
Le contrat de bail initial allait du 1er janvier 1955 au
31 décembre 1979, le loyer (Pachtzins) s’élevant à 0,10 mark allemand
(DEM) le mètre carré par an.
A. La procédure devant les juridictions civiles
10. Par une lettre du 22 novembre 1976, la requérante résilia le
contrat de bail avec effet au 31 décembre 1979.
11. Le 20 février 1978, elle demanda l’éviction (Räumung) de
l’association des jardins familiaux devant le tribunal régional
(Landgericht) de Munich.
12. Le 19 avril 1978, le tribunal régional débouta Mme Probstmeier,
qui interjeta appel de ce jugement devant la cour d’appel
(Oberlandesgericht) de Munich.
13. Le 6 novembre 1978, à la demande des parties, la cour d’appel
décida de surseoir à statuer (das Verfahren auszusetzen) en attente
d’un arrêt de la Cour constitutionnelle fédérale
(Bundesverfassungsgericht) portant sur la constitutionnalité de
certaines dispositions de la loi sur les jardins familiaux
(Kleingartenordnung) relatives à la résiliation des baux.
14. La Cour constitutionnelle fédérale rendit son arrêt le
12 juin 1979 et la procédure civile reprit en novembre 1979.
15. Le 14 avril 1981, la cour d’appel décida à nouveau de surseoir
à statuer en attendant la promulgation d’une nouvelle législation en
matière de jardins familiaux.
16. La nouvelle loi fédérale sur les jardins familiaux
(Bundeskleingartengesetz), du 28 février 1983, entra en vigueur le
1er avril 1983, et la procédure devant la cour d’appel reprit le
14 juin 1983.
17. Le 12 décembre 1983, la cour d’appel débouta la requérante.
18. Le 19 décembre 1983, Mme Probstmeier saisit la
Cour fédérale de justice (Bundesgerichtshof), qui accueillit son
recours le 13 décembre 1984.
B. La procédure devant la Cour constitutionnelle fédérale
19. Le 24 mai 1985, la Cour fédérale de justice décida de surseoir
à statuer et de renvoyer l’affaire devant la Cour constitutionnelle
fédérale conformément à l’article 100 par. 1, première phrase, de la
Loi fondamentale (Grundgesetz) (paragraphe 29 ci-dessous), en lui
soumettant la question suivante:
« Est-il conforme à l’article 14 de la Loi fondamentale
[paragraphe 24 ci-dessous] qu’un contrat de bail, conclu avant
l’entrée en vigueur de la loi fédérale sur les jardins familiaux
du 28 février 1983 par un bailleur privé, pour une durée
déterminée expirant avant l’entrée en vigueur de cette loi, et
portant sur des jardins familiaux qui ne revêtent pas un
caractère permanent, n’expire que le 31 mars 1987 d’après
l’article 16 par. 3 de cette loi? »
En effet, la Cour fédérale de justice estimait que la question
de la constitutionnalité de l’article 16 par. 3 de la loi sur les
jardins familiaux était décisive pour l’issue du litige.
20. Parallèlement, le 26 juin 1987, la cour d’appel
(Oberlandesgericht) de Hamm soumit pour examen à la
Cour constitutionnelle fédérale la question de la constitutionnalité
de l’article 16 paras. 3 et 4 de la loi fédérale sur les
jardins familiaux (paragraphe 25 ci-dessous), soulevée dans
l’affaire Pammel (arrêt Pammel c. Allemagne du 1er juillet 1997,
Recueil des arrêts et décisions 1997-IV).
21. Celle-ci décida de joindre les deux affaires.
22. Après avoir reçu les observations du ministère pour l’aménagement
du territoire (Raumordnung, Bauwesen und Städtebau) au nom du
gouvernement fédéral, celles de l’organisation des villes allemandes
(Deutscher Städtetag), de quatre autres organisations non
gouvernementales, ainsi que des parties et de la
Cour fédérale de justice, la Cour constitutionnelle fédérale décida
d’élargir l’examen de constitutionnalité à l’article 5 par. 1,
première phrase, de la loi fédérale sur les jardins familiaux
(paragraphe 25 ci-dessous).
Le 23 septembre 1992, la première chambre (Erster Senat) de la
Cour constitutionnelle fédérale rendit son arrêt (Recueil des décisions
de la Cour constitutionnelle fédérale, BVerfGE, vol. 87, pp. 114-151).
Elle estima qu’en vertu des dispositions transitoires de
l’article 16 de cette loi, la limitation du loyer s’appliquait
également pendant la durée de prorogation des anciens contrats de bail
à durée déterminée.
La Cour constitutionnelle fédérale conclut à la
constitutionnalité de l’article 16 paras. 3 et 4, première phrase, de
la loi fédérale sur les jardins familiaux, tout en soulignant que
l’article 16 par. 3 nécessitait une interprétation conforme à la
Loi fondamentale. En revanche, elle décida que la limitation du loyer
prévu à l’article 5 par. 1, première phrase, de la loi fédérale sur les
jardins familiaux, était contraire à l’article 14 par. 1,
première phrase, de la Loi fondamentale, pour autant qu’elle concernait
des contrats de bail conclus avec des bailleurs privés, car elle
imposait une charge excessive et disproportionnée aux bailleurs.
23. Le 25 avril 1993, la Cour fédérale de justice débouta
Mme Probstmeier.
II. Le droit interne pertinent
A. Le droit matériel
24. L’article 14 par. 1 de la Loi fondamentale dispose:
« La propriété et le droit de succession sont garantis. Leur
contenu et leurs limites sont fixés par les lois. »
25. Les dispositions pertinentes de la loi fédérale sur les
jardins familiaux du 28 février 1983, entrée en vigueur le
1er avril 1983, sont ainsi rédigées:
Article 5 par. 1
« Le loyer devra au maximum s’élever au double de celui d’un
bail pratiqué localement dans le domaine de la culture fruitière
et maraîchère professionnelle, en fonction de la superficie
totale du jardin familial. Les surfaces destinées aux
installations communes sont prises en compte lors de la fixation
du montant du bail de chaque jardin familial. »
Article 16
« 1) Les baux contractés pour des jardins familiaux et non échus
au moment de l’entrée en vigueur de la présente loi sont régis
par cette nouvelle loi à partir de son entrée en vigueur.
2) Les baux contractés avant l’entrée en vigueur de la
présente loi, pour des jardins qui, au moment de l’entrée en
vigueur de cette loi, n’étaient pas des jardins « permanents »,
doivent être considérés comme des baux relatifs à des jardins
« permanents », dès lors que la commune est propriétaire du
terrain.
3) Dès lors que les baux décrits au paragraphe 2 portent sur
des terrains dont la commune n’est pas propriétaire, les contrats
parviennent à échéance le 31 mars 1987, dès lors qu’ils ont été
conclus pour une durée déterminée et qu’ils ont pris fin avant
cette date; pour le reste, le contrat respecte la durée convenue.
4) Si la surface d’un jardin familial a été définie comme
terrain pour jardins familiaux « permanents » dans le plan
d’occupation des sols et ce, avant l’expiration de la durée du
bail comme indiqué au paragraphe 3, le contrat de bail est
prolongé pour une durée indéterminée. Si la commune a décidé,
avant le 31 mars 1987, de dresser un plan d’occupation des sols
en vue de définir les surfaces destinées aux jardins familiaux
« permanents », et a rendu publique sa décision conformément à
l’article 2 par. 1, 2e alinéa, du code de l’urbanisme
(Baugesetzbuch), le contrat de bail est prolongé pour une durée
de quatre ans à partir de la publication de cette décision; la
période entre la date convenue par l’expiration du contrat et le
31 mars 1987 devant être prise en compte. Les dispositions
relatives aux jardins familiaux « permanents » doivent s’appliquer
à partir du moment où le plan d’occupation des sols devient
définitif. »
26. A la suite de l’arrêt de la Cour constitutionnelle fédérale du
23 septembre 1992, une nouvelle loi amendant la loi fédérale sur les
jardins familiaux (Bundeskleingartenänderungsgesetz) est entrée en
vigueur le 1er avril 1994.
27. L’article 5 par. 1 de cette nouvelle loi est ainsi rédigé:
« Le loyer devra au maximum s’élever au quadruple de celui d’un
bail pratiqué localement dans le domaine de la culture fruitière
et maraîchère professionnelle, en fonction de la superficie
totale du jardin familial. Les surfaces destinées aux
installations communes sont prises en compte lors de la fixation
du montant du bail de chaque jardin familial. »
28. Les dispositions transitoires de ladite loi prévoient que pour
toutes les instances en cours au 1er novembre 1992, en l’absence de
jugement définitif fixant le montant des loyers, les bailleurs privés
peuvent réclamer à titre rétroactif le quadruple du bail pratiqué
localement dans le domaine de la culture fruitière et maraîchère
professionnelle, et ce à compter du premier jour du mois suivant
l’introduction de ladite instance.
B. Le droit procédural
1. La Loi fondamentale
29. L’article 100 par. 1 de la Loi fondamentale est ainsi libellé:
« Si un tribunal estime qu’une loi dont la validité conditionne
sa décision est inconstitutionnelle, il doit surseoir à statuer
et soumettre la question (…) à la décision de la
Cour constitutionnelle fédérale s’il s’agit de la violation de
la présente Loi fondamentale (…) »
2. La loi sur la Cour constitutionnelle fédérale
30. La composition et le fonctionnement de la Cour constitutionnelle
fédérale sont régis par la loi sur la Cour constitutionnelle fédérale
(Gesetz über das Bundesverfassungsgericht).
31. L’article 2 de cette loi dispose que la
Cour constitutionnelle fédérale est constituée de deux chambres,
chacune composée de huit juges.
32. Les articles 80 à 82 de cette loi ont trait au contrôle « concret »
de la constitutionnalité des lois (Konkrete Normenkontrolle):
Article 80
« 1. Dès lors que sont remplies les conditions énoncées à
l’article 100, alinéa 1, de la Loi fondamentale, les tribunaux
saisissent directement la Cour constitutionnelle fédérale afin
que celle-ci rende une décision.
2. La motivation du renvoi doit préciser dans quelle mesure
la décision du tribunal dépend de la validité de la disposition
législative et avec quelle norme de droit supérieure une telle
décision est incompatible. Le dossier doit être joint au renvoi.
3. Le renvoi par le tribunal est indépendant de toute
objection soulevée par l’une des parties au procès invoquant la
nullité de la disposition légale. »
Article 81
« La Cour constitutionnelle fédérale statue uniquement en
droit. »
Article 82
« 1. Les dispositions des articles 77 à 79 sont applicables
mutatis mutandis.
2. Les organes constitutionnels cités à l’article 77 peuvent
se joindre à la procédure à n’importe quel moment.
3. La Cour constitutionnelle fédérale permet également aux
parties au procès devant le tribunal qui l’a saisie de
s’exprimer; elle les invite à participer à l’audience et accorde
la parole aux représentants légaux présents.
4. La Cour constitutionnelle fédérale peut demander à des
cours suprêmes de la Fédération ou à des cours d’appel du Land
de lui faire part, premièrement, de la manière dont elles ont
interprété jusqu’à présent la Loi fondamentale au regard de la
question litigieuse, ainsi que sur la base de quelles
considérations, puis de la manière dont elles ont, le cas
échéant, appliqué la disposition légale contestée dans leur
jurisprudence, et enfin des questions de droit connexes qui,
selon elles, doivent faire l’objet d’une décision. Elle peut en
outre leur demander d’exposer leurs considérations au sujet d’une
question de droit importante pour la décision. La
Cour constitutionnelle fédérale communique ces avis aux instances
autorisées à se prononcer. »
33. Les articles 77 à 79, auxquels renvoie l’article 82, sont ainsi
rédigés:
Article 77
« La Cour constitutionnelle fédérale doit permettre au
Bundestag, au Bundesrat, au gouvernement fédéral et, s’il existe
des divergences d’opinion sur la validité du droit fédéral, aux
gouvernements des Länder, et, s’il existe des divergences
d’opinion sur la validité d’une norme du droit du Land, au
parlement et au gouvernement du Land, dans lequel la norme a été
promulguée, de se prononcer [sur la question] dans un délai qui
reste à déterminer. »
Article 78
« Si la Cour constitutionnelle fédérale acquiert la conviction
qu’une norme fédérale est incompatible avec la Loi fondamentale,
ou qu’une norme d’un Land est incompatible avec la
Loi fondamentale ou toute autre norme fédérale, elle annule cette
loi. Si d’autres dispositions de cette même loi sont, pour des
raisons similaires, incompatibles avec la Loi fondamentale ou
toute autre norme fédérale, la Cour constitutionnelle fédérale
peut également les annuler. »
Article 79
« (…)
2) Pour le reste, les décisions qui, fondées sur une norme
déclarée nulle en vertu de l’article 78, ne sont plus
attaquables, restent inchangées, sous réserve de la prescription
énoncée à l’article 95, alinéa 2, ou d’une disposition légale
particulière. Leur exécution n’est pas autorisée (…) »
PROCEDURE DEVANT LA COMMISSION
34. Mme Probstmeier a saisi la Commission le 9 juin 1992. Invoquant
l’article 6 par. 1 de la Convention (art. 6-1) ainsi que l’article 14
de la Convention combiné avec l’article 1 du Protocole n° 1
(art. 14+P1-1), elle se plaignait de la durée de la procédure devant
la Cour constitutionnelle fédérale et d’une atteinte discriminatoire
à son droit de propriété.
35. Les 28 juin 1994 et 26 juin 1995, la Commission a retenu la
requête (n° 20950/92) quant au grief relatif à la durée de la procédure
devant la Cour constitutionnelle fédérale et l’a déclarée irrecevable
pour le surplus.
Dans son rapport du 25 juin 1996 (article 31) (art. 31), elle
conclut, par vingt-quatre voix contre cinq, qu’il y a eu violation de
l’article 6 par. 1 de la Convention (art. 6-1). Le texte intégral de
son avis figure en annexe au présent arrêt (1).
_______________
Note du greffier
1. Pour des raisons d’ordre pratique il n’y figurera que dans
l’édition imprimée (Recueil des arrêts et décisions 1997-IV), mais
chacun peut se le procurer auprès du greffe.
_______________
CONCLUSIONS PRESENTEES A LA COUR
36. Dans son mémoire, le Gouvernement invite la Cour à dire
« qu’il n’y a pas eu violation du droit du requérant à ce que
sa cause soit entendue dans un délai raisonnable, garanti par
l’article 6 par. 1 de la Convention (art. 6-1) ».
37. De son côté, la requérante prie la Cour
« de conclure à la violation de l’article 6 par. 1 de la
Convention (art. 6-1) (…) et de dire que l’Allemagne devra
verser 60 168,43 DEM à titre de réparation du préjudice matériel
et 8 882,68 DEM au titre des frais et dépens ».
EN DROIT
I. SUR LA VIOLATION ALLEGUEE DE L’ARTICLE 6 PAR. 1 DE LA CONVENTION
(art. 6-1)
38. D’après la requérante, la durée de la procédure devant la
Cour constitutionnelle fédérale a dépassé le délai raisonnable prévu
à l’article 6 par. 1 de la Convention (art. 6-1), ainsi libellé:
« Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue
(…) dans un délai raisonnable, par un tribunal (…) qui
décidera (…) des contestations sur ses droits et obligations
de caractère civil (…) »
39. Le Gouvernement combat cette thèse, tandis que la Commission y
souscrit.
40. Il y a lieu d’abord de se prononcer sur l’applicabilité de
l’article 6 par. 1 (art. 6-1).
A. Applicabilité de l’article 6 par. 1 (art. 6-1)
41. Selon le Gouvernement, il existe des différences substantielles
entre un recours constitutionnel individuel (Verfassungsbeschwerde),
comme dans l’affaire Süßmann (arrêt Süßmann c. Allemagne
du 16 septembre 1996, Recueil des arrêts et décisions 1996-IV), et le
contrôle objectif de la constitutionnalité des lois exercé dans le
cadre d’un renvoi préjudiciel, tel que c’est le cas en l’espèce. Même
si la procédure devant la Cour constitutionnelle fédérale avait un lien
avec des procédures portant « sur des droits et obligations de caractère
civil », son objet serait différent. Il porterait sur la
constitutionnalité de dispositions de la loi sur les jardins familiaux.
Ce serait méconnaître la fonction particulière de la
Cour constitutionnelle fédérale, ainsi que la spécificité de ce type
de procédure, que de rattacher la décision sur renvoi préjudiciel aux
procédures devant les juridictions ordinaires. Eu égard à la portée
d’une telle décision, qui a force de loi, on ne saurait en outre lui
imposer un délai précis avant de se prononcer.
42. La requérante soutient que, d’après les critères fixés par la
jurisprudence de la Cour, l’applicabilité de l’article 6 par. 1 de la
Convention (art. 6-1) à la procédure litigieuse ne saurait faire de
doute. Il y aurait à l’évidence un lien très étroit entre la procédure
devant les juridictions ordinaires et le contrôle de la
constitutionnalité des lois dans un cas concret (Konkrete
Normenkontrolle), où la décision de la Cour constitutionnelle fédérale
est toujours déterminante pour l’issue du litige.
43. Se référant à la jurisprudence de la Cour, la Commission conclut
également à l’applicabilité de cette disposition (art. 6-1) à la
procédure en question.
44. Comme elle l’avait déjà énoncé dans l’arrêt Süßmann, la Cour ne
méconnaît point le rôle et le statut particuliers d’une
Cour constitutionnelle qui, dans les Etats ayant instauré le droit de
recours individuel, garantit aux citoyens une protection juridique
supplémentaire au niveau national de leurs droits fondamentaux garantis
par la Constitution (voir l’arrêt Süßmann précité, p. 1170,
par. 37).
45. Elle rappelle qu’elle a déjà eu à connaître à plusieurs reprises
de la question de l’applicabilité de l’article 6 par. 1 (art. 6-1) à
une procédure devant une Cour constitutionnelle.
46. Conformément à sa jurisprudence bien établie sur cette question
(voir en dernier lieu les arrêts Ruiz-Mateos c. Espagne du
23 juin 1993, série A n° 262, p. 19, par. 35, et Süßmann précité,
p. 1171, par. 39), le critère pertinent pour déterminer s’il faut
prendre en compte une instance devant une Cour constitutionnelle en vue
d’établir le caractère raisonnable de la durée globale d’une procédure,
consiste à rechercher si le résultat de ladite instance peut influer
sur l’issue du litige devant les juridictions ordinaires.
47. La présente espèce offre la particularité qu’elle ne concerne que
la durée de la procédure devant la Cour constitutionnelle fédérale
comme ce fut le cas dans l’affaire Süßmann, car devant la Commission,
la requérante ne s’était plaint que de la durée de celle-ci
(paragraphe 26 du rapport de la Commission). En revanche, l’affaire
Süßmann avait trait à un recours constitutionnel individuel, alors
qu’en l’occurrence, la Cour fédérale de justice a déféré à la
Cour constitutionnelle fédérale la question de la constitutionnalité
de dispositions législatives. Sur ce point, elle se rapproche donc
davantage de l’affaire Ruiz-Mateos (arrêt Ruiz-Mateos précité, p. 12,
par. 15, et p. 14, par. 22).
48. La Cour rappelle qu’une procédure relève de l’article 6 par. 1
(art. 6-1), même si elle se déroule devant une juridiction
constitutionnelle, si son issue est déterminante pour des droits ou
obligations de caractère civil (arrêt Süßmann précité, p. 1171,
par. 41).
49. En l’espèce, la requérante avait résilié le contrat de bail avec
l’association des jardins familiaux de Munich et demandé l’éviction de
cette dernière, en vue de récupérer son terrain (paragraphes 10 et 11
ci-dessus). Le litige devant les juridictions civiles avait donc trait
au droit de propriété de l’intéressée, qui revêt assurément un
caractère civil au sens de l’article 6 (art. 6) (voir, entre autres,
l’arrêt Zander c. Suède du 25 novembre 1993, série A n° 279-B, p. 40,
par. 27). Cela n’a d’ailleurs pas prêté à controverse.
50. La Cour fédérale de justice a ensuite renvoyé l’affaire à la
Cour constitutionnelle fédérale, afin qu’elle statue sur la
constitutionnalité des dispositions litigieuses de la
loi fédérale sur les jardins familiaux (paragraphe 19 ci-dessus).
51. En droit allemand, un tribunal doit surseoir à statuer et
renvoyer l’affaire devant la Cour constitutionnelle fédérale s’il
estime inconstitutionnelle une loi dont la validité conditionne sa
décision (article 100 par. 1 de la Loi fondamentale – paragraphe 29
ci-dessus). Dans la motivation de son renvoi, il est tenu d’indiquer
dans quelle mesure l’issue du litige devant lui dépend de la validité
de la disposition législative en question (article 80 par. 2 de la
loi sur la Cour constitutionnelle fédérale – paragraphe 32 ci-dessus).
52. En l’espèce, la procédure devant la Cour constitutionnelle
fédérale était donc étroitement liée à celle devant la
juridiction civile: non seulement la décision de la première était
directement déterminante pour le droit de caractère civil de la
requérante, mais en outre, s’agissant d’un renvoi préjudiciel, la
Cour fédérale de justice devait attendre la décision de la
Cour constitutionnelle fédérale avant de se prononcer.
53. Partant, l’article 6 par. 1 (art. 6-1) s’applique à la procédure
litigieuse.
B. Observation de l’article 6 par. 1 (art. 6-1)
1. Période à considérer
54. La période à considérer ne concerne que la durée de la procédure
devant la Cour constitutionnelle fédérale: elle a débuté le
24 mai 1985, date à laquelle la Cour fédérale de justice a saisi la
Cour constitutionnelle fédérale, et s’est achevée le 23 septembre 1992,
date à laquelle cette dernière a prononcé son arrêt. Elle a donc duré
sept ans et quatre mois.
2. Critères applicables
55. Le caractère raisonnable de la durée d’une procédure s’apprécie
suivant les circonstances de la cause et en fonction notamment de la
complexité de l’affaire et du comportement des parties et des autorités
concernées (voir l’arrêt Süßmann précité, pp. 1172-1173, par. 48).
a) Complexité de l’affaire
56. D’après la requérante, l’affaire n’était pas particulièrement
complexe: il aurait suffi à la Cour constitutionnelle fédérale de
transposer les réserves qu’elle avait déjà émises dans un arrêt de 1979
sur la constitutionnalité des dispositions de la loi fédérale sur les
jardins familiaux prévoyant le blocage des loyers (paragraphes 13-14
ci-dessus).
57. Le Gouvernement soutient que l’affaire était complexe: après
l’arrêt de la Cour constitutionnelle fédérale de 1979, le législateur
avait promulgué en 1983 une loi entièrement nouvelle sur les
jardins familiaux, créant ainsi une nouvelle base pour les questions
juridiques y afférentes (paragraphe 16 ci-dessus).
58. La Cour estime, avec la Commission, que l’affaire revêtait une
complexité certaine. L’élargissement d’office de l’examen de
constitutionnalité à une autre disposition de la loi sur les
jardins familiaux, auquel la Cour constitutionnelle fédérale a procédé
dans son arrêt, largement motivé, du 23 septembre 1992, démontre la
difficulté juridique des points soulevés. La portée de son arrêt
dépassait donc largement le cas d’espèce. De plus, la
Cour constitutionnelle fédérale a dû recueillir les observations de
différentes autorités avant de se prononcer (paragraphe 22 ci-dessus).
b) Comportement de la requérante
59. La Cour relève, tout comme la Commission, que la requérante n’a
été à l’origine d’aucun retard dans la procédure. Cela n’a d’ailleurs
pas été allégué par le Gouvernement.
c) Comportement de la Cour constitutionnelle fédérale
60. D’après Mme Probstmeier, une durée de procédure de sept ans
dépasse largement le « délai raisonnable » au sens de l’article 6
par. 1 de la Convention (art. 6-1), et il appartient à l’Etat de
veiller à ce que la Cour constitutionnelle fédérale ne soit pas
surchargée. De plus, les points soulevés toucheraient environ un
million de preneurs à bail et quelque cent mille bailleurs privés.
61. Le Gouvernement insiste sur la surcharge de travail de la
Cour constitutionnelle fédérale depuis la fin des années 70. C’est
pourquoi elle a dû traiter d’affaires plus urgentes, d’une importance
considérable sur le plan politique et social, dont certaines relatives
aux suites de la réunification allemande. De multiples efforts
auraient par ailleurs déjà été entrepris pour réformer la
loi sur la Cour constitutionnelle fédérale et alléger le fardeau de
cette dernière. Cependant, les possibilités de changements structurels
seraient objectivement limitées si la Cour constitutionnelle fédérale
devait conserver son rôle de gardienne de la Constitution et des droits
fondamentaux.
62. Selon la Commission, la durée de la procédure suivie en l’espèce
a été excessive, eu égard notamment à l’importance particulière que
revêtait l’affaire pour les autres propriétaires fonciers se trouvant
dans une situation analogue.
63. La Cour rappelle qu’elle a affirmé à maintes reprises que
l’article 6 par. 1 (art. 6-1) astreint les Etats contractants à
organiser leur système judiciaire de telle sorte que leurs juridictions
puissent remplir chacune de ses exigences, notamment quant au délai
raisonnable (voir l’arrêt Süßmann précité, p. 1174, par. 55). Si une
telle obligation ne saurait s’interpréter de la même façon pour une
Cour constitutionnelle que pour une juridiction ordinaire, il
appartient cependant en dernier ressort à la Cour européenne d’en
contrôler l’application suivant les circonstances de la cause et les
critères fixés par sa jurisprudence.
64. Par ailleurs, un engorgement passager du rôle n’engage pas la
responsabilité internationale d’un Etat contractant si ce dernier
applique, avec la promptitude voulue, des mesures aptes à y remédier
(voir l’arrêt Unión Alimentaria Sanders S.A. c. Espagne du
7 juillet 1989, série A n° 157, p. 15, par. 40). Cependant, d’après
la jurisprudence constante de la Cour, une surcharge chronique, comme
c’est le cas de la Cour constitutionnelle fédérale depuis la fin des
années 70, ne saurait justifier une durée excessive de la procédure.
65. En l’espèce, la Cour fédérale de justice a déféré l’affaire en
mai 1985 à la Cour constitutionnelle fédérale, où elle est restée en
instance pendant plus de sept ans (paragraphes 19 et 22 ci-dessus).
66. Contrairement à ce qui a été jugé dans l’affaire Süßmann, la
réunification allemande n’a pu jouer qu’un rôle secondaire en l’espèce.
Au moment où le traité de réunification fut signé, le 3 octobre 1990,
l’affaire Probstmeier était pendante devant la
Cour constitutionnelle fédérale depuis plus de cinq ans.
67. Dès lors, malgré la complexité de l’affaire, la durée de la
procédure constitutionnelle ne saurait répondre à la condition du délai
raisonnable posée par l’article 6 par. 1 de la Convention (art. 6-1).
d) Conclusion
68. A la lumière de l’ensemble des circonstances de la cause, la Cour
conclut qu’il y a eu dépassement du délai raisonnable prévu à
l’article 6 par. 1 (art. 6-1), lequel a donc été violé sur ce point.
II. SUR L’APPLICATION DE L’ARTICLE 50 DE LA CONVENTION (art. 50)
69. Aux termes de l’article 50 de la Convention (art. 50),
« Si la décision de la Cour déclare qu’une décision prise ou une
mesure ordonnée par une autorité judiciaire ou toute autre
autorité d’une Partie Contractante se trouve entièrement ou
partiellement en opposition avec des obligations découlant de la
(…) Convention, et si le droit interne de ladite Partie ne
permet qu’imparfaitement d’effacer les conséquences de cette
décision ou de cette mesure, la décision de la Cour accorde, s’il
y a lieu, à la partie lésée une satisfaction équitable. »
A. Dommage matériel
70. Mme Probstmeier sollicite une indemnité de
60 168,43 marks allemands (DEM) pour dommage matériel, correspondant
à une perte d’intérêts pour la période allant de 1988 à 1994. La
longue durée de la procédure devant la Cour constitutionnelle fédérale
l’aurait empêchée de réclamer en temps utile un loyer plus élevé devant
les juridictions civiles, comme le permettent les dispositions
transitoires de la nouvelle loi de 1994 sur les jardins familiaux
(paragraphe 28 ci-dessus).
71. Le Gouvernement soutient qu’il n’y a aucun lien de causalité
entre le constat éventuel d’une violation liée à la durée de la
procédure et le préjudice matériel allégué. L’objet de la procédure
devant la Cour fédérale de justice portait uniquement sur une demande
d’éviction des locataires par l’intéressée, et non sur une demande
d’augmentation de loyer (paragraphes 11-18 ci-dessus). C’est pourquoi
seule la question de la constitutionnalité de l’article 16 de la
loi fédérale sur les jardins familiaux, relatif à la durée des contrats
de bail, avait été déférée à la Cour constitutionnelle fédérale
(paragraphe 19 ci-dessus). Par ailleurs, il n’y aurait pas de lien de
causalité, ni entre la demande de renvoi initiale de la
Cour fédérale de justice et l’élargissement d’office par la
Cour constitutionnelle fédérale de l’examen de constitutionnalité, ni
entre l’arrêt de cette dernière et la promulgation d’une nouvelle loi
permettant aux bailleurs privés d’obtenir, à titre rétroactif, des
loyers plus élevés (paragraphe 28 ci-dessus).
72. Quant au délégué de la Commission, il n’exclut pas que la durée
excessive de la procédure ait pu engendrer une perte pécuniaire pour
l’intéressée et invite la Cour à lui accorder une compensation
financière sur une base équitable.
73. La Cour relève qu’en élargissant son examen de constitutionnalité
à l’article 5 de la loi fédérale sur les jardins familiaux, la
Cour constitutionnelle fédérale a dû considérer que les dispositions
relatives à la durée des contrats de bail et celles relatives à la
fixation du loyer étaient liées.
Même si le législateur disposait d’une certaine marge de
manoeuvre (Gestaltungsbefugnis) dans la promulgation de la nouvelle loi
à la suite de l’arrêt de la Cour constitutionnelle fédérale, la Cour
estime raisonnable de conclure que l’intéressée a subi à cause du
retard, contraire à l’article 6 par. 1 (art. 6-1), relevé par le
présent arrêt, une certaine perte de chances justifiant l’octroi d’une
satisfaction équitable pour préjudice matériel (voir notamment,
mutatis mutandis, l’arrêt Martins Moreira c. Portugal du
26 octobre 1988, série A n° 143, pp. 22-23, par. 65, et l’arrêt
Silva Pontes c. Portugal du 23 mars 1994, série A n° 286-A, p. 16,
par. 46).
Le dommage subi ne se prête pas à un calcul exact. L’appréciant
dans son ensemble et, comme le veut l’article 50 (art. 50), en équité,
la Cour alloue à Mme Probstmeier une indemnité de 15 000 DEM.
B. Frais et dépens
74. La requérante réclame en outre le remboursement des frais et
honoraires exposés devant les organes de la Convention, qu’elle chiffre
à 8 882,68 DEM, taxe sur la valeur ajoutée (TVA) comprise. Le montant
des honoraires d’avocat est calculé d’après la valeur du litige,
conformément au règlement sur les honoraires d’avocat
(Bundesrechtsanwaltsgebührenordnung – BRAGO) applicable en Allemagne.
75. Le Gouvernement estime que le calcul des honoraires d’avocat est
mal fondé, puisqu’il prend comme base un dommage matériel non établi.
76. Quant au délégué de la Commission, il soutient que les montants
réclamés sont raisonnables.
77. La Cour rappelle qu’elle n’est pas liée par les barèmes et
pratiques internes, même si elle peut s’en inspirer.
Sur la base des éléments en sa possession et de sa jurisprudence
en la matière, elle estime raisonnable le montant réclamé par la
requérante et l’alloue en entier.
C. Intérêts moratoires
78. Selon les informations dont dispose la Cour, le taux légal
applicable en Allemagne à la date d’adoption du présent arrêt est de
4% l’an.
PAR CES MOTIFS, LA COUR, A L’UNANIMITE,
1. Dit que l’article 6 par. 1 de la Convention (art. 6-1) s’applique
en l’espèce;
2. Dit qu’il y a eu violation de l’article 6 par. 1 (art. 6-1);
3. Dit que l’Etat défendeur doit verser à la requérante, dans les
trois mois, 15 000 (quinze mille) marks allemands pour dommage
matériel et 8 882,68 marks allemands (huit mille huit cent
quatre-vingt-deux marks et soixante-huit pfennigs), TVA comprise,
pour frais et dépens;
4. Dit que ces montants sont à majorer d’un intérêt non
capitalisable de 4% l’an à compter de l’expiration dudit délai
et jusqu’au versement;
5. Rejette la demande de satisfaction équitable pour le surplus.
Fait en français et en anglais, puis prononcé en audience
publique au Palais des Droits de l’Homme, à Strasbourg, le
1er juillet 1997.
Signé: Rolv RYSSDAL
Président
Signé: Herbert PETZOLD
Greffier
Au présent arrêt se trouve joint, conformément aux articles 51
par. 2 de la Convention (art. 51-2) et 55 par. 2 du règlement B,
l’exposé de l’opinion concordante de M. Foighel.
Paraphé: R. R.
Paraphé: H. P.
OPINION CONCORDANTE DE M. LE JUGE FOIGHEL
(Traduction)
Les critères à appliquer pour évaluer le caractère raisonnable
de la durée d’une procédure aux fins de l’article 6 par. 1 (art. 6-1)
se trouvent clairement énoncés au paragraphe 55, où la Cour dit que ce
caractère raisonnable « s’apprécie suivant les circonstances de la cause
et en fonction notamment de la complexité de l’affaire et du
comportement des parties et des autorités concernées ».
La Cour précise au paragraphe 63 que l’obligation visée à
l’article 6 par. 1 (art. 6-1) « ne saurait s’interpréter de la même
façon pour une Cour constitutionnelle que pour une
juridiction ordinaire (…) »
Cette formulation me paraît malheureuse. Si à l’évidence
certaines affaires constitutionnelles peuvent être plus complexes que
certaines affaires non constitutionnelles, le simple fait qu’une
affaire soit examinée par une Cour constitutionnelle ne saurait en soi
modifier les critères mentionnés au paragraphe 55. La circonstance que
certains Etats membres ne disposent pas de Cour constitutionnelle le
montre bien.
La majorité m’a toutefois indiqué que la formulation du
paragraphe 63 n’entend pas changer la jurisprudence de la Cour, établie
de longue date, ni lui ajouter quoi que ce soit.