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CJUE, GC, 28 avril 2015, T & L Sugars Ltd et Sidul Açúcares Unipessoal Lda contre Commission européenne, Aff. n°C-456/13 P

Citer : Revue générale du droit, 'CJUE, GC, 28 avril 2015, T & L Sugars Ltd et Sidul Açúcares Unipessoal Lda contre Commission européenne, Aff. n°C-456/13 P, ' : Revue générale du droit on line, 2015, numéro 57366 (www.revuegeneraledudroit.eu/?p=57366)


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Décision citée par :
  • Christophe De Bernardinis, §2. Des juges ordinaires, juges de droit commun des garanties européennes


ARRÊT DE LA COUR (grande chambre)

28 avril 2015 (*)

«Pourvoi – Recours en annulation – Article 263, quatrième alinéa, TFUE – Droit de recours – Qualité pour agir – Personnes physiques ou morales – Acte réglementaire ne comportant pas de mesures d’exécution – Acte concernant individuellement les requérantes – Droit à une protection juridictionnelle effective – Mesures exceptionnelles concernant la mise sur le marché de l’Union de sucre et d’isoglucose hors quota – Campagne de commercialisation 2010/2011»

Dans l’affaire C‑456/13 P,

ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduit le 9 août 2013,

T & L Sugars Ltd, établie à Londres (Royaume-Uni),

Sidul Açúcares Unipessoal Lda, établie à Santa Iria de Azóia (Portugal),

représentées par Me D. Waelbroeck, avocat, et M. D. Slater, solicitor,

parties requérantes,

les autres parties à la procédure étant:

Commission européenne, représentée par MM. P. Ondrůšek et P. Rossi, en qualité d’agents,

partie défenderesse en première instance,

République française, représentée par MM. G. de Bergues et D. Colas ainsi que par Mme C. Candat, en qualité d’agents,

Conseil de l’Union européenne, représenté par M. É. Sitbon et Mme A. Westerhof Löfflerová, en qualité d’agents,

parties intervenantes en première instance,

LA COUR (grande chambre),

composée de M. V. Skouris, président, M. K. Lenaerts, vice-président, MM. A. Tizzano, L. Bay Larsen, T. von Danwitz, A. Ó Caoimh, J.‑C. Bonichot et S. Rodin (rapporteur), présidents de chambre, MM. J. Malenovský, E. Levits, A. Arabadjiev, E. Jarašiūnas et C. G. Fernlund, juges,

avocat général: M. P. Cruz Villalón,

greffier: Mme L. Hewlett, administrateur principal,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 20 mai 2014,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 14 octobre 2014,

rend le présent

Arrêt

1        Par leur pourvoi, T & L Sugars Ltd et Sidul Açúcares Unipessoal Lda (ci-après, respectivement, «T & L Sugars» et «Sidul Açúcares») demandent l’annulation de l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne T & L Sugars et Sidul Açúcares/Commission (T‑279/11, EU:T:2013:299, ci-après l’«arrêt attaqué»), par lequel celui-ci a rejeté leur recours tendant à l’annulation du règlement (UE) nº 222/2011 de la Commission, du 3 mars 2011, établissant des mesures exceptionnelles en ce qui concerne la mise sur le marché de l’Union de sucre et d’isoglucose hors quota à un taux réduit de prélèvement sur les excédents au cours de la campagne de commercialisation 2010/2011 (JO L 60, p. 6), du règlement d’exécution (UE) nº 293/2011 de la Commission, du 23 mars 2011, fixant le coefficient d’attribution, rejetant les nouvelles demandes et clôturant la période de dépôt des demandes en ce qui concerne les quantités disponibles de sucre hors quota destinées à la vente sur le marché de l’Union à un taux réduit de prélèvement sur les excédents (JO L 79, p. 8), du règlement d’exécution (UE) nº 302/2011 de la Commission, du 28 mars 2011, portant ouverture d’un contingent tarifaire d’importation exceptionnel en ce qui concerne certaines quantités de sucre pour la campagne de commercialisation 2010/2011 (JO L 81, p. 8), et du règlement d’exécution (UE) nº 393/2011 de la Commission, du 19 avril 2011, fixant le coefficient d’attribution pour la délivrance des certificats d’importation demandés du 1er au 7 avril 2011 pour les produits du secteur du sucre dans le cadre de certains contingents tarifaires et suspendant le dépôt des demandes relatives à ces certificats (JO L 104, p. 39) (ci-après, ensemble, les «règlements litigieux»).

 Les antécédents du litige et les règlements litigieux

2        Les antécédents du litige ont été exposés par le Tribunal aux points 1 à 5 de l’arrêt attaqué:

«1      Les requérantes, T & L Sugars […] et Sidul Açúcares […], sont des entreprises de raffinage du sucre de canne établies dans l’Union européenne. Leur capacité de production cumulée représente environ la moitié des besoins d’approvisionnement traditionnels de l’industrie du raffinage du sucre de canne de l’Union.

2      L’offre de sucre sur le marché de l’Union comprend le sucre produit, d’une part, lors de la transformation de betteraves sucrières issues de la production intérieure de l’Union et, d’autre part, lors du raffinage de sucre de canne brut importé de pays tiers, le produit final étant chimiquement identique dans les deux cas. Le sucre de canne brut provenant de l’Union, à savoir des départements français d’outre-mer et des Açores, représente moins de 2 % de la production de sucre de l’Union.

3      Entre le 3 mars et le 19 avril 2011, la Commission européenne a adopté certaines mesures visant à augmenter l’offre de sucre sur le marché de l’Union qui connaissait une pénurie.

4      Ces mesures avaient pour objet, d’une part, de permettre aux producteurs de l’Union de commercialiser une quantité limitée de sucre, ainsi que d’isoglucose, en sus du quota de production intérieure et, d’autre part, d’instaurer un contingent tarifaire permettant à tout opérateur économique intéressé d’importer une quantité limitée de sucre en bénéficiant d’une suspension des droits à l’importation.

5      Ces mesures ont été adoptées dans le cadre des actes suivants […]:

–        le règlement […] nº 222/2011[…];

–        le règlement d’exécution […] nº 293/2011 […];

–        le règlement d’exécution […] nº 302/2011 […];

–        le règlement d’exécution […] nº 393/2011 […]»

3        Le Tribunal a exposé le mécanisme instauré par les règlements litigieux aux points 39 à 45 de l’arrêt attaqué:

«39      L’article 2, paragraphe 4, du règlement nº 222/2011 prévoit que, pour pouvoir bénéficier de [la] quantité exceptionnelle [de sucre et d’isoglucose pouvant être commercialisée en sus des quotas de production], les producteurs doivent demander des certificats en s’adressant aux autorités nationales compétentes de l’État membre dans lequel ils sont agréés. En vertu de l’article 4 dudit règlement, ces autorités se prononcent sur la recevabilité des demandes au regard des critères posés par le même règlement et notifient ensuite les demandes recevables à la Commission.

40      Il résulte des articles 5 et 6 du règlement nº 222/2011 que, une fois que la quantité prévue pour le sucre hors quota est dépassée, la Commission fixe un coefficient d’attribution afin de répartir la quantité disponible d’une manière uniforme, rejette les demandes non encore notifiées et clôt la période de dépôt des demandes. Chaque semaine, les autorités nationales délivrent des certificats donnant droit à une réduction du prélèvement, pour les demandes notifiées à la Commission la semaine précédente, selon le modèle de certificat annexé au règlement.

41      En vertu de l’article 1er du règlement d’exécution nº 293/2011, la Commission a défini le coefficient d’attribution, s’élevant à 67,106224 %, à appliquer par les autorités nationales aux demandes déposées entre le 14 et le 18 mars 2011 et notifiées à la Commission. En outre, elle a rejeté les demandes ultérieures et clôturé la période de dépôt des demandes.

42      D’autre part, s’agissant du contingent tarifaire d’importation exceptionnel, le règlement d’exécution nº 302/2011 prévoit que les droits à l’importation sont suspendus entre le 1er avril 2011 et le 30 septembre 2011, pour une quantité de 300 000 tonnes de sucre.

43      Quant à la gestion dudit contingent, le règlement d’exécution nº 302/2011 comporte un renvoi au règlement (CE) nº 891/2009 de la Commission, du 25 septembre 2009, portant ouverture et mode de gestion de certains contingents tarifaires communautaires dans le secteur du sucre (JO L 254, p. 82), lequel fait référence, à son tour, au règlement (CE) nº 1301/2006 de la Commission, du 31 août 2006, établissant des règles communes pour l’administration des contingents tarifaires d’importation pour les produits agricoles gérés par un système de certificats d’importation (JO L 238, p. 13), ainsi qu’au règlement (CE) nº 376/2008 de la Commission, du 23 avril 2008, portant modalités communes d’application du régime des certificats d’importation, d’exportation et de préfixation pour les produits agricoles (version codifiée) (JO L 114, p. 3).

44      En vertu des articles 5 et 6 du règlement nº 1301/2006 et de l’article 12 du règlement nº 376/2008, dans le cadre de la gestion des contingents, les autorités nationales reçoivent les demandes de certificats d’importation et veillent à ce que les conditions de recevabilité soient respectées. Par la suite, en vertu des articles 7 et 11 du règlement nº 1301/2006 et des articles 8 et 9 du règlement nº 891/2009, elles notifient à la Commission les demandes reçues, délivrent les certificats d’importation aux opérateurs et informent la Commission des quantités attribuées.

45      Le règlement d’exécution nº 393/2011 définit le coefficient d’attribution, qui s’élève à 1,8053 %, pour les demandes de certificats d’importation déposées entre le 1er et le 7 avril 2011, pour lesquelles la quantité disponible a été dépassée, et suspend le dépôt de nouvelles demandes jusqu’à la fin de la campagne de commercialisation 2010/2011.»

 La procédure devant le Tribunal et l’arrêt attaqué

4        Par requête déposée au greffe du Tribunal le 30 mai 2011, les requérantes ont introduit un recours tendant à l’annulation des règlements litigieux ainsi qu’à l’indemnisation du préjudice qu’elles auraient subi du fait de l’adoption desdits règlements. Le 26 octobre 2011, la Commission a déposé, par acte séparé, une exception d’irrecevabilité.

5        La Commission, soutenue par la République française et le Conseil de l’Union européenne, a fait valoir que les règlements litigieux, tout en étant des actes réglementaires, comportaient des mesures d’exécution et ne concernaient pas individuellement ni directement les requérantes.

6        Les requérantes ont fait valoir devant le Tribunal qu’elles avaient qualité pour agir contre les règlements litigieux du fait que ceux-ci sont des actes réglementaires qui les concernent directement et qui ne comportent pas de mesures d’exécution ou, à titre subsidiaire, que ces règlements les concernent directement et individuellement.

7        Par l’arrêt attaqué, le Tribunal a décidé de statuer sur l’exception d’irrecevabilité présentée par la Commission sans engager le débat au fond. Il a rejeté le recours comme irrecevable dans la mesure où il tend à l’annulation des règlements litigieux.

8        Sur le motif d’irrecevabilité tiré du fait que les règlements litigieux comportent des mesures d’exécution, le Tribunal a considéré, aux points 46 à 73 de l’arrêt attaqué, que ces règlements, tant ceux concernant la commercialisation du sucre hors quota que ceux relatifs au contingent tarifaire, ne peuvent déployer leurs effets juridiques à l’égard des opérateurs concernés sans l’intermédiaire de décisions individuelles prises par les autorités nationales. Le Tribunal a estimé que de telles mesures constituent des mesures d’exécution, au sens de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, et a écarté les arguments des requérantes selon lesquels ces mesures avaient un caractère «automatique et obligatoire».

9        Au point 60 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a relevé que les requérantes n’ont pas soutenu devoir enfreindre le droit pour avoir accès à un juge, mais ont seulement indiqué que la possibilité d’introduire un recours contre les mesures nationales prises dans le cadre de l’exécution des règlements litigieux demeurait, pour elles, au moins incertaine. Aux points 66 et 68 dudit arrêt, le Tribunal a constaté, d’une part, qu’une telle voie de recours au niveau national n’est pas expressément prévue par le droit dérivé de l’Union et, d’autre part, que l’article 19, paragraphe 1, deuxième alinéa, TUE prévoit que les États membres établissent les voies de recours nécessaires pour assurer une protection juridictionnelle effective dans les domaines couverts par le droit de l’Union. Au point 69 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a considéré que l’application de la condition relative à l’absence de mesures d’exécution, telle qu’elle figure à l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, ne saurait être subordonnée à l’existence d’une voie de recours effective au sein des systèmes juridiques des États membres, permettant de mettre en cause la validité de l’acte de l’Union contesté. Au point 70 dudit arrêt, le Tribunal a estimé qu’un tel régime exigerait dans chaque cas concret que le juge de l’Union examine et interprète le droit procédural national, ce qui excéderait sa compétence dans le cadre du contrôle de la légalité des actes de l’Union.

10      Sur la fin de non-recevoir tirée de ce que les requérantes n’ont pas établi être individuellement affectées par les règlements litigieux, le Tribunal a constaté, au point 77 de l’arrêt attaqué, que ces règlements produisaient des effets juridiques à l’égard de catégories de personnes envisagées de manière générale et abstraite, étant donné qu’ils s’appliquent respectivement à l’ensemble des producteurs de sucre de l’Union et à l’ensemble des importateurs de sucre, sans individualiser les requérantes d’une quelconque manière.

11      Les requérantes ayant soutenu être «à tout le moins» individuellement concernées par le règlement d’exécution nº 393/2011, en faisant valoir que celui-ci affecte une catégorie fermée d’opérateurs, dès lors qu’il définit un coefficient d’attribution afin de permettre la distribution du contingent tarifaire entre les seuls importateurs ayant introduit leurs demandes entre le 1er et le 7 avril 2011, le Tribunal a constaté, aux points 84 et 89 de l’arrêt attaqué, que chacune des requérantes ayant été affectée de la même manière par le règlement d’exécution nº 393/2011 en raison de sa qualité objective, en tant que producteur ayant déposé une demande de certificat, et que, dès lors, l’appartenance à un cercle restreint, résultant de la nature même de la réglementation en cause, n’individualisait pas les requérantes.

12      Au point 97 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a considéré que le recours en annulation étant déclaré irrecevable, l’exception d’illégalité, soulevée à l’encontre des articles 186, sous a), et 187 du règlement (CE) nº 1234/2007 du Conseil, du 22 octobre 2007, portant organisation commune des marchés dans le secteur agricole et dispositions spécifiques en ce qui concerne certains produits de ce secteur (règlement «OCM unique») (JO L 299, p. 1), devait être également rejetée.

 Les conclusions des parties

13      T & L Sugars et Sidul Açúcares demandent à la Cour:

–        d’annuler l’arrêt attaqué;

–        de renvoyer l’affaire devant le Tribunal afin qu’il se prononce sur le fond du litige, et

–        de condamner la Commission aux dépens.

14      La Commission conclut au rejet du pourvoi et à la condamnation de T & L Sugars et de Sidul Açúcares aux dépens.

15      La République française et le Conseil demandent à la Cour de rejeter le pourvoi et de condamner les requérantes aux dépens.

 Sur le pourvoi

16      À l’appui de leur pourvoi, T & L Sugars et Sidul Açúcares soulèvent trois moyens. Par leur premier moyen, elles reprochent au Tribunal d’avoir procédé à une interprétation erronée de la notion d’ «acte ne comportant pas de mesures d’exécution», au sens de l’article 263, quatrième alinéa, dernier membre de phrase, TFUE. Par leur deuxième moyen, les requérantes font valoir que le Tribunal a interprété de manière incorrecte l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, pour juger qu’elles n’étaient pas individuellement concernées par le règlement d’exécution nº 393/2011. Par leur troisième moyen, les requérantes soutiennent que le Tribunal a commis une erreur de droit en considérant que, le recours en annulation étant déclaré irrecevable, l’exception d’illégalité soulevée en relation avec ce recours devait être rejetée.

 Sur le premier moyen

 Argumentation des parties

17      T & L Sugars et Sidul Açúcares font valoir, à l’appui de leur premier moyen, que le Tribunal a commis une erreur de droit en considérant que les mesures prises par les autorités nationales dans le cadre des règlements litigieux constituent des mesures d’exécution au sens de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE.

18      Elles considèrent que les règlements litigieux ont été élaborés dans leurs moindres détails par la Commission et que la seule fonction qui a été laissée aux États membres est celle de simple «boîte aux lettres». Dans ces circonstances, les requérantes ne pourraient pas attaquer les règlements litigieux devant les juridictions nationales, puisque ces dernières ne seraient pas compétentes pour annuler ces règlements.

19      L’erreur que le Tribunal aurait commise est d’avoir considéré que toute mesure adoptée par un État membre dans le cadre d’un règlement de l’Union, fut-elle automatique ou accessoire, constitue une «décision d’exécution» de ce règlement.

20      Le Tribunal aurait également commis une erreur de droit en ce qu’il a affirmé, au point 53 de l’arrêt attaqué, que la marge d’appréciation dont disposent les États membres n’est pas pertinente pour déterminer si un acte réglementaire «comporte des mesures d’exécution». Pour déterminer si une mesure d’un État membre ajoute effectivement quelque chose à l’acte de l’Union en vertu duquel elle a été prise, les requérantes considèrent que l’existence d’un pouvoir d’appréciation constitue un critère pertinent. La définition même du terme «décision» impliquerait un acte nécessitant un choix entre plusieurs possibilités, et non l’exécution mécanique, le relai d’ordres d’une tierce partie ou un simple acte confirmatif.

21      Les requérantes estiment que, aux points 58 à 60 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a procédé à une interprétation restrictive du dernier membre de phrase de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE. Il conviendrait d’interpréter cette disposition à la lumière du droit à une protection juridictionnelle effective garanti par l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la «Charte»). Il conviendrait également d’interpréter ladite disposition au regard de l’efficacité procédurale et de manière à conférer un sens utile aux modifications apportées au libellé du traité FUE. Ces objectifs imposeraient que les particuliers puissent être en mesure de saisir le Tribunal lorsque, en l’absence d’une voie de recours effective, ils n’ont pas d’autre possibilité que d’enfreindre la loi pour pouvoir contester un acte de l’Union devant une juridiction, comme cela serait le cas en l’espèce, ainsi que la Commission l’aurait elle-même reconnu.

22      La Commission est d’avis que le dernier membre de phrase de l’article 263 TFUE a pour but de préserver un certain équilibre entre le rôle des juridictions nationales et celui des juridictions de l’Union dans le système de contrôle juridictionnel effectif de l’Union fondé sur l’existence d’actes adoptés par les États membres au niveau national pour mettre en œuvre la réglementation en cause, ainsi que sur la possibilité de former un recours juridictionnel à l’encontre de ces actes devant les instances nationales, dans un premier temps et, par la suite, éventuellement devant la Cour dans le cadre d’une procédure de renvoi préjudiciel, lorsqu’un tel renvoi est nécessaire, notamment pour apprécier la validité d’un acte adopté par les institutions, les organes et les organismes de l’Union, ainsi que pour garantir une interprétation et une application uniformes du droit de l’Union par les tribunaux nationaux, conformément à l’article 267 TFUE.

23      Il ne pourrait être déduit du fait qu’un État membre dispose d’un pouvoir d’appréciation limité dans la façon dont il met en œuvre un acte réglementaire de l’Union que toute annulation de dispositions dans cet acte de mise en œuvre découle obligatoirement d’une illégalité présumée de l’acte réglementaire de l’Union lui-même.

24      La Commission considère que le Tribunal a estimé à juste titre que les mesures nationales étaient, en l’espèce, importantes et nécessaires. Bien que les règlements litigieux soient des actes réglementaires, ils ne pourraient affecter qu’indirectement les opérateurs concernés, notamment par l’intermédiaire des mesures d’exécution nationales indispensables. Selon la Commission, il est incontestable que sans ces mesures, les règlements litigieux ne pouvaient déployer leurs effets juridiques à l’égard des opérateurs concernés.

25      En effet, les autorités nationales compétentes délivreraient les certificats et les certificats à l’importation autorisant les opérateurs à mettre sur le marché des quantités supplémentaires de sucre hors quota à taux de prélèvement réduit ou à importer du sucre à droits réduits, après avoir identifié les demandeurs, déterminé la véracité, l’exhaustivité et l’exactitude de leurs demandes, vérifié leur statut d’opérateur effectif sur le marché, demandé la constitution des garanties appropriées, décidé de l’acceptation ou du rejet des demandes et transmis à la Commission toutes les données pertinentes relatives aux demandes retenues. Plusieurs de ces tâches impliqueraient l’exercice d’un pouvoir d’appréciation important de la part des États membres, auxquels il incombe également de prévenir toute irrégularité ou tout abus.

26      À supposer qu’il n’existe aucune voie de recours pour contester les mesures d’exécution, il conviendrait de rappeler que dans l’arrêt Inuit Tapiriit Kanatami e.a./Parlement et Conseil (C‑583/11 P, EU:C:2013:625, points 97 et 103), la Cour a confirmé que «ni le traité FUE ni l’article 19 TUE n’ont entendu créer devant les juridictions nationales, en vue du maintien du droit de l’Union, des voies de droit autres que celles établies par le droit national», et que l’article 47 de la Charte n’a pas pour objet de modifier le système de contrôle juridictionnel prévu par les traités, et notamment les règles relatives à la recevabilité des recours formés directement devant la juridiction de l’Union.

27      La République française soutient que le premier moyen doit être écarté. En effet, premièrement, ce serait à bon droit que le Tribunal a considéré que les règlements litigieux comportaient des mesures d’exécution. Deuxièmement, cette interprétation ne saurait être remise en cause par l’argument des requérantes selon lequel des mesures nationales prises en l’absence de marge d’appréciation ne seraient susceptibles d’aucun recours. Troisièmement, ladite interprétation ne saurait davantage être remise en cause par l’argument des requérantes selon lequel, dans certains États membres, elles ne disposeraient pas d’une voie de recours effective contre les règlements litigieux.

28      Le Conseil soutient l’argumentation de la Commission.

 Appréciation de la Cour

29      Il convient d’interpréter la notion d’«actes réglementaires […] qui ne comportent pas de mesures d’exécution», au sens de l’article 263, quatrième alinéa, dernier membre de phrase, TFUE, à la lumière de l’objectif de cette disposition qui consiste, ainsi qu’il ressort de sa genèse, à éviter qu’un particulier soit contraint d’enfreindre le droit pour pouvoir accéder au juge. Or, lorsqu’un acte réglementaire produit directement des effets sur la situation juridique d’une personne physique ou morale sans requérir des mesures d’exécution, cette dernière risquerait d’être dépourvue d’une protection juridictionnelle effective si elle ne disposait pas d’une voie de recours direct devant le juge de l’Union aux fins de mettre en cause la légalité de cet acte réglementaire. En effet, en l’absence de mesures d’exécution, une personne physique ou morale, bien que directement concernée par l’acte en question, ne serait en mesure d’obtenir un contrôle juridictionnel de cet acte qu’après avoir violé les dispositions dudit acte en se prévalant de l’illégalité de celles-ci dans le cadre des procédures ouvertes à son égard devant les juridictions nationales (arrêt Telefónica/Commission, C‑74/12 P, EU:C:2013:852, point 27).

30      En revanche, lorsqu’un acte réglementaire comporte des mesures d’exécution, le contrôle juridictionnel du respect de l’ordre juridique de l’Union est assuré indépendamment de la question de savoir si lesdites mesures émanent de l’Union ou des États membres. Les personnes physiques ou morales ne pouvant pas, en raison des conditions de recevabilité prévues à l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, attaquer directement devant le juge de l’Union un acte réglementaire de l’Union sont protégées contre l’application à leur égard d’un tel acte par la possibilité d’attaquer les mesures d’exécution que cet acte comporte (arrêt Telefónica/Commission, C‑274/12 P, EU:C:2013:852, point 28).

31      Lorsque la mise en œuvre d’un tel acte appartient aux institutions, aux organes ou aux organismes de l’Union, les personnes physiques ou morales peuvent introduire un recours direct devant les juridictions de l’Union contre les actes d’application dans les conditions visées à l’article 263, quatrième alinéa, TFUE et invoquer au soutien de ce recours, en application de l’article 277 TFUE, l’illégalité de l’acte de base en cause. Lorsque cette mise en œuvre incombe aux États membres, ces personnes peuvent faire valoir l’invalidité de l’acte de base en cause devant les juridictions nationales et amener celles-ci à interroger, sur le fondement de l’article 267 TFUE, la Cour par la voie de questions préjudicielles (arrêts Inuit Tapiriit Kanatami e.a./Parlement et Conseil, C‑583/11 P, EU:C:2013:625, point 93, ainsi que Telefónica/Commission, C‑274/12 P, EU:C:2013:852, point 29).

32      Ainsi que la Cour l’a déjà jugé, il y a lieu, aux fins d’apprécier le point de savoir si un acte réglementaire comporte des mesures d’exécution, de s’attacher à la position de la personne invoquant le droit de recours au titre de l’article 263, quatrième alinéa, dernier membre de phrase, TFUE. Il est donc sans pertinence de savoir si l’acte en question comporte des mesures d’exécution à l’égard d’autres justiciables (arrêt Telefónica/Commission, C‑274/12 P, EU:C:2013:852, point 30).

33      C’est à la lumière de ces précisions qu’il convient d’examiner le premier moyen invoqué par T & L Sugars et Sidul Açúcares au soutien de leur pourvoi.

34      Ainsi qu’il ressort de l’article 1er du règlement nº 222/2011, celui-ci a pour objet de fixer, pour la campagne de commercialisation 2010/2011, le montant du prélèvement sur les excédents à zéro euro par tonne pour des quantités maximales de 500 000 tonnes de sucre et de 26 000 tonnes d’isoglucose produites en sus du quota fixé à l’annexe VI du règlement nº 1234/2007. Selon l’article 2, paragraphe 2, du règlement nº 222/2011, les demandes de certificat ne peuvent émaner que d’entreprises qui produisent du sucre de betterave ou de canne ou de l’isoglucose, qui sont agréées conformément à l’article 57 du règlement nº 1234/2007 et auxquelles un quota de production a été attribué pour cette campagne de commercialisation. En application de l’article 6 du règlement nº 222/2011, lu en combinaison avec l’article 2, paragraphe 4, de ce règlement, les autorités nationales délivrent aux producteurs qui en font la demande et dans les limites des quantités maximales fixées, les certificats pour les quantités de sucre et d’isoglucose donnant droit audit montant zéro.

35      Pour sa part, le règlement d’exécution nº 302/2011 ouvre, pour la même campagne, un contingent tarifaire exceptionnel en ce qui concerne une quantité de 300 000 tonnes de sucre. En application des articles 4, 5 et 8 du règlement nº 891/2009, auquel se réfère l’article 1er du règlement d’exécution nº 302/2011, les autorités nationales délivrent aux importateurs qui en ont fait la demande et dans les limites de la quantité maximale fixée, les certificats d’importation se rapportant audit contingent tarifaire.

36      Dès lors que les quantités couvertes, d’une part, par les demandes de certificats pour la production de sucre hors quota déposées au titre du règlement nº 222/2011 et, d’autre part, par les demandes de certificats d’importation déposées au titre du règlement d’exécution nº 302/2011, ont dépassé les quantités fixées dans lesdits actes dès leur première semaine d’application, la Commission a établi, dans les règlements d’exécution nº 293/2011 et nº 393/2011, des coefficients d’attribution qui devaient être affectés aux demandes de certificats qui avaient déjà été déposées, respectivement, au titre du règlement nº 222/2011 et du règlement d’exécution nº 302/2011.

37      Il ressort des considérations qui précèdent que, s’agissant du règlement nº 222/2011 et du règlement d’exécution nº 293/2011, les requérantes, dans la mesure où elles n’ont pas la qualité des producteurs de sucre et ne sont pas directement affectées dans leur situation juridique par lesdits règlements, ne sont pas directement concernés par ces règlements au sens de l’article 263, quatrième alinéa, dernier membre de phrase, TFUE (voir arrêts Glencore Grain/Commission, C‑404/96 P, EU:C:1998:196, point 41; Front national/Parlement, C‑486/01 P, EU:C:2004:394, point 34; Commission/Ente per le Ville Vesuviane et Ente per le Ville Vesuviane/Commission, C‑445/07 P et C‑455/07 P, EU:C:2009:529, point 45, ainsi que Stichting Woonpunt e.a./Commission, C‑132/12 P, EU:C:2014:100, point 68).

38      Il s’ensuit que le Tribunal, n’ayant pas examiné si les requérantes étaient directement concernées par lesdits règlements et ayant fondé l’irrecevabilité du recours sur le fait que des mêmes règlements comportaient des mesures d’exécution au sens de l’article 263, quatrième alinéa, dernier membre de phrase, TFUE, a commis une erreur de droit.

39      Il convient cependant de relever que, dans la mesure où, ainsi qu’il a été constaté au point 37 du présent arrêt, les requérantes ne sont pas directement concernées par le règlement nº 222/2011 et le règlement d’exécution nº 293/2011 au sens de l’article 263, quatrième alinéa, dernier membre de phrase, TFUE, l’erreur de droit commise par le Tribunal ne saurait entraîner l’annulation de l’arrêt attaqué en ce qui concerne l’irrecevabilité du recours contre lesdits règlements.

40      En revanche, s’agissant des règlements d’exécution nos 302/2011 et 393/2011, ceux-ci ne déploient leurs effets juridiques à l’égard des requérantes que par l’intermédiaire d’actes pris par les autorités nationales à la suite du dépôt de demandes de certificats sur le fondement du règlement d’exécution nº 302/2011. Les décisions des autorités nationales portant octroi de tels certificats, qui appliquent à l’égard des opérateurs concernés, les coefficients fixés par le règlement d’exécution nº 393/2011, ainsi que les décisions portant refus total ou partiel de tels certificats, constituent dès lors des mesures d’exécution au sens de l’article 263, quatrième alinéa, dernier membre de phrase, TFUE.

41      Cette conclusion n’est pas remise en cause par le prétendu caractère mécanique des mesures prises au niveau national.

42      En effet, la question est, ainsi que le Tribunal a jugé à bon droit, au point 53 de l’arrêt attaqué, dépourvue de pertinence pour déterminer si ces règlements comportent des mesures d’exécution au sens de l’article 263, quatrième alinéa, dernier membre de phrase, TFUE.

43      Quant à l’argument que les requérantes tirent de l’article 47 de la Charte, il ressort d’une jurisprudence constante que cette disposition n’a pas pour objet de modifier le système de contrôle juridictionnel prévu par les traités, et notamment les règles relatives à la recevabilité des recours formés directement devant la juridiction de l’Union, ainsi qu’il découle également des explications afférentes à cet article 47, lesquelles doivent, conformément aux articles 6, paragraphe 1, troisième alinéa, TUE et 52, paragraphe 7, de la Charte, être prises en considération pour l’interprétation de celle-ci (voir arrêts Sky Österreich, C‑283/11, EU:C:2013:28, point 42; Alemo-Herron e.a., C‑426/11, EU:C:2013:521, point 32, ainsi que Inuit Tapiriit Kanatami e.a./Parlement et Conseil, C‑583/11 P, EU:C:2013:625, point 97).

44      Ainsi, les conditions de recevabilité prévues à l’article 263, quatrième alinéa, TFUE doivent être interprétées à la lumière du droit fondamental à une protection juridictionnelle effective, sans pour autant aboutir à écarter ces conditions, qui sont expressément prévues par le traité FUE (voir, en ce sens, arrêt Inuit Tapiriit Kanatami e.a./Parlement et Conseil, C‑583/11 P, EU:C:2013:625, point 98 ainsi que jurisprudence citée).

45      Cependant, le contrôle juridictionnel du respect de l’ordre juridique de l’Union est assuré, ainsi qu’il ressort de l’article 19, paragraphe 1, TUE, non seulement par la Cour, mais également par les juridictions des États membres. En effet, le traité FUE a, par ses articles 263 TFUE et 277 TFUE, d’une part, et par son article 267 TFUE, d’autre part, établi un système complet de voies de recours et de procédures destiné à assurer le contrôle de la légalité des actes de l’Union, en le confiant au juge de l’Union (arrêts Inuit Tapiriit Kanatami e.a./Parlement et Conseil, C‑583/11 P, EU:C:2013:625, points 90 et 92, ainsi que Telefónica/Commission, C‑274/12 P, EU:C:2013:852, point 57).

46      À ce titre, il convient de préciser que les justiciables ont, dans le cadre d’une procédure nationale, le droit de contester en justice la légalité de toute décision ou de tout autre acte national relatif à l’application à leur égard d’un acte de l’Union de portée générale, en excipant de l’invalidité de ce dernier (voir, en ce sens, arrêts E et F, C‑550/09, EU:C:2010:382, point 45, ainsi que Inuit Tapiriit Kanatami e.a./Parlement et Conseil, C‑583/11 P, EU:C:2013:625, point 94).

47      Il s’ensuit que le renvoi en appréciation de validité constitue, au même titre que le recours en annulation, une modalité du contrôle de la légalité des actes de l’Union (voir arrêts Zuckerfabrik Süderdithmarschen et Zuckerfabrik Soest, C‑143/88 et C‑92/89, EU:C:1991:65, point 18; ABNA e.a., C‑453/03, C‑11/04, C‑12/04 et C‑194/04, EU:C:2005:741, point 103, ainsi que Inuit Tapiriit Kanatami e.a./Parlement et Conseil, C‑583/11 P, EU:C:2013:625, point 95).

48      À cet égard, il importe de rappeler que, lorsqu’une juridiction nationale estime qu’un ou plusieurs moyens d’invalidité d’un acte de l’Union avancés par les parties ou, le cas échéant, soulevés d’office, sont fondés, elle doit surseoir à statuer et saisir la Cour d’une procédure de renvoi préjudiciel en appréciation de validité, cette dernière étant seule compétente pour constater l’invalidité d’un acte de l’Union (arrêts IATA et ELFAA, C‑344/04, EU:C:2006:10, points 27 et 30 et jurisprudence citée, ainsi que Inuit Tapiriit Kanatami e.a./Parlement et Conseil, C‑583/11 P, EU:C:2013:625, point 96).

49      À l’égard des personnes qui ne satisfont pas aux conditions de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, pour porter un recours devant la juridiction de l’Union, il incombe donc aux États membres de prévoir un système de voies de recours et de procédures permettant d’assurer le respect du droit fondamental à une protection juridictionnelle effective (arrêt Inuit Tapiriit Kanatami e.a./Parlement et Conseil, C‑583/11 P, EU:C:2013:625, point 100 ainsi que jurisprudence citée).

50      Cette obligation des États membres a été réaffirmée à l’article 19, paragraphe 1, second alinéa, TUE selon lequel ceux-ci «établissent les voies de recours nécessaires pour assurer une protection juridictionnelle effective dans les domaines couverts par le droit de l’Union» (voir arrêt Inuit Tapiriit Kanatami e.a./Parlement et Conseil, C‑583/11 P, EU:C:2013:625, point 101). Une telle obligation résulte également de l’article 47 de la Charte s’agissant des mesures prises par les États membres mettant en œuvre le droit de l’Union au sens de l’article 51, paragraphe 1, de la Charte.

51      Eu égard à l’ensemble de ces considérations, il convient de rejeter le premier moyen.

 Sur le deuxième moyen

 Argumentation des parties

52      T & L Sugars et Sidul Açúcares font valoir que le Tribunal a commis une erreur de droit en considérant qu’elles ne sont pas individuellement concernées par le règlement d’exécution nº 393/2011.

53      Le règlement d’exécution nº 393/2011 ne s’appliquerait pas à des producteurs de sucre ou à des opérateurs économiques en général, mais s’appliquerait spécifiquement à des opérateurs qui ont choisi de demander une licence d’importation et ayant présenté une demande individuelle. Il serait constitué d’une multitude de décisions individuelles répondant à des demandes individuelles.

54      Selon les requérantes, bien que le traité de Lisbonne vise à ouvrir les conditions de recevabilité des recours des particuliers contre les règlements, le Tribunal aurait adopté une interprétation encore plus restrictive de la notion tenant au fait d’être «individuellement concerné» que celle initialement retenue dans les arrêts Plaumann/Commission (25/62, EU:C:1963:17) ainsi que Toepfer et Getreide-Import Gesellschaft/Commission (106/63 et 107/63, EU:C:1965:65).

55      Selon la Commission, bien que dans le cas d’espèce, les requérantes tentent de limiter leur argument au seul règlement d’exécution nº 393/2011, il importe de constater que ce règlement n’est pas un acte isolé, mais constitue le règlement de clôture du «régime» établi par le règlement d’exécution nº 302/2011.

56      La Commission rappelle que l’arrêt Plaumann/Commission (25/62, EU:C:1963:17) dispose que les sujets, autres que le destinataire d’un acte, ne sauraient prétendre être concernés individuellement que si cet acte a pris spécifiquement en considération la situation d’un demandeur aux fins de son adoption.

57      Les régimes prévus par les règlements d’exécution nº 302/2011 et nº 393/2011, qui, combinés aux règlements nº 891/2009 et nº 1301/2006, les complètent, seraient des mesures d’application générale qui s’adressent à tous les importateurs de sucre, y compris les transformateurs de betteraves sucrières importateurs et tout autre négociant, et, en tant que telles, n’auraient pas été adoptées en prenant en considération une quelconque qualité ou condition spécifique des raffineurs à temps plein, dont font partie les requérantes.

58      Enfin, la Commission fait référence à l’arrêt Zuckerfabrik Watenstedt/Conseil (6/68, EU:C:1968:43, 605), dans lequel la Cour a jugé que la nature réglementaire d’un acte n’est pas mise en cause par la possibilité de déterminer avec plus ou moins de précision le nombre ou même l’identité des sujets de droit auxquels il s’applique à un moment donné, tant qu’il est constant que cette application s’effectue en vertu d’une situation objective de droit ou de fait définie par l’acte, en relation avec la finalité de ce dernier.

59      La République française considère que le Tribunal n’a commis aucune erreur de droit en considérant, au point 93 de l’arrêt attaqué, que le règlement d’exécution nº 393/2011 ne saurait être considéré comme un faisceau de décisions individuelles, étant donné que la Commission a fixé le coefficient d’attribution au regard de la seule quantité totale de sucre ou d’isoglucose résultant de l’ensemble des demandes soumises aux autorités nationales. Ainsi, la fixation du coefficient d’attribution permettrait uniquement de déterminer, selon une norme objective et indépendamment des demandes individuelles de chaque opérateur, dont la Commission ne prendrait d’ailleurs nullement connaissance, dans quelles proportions les autorités nationales feront droit aux demandes qui leur ont été soumises. Le seul but du règlement d’exécution nº 393/2011 serait de rendre la somme des quantités totales de sucre et d’isoglucose résultant de l’ensemble des demandes soumises aux autorités nationales conforme au volume du contingent ouvert par le règlement d’exécution nº 302/2011, sans tenir compte d’une quelconque circonstance particulière à un opérateur donné.

60      Le Conseil soutient l’argumentation de la Commission.

 Appréciation de la Cour

61      Il convient de rappeler, ainsi qu’il ressort du point 38 du présent arrêt, que le règlement d’exécution nº 393/2011 comporte des mesures d’exécution.

62      En vertu de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, une personne physique ou morale ne peut former un recours contre un acte dont elle n’est pas le destinataire et qui comporte des mesures d’exécution que si cet acte la concerne directement et individuellement.

63      En ce qui concerne la seconde de ces conditions, à savoir le fait d’être individuellement concerné par l’acte en cause, il ressort d’une jurisprudence constante que les sujets autres que les destinataires d’une décision ne peuvent prétendre être concernés individuellement que si cette décision les atteint en raison de certaines qualités qui leur sont particulières ou d’une situation de fait qui les caractérise par rapport à toute autre personne et, de ce fait, les individualise d’une manière analogue à celle d’un destinataire (arrêts Plaumann/Commission, 25/62, EU:C:1963:17, 223; Inuit Tapiriit Kanatami e.a./Parlement et Conseil, C‑583/11 P, EU:C:2013:625, point 72, ainsi que Telefónica/Commission, C‑274/12 P, EU:C:2013:852, point 46).

64      Il ressort également d’une jurisprudence constante que la possibilité de déterminer, avec plus ou moins de précision, le nombre ou même l’identité des sujets de droit auxquels s’applique une mesure n’implique nullement que ces sujets doivent être considérés comme étant concernés individuellement par cette mesure dès lors que cette application est effectuée en vertu d’une situation objective de droit ou de fait définie par l’acte en cause (voir, en ce sens, arrêts Antillean Rice Mills/Conseil, C‑451/98 P, EU:C:2001:622, point 52, et Telefónica/Commission, C‑274/12 P, EU:C:2013:852, point 47).

65      Il convient de constater que tel est le cas du règlement d’exécution nº 393/2011 dont T & L Sugars et Sidul Açúcares demandent l’annulation et au regard duquel il convient par conséquent d’examiner la qualité pour agir de ces dernières. En effet, ce règlement visant, à son article 1er, paragraphe 1, «[l]es quantités pour lesquelles des demandes de certificats d’importation ont été déposées entre le 1er et le 7 avril 2011». T & L Sugars et de Sidul Açúcares ne sauraient être considérées comme étant individualisées par cette disposition.

66      En effet, l’article 1er, paragraphe 1, du règlement d’exécution nº 393/2011 vise tous les demandeurs de certificats d’importation qui ont déposé leur demande entre le 1er et le 7 avril 2011 au niveau de l’Union. Ainsi que le Tribunal l’a justement relevé au point 85 de l’arrêt attaqué, l’article 7, paragraphe 2, du règlement nº 1301/2006 prévoit l’établissement d’un coefficient d’attribution qui est calculé en fonction de la quantité disponible et de la quantité demandée, sans tenir compte du contenu des demandes individuelles ou de la situation spécifique des demandeurs. Ainsi, le règlement d’exécution nº 393/2011 a été adopté non pas en tenant compte des qualités particulières des requérantes, mais exclusivement en tenant compte du fait que les quantités couvertes par les demandes de certificats d’importation déposées auprès des autorités compétentes du 1er au 7 avril 2011 excèdent la quantité disponible, ainsi qu’il ressort du considérant 1 de ce règlement. Ni la demande de certificat, ni plus généralement la situation individuelle de T & L Sugars et Sidul Açúcares, n’ont dès lors été prises en considération lors de l’adoption dudit règlement.

67      Il s’ensuit que c’est à bon droit que le Tribunal a jugé, au point 94 de l’arrêt attaqué, que T & L Sugars et Sidul Açúcares ne sont pas individuellement concernées par le règlement d’exécution nº 393/2011, au sens de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE.

68      Il résulte de ce qui précède que le deuxième moyen doit également être rejeté.

 Sur le troisième moyen

 Argumentation des parties

69      Dans le cadre du troisième moyen, les requérantes contestent les conclusions du Tribunal au point 97 de l’arrêt attaqué, selon lesquelles «le recours en annulation étant déclaré irrecevable, l’exception d’illégalité soulevée en relation avec ce recours doit être rejetée par voie de conséquence».

70      Selon les requérantes, dans l’hypothèse où la Cour accueillerait les arguments des requérantes, selon lesquels les règlements litigieux ne comportent pas de mesures d’exécution et concernent individuellement les requérantes, les raisons avancées par le Tribunal pour justifier le rejet de l’exception d’illégalité soulevée à l’encontre des articles 186, sous a), et 187 du règlement nº 1234/2007, perdraient tout fondement.

71      La Commission fait observer que les requérantes affirment simplement que le Tribunal a commis une erreur en rejetant ladite exception d’illégalité en raison des erreurs qu’elles ont exposées dans leur premier et deuxième moyens. Compte tenu du fait que le Tribunal n’a commis aucune erreur sur ce point, le troisième moyen devrait être rejeté.

72      La République française et le Conseil soutiennent l’argumentation de la Commission.

 Appréciation de la Cour

73      Les requérantes considèrent en substance que le Tribunal, ayant commis les erreurs de droit invoquées dans le cadre de leurs premier et deuxième moyens, ne pouvait pas rejeter l’exception d’illégalité.

74      Or, il convient de constater que, ainsi qu’il ressort des points 51 et 68 du présent arrêt, le Tribunal n’a pas commis d’erreur de droit en considérant que les conditions de recevabilité prévues à l’article 263, quatrième alinéa, TFUE n’étaient pas remplies pour former un recours contre les règlements litigieux qui comportaient des mesures d’exécution et que le règlement d’exécution nº 393/2011 ne concernait pas individuellement les requérantes. Par conséquent, le recours en annulation introduit devant le Tribunal étant irrecevable, c’est également sans commettre d’erreur de droit que celui-ci a rejeté l’exception d’illégalité soulevée par les requérantes.

75      Il s’ensuit que le troisième moyen doit être rejeté.

76      Tous les moyens soulevés par T & L Sugars et Sidul Açúcares à l’appui de leur pourvoi ayant été écartés, il convient de rejeter ce dernier dans son intégralité.

 Sur les dépens

77      En vertu de l’article 184, paragraphe 2, du règlement de procédure de la Cour, lorsque le pourvoi n’est pas fondé, la Cour statue sur les dépens. L’article 138, paragraphe 1, du même règlement, rendu applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, de celui-ci, dispose que toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

78      La Commission ayant conclu à la condamnation de T & L Sugars et de Sidul Açúcares et ces dernières ayant succombé en leurs moyens, il y a lieu de les condamner aux dépens.

Par ces motifs, la Cour (grande chambre) déclare et arrête:

1)      Le pourvoi est rejeté.

2)      T & L Sugars Ltd et Sidul Açúcares Unipessoal Lda sont condamnées aux dépens.

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