ARRÊT DE LA COUR (sixième chambre)
25 mars 2021 (*)
« Pourvoi – Recours en annulation et en indemnité – Environnement – Paquet climat-énergie 2030 – Article 263, quatrième alinéa, TFUE – Défaut d’affectation individuelle »
Dans l’affaire C‑565/19 P,
ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduit le 23 juillet 2019,
Armando Carvalho, demeurant à Santa Comba Dão (Portugal), e.a.,
représentés par M. G. Winter, professor, M. H. Leith, barrister, ainsi que par Me R. Verheyen, Rechtsanwältin,
parties requérantes,
les autres parties à la procédure étant :
Parlement européen, représenté par Mmes M. Peternel et C. Ionescu Dima ainsi que par M. A. Tamás, en qualité d’agents,
Conseil de l’Union européenne, représenté par M. M. Moore et Mme K. Michoel, en qualité d’agents,
parties défenderesses en première instance,
soutenus par :
Commission européenne, représentée par Mme A. C. Becker et M. J.‑F. Brakeland, en qualité d’agents,
partie intervenante au pourvoi,
LA COUR (sixième chambre),
composée de M. L. Bay Larsen, président de chambre, Mme C. Toader et M. N. Jääskinen (rapporteur), juges,
avocat général : M. G. Hogan,
greffier : M. A. Calot Escobar,
vu la procédure écrite,
vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,
rend le présent
Arrêt
1 Par leur pourvoi, M. Armando Carvalho et 36 autres requérants, dont les noms figurent à l’annexe du présent arrêt, demandent l’annulation de l’ordonnance du Tribunal de l’Union européenne, du 8 mai 2019, Carvalho e.a./Parlement et Conseil (T‑330/18, non publiée, ci-après l’« ordonnance attaquée », EU:T:2019:324), par laquelle le Tribunal a rejeté comme étant irrecevable leur recours tendant, d’une part, à l’annulation partielle, premièrement, de la directive (UE) 2018/410 du Parlement européen et du Conseil, du 14 mars 2018, modifiant la directive 2003/87/CE afin de renforcer le rapport coût-efficacité des réductions d’émissions et de favoriser les investissements à faible intensité de carbone, et la décision (UE) 2015/1814 (JO 2018, L 76, p. 3), notamment de l’article 1er de celle-ci, deuxièmement, du règlement (UE) 2018/842 du Parlement européen et du Conseil, du 30 mai 2018, relatif aux réductions annuelles contraignantes des émissions de gaz à effet de serre par les États membres de 2021 à 2030 contribuant à l’action pour le climat afin de respecter les engagements pris dans le cadre de l’accord de Paris et modifiant le règlement (UE) nº 525/2013 (JO 2018, L 156, p. 26), notamment de son article 4, paragraphe 2, et de son annexe I, et, troisièmement, du règlement (UE) 2018/841 du Parlement européen et du Conseil, du 30 mai 2018, relatif à la prise en compte des émissions et des absorptions de gaz à effet de serre résultant de l’utilisation des terres, du changement d’affectation des terres et de la foresterie dans le cadre d’action en matière de climat et d’énergie à l’horizon 2030, et modifiant le règlement (UE) nº 525/2013 et la décision (UE) nº 529/2013 (JO 2018, L 156, p. 1), notamment de son article 4 (ci-après les « actes litigieux » ou le « paquet législatif »), et, d’autre part, à obtenir réparation sous la forme d’une injonction du préjudice que les requérants auraient prétendument subi.
2 Les requérants opèrent dans les secteurs de l’agriculture, l’élevage des rennes inclus, ou du tourisme. Ils sont 36 particuliers appartenant à des familles issues de divers États membres de l’Union européenne, à savoir l’Allemagne, la France, l’Italie, le Portugal et la Roumanie, ainsi que du reste du monde, à savoir le Kenya et les Fidji, ainsi qu’une association de droit suédois, qui représente les jeunes autochtones Samis.
Le protocole de Kyoto et l’accord de Paris
3 L’Union a ratifié le protocole de Kyoto à la convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC) par la décision 2002/358/CE du Conseil, du 25 avril 2002, relative à l’approbation, au nom de la Communauté européenne, du protocole de Kyoto à la convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques et l’exécution conjointe des engagements qui en découlent (JO 2002, L 130, p. 1).
4 Dans la perspective du terme de la deuxième période d’engagement du protocole de Kyoto au cours de l’année 2020, l’accord de Paris a été adopté par la Conférence des parties à la CCNUCC au mois de décembre 2015, avec pour objectif de contenir l’élévation de la température de la planète entre 1,5 C et 2 °C au-dessus des niveaux préindustriels. Au cours de l’année 2016, l’Union a ratifié cet accord par la décision (UE) 2016/1841 du Conseil, du 5 octobre 2016, relative à la conclusion, au nom de l’Union européenne, de l’accord de Paris adopté au titre de la convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (JO 2016, L 282, p. 1).
5 L’accord de Paris est axé sur le concept de « contributions déterminées au niveau national ». Son article 4, paragraphe 2, prévoit :
« Chaque Partie établit, communique et actualise les contributions déterminées au niveau national successives qu’elle prévoit de réaliser. Les Parties prennent des mesures internes pour l’atténuation en vue de réaliser les objectifs desdites contributions. »
6 L’Union et ses États membres s’engagent par leur contribution déterminée au niveau national à respecter conjointement un objectif contraignant consistant à réduire les émissions de gaz à effet de serre dans l’Union d’au moins 40 % d’ici à l’année 2030 par rapport au niveau de l’année 1990.
Les actes litigieux
7 Les actes litigieux ont été adoptés par l’Union afin de respecter l’accord de Paris en ce qui concerne les contributions déterminées à l’échelle nationale.
8 La directive 2003/87/CE du Parlement européen et du Conseil, du 13 octobre 2003, établissant un système d’échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre dans la Communauté et modifiant la directive 96/61/CE du Conseil (JO 2003, L 275, p. 32), telle que modifiée par la directive 2018/410, le premier acte litigieux (ci-après la « directive 2003/87 »), renforce le système d’échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre dans l’Union pour la période allant de l’année 2021 à l’année 2030 en augmentant le rythme des réductions annuelles de quotas de 1,74 % à 2,2 % à partir de l’année 2021.
9 L’article 9, premier alinéa, de la directive 2003/87, intitulé « Quantité de quotas pour l’ensemble de l’Union », dispose :
« La quantité de quotas délivrée chaque année pour l’ensemble de l’Union à compter de 2013 diminue de manière linéaire à partir du milieu de la période 2008-2012. Cette quantité diminue d’un facteur linéaire de 1,74 % par rapport au total annuel moyen de quotas délivré par les États membres conformément aux décisions de la Commission relatives à leurs plans nationaux d’allocation de quotas pour la période 2008‑2012 […]
À partir de 2021, le facteur linéaire est de 2,2 %. »
10 Le règlement 2018/841, le deuxième acte litigieux, fixe un engagement contraignant pour chaque État membre afin de garantir que les émissions comptabilisées dues à l’utilisation des terres soient entièrement compensées par une absorption équivalente de CO2 atmosphérique au moyen d’actions menées dans le secteur de l’utilisation des terres, du changement d’affectation des terres et de la foresterie.
11 L’article 4 de ce règlement énonce :
« Pour les périodes allant de 2021 à 2025 et de 2026 à 2030, compte tenu des flexibilités prévues aux articles 12 et 13, chaque État membre veille à ce que les émissions ne dépassent pas les absorptions, calculées comme la somme des émissions totales et des absorptions totales sur son territoire dans toutes les catégories comptables de terres visées à l’article 2 cumulées, et comptabilisées conformément au présent règlement. »
12 Le règlement 2018/842, le troisième acte litigieux, établit pour les États membres, conformément à son article 1er, des obligations relatives à leurs contributions minimales pour la période allant de l’année 2021 à l’année 2030 en vue d’atteindre l’objectif de l’Union de réduire ses émissions de gaz à effet de serre de 30 % par rapport au niveau de l’année 2005 dans les secteurs relevant de l’article 2 de ce règlement, et contribue à la réalisation des objectifs de l’accord de Paris. Ce règlement s’applique aux émissions des secteurs économiques qui ne relèvent pas du champ d’application de la directive 2003/87 et du règlement 2018/841.
13 L’article 4 du règlement 2018/842, intitulé « Niveaux annuels d’émissions pour la période 2021‑2030 », est ainsi libellé :
« 1. Chaque État membre limite ses émissions de gaz à effet de serre, en 2030, en respectant au moins le pourcentage fixé pour cet État membre à l’annexe I par rapport au niveau de ses émissions de gaz à effet de serre en 2005, déterminé conformément au paragraphe 3 du présent article.
2. Sous réserve des flexibilités prévues aux articles 5, 6 et 7 du présent règlement, de l’ajustement prévu à l’article 10, paragraphe 2, du présent règlement, et en tenant compte de toute déduction résultant de l’application de l’article 7 de la décision nº 406/2009/CE[ du Parlement européen et du Conseil, du 23 avril 2009, relative à l’effort à fournir par les États membres pour réduire leurs émissions de gaz à effet de serre afin de respecter les engagements de la Communauté en matière de réduction de ces émissions jusqu’en 2020 (JO 2009, L 140, p. 136)], chaque État membre veille à ce que ses émissions de gaz à effet de serre annuelles entre 2021 et 2029 ne dépassent pas la limite définie par une trajectoire linéaire commençant à partir de la moyenne de ses émissions de gaz à effet de serre au cours des années 2016, 2017 et 2018, déterminée conformément au paragraphe 3 du présent article, et se terminant en 2030, à la limite fixée pour cet État membre à l’annexe I du présent règlement. La trajectoire linéaire d’un État membre commence soit aux cinq douzièmes de la distance entre 2019 et 2020, soit en 2020, la date aboutissant au quota le moins élevé pour l’État membre concerné étant retenue.
3. La Commission adopte des actes d’exécution fixant les quotas annuels d’émissions pour les années 2021 à 2030, exprimés en tonnes équivalent CO2 comme indiqué aux paragraphes 1 et 2 du présent article. Aux fins de ces actes d’exécution, la Commission procède à un réexamen complet des dernières données des inventaires nationaux pour les années 2005 et 2016 à 2018 communiqués par les États membres conformément à l’article 7 du règlement (UE) nº 525/2013 [du Parlement européen et du Conseil, du 21 mai 2013, relatif à un mécanisme pour la surveillance et la déclaration des émissions de gaz à effet de serre et pour la déclaration, au niveau national et au niveau de l’Union, d’autres informations ayant trait au changement climatique et abrogeant la décision no 280/2004/CE (JO 2013, L 165, p. 13)].
Ces actes d’exécution indiquent la valeur des émissions de gaz à effet de serre de chaque État membre en 2005, qui est utilisée pour déterminer les quotas annuels d’émissions indiqués dans les paragraphes 1 et 2.
4. Ces actes d’exécution précisent également, sur la base des pourcentages communiqués par les États membres en vertu de l’article 6, paragraphe 3, les quantités totales qui peuvent être prises en considération aux fins de la conformité d’un État membre, dans le cadre de l’article 9, entre 2021 et 2030. Si la somme des quantités totales de tous les États membres est supérieure à la quantité totale collective de 100 millions, les quantités totales pour chaque État membre sont réduites proportionnellement afin que la quantité totale collective ne soit pas dépassée.
[…] »
La procédure devant le Tribunal et l’ordonnance attaquée
14 Par requête déposée au greffe du Tribunal le 23 mai 2018, les requérants ont introduit un recours tendant, d’une part, à l’annulation des actes litigieux et, d’autre part, à obtenir réparation sous la forme d’une injonction du préjudice que les requérants auraient prétendument subi.
15 Dans leur requête, les requérants demandent au Tribunal :
– de constater que le paquet législatif sur les émissions de gaz à effet de serre est entaché d’illégalité en ce qu’il autorise des émissions de gaz à effet de serre au cours de la période comprise entre l’année 2021 et l’année 2030 correspondant à 80 % du niveau des émissions de l’année 1990 en 2021 et à 60 % du niveau des émissions de l’année 1990 en 2030 ;
– d’annuler le paquet législatif sur les émissions de gaz à effet de serre en ce qu’il fixe des objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre de 40 % à l’horizon 2030 par rapport au niveau de l’année 1990 et, plus spécialement, l’article 1er de la directive 2018/410, l’article 4, paragraphe 2, et l’annexe I du règlement 2018/842, ainsi que l’article 4 du règlement 2018/841 ;
– d’ordonner au Parlement européen et au Conseil de l’Union européenne d’adopter des mesures en application du paquet législatif sur les émissions de gaz à effet de serre imposant d’ici à l’année 2030 une réduction du niveau des émissions de gaz à effet de serre comprise, à tout le moins, entre 50 % et 60 % par rapport à leur niveau de l’année 1990, ou toute réduction plus importante que le Tribunal jugera appropriée ;
– subsidiairement, dans le cas où la décision d’annulation des actes attaqués interviendrait trop tard pour que les dispositions pertinentes soient modifiées avant l’année 2021, d’ordonner le maintien en vigueur des dispositions attaquées du paquet législatif sur les émissions de gaz à effet de serre jusqu’à la date qu’il déterminera et à laquelle au plus tard elles auront dû être modifiées par des règles de droit de rang supérieur, et
– condamner le Parlement et le Conseil aux dépens.
16 Par acte séparé, déposé au greffe du Tribunal le 16 octobre 2018, le Conseil a soulevé une exception d’irrecevabilité du recours.
17 Par acte séparé, déposé au greffe du Tribunal le 20 octobre 2018, le Parlement a également soulevé une exception d’irrecevabilité.
18 De ce fait, le traitement des demandes d’intervention introduites respectivement par Climate Action Network Europe, le 20 septembre 2018, par WeMove Europe SCE mbH, le 20 septembre 2018, par Arbeitsgemeinschaft Bäuerliche Landwirtschaft, le 24 septembre 2018, au soutien des conclusions des requérants, et par la Commission, le 4 octobre 2018, au soutien des conclusions du Parlement et du Conseil, ont été suspendues, conformément à l’article 144, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal.
19 Le 10 décembre 2018, les requérants ont présenté leurs observations sur l’exception d’irrecevabilité soulevée par le Parlement et par le Conseil.
20 Par l’ordonnance attaquée, le Tribunal a constaté, conformément à l’article 130 de son règlement de procédure, que tant la demande en annulation que la demande indemnitaire des requérants étaient irrecevables.
21 S’agissant, d’une part, de la demande en annulation, le Tribunal a estimé que les requérants ne satisfaisaient à aucun des critères de qualité pour agir requis à l’article 263, quatrième alinéa, TFUE.
22 D’abord, en ce qui concerne le premier cas de figure pour qu’une personne physique ou morale ait qualité pour agir en vertu de cette disposition, le Tribunal a relevé, au point 35 de l’ordonnance attaquée, que les requérants n’étaient pas les destinataires des actes litigieux. Ensuite, s’agissant du troisième cas de figure, il a constaté, aux points 37 à 41 de l’ordonnance attaquée, que les actes litigieux avaient été adoptées sur le fondement de l’article 192, paragraphe 1, TFUE conformément à la procédure législative ordinaire, de sorte que lesdits actes litigieux ne pouvaient pas être considérés comme étant des actes réglementaires, au sens de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE. Enfin, concernant le deuxième cas de figure, le Tribunal a estimé, aux points 46 à 54 de l’ordonnance attaquée, que les requérants n’étaient pas individuellement affectés, au sens de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE. À cet égard, le Tribunal a considéré que le fait que les effets du changement climatique puissent, à l’égard d’une personne, être différents de ce qu’ils sont à l’égard d’une autre n’implique pas que, pour cette raison, il existe une qualité à agir contre une mesure d’application générale. Selon lui, une approche différente a pour conséquence de vider de leur substance les exigences de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE et de créer un droit à agir pour tous.
23 S’agissant, d’autre part, de la demande indemnitaire, le Tribunal a considéré, en substance, aux points 67 à 70 de l’ordonnance attaquée, que cette demande tendait, en réalité, à obtenir un résultat semblable à celui d’une annulation des actes litigieux et que, par conséquent, elle devait être déclarée irrecevable, à l’instar de la demande en annulation des requérants.
Les conclusions des parties devant la Cour
24 Par leur pourvoi, les requérants demandent à la Cour :
– d’annuler l’ordonnance attaquée ;
– de déclarer les recours en première instance recevables ;
– de renvoyer l’affaire devant le Tribunal afin que celui‑ci statue quant au fond du recours en annulation ;
– de renvoyer l’affaire devant le Tribunal afin que celui‑ci statue quant au fond du recours invoquant la responsabilité non contractuelle de l’Union, et
– de condamner le Parlement et le Conseil aux dépens du présent pourvoi et de la procédure devant le Tribunal.
25 Le Parlement et le Conseil, soutenus par la Commission, demandent à la Cour :
– de rejeter le pourvoi et
– de condamner les requérants aux dépens.
Sur le pourvoi
26 Au soutien de leur pourvoi, les requérants invoquent quatre moyens, tirés, le premier, d’erreurs dans la constatation de l’absence d’affectation individuelle dans le chef des requérants, le deuxième, d’une erreur en raison de la non-adaptation de la jurisprudence constante en matière de qualité pour agir afin de garantir la protection juridique des droits fondamentaux, le troisième, d’erreurs dans la constatation de l’absence de qualité pour agir de l’association Sáminuorra et, le quatrième, d’une erreur dans le rejet de leur demande indemnitaire.
Sur le premier moyen, tiré d’une erreur de droit dans la constatation de l’absence d’affectation individuelle dans le chef des requérants
Argumentation des parties
27 Par leur premier moyen, les requérants soutiennent que le Tribunal a commis une erreur de droit en ne tenant pas compte du fait que les requérants étaient concernés, sur les plans factuel et juridique, de manière distincte les uns des autres.
28 Ce moyen se divise en deux branches.
29 Par la première branche, les requérants font valoir que les actes litigieux les atteignent chacun « en raison de certaines qualités qui leur sont particulières » et, de ce fait, « les individualise[nt] ». Chacune des familles requérantes, et même chaque membre de ces familles, posséderaient différentes caractéristiques qui leur sont propres. Certaines familles seraient touchées par la sécheresse, d’autres par des inondations, d’autres encore par la fonte des neiges, ou des vagues de chaleur causées ou intensifiées par le changement climatique. Certaines de celles-ci seraient des agriculteurs ou des propriétaires forestiers, d’autres posséderaient une entreprise dans le secteur du tourisme, tandis que d’autres encore se consacreraient à l’élevage. En définitive, tous seraient des individus qui pâtissent de différentes manières du changement climatique.
30 Selon les requérants, le Tribunal n’a fait, dans l’ordonnance attaquée, aucune référence aux éléments de preuve démontrant que les requérants ont été affectés de différentes manières par le changement climatique. Il se serait contenté de juger, au point 50 de cette ordonnance, que le fait que des personnes soient affectées de différentes manières ne donne pas qualité pour agir afin de contester une mesure d’application générale.
31 Par la seconde branche du premier moyen, les requérants font valoir que, à la lumière des développements jurisprudentiels récents en matière de qualité pour agir, l’ingérence des actes litigieux dans les droits fondamentaux donne lieu à une atteinte individuelle, au sens de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, si le droit concerné est un droit personnel. L’existence potentielle de plusieurs détenteurs de droits ne saurait avoir une quelconque importance, puisque le caractère individuel de l’atteinte découlerait de la nature du droit en tant que droit personnel et individuel.
32 Pour les requérants, le Tribunal a commis une erreur, au point 49 de l’ordonnance attaquée, dans la mesure où il a négligé l’importance des effets juridiques des actes litigieux sur chaque requérant spécifique, en se concentrant exclusivement sur les conséquences factuelles. Les requérants soutiennent que, si le Tribunal avait tenu compte de la position juridique des requérants, il se serait concentré sur le fait que chacun d’eux détient un droit fondamental, affecté de manière individuelle par les actes litigieux.
33 À cet égard, les requérants soulignent que tant la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte ») que la jurisprudence de la Cour indiquent clairement que les droits fondamentaux concernés en l’espèce confèrent des droits individuels à chaque requérant. En particulier, il s’agirait du droit à l’égalité et à la non-discrimination, prévu à l’article 21 de la Charte, du droit à exercer une profession, énoncé à l’article 15, paragraphe 1, de la Charte, du droit de propriété, au sens de l’article 17, paragraphe 1, de la Charte, et des droits relatifs aux enfants au titre de l’article 24 de la Charte.
34 Le Parlement et le Conseil, soutenus par la Commission, contestent les arguments des requérants.
Appréciation de la Cour
35 En premier lieu, s’agissant de la première branche du premier moyen, le Conseil conteste les allégations des requérants et soutient que celles-ci, relevant de l’appréciation factuelle du Tribunal, ne peuvent être contestées dans le cadre du présent pourvoi.
36 À cet égard, il importe de rappeler qu’il résulte de l’article 256 TFUE et de l’article 58, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne que le Tribunal est seul compétent, d’une part, pour constater les faits, excepté dans le cas où l’inexactitude matérielle de ses constatations résulterait des pièces du dossier qui lui ont été soumises, et, d’autre part, pour apprécier ces faits. Lorsque le Tribunal a constaté ou apprécié les faits, la Cour est compétente pour exercer, en vertu de l’article 256 TFUE, un contrôle sur la qualification juridique de ces faits et les conséquences de droit qui en ont été tirées par le Tribunal. La Cour n’est donc pas compétente pour constater les faits ni, en principe, pour examiner les preuves que le Tribunal a retenues à l’appui de ces faits. Cette appréciation ne constitue donc pas, sous réserve du cas de la dénaturation de ces éléments, une question de droit soumise, comme telle, au contrôle de la Cour (voir, notamment, arrêt du 19 mars 2009, Archer Daniels Midland/Commission, C‑510/06 P, EU:C:2009:166, point 105).
37 En l’occurrence, il convient de relever que, pour juger que les requérants n’étaient pas individuellement concernés par les actes litigieux, le Tribunal a considéré, aux points 49 et 50 de l’ordonnance attaquée, ce qui suit :
« 49 […] les requérants n’ont pas établi que les dispositions attaquées du paquet législatif portaient atteinte à leurs droits fondamentaux et étaient de nature à les individualiser, d’une manière analogue à celle du destinataire de ces dispositions, par rapport à toute autre personne physique ou morale concernée par ces dispositions.
50 Certes, tout individu est susceptible d’être affecté d’une manière ou d’une autre par le changement climatique, cette problématique étant reconnue par l’Union et les États membres qui se sont en conséquence engagés à réduire les émissions. Cependant, le fait que les effets du changement climatique puissent, à l’égard d’une personne, être différents de ce qu’ils sont à l’égard d’une autre n’implique pas que, pour cette raison, il existe une qualité à agir contre une mesure d’application générale. Ainsi qu’il résulte de la jurisprudence citée au point 48 ci-dessus, une approche différente aurait pour conséquence de vider de leur substance les exigences de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE et de créer un droit à agir pour tous sans pour autant que le critère de l’affectation individuelle, au sens de la jurisprudence issue de l’arrêt du 15 juillet 1963, Plaumann/Commission (25/62, [ci-après l’“arrêt Plaumann”,] EU:C:1963:17), soit satisfait. »
38 Il ressort des points 49 et 50 de l’ordonnance attaquée que le Tribunal a qualifié juridiquement des faits aux fins de la détermination de l’affectation individuelle des requérants, au sens de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, en estimant que les circonstances alléguées par ceux-ci ne sont pas susceptibles d’établir que les actes litigieux étaient de nature à les individualiser, d’une manière analogue à celle du destinataire de ces actes. La remise en cause d’une telle qualification juridique des faits relève, donc, d’une question de droit qui peut être, en tant que telle, invoquée dans le cadre du présent pourvoi.
39 Il convient, cependant, de relever que, contrairement à ce que les requérants tendent à faire valoir dans la première branche du présent moyen, le Tribunal a tenu compte, aux points 49 et 50 de l’ordonnance attaquée, des arguments qui, selon eux, faisaient état de la multitude et de la spécificité de leur affectation du point de vue factuel.
40 En effet, le Tribunal a, en substance, considéré, au point 50 de l’ordonnance attaquée, que le fait que les incidences liées au changement climatique puissent être différentes à l’égard d’une personne de ce qu’elles sont à l’égard d’une autre et qu’elles dépendent des circonstances personnelles propres à chaque personne ne signifie pas que les actes litigieux individualisent chacun des requérants. En d’autres termes, le fait que les requérants, par les circonstances alléguées, soient affectés de manière différente par le changement climatique ne suffit pas à lui seul à constater la qualité de ces requérants pour intenter une action en annulation d’une mesure d’application générale telle que les actes litigieux.
41 De ce fait, le Tribunal a jugé, au point 50 de l’ordonnance attaquée, que l’interprétation faite par les requérants des circonstances alléguées par ceux-ci comme établissant leur affectation individuelle priverait les exigences de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, de leur substance et créerait un droit à agir pour tous sans que le critère de l’affectation individuelle au sens de l’arrêt Plaumann soit satisfait.
42 Par conséquent, les requérants ne sauraient faire valoir que le Tribunal n’a pas pris en compte, dans l’ordonnance attaquée, les caractéristiques qui leur sont propres pour déterminer leur affectation individuelle.
43 Par ailleurs, l’argument des requérants selon lequel le Tribunal n’a fait, dans l’ordonnance attaquée, aucune référence aux éléments de preuve démontrant que les requérants ont été affectés de manière différente par le changement climatique est, compte tenu de ce qui précède, inopérant.
44 La première branche du premier moyen doit donc être rejetée.
45 En second lieu, en ce qui concerne l’argument des requérants, soulevé dans le cadre de la seconde branche du premier moyen, selon lequel l’ingérence des actes litigieux dans leurs droits fondamentaux entraîne une affectation individuelle, au sens de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, il convient de constater que les requérants ont effectué une interprétation erronée du critère de l’affectation individuelle énoncé à cette disposition telle qu’interprétée par la jurisprudence de la Cour.
46 En effet, selon une jurisprudence constante, qui n’a pas été modifiée par le traité de Lisbonne, les personnes physiques ou morales ne satisfont à la condition relative à l’affectation individuelle que si l’acte attaqué les atteint en raison de certaines qualités qui leur sont particulières ou d’une situation de fait qui les caractérise par rapport à toute autre personne et, de ce fait, les individualise d’une manière analogue à celle d’un destinataire (arrêt du 3 octobre 2013, Inuit Tapiriit Kanatami e.a./Parlement et Conseil, C‑583/11 P, EU:C:2013:625, points 71 et 72 ainsi que jurisprudence citée).
47 À cet égard, comme le Parlement le relève, le raisonnement des requérants, outre sa formulation générique, amène à considérer qu’il existe un droit à agir pour tout requérant, puisqu’un droit fondamental est toujours susceptible d’être concerné d’une manière ou d’une autre par des actes d’application générale tels ceux contestés en l’espèce.
48 Ainsi qu’il a été rappelé par le Tribunal, au point 48 de l’ordonnance attaquée, l’allégation selon laquelle les actes litigieux violent les droits fondamentaux ne suffit pas à elle seule à déclarer recevable le recours d’un particulier, sous peine de vider les exigences de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, de leur substance (voir, en ce sens, ordonnances du 10 mai 2001, FNAB e.a./Conseil, C‑345/00 P, EU:C:2001:270, point 40, ainsi que du 14 janvier 2021, Sabo e.a./Parlement et Conseil, C‑297/20 P, non publiée, EU:C:2021:24, point 29 ainsi que jurisprudence citée).
49 Or, dès lors que, ainsi qu’il ressort du point 46 de l’ordonnance attaquée, les requérants se sont bornés à invoquer, devant le Tribunal, une violation de leurs droits fondamentaux en en déduisant une affectation individuelle, au motif que les effets du changement climatique et, partant, la violation des droits fondamentaux seraient uniques et différents pour chaque individu, il convient de constater qu’il ne saurait être considéré que les actes litigieux atteignent les requérants en raison de certaines qualités qui leur sont particulières ou d’une situation de fait qui les caractérise par rapport à toute autre personne et, de ce fait, les individualise d’une manière analogue à celle d’un destinataire.
50 Dès lors, le Tribunal a pu considérer, à bon droit, au point 49 de l’ordonnance attaquée, que les requérants n’ont pas établi que les dispositions attaquées des actes litigieux étaient de nature à les individualiser, d’une manière analogue à celle du destinataire de ces dispositions, par rapport à toute autre personne physique ou morale concernée par ces dispositions.
51 La seconde branche du premier moyen doit donc être rejetée.
52 Le premier moyen doit, dès lors, être rejeté dans son intégralité.
Sur le deuxième moyen, tiré d’une erreur en raison de la non-adaptation de la jurisprudence constante en matière de qualité pour agir afin de garantir la protection juridique des droits fondamentaux
Argumentation des parties
53 Par leur deuxième moyen, les requérants font valoir que, dans l’hypothèse où la Cour ne serait pas convaincue par les arguments formulés dans le cadre de leur premier moyen, le critère résultant de l’arrêt Plaumann pour établir l’existence d’une « affectation individuelle » devrait être adapté afin d’assurer une protection juridictionnelle adéquate contre les violations caractérisées des droits fondamentaux. Les requérants formulent six arguments à l’appui de cette allégation.
54 En premier lieu, les requérants font observer que le critère issu de l’arrêt Plaumann n’est pas spécifié dans le libellé de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE. Ce libellé indiquerait simplement qu’une personne peut former un recours lorsque l’acte « la concern[e] directement et individuellement ». Cette formulation laisserait la possibilité de modifier le critère établi par la jurisprudence lorsque cela est justifié. De plus, selon les requérants, il est déjà arrivé que ce même critère ait été adapté en fonction des circonstances propres à l’espèce, ce qui démontre que le texte du traité FUE peut accepter une riche diversité d’interprétations. La Cour aurait assoupli le critère résultant de l’arrêt Plaumann lorsqu’elle l’a jugé approprié pour assurer une protection juridictionnelle effective.
55 En deuxième lieu, les requérants soutiennent que la condition relative à l’affectation individuelle doit être interprétée conformément aux traditions constitutionnelles des États membres, en application de l’article 6, paragraphe 3, TUE. À cet égard, les requérants soulignent qu’aucun des États membres n’exige d’un requérant qu’il prouve une distinction individuelle, au sens étroit du critère issu de l’arrêt Plaumann. Cela s’appliquerait autant aux juridictions adoptant une approche « administrative » de la protection juridictionnelle qu’à celles qui appliquent une approche « constitutionnelle ». Selon les requérants, la formulation établie dans l’arrêt Plaumann, telle qu’appliquée à leur recours en annulation, méconnaît l’obligation d’élaborer les principes constitutionnels de l’Union sur la base de ceux des États membres.
56 En troisième lieu, les requérants estiment que le droit de saisir les juridictions de l’Union doit faire l’objet d’une interprétation téléologique afin de tenir compte de la gravité de l’affectation d’un requérant. Les requérants soutiennent qu’il est paradoxal, voire illogique, de constater que, lorsque la violation par l’Union de ses obligations juridiques a des conséquences étendues, aucun justiciable ne peut démontrer une affectation individuelle.
57 En quatrième lieu, les requérants font valoir que l’article 263, quatrième alinéa, TFUE doit en principe permettre les recours directs contre des actes législatifs. Ces derniers seraient, par nature, susceptibles de concerner un grand nombre de personnes, ce qui signifie que le critère retenu dans l’arrêt Plaumann serait virtuellement impossible à remplir. Toutefois, l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, prévoirait la possibilité d’accéder directement aux juridictions de l’Union pour établir la compatibilité des actes législatifs avec les normes de rang supérieur.
58 À ce sujet, les requérants rappellent que le problème de l’accès direct aux juridictions pour contester des actes de portée générale a déjà été abordé par l’avocat général Jacobs dans ses conclusions dans l’affaire Unión de Pequeños Agricultores/Conseil (C‑50/00 P, EU:C:2002:197), ainsi que par le Tribunal dans son arrêt du 3 mai 2002, Jégo-Quéré/Commission (T‑177/01, EU:T:2002:112). Dans le cadre du pourvoi contre cet arrêt, l’avocat général Jacobs aurait proposé de considérer l’affectation individuelle comme une affectation grave et directe des justiciables, éliminant ainsi la notion de « singularité ». Cette démarche aurait été fructueuse dans la mesure où, à l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, cette exigence a été entièrement supprimée pour les actes réglementaires ne comportant pas de mesures d’exécution. Les requérants invitent la Cour à adapter la définition d’« affectation individuelle » afin de tenir compte de la nature particulière des recours constitutionnels contre des actes législatifs de l’Union.
59 En cinquième lieu, les requérants soutiennent que le critère retenu dans l’arrêt Plaumann doit être modifié afin de répondre à l’impératif juridique d’une protection juridictionnelle effective. À cet égard, ils relèvent que, dans l’ordonnance attaquée, le Tribunal a considéré, en ce qui concerne l’article 47 de la Charte, que cet article « n’exige pas qu’un justiciable puisse, de manière inconditionnelle, intenter un recours en annulation, directement devant la juridiction de l’Union, contre un tel acte législatif de l’Union ». Le Tribunal aurait également jugé qu’un contrôle efficace de la légalité des actes litigieux pouvait être obtenu au moyen de la procédure incidente prévue à l’article 277 TFUE ou d’un renvoi préjudiciel au titre de l’article 267 TFUE.
60 Or, en l’occurrence, aucune de ces voies ne serait juridiquement applicable et, partant, le Tribunal aurait commis une erreur de droit. Dans les circonstances de l’espèce et compte tenu de la violation des normes juridiques alléguées par les requérants, un recours contre les actes d’exécution en vertu de l’article 277 TFUE ou un recours devant les juridictions nationales, avec la possibilité d’un renvoi préjudiciel, conformément à l’article 267 TFUE, ne garantirait pas une protection juridictionnelle effective.
61 En effet, d’une part, s’agissant des actes d’exécution, les requérants font notamment remarquer que la Commission n’est pas habilitée à adopter des actes d’exécution qui réduiraient le niveau global des émissions dans l’Union en dessous du niveau fixé par le paquet législatif sur les émissions de gaz à effet de serre.
62 D’autre part, s’agissant de la possibilité d’agir devant les juridictions nationales, les requérants soutiennent, en substance, qu’un recours devant une juridiction nationale n’a aucune véritable efficacité. Les requérants indiquent que plusieurs facteurs rendent structurellement inenvisageable un recours effectif par l’intermédiaire des juridictions nationales, compte tenu, en particulier, premièrement, de l’irrecevabilité d’une demande de procédure préjudicielle sur la validité du paquet législatif sur les émissions de gaz à effet de serre, deuxièmement, de l’imposition irraisonnable de l’obligation d’introduire des recours dans tous les États membres et, troisièmement, de l’indisponibilité de recours nationaux adéquats.
63 En sixième lieu, les requérants estiment que, contrairement à ce que le Tribunal a jugé, au point 50 de l’ordonnance attaquée, la modification du critère de l’affectation individuelle, au sens de la jurisprudence issue de l’arrêt Plaumann, peut permettre d’éviter un droit à agir pour tous et filtrer de manière efficace les recours.
64 Selon les requérants, lorsqu’il est impossible d’accéder à un recours effectif et adéquat par l’intermédiaire des juridictions nationales et/ou d’une procédure visant les mesures d’exécution, l’exigence d’une affectation individuelle doit être réputée satisfaite si l’acte législatif contesté porte atteinte à un droit fondamental personnel de manière caractérisée ou dans une mesure de nature à porter atteinte au contenu essentiel de ce droit.
65 Les requérants soutiennent qu’un critère de cette nature fournit un mécanisme suffisant pour filtrer à un stade précoce les recours potentiels. De plus, ce critère présenterait des points communs avec les notions comparables appliquées par les juridictions des États membres conformément à leurs traditions constitutionnelles. Enfin, selon les requérants, le critère de la violation caractérisée peut être précisé par la jurisprudence relative à différents types de droits fondamentaux et différentes constellations factuelles.
66 Le Parlement et le Conseil, soutenus par la Commission, réfutent ces arguments.
Appréciation de la Cour
67 À titre liminaire, il convient de rappeler que l’Union est une Union de droit dans laquelle ses institutions sont soumises au contrôle de la conformité de leurs actes, notamment, avec les traités, les principes généraux du droit ainsi que les droits fondamentaux (arrêt du 3 octobre 2013, Inuit Tapiriit Kanatami e.a./Parlement et Conseil, C‑583/11 P, EU:C:2013:625, point 91).
68 À cette fin, le traité FUE a établi un système complet de voies de recours et de procédures destiné à assurer le contrôle de légalité des actes des institutions, en le confiant au juge de l’Union (arrêt du 25 juillet 2002, Unión de Pequeños Agricultores/Conseil, C‑50/00 P, EU:C:2002:462, point 40).
69 Or, selon une jurisprudence constante, le juge de l’Union ne peut pas, sans excéder ses compétences, interpréter les conditions selon lesquelles un particulier peut former un recours contre un acte de l’Union d’une manière qui aboutit à s’écarter de ces conditions, qui sont expressément prévues par le traité FUE, et ce même à la lumière du principe d’une protection juridictionnelle effective (voir, en ce sens, arrêt du 1er avril 2004, Commission/Jégo-Quéré, C‑263/02 P, EU:C:2004:210, point 36).
70 Il s’ensuit que, même si les requérants demandent l’adaptation de l’arrêt Plaumann afin de permettre, en l’occurrence, la contestation des actes litigieux, une telle adaptation doit être rejetée en ce qu’elle est contraire aux dispositions prévues dans le traité FUE en matière de recevabilité des actions en annulation, telles que celle figurant à l’article 263, quatrième alinéa, TFUE.
71 En effet, en vertu de cette disposition, toute personne physique ou morale peut former un recours contre les actes dont elle est le destinataire ou qui la concernent directement et individuellement, ainsi que contre les actes réglementaires qui la concernent directement et qui ne comportent pas de mesures d’exécution.
72 À cet égard, le Tribunal a constaté, à juste titre, au point 35 de l’ordonnance attaquée, que les actes litigieux n’identifient pas les requérants comme étant les destinataires desdits actes et que, par conséquent, le premier cas de figure pour qu’une personne physique ou morale ait qualité pour agir en vertu de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE devait être écarté.
73 Ensuite, s’agissant du deuxième cas de figure prévu à cette disposition, à savoir qu’un recours peut être formé à condition que cet acte concerne directement et individuellement la personne physique ou morale qui introduit le recours, le Tribunal a considéré à bon droit, ainsi qu’il ressort du point 50 du présent arrêt, que les requérants n’ont pas établi que les dispositions attaquées des actes litigieux étaient de nature à les individualiser, d’une manière analogue à celle du destinataire de ces dispositions. Les conditions de l’affectation directe et de l’affectation individuelle étant cumulatives (arrêt du 3 octobre 2013, Inuit Tapiriit Kanatami e.a./Parlement et Conseil, C‑583/11 P, EU:C:2013:625, point 76), le Tribunal n’a pas commis d’erreur en considérant que les requérants ne relevaient pas du deuxième cas de figure prévu à l’article 263, quatrième alinéa, TFUE pour introduire un recours devant le Tribunal.
74 Enfin, le Tribunal a considéré, à juste titre, que les actes litigieux, ayant été adoptés sur le fondement de l’article 192, paragraphe 1, TFUE, ne constituent pas des actes réglementaires visés par le troisième cas de figure prévu à l’article 263, quatrième alinéa, TFUE.
75 Eu égard à ce qui précède, c’est sans commettre d’erreur de droit que le Tribunal a considéré que les requérants ne relevaient d’aucun des trois cas de figure prévus à l’article 263, quatrième alinéa, TFUE leur permettant d’introduire un recours devant le Tribunal.
76 Par conséquent, ainsi qu’il ressort de la jurisprudence citée au point 69 du présent arrêt, les requérants ne sauraient demander à la Cour de s’écarter de telles conditions expressément prévues par le traité FUE et, en particulier, d’adapter le critère d’affectation individuelle tel que défini par l’arrêt Plaumann pour qu’ils puissent bénéficier d’une voie de recours effective.
77 À cet égard, il convient de rappeler, à l’instar du Tribunal, au point 52 de l’ordonnance attaquée, que la protection conférée par l’article 47 de la Charte n’exige pas qu’un justiciable puisse, de manière inconditionnelle, intenter un recours en annulation, directement devant la juridiction de l’Union, contre un tel acte législatif de l’Union (voir, en ce sens, arrêt du 3 octobre 2013, Inuit Tapiriit Kanatami e.a./Parlement et Conseil, C‑583/11 P, EU:C:2013:625, point 105).
78 Si les conditions de recevabilité prévues à l’article 263, quatrième alinéa, TFUE doivent être interprétées à la lumière du droit fondamental à une protection juridictionnelle effective, une telle interprétation ne saurait aboutir à écarter les conditions expressément prévues par ledit traité (voir, en ce sens, arrêts du 25 juillet 2002, Unión de Pequeños Agricultores/Conseil, C‑50/00 P, EU:C:2002:462, point 44, et du 1er avril 2004, Commission/Jégo-Quéré, C‑263/02 P, EU:C:2004:210, point 36).
79 Il s’ensuit que les arguments des requérants visant à obtenir que le critère de l’affectation individuelle soit élargi ne sauraient, en tout état de cause, prospérer.
80 Eu égard aux considérations qui précèdent, le deuxième moyen doit donc être rejeté.
Sur le troisième moyen, tiré d’une erreur dans la constatation de l’absence de qualité pour agir de l’association Sáminuorra
Argumentation des parties
81 Par le troisième moyen, l’association Sáminuorra fait valoir que le Tribunal a commis une erreur de droit en ne tenant pas compte des éléments de preuve démontrant l’affectation individuelle de cette association. En effet, selon cette dernière, le Tribunal a jugé, en une seule phrase, au point 51 de l’ordonnance attaquée, qu’elle n’avait pas démontré qu’elle satisfaisait aux conditions de recevabilité en annulation. Le Tribunal aurait dénaturé ainsi les éléments de preuve présentés par ladite association, en particulier pour démontrer, conformément à la jurisprudence constante, qu’elle représentait les intérêts de ses membres, lesquels étaient eux-mêmes habilités à former un recours.
82 Par ailleurs, l’association Sáminuorra soutient que le Tribunal a commis une erreur de droit en ne tenant pas compte d’un autre type de recours pouvant être formé par une association, à savoir le « recours d’un collectif défendant un bien collectif ». L’association Sáminuorra représenterait un ensemble qui est davantage que la somme des intérêts individuels de ses membres. Le bien commun représenté par cette association serait le droit du peuple Sami à faire usage des terres publiques et privées pour leurs troupeaux de rennes, conformément à la loi suédoise de 1971 relative à l’élevage de rennes, telle que modifiée en 1993.
83 Dans ce contexte, l’association Sáminuorra fait observer que l’affectation individuelle devrait, en l’espèce, être définie comme étant l’affectation d’un collectif identifiable. Une telle interprétation relèverait des obligations de l’Union, telles que définies dans la déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones, adoptée par l’Assemblée générale de l’Organisation des Nations unies le 13 septembre 2007, ainsi que dans la convention sur la diversité biologique (CDB), signée à Rio de Janeiro le 5 juin 1992, également contraignante pour l’Union.
84 Le Parlement et le Conseil, soutenus par la Commission, contestent ces arguments.
Appréciation de la Cour
85 En ce qui concerne l’association Sáminuorra, le Tribunal a constaté, au point 51 de l’ordonnance attaquée, ce qui suit :
« 51 Pour ce qui est de l’association Sáminuorra, il y a lieu de constater, en premier lieu, que, comme pour les autres requérants et pour la même raison, cette requérante n’a pas démontré qu’elle était individuellement concernée. En second lieu, il est de jurisprudence constante que les recours en annulation formés par des associations ont été jugés recevables dans trois types de situation : premièrement, lorsqu’une disposition légale reconnaît expressément aux associations professionnelles une série de facultés à caractère procédural, deuxièmement, lorsque l’association représente les intérêts de ses membres qui seraient eux-mêmes recevables à agir et, troisièmement, lorsque l’association est individualisée en raison de l’affectation de ses intérêts propres en tant qu’association, notamment, parce que sa position de négociatrice a été affectée par l’acte dont l’annulation est demandée (voir ordonnance du 23 novembre 1999, Unión de Pequeños Agricultores/Conseil, T‑173/98, EU:T:1999:296, point 47 et jurisprudence citée). En l’espèce, l’association Sáminuorra n’a pas démontré qu’elle satisfaisait à l’une de ces conditions. »
86 Il ressort du point précédent du présent arrêt que le Tribunal a indiqué dans l’ordonnance attaquée que, d’une part, pour les mêmes raisons que celles applicables aux autres requérants – personnes physiques –, cette association ne pouvait être considérée comme étant individuellement concernée. À la lumière des constatations effectuées dans le cadre des premier et deuxième moyens du pourvoi, et notamment aux points 49 et 50 du présent arrêt, il ne saurait être reproché au Tribunal d’avoir commis une erreur lors de ces constatations.
87 D’autre part, le Tribunal a jugé que l’association Sáminuorra n’avait pas établi qu’elle bénéficiait, en tant qu’association, de l’une des trois conditions reconnues par la jurisprudence aux associations pour introduire un recours en annulation.
88 À cet égard, il ne saurait être reproché au Tribunal d’avoir dénaturé les faits lors de son appréciation à l’égard de l’association Sáminuorra s’agissant, en particulier, de la deuxième condition.
89 En effet, pour autant que les requérants, en tant que personnes physiques, ont été considérés comme n’étant pas individuellement affectés, au sens de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, la même considération s’impose à l’égard des membres de cette association. Ces derniers ne sauraient donc faire valoir qu’ils possèdent des qualités qui les individualisent par rapport aux autres destinataires potentiels des actes litigieux.
90 En ce qui concerne la première condition, il convient de rappeler que des associations ont un droit de recours contre un acte de l’Union lorsque des dispositions du droit de l’Union reconnaissent spécifiquement à ces associations des droits procéduraux (voir, en ce sens, arrêt du 4 octobre 1983, Fediol/Commission, 191/82, EU:C:1983:259, point 28). Or, l’association Sáminuorra n’a pas fait valoir l’existence de telles dispositions en sa faveur.
91 S’agissant de l’argument selon lequel le Tribunal aurait dû reconnaître l’existence d’une autre situation dans laquelle des associations seraient recevables à agir, à savoir « le recours d’un collectif défendant un bien collectif », cet argument n’a pas été avancé en première instance et doit, par conséquent, en vertu de l’article 170, paragraphe 1, du règlement de procédure de la Cour, être rejeté comme étant irrecevable dans le cadre du présent pourvoi.
92 En effet, permettre aux requérants de soulever pour la première fois devant la Cour des arguments qu’ils n’ont pas soulevés devant le Tribunal reviendrait à les autoriser à saisir la Cour, dont la compétence en matière de pourvoi est limitée, d’un litige plus étendu que celui dont a eu à connaître le Tribunal. Dans le cadre d’un pourvoi, la compétence de la Cour est donc limitée à l’appréciation de la solution légale qui a été donnée aux moyens et aux arguments débattus devant les premiers juges (voir, en ce sens, arrêt du 17 juin 2010, Lafarge/Commission, C‑413/08 P, EU:C:2010:346, point 52).
93 Quant à la troisième condition, l’association Sáminuorra n’a pas prétendu y satisfaire.
94 Il ressort de ce qui précède que le Tribunal n’a pas commis d’erreur en concluant que l’association Sáminuorra ne pouvait pas être considérée comme étant individuellement affectée par les actes litigieux au titre de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE.
95 Le troisième moyen doit donc être rejeté comme étant, en partie, non fondé et, en partie, irrecevable.
Sur le quatrième moyen, tiré d’une erreur dans le rejet de la demande indemnitaire des requérants
Argumentation des parties
96 Les requérants font valoir que le Tribunal a conclu à tort que la responsabilité non contractuelle de l’Union était exclue dans la mesure où les requérants n’avaient pas la qualité pour former un recours en annulation. Il existerait des différences fondamentales entre la mesure demandée dans le recours en annulation et celle demandée dans le recours invoquant la responsabilité non contractuelle de l’Union, que le Tribunal n’aurait pas abordées dans l’ordonnance attaquée.
97 Premièrement, l’approche du Tribunal serait contraire au principe de l’autonomie des recours en annulation fondés sur la responsabilité non contractuelle de l’Union. Elle serait également contraire à sa pratique, puisque le Tribunal a itérativement examiné la validité d’actes juridiques dans le cadre des conditions préalables à la responsabilité non contractuelle sans tenir compte du fait que l’acte ait ou non fait l’objet d’une procédure d’annulation.
98 Deuxièmement, contrairement à ce que le Tribunal aurait estimé dans l’ordonnance attaquée, l’illégalité alléguée n’était pas la même dans les deux recours. D’une part, dans le recours en annulation, les requérants auraient allégué que les actes litigieux formant le paquet législatif sur les émissions de gaz à effet de serre étaient entachés d’erreurs de droit compte tenu de normes de rang supérieur. D’autre part, le recours invoquant la responsabilité non contractuelle de l’Union serait fondé sur une violation large de normes de rang supérieur, ayant débuté au cours de l’année 1992. Cette violation serait continue. Le fait que l’Union n’ait pas adopté de réductions adéquates des émissions dans le cadre du paquet législatif sur les émissions de gaz à effet de serre ne constituerait qu’un seul aspect de cette violation continue.
99 Troisièmement, les requérants soulignent que, contrairement au raisonnement tenu par le Tribunal dans l’ordonnance attaquée, les deux recours en question ne visaient pas à obtenir le même résultat, à savoir la substitution des actes litigieux formant le paquet législatif en cause par de nouvelles mesures qui devront répondre à une réduction des émissions de gaz à effet de serre plus importante que celle prévue actuellement. Dans leur recours invoquant la responsabilité non contractuelle de l’Union, les requérants auraient demandé des mesures ciblant le paquet législatif sur les émissions de gaz à effet de serre, alors que la base sous-tendant la responsabilité de l’Union aurait été beaucoup plus large. Cette responsabilité serait fondée sur une violation continue de normes de rang supérieur ayant débuté au cours de l’année 1992.
100 Le Parlement et le Conseil, soutenus par la Commission, réfutent ces arguments.
Appréciation de la Cour
101 Ainsi que le Tribunal l’a rappelé aux points 65 et 66 de l’ordonnance attaquée, selon une jurisprudence constante, l’action en indemnité, fondée sur l’article 340, deuxième alinéa, TFUE, a été instituée comme une voie autonome, ayant sa fonction particulière dans le cadre du système des voies de recours et subordonnée à des conditions d’exercice conçues aux fins de son objet spécifique, de telle sorte que la déclaration d’irrecevabilité de la demande d’annulation n’entraîne pas automatiquement celle de la demande d’indemnisation (arrêt du 5 septembre 2019, Union européenne/Guardian Europe et Guardian Europe/Union européenne, C‑447/17 P et C‑479/17 P, EU:C:2019:672, point 49 ainsi que jurisprudence citée).
102 Cependant, si une partie peut agir par le moyen d’une action en responsabilité, sans être astreinte par aucun texte à poursuivre l’annulation de l’acte illégal qui lui cause préjudice, elle ne saurait, toutefois, contourner de cette manière l’irrecevabilité d’une demande visant la même illégalité et tendant aux mêmes fins pécuniaires (arrêt du 5 septembre 2019, Union européenne/Guardian Europe et Guardian Europe/Union européenne, C‑447/17 P et C‑479/17 P, EU:C:2019:672, point 50 ainsi que jurisprudence citée).
103 Ainsi, un recours en indemnité doit être déclaré irrecevable lorsqu’il tend, en réalité, au retrait d’une décision individuelle devenue définitive et qu’il aurait pour effet, s’il était accueilli, d’annihiler les effets juridiques de cette décision. Tel est le cas si la requérante cherche, au moyen d’une demande en indemnité, à obtenir un résultat identique à celui que lui aurait procuré le succès d’un recours en annulation qu’elle a omis d’intenter en temps utile (arrêt du 5 septembre 2019, Union européenne/Guardian Europe et Guardian Europe/Union européenne, C‑447/17 P et C‑479/17 P, EU:C:2019:672, point 51 ainsi que jurisprudence citée).
104 En l’occurrence, au point 67 de l’ordonnance attaquée, le Tribunal opère le constat suivant :
« À cet égard, il convient de constater que la demande tendant à l’annulation du paquet législatif et l’injonction demandée dans le cadre du recours indemnitaire sont quasiment identiques et visent la même illégalité alléguée. Dans le cadre du recours en annulation, les requérants ont fait valoir que l’objectif fixé par les trois actes attaqués, à savoir une réduction des émissions de 40 %, est manifestement inapproprié, raison pour laquelle cet objectif devrait être annulé et réexaminé. Dans le cadre du recours en indemnité, ils demandent, au lieu d’une indemnité pécuniaire pour leurs prétendues pertes individuelles, une réparation sous forme d’injonction ordonnant à l’Union d’adopter des mesures visant à mettre fin à son comportement illicite et préjudiciable. Les requérants demandent donc qu’il soit ordonné au Conseil et au Parlement d’adopter des mesures en application du paquet législatif imposant d’ici à 2030 une réduction du niveau des émissions de gaz à effet de serre comprise, à tout le moins, entre 50 % et 60 % des niveaux de 1990. »
105 Cette constatation du Tribunal ne saurait être contestée. En effet, le recours, pris dans son ensemble, met en évidence que l’action en réparation, qui est formulée comme une injonction, vise non pas à indemniser un préjudice imputable à un acte illicite ou à une omission, mais à amender les actes litigieux. Ainsi, comme le Tribunal l’a constaté au point 69 de l’ordonnance attaquée, tant par leur demande d’annulation que par leur demande d’injonction, les requérants cherchent à obtenir le même résultat, à savoir la substitution des actes litigieux par de nouvelles mesures plus sévères que celles prévues actuellement en termes de réduction des émissions de gaz à effet de serre.
106 Aussi, le Tribunal a-t-il pu constater à bon droit, au point 70 de l’ordonnance attaquée, que, les requérants n’ayant pas qualité pour agir pour demander l’annulation partielle du paquet législatif, leur action en réparation, qui vise en réalité à obtenir le même résultat, doit également être déclarée irrecevable.
107 Le quatrième moyen doit donc être rejeté, ainsi que le pourvoi dans son ensemble.
Sur les dépens
108 En vertu de l’article 184, paragraphe 2, du règlement de procédure de la Cour, lorsque le pourvoi n’est pas fondé, la Cour statue sur les dépens.
109 Aux termes de l’article 138, paragraphe 1, du même règlement, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, de celui-ci, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens
110 Le Parlement et le Conseil ayant conclu à la condamnation des requérants et ces derniers ayant succombé en leurs moyens, il y a lieu de les condamner aux dépens.
111 Conformément à l’article 140, paragraphe 1, du règlement de procédure de la Cour, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, de celui-ci, la Commission, qui est intervenue au litige, supportera ses propres dépens.
Par ces motifs, la Cour (sixième chambre) déclare et arrête :
1) Le pourvoi est rejeté.
2) M. Armando Carvalho et 36 autres requérants dont les noms figurent à l’annexe du présent arrêt sont condamnés à supporter, outre leurs propres dépens, ceux exposés par le Parlement européen et le Conseil de l’Union européenne.
3) La Commission européenne supporte ses propres dépens.
Signatures
Annexe
Liste des requérants
Armando Carvalho, demeurant à Santa Comba Dão (Portugal),
Diogo Carvalho, demeurant à Santa Comba Dão,
Ildebrando Conceição, demeurant à Tomar (Portugal),
Alfredo Sendim, demeurant à Foros de Vale de Figueira (Portugal),
Joaquim Caxeiro, demeurant à Foros de Vale de Figueira,
Renaud Feschet, demeurant à Grignan (France),
Guylaine Feschet, demeurant à Grignan,
Gabriel Feschet, demeurant à Grignan,
Maurice Feschet, demeurant à Grignan,
Geneviève Gassin, demeurant à Grignan,
Roba Waku Guya, demeurant à Marsabit County (Kenya),
Fadhe Hussein Tache, demeurant à Marsabit County,
Sado Guyo, demeurant à Marsabit County,
Issa Guyo, demeurant à Marsabit County,
Jibril Guyo, demeurant à Marsabit County,
Adanoor Guyo, demeurant à Marsabit County,
Mohammed Guyo, demeurant à Marsabit County,
Petru Vlad, demeurant à Cugir (Roumanie),
Ana Tricu, demeurant à Cugir,
Petru Arin Vlad, demeurant à Cugir,
Maria Ioana Vlad, demeurant à Cugir,
Andrei Nicolae Vlad, demeurant à Cugir,
Giorgio Davide Elter, demeurant à Cogne (Italie),
Sara Burland, demeurant à Cogne,
Soulail Elter, demeurant à Cogne,
Alice Elter, demeurant à Cogne,
Rosa Elter, demeurant à Cogne,
Maria Elter, demeurant à Cogne,
Maike Recktenwald, demeurant à Langeoog (Allemagne),
Michael Recktenwald, demeurant à Langeoog,
Lueke Recktenwald, demeurant à Langeoog,
Petero Qaloibau, demeurant à Vanua Levu (Fidji),
Melania Cironiceva, demeurant à Vanua Levu,
Katarina Dimoto, demeurant à Vanua Levu,
Petero Jnr Qaloibau, demeurant à Vanua Levu,
Elisabeta Tokalau, demeurant à Vanua Levu,
Sáminuorra, établie à Jokkmokk (Suède).