LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A ÉTÉ SAISI le 6 juillet 2016 par la Cour de cassation (chambre commerciale, arrêt n° 749 du 5 juillet 2016), dans les conditions prévues à l’article 61-1 de la Constitution, d’une question prioritaire de constitutionnalité. Cette question a été posée pour M. Gilles M., par la SCP Piwnica et Molinié, avocat au Conseil d’État et à la Cour de cassation, et pour M. Daniel V. et la société César, par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat au Conseil d’État et à la Cour de cassation. Elle a été enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2016-572 QPC. Elle est relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit de l’article L. 621-15 du code monétaire et financier dans sa rédaction issue de la loi du n° 2010-1249 du 22 octobre 2010 de régulation bancaire et financière et de l’article L. 465-2 du même code.
Au vu des textes suivants :
– la Constitution ;
– l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
– le code monétaire et financier ;
– la loi n° 2010-1249 du 22 octobre 2010 de régulation bancaire et financière ;
– la loi n° 2016-819 du 21 juin 2016 réformant le système de répression des abus de marché ;
– le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ;
Au vu des pièces suivantes :
– les observations présentées pour M. Daniel V. et la société César, par la SCP Waquet, Farge et Hazan, enregistrées le 27 juillet 2016 ;
– les observations présentées pour M. Gilles M. par la SCP Piwinica et Molinié, enregistrées les 28 juillet et 11 août 2016 ;
– les observations présentées par le Premier ministre, enregistrées le 28 juillet 2016 ;
– les observations présentées pour l’Autorité des marchés financiers, partie en défense dans la procédure à l’origine de la question prioritaire de constitutionnalité, par la SCP Ohl et Vexliard, avocat au Conseil d’État et à la Cour de cassation, enregistrées les 27 juillet et 12 août 2016 ;
– les pièces produites et jointes au dossier ;
Après avoir entendu Me Emmanuel Piwnica, avocat au Conseil d’État et à la Cour de cassation, pour M. Gilles M., Me Hélène Farge, avocat au Conseil d’État et à la Cour de cassation pour M. Daniel V. et la société César et Me Claude Nicole Ohl, avocat au Conseil d’État et à la Cour de cassation, pour l’Autorité des marchés financiers, et M. Xavier Pottier, désigné par le Premier ministre, à l’audience publique du 20 septembre 2016 ;
Et après avoir entendu le rapporteur ;
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL S’EST FONDÉ SUR CE QUI SUIT :
1. La question prioritaire de constitutionnalité doit être considérée comme portant sur les dispositions applicables au litige à l’occasion duquel elle a été posée. La présente question a été soulevée à l’occasion d’un pourvoi en cassation contre une décision ayant condamné les requérants pour des faits commis le 26 mai 2011 sur le fondement de l’article L. 621-15 du code monétaire et financier. Les requérants contestant la constitutionnalité de l’article L. 465-2 du même code en raison de la possibilité d’un cumul de poursuites pour ces mêmes faits sur le fondement de cet article, le Conseil constitutionnel est donc saisi de l’article L. 465-2 dans sa rédaction résultant de la loi du 22 octobre 2010 mentionnée ci-dessus.
2. L’article L. 465-2 du code monétaire et financier, dans cette rédaction, prévoit : « Est puni des peines prévues au premier alinéa de l’article L. 465-1 le fait, pour toute personne, d’exercer ou de tenter d’exercer, directement ou par personne interposée, une manœuvre ayant pour objet d’entraver le fonctionnement régulier d’un marché réglementé en induisant autrui en erreur.« Est puni des peines prévues au premier alinéa de l’article L. 465-1 le fait, pour toute personne, de répandre dans le public par des voies et moyens quelconques des informations fausses ou trompeuses sur les perspectives ou la situation d’un émetteur dont les titres sont négociés sur un marché réglementé ou sur les perspectives d’évolution d’un instrument financier ou d’un actif visé au II de l’article L. 421-1 admis sur un marché réglementé, de nature à agir sur les cours ».
3. L’article L. 621-15 du code monétaire et financier, dans sa rédaction résultant de la loi du 22 octobre 2010, prévoit : « I.-Le collège examine le rapport d’enquête ou de contrôle établi par les services de l’Autorité des marchés financiers, ou la demande formulée par le président de l’Autorité de contrôle prudentiel.« S’il décide l’ouverture d’une procédure de sanction, il notifie les griefs aux personnes concernées. Il transmet la notification des griefs à la commission des sanctions, qui désigne un rapporteur parmi ses membres. La commission des sanctions ne peut être saisie de faits remontant à plus de trois ans s’il n’a été fait pendant ce délai aucun acte tendant à leur recherche, à leur constatation ou à leur sanction.
« Un membre du collège, ayant examiné le rapport d’enquête ou de contrôle et pris part à la décision d’ouverture d’une procédure de sanction, est convoqué à l’audience. Il y assiste sans voix délibérative. Il peut être assisté ou représenté par les services de l’Autorité des marchés financiers. Il peut présenter des observations au soutien des griefs notifiés et proposer une sanction.
« La commission des sanctions peut entendre tout agent des services de l’autorité.
« En cas d’urgence, le collège peut suspendre d’activité les personnes mentionnées aux a et b du II contre lesquelles des procédures de sanction sont engagées.
« Si le collège transmet au procureur de la République le rapport mentionné au premier alinéa, le collège peut décider de rendre publique la transmission.
« II.-La commission des sanctions peut, après une procédure contradictoire, prononcer une sanction à l’encontre des personnes suivantes :
« a) Les personnes mentionnées aux 1° à 8° et 11° à 17° du II de l’article L. 621-9, au titre de tout manquement à leurs obligations professionnelles définies par les lois, règlements et règles professionnelles approuvées par l’Autorité des marchés financiers en vigueur, sous réserve des dispositions de l’article L. 612-39 ;
« b) Les personnes physiques placées sous l’autorité ou agissant pour le compte de l’une des personnes mentionnées aux 1° à 8° et 11° à 17° du II de l’article L. 621-9 au titre de tout manquement à leurs obligations professionnelles définies par les lois, règlements et règles professionnelles approuvées par l’Autorité des marchés financiers en vigueur, sous réserve des dispositions de l’article L. 612-39 ;
« c) Toute personne qui, sur le territoire français ou à l’étranger, s’est livrée ou a tenté de se livrer à une opération d’initié ou s’est livrée à une manipulation de cours, à la diffusion d’une fausse information ou à tout autre manquement mentionné au premier alinéa du I de l’article L. 621-14, dès lors que ces actes concernent :
« -un instrument financier ou un actif mentionné au II de l’article L. 421-1 admis aux négociations sur un marché réglementé ou sur un système multilatéral de négociation qui se soumet aux dispositions législatives ou réglementaires visant à protéger les investisseurs contre les opérations d’initiés, les manipulations de cours et la diffusion de fausses informations, ou pour lequel une demande d’admission aux négociations sur de tels marchés a été présentée, dans les conditions déterminées par le règlement général de l’Autorité des marchés financiers ;
« -un instrument financier lié à un ou plusieurs instruments mentionnés à l’alinéa précédent ;
« d) Toute personne qui, sur le territoire français, s’est livrée ou a tenté de se livrer à une opération d’initié ou s’est livrée à une manipulation de cours, à la diffusion d’une fausse information ou à tout autre manquement mentionné au dernier alinéa du I de l’article L. 621-14, dès lors que ces actes concernent :
« -un instrument financier ou un actif mentionné au II de l’article L. 421-1 admis aux négociations sur un marché réglementé d’un autre Etat membre de l’Union européenne ou partie à l’accord sur l’Espace économique européen ou pour lequel une demande d’admission aux négociations sur un tel marché a été présentée ;
« -un instrument financier lié à un ou plusieurs instruments mentionnés à l’alinéa précédent ;
« e) Toute personne qui, sur le territoire français ou étranger, s’est livrée ou a tenté de se livrer à la diffusion d’une fausse information lors d’une opération d’offre au public de titres financiers.
« III.-Les sanctions applicables sont :
« a) Pour les personnes mentionnées aux 1° à 8°,11°,12°,15° à 17° du II de l’article L. 621-9, l’avertissement, le blâme, l’interdiction à titre temporaire ou définitif de l’exercice de tout ou partie des services fournis, la radiation du registre mentionné à l’article L. 546-1 ; la commission des sanctions peut prononcer soit à la place, soit en sus de ces sanctions une sanction pécuniaire dont le montant ne peut être supérieur à 100 millions d’euros ou au décuple du montant des profits éventuellement réalisés ; les sommes sont versées au fonds de garantie auquel est affiliée la personne sanctionnée ou, à défaut, au Trésor public ;
« b) Pour les personnes physiques placées sous l’autorité ou agissant pour le compte de l’une des personnes mentionnées aux 1° à 8°,11°,12°,15° à 17° du II de l’article L. 621-9, l’avertissement, le blâme, le retrait temporaire ou définitif de la carte professionnelle, l’interdiction à titre temporaire ou définitif de l’exercice de tout ou partie des activités ; la commission des sanctions peut prononcer soit à la place, soit en sus de ces sanctions une sanction pécuniaire dont le montant ne peut être supérieur à 15 millions d’euros ou au décuple du montant des profits éventuellement réalisés en cas de pratiques mentionnées aux c et d du II ou à 300 000 euros ou au quintuple des profits éventuellement réalisés dans les autres cas ; les sommes sont versées au fonds de garantie auquel est affiliée la personne morale sous l’autorité ou pour le compte de qui agit la personne sanctionnée ou, à défaut, au Trésor public ;
« c) Pour les personnes autres que l’une des personnes mentionnées au II de l’article L. 621-9, auteurs des faits mentionnés aux c et d du II, une sanction pécuniaire dont le montant ne peut être supérieur à 100 millions d’euros ou au décuple du montant des profits éventuellement réalisés ; les sommes sont versées au Trésor public.
« Le montant de la sanction doit être fixé en fonction de la gravité des manquements commis et en relation avec les avantages ou les profits éventuellement tirés de ces manquements.
« Le fonds de garantie mentionné aux a et b peut, dans des conditions fixées par son règlement intérieur et dans la limite de 300 000 euros par an, affecter à des actions éducatives dans le domaine financier une partie du produit des sanctions pécuniaires prononcées par la commission des sanctions qu’il perçoit.
« III bis.-Dans les conditions fixées par décret en Conseil d’Etat, la récusation d’un membre de la commission des sanctions est prononcée à la demande de la personne mise en cause s’il existe une raison sérieuse de mettre en doute l’impartialité de ce membre.
« IV.-La commission des sanctions statue par décision motivée, hors la présence du rapporteur. Aucune sanction ne peut être prononcée sans que la personne concernée ou son représentant ait été entendu ou, à défaut, dûment appelé.
« IV bis.-Les séances de la commission des sanctions sont publiques.
« Toutefois, d’office ou sur la demande d’une personne mise en cause, le président de la formation saisie de l’affaire peut interdire au public l’accès de la salle pendant tout ou partie de l’audience dans l’intérêt de l’ordre public, de la sécurité nationale ou lorsque la protection des secrets d’affaires ou de tout autre secret protégé par la loi l’exige.
« V.-La décision de la commission des sanctions est rendue publique dans les publications, journaux ou supports qu’elle désigne, dans un format proportionné à la faute commise et à la sanction infligée. Les frais sont supportés par les personnes sanctionnées. Toutefois, lorsque la publication risque de perturber gravement les marchés financiers ou de causer un préjudice disproportionné aux parties en cause, la décision de la commission peut prévoir qu’elle ne sera pas publiée ».
4. M. Daniel V. et la société César soutiennent que les dispositions des articles L. 465-2 et L. 621-15 du code monétaire et financier, dès lors qu’elles permettent qu’une même personne puisse faire l’objet, pour les mêmes faits, de poursuites devant le juge pénal pour le délit de diffusion de fausses informations et devant la commission des sanctions de l’Autorité des marchés financiers pour le manquement de diffusion de fausses informations, méconnaissent le principe de nécessité des délits et des peines. M. G. soutient, pour les mêmes motifs, que l’article L. 621-15 du code monétaire et financier méconnait le principe de nécessité des délits et des peines.
5. Au sein des dispositions dont le Conseil constitutionnel est saisi, seuls le second alinéa de l’article L. 465-2 du code monétaire et financier et les mots « à la diffusion d’une fausse information » figurant au c) et au d) du paragraphe II de l’article L. 621-15 du même code sanctionnent la diffusion de fausses informations par une personne autre que celle mentionnée au paragraphe II de l’article L. 621-9 du même code. La question prioritaire de constitutionnalité porte donc sur ces dispositions.
6. Selon l’article 8 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 : « La loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires et nul ne peut être puni qu’en vertu d’une loi établie et promulguée antérieurement au délit, et légalement appliquée ». Les principes ainsi énoncés ne concernent pas seulement les peines prononcées par les juridictions pénales mais s’étendent à toute sanction ayant le caractère d’une punition. Le principe de nécessité des délits et des peines ne fait pas obstacle à ce que les mêmes faits commis par une même personne puissent faire l’objet de poursuites différentes aux fins de sanctions de nature différente en application de corps de règles distincts. Si l’éventualité que deux procédures soient engagées peut conduire à un cumul de sanctions, le principe de proportionnalité implique qu’en tout état de cause le montant global des sanctions éventuellement prononcées ne dépasse pas le montant le plus élevé de l’une des sanctions encourues.
7. En premier lieu, d’une part, le second alinéa de l’article L. 465-2 du code monétaire et financier définit le délit de diffusion de fausses informations comme le fait, pour toute personne, de répandre dans le public par des voies et moyens quelconques des informations fausses ou trompeuses sur les perspectives ou la situation d’un émetteur dont les titres sont négociés sur un marché réglementé ou sur les perspectives d’évolution d’un instrument financier ou d’un actif admis sur un marché réglementé, de nature à agir sur les cours.
8. D’autre part, les dispositions contestées de l’article L. 621-15 du code monétaire et financer définissent le manquement de diffusion de fausses informations comme le fait, pour toute personne, de se livrer à la diffusion d’une fausse information dès lors que cet acte concerne un instrument financier admis aux négociations sur un marché réglementé ou sur certains systèmes multilatéraux de négociation. La fausse information peut être une information inexacte, imprécise ou trompeuse.
9. Les dispositions contestées tendent donc à réprimer les mêmes faits. Elles définissent et qualifient de la même manière le manquement et le délit de diffusion de fausses informations.
10. En deuxième lieu, l’article L. 465-2 du code monétaire et financier relatif à la répression du délit de diffusion de fausses informations est inclus dans un chapitre de ce code consacré aux « infractions relatives à la protection des investisseurs ». Selon l’article L. 621-1 du même code, l’Autorité des marchés financiers veille à « la protection de l’épargne investie » dans les instruments financiers, divers actifs et tous les autres placements offerts au public. Ainsi, la répression du manquement de diffusion de fausses informations et celle du délit de diffusion de fausses informations poursuivent une seule et même finalité de protection du bon fonctionnement et de l’intégrité des marchés financiers. Ces répressions d’atteintes portées à l’ordre public économique s’exercent dans les deux cas non seulement à l’égard des professionnels, mais également à l’égard de toute personne ayant diffusé une information fausse ou trompeuse. Ces deux répressions protègent en conséquence les mêmes intérêts sociaux.
11. En troisième lieu, en application des articles L. 465-1 et L. 465-2, l’auteur d’un délit de diffusion de fausses informations peut être puni d’une peine de deux ans d’emprisonnement et d’une amende de 1 500 000 euros qui peut être portée au décuple du montant du profit éventuellement réalisé. En vertu des articles 131-38 et 131-39 du code pénal et L. 465-3 du code monétaire et financier, s’il s’agit d’une personne morale, le taux maximum de l’amende est égal au quintuple de celui prévu par l’article L. 465-2 et le juge pénal peut, sous certaines conditions, prononcer la dissolution de celle-ci. En application du paragraphe III de l’article L. 621-15 dans sa version contestée, l’auteur d’un manquement de diffusion de fausses informations, autre que l’une des personnes mentionnées au paragraphe II de l’article L. 621-9, encourt une sanction pécuniaire de 100 millions d’euros, qui peut être portée au décuple du montant des profits éventuellement réalisés.
12. Ainsi, si seul le juge pénal peut condamner l’auteur d’un délit de diffusion de fausses informations à une peine d’emprisonnement lorsqu’il s’agit d’une personne physique et prononcer sa dissolution lorsqu’il s’agit d’une personne morale, les sanctions pécuniaires prononcées par la commission des sanctions de l’Autorité des marchés financiers peuvent être d’une très grande sévérité et atteindre, selon les dispositions contestées de l’article L. 621-15, jusqu’à plus de soixante-six fois celles encourues devant la juridiction pénale. En outre, en vertu du paragraphe III de l’article L. 621-15, le montant de la sanction du manquement de diffusion de fausses informations doit être fixé en fonction de la gravité de celui-ci et en relation avec les avantages ou les profits éventuellement tirés et, en vertu de l’article 132-24 du code pénal, la peine prononcée en cas de condamnation pour délit de diffusion de fausses informations doit l’être en fonction des circonstances de l’infraction et de la personnalité de son auteur. Il résulte de ce qui précède que les faits prévus par les articles précités doivent être regardés comme susceptibles de faire l’objet de sanctions qui ne sont pas de nature différente.
13. Il résulte de tout ce qui précède que les sanctions des faits réprimés ne peuvent, pour les personnes autres que celles mentionnées au paragraphe II de l’article L. 621-9 du code monétaire et financier, être regardées comme de nature différente en application de corps de règles distincts.
14. Si les dispositions contestées n’instituent pas, par elles-mêmes, un mécanisme de double poursuite et de double sanction, elles le rendent possible. Toutefois, l’article 2 de la loi du 21 juin 2016 mentionnée ci-dessus a créé dans le code monétaire et financier un article L. 465-3-6 dont le paragraphe I prévoit que le procureur de la République financier ne peut mettre en mouvement l’action publique pour la poursuite des infractions réprimant les atteintes à la transparence des marchés lorsque l’Autorité des marchés financiers a procédé à la notification des griefs pour les mêmes faits et à l’égard de la même personne en application de l’article L. 621-15. De la même manière, l’Autorité des marchés financiers ne peut procéder à la notification des griefs à une personne à l’encontre de laquelle l’action publique a été mise en mouvement pour les mêmes faits par le procureur de la République financier.
15. Cette disposition, entrée en vigueur le 23 juin 2016, s’applique en cas de mise en mouvement de l’action publique ou en cas de notification des griefs à compter de cette date. Par conséquent, depuis cette date, des poursuites ne peuvent être engagées pour manquement de diffusion de fausses informations sur le fondement de l’article L. 621-15 du code monétaire et financier à l’encontre d’une personne autre que celles mentionnées au paragraphe II de l’article L. 621-9 du même code dès lors que des premières poursuites ont déjà été engagées pour les mêmes faits et à l’encontre de la même personne devant le juge pénal sur le fondement du second alinéa de l’article L. 465-2 du même code. De la même manière, des poursuites ne peuvent être engagées pour le délit de diffusion de fausses informations sur le fondement du second alinéa de l’article L. 465-2 dès lors que des premières poursuites ont déjà été engagées pour les mêmes faits et à l’encontre de la même personne devant la commission des sanctions de l’Autorité des marchés financiers sur le fondement des dispositions contestées de l’article L. 621-15 du même code.
16. En revanche, aucune disposition législative n’interdit un cumul de poursuites et de sanctions pour le délit et le manquement de diffusion de fausses informations lorsque la mise en mouvement de l’action publique et la notification des griefs sont toutes les deux intervenues avant le 23 juin 2016. Dès lors, les dispositions contestées ne sauraient permettre, sans méconnaître le principe de nécessité des délits et des peines, que des poursuites puissent être continuées pour manquement de diffusion de fausses informations sur le fondement de l’article L. 621-15 du code monétaire et financier à l’encontre d’une personne autre que celles mentionnées au paragraphe II de l’article L. 621-9 du même code dès lors que des premières poursuites ont déjà été engagées pour les mêmes faits et à l’encontre de la même personne devant le juge pénal sur le fondement du second alinéa de l’article L. 465-2 du même code. De la même manière, des poursuites ne peuvent être continuées pour le délit de diffusion de fausses informations sur le fondement du second alinéa de l’article L. 465-2 dès lors que de premières poursuites ont déjà été engagées pour les mêmes faits et à l’encontre de la même personne devant la commission des sanctions de l’Autorité des marchés financiers sur le fondement des dispositions contestées de l’article L. 621-15 du même code.
17. Sous la réserve énoncée au paragraphe précédent, le second alinéa de l’article L. 465-2 du code monétaire et financier et les mots « à la diffusion d’une fausse information » figurant au c) et au d) du paragraphe II de l’article L. 621-15 du même code, qui ne sont pas contraires au principe de nécessité des délits et des peines, ne sont contraires à aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit. Ils doivent être déclarés conformes à la Constitution.
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE :
Article 1er.- Sous la réserve énoncée au paragraphe 16, le second alinéa de l’article L. 465-2 du code monétaire et financier et les mots « à la diffusion d’une fausse information » figurant au c) et au d) du paragraphe II de l’article L. 621-15 du code monétaire et financier dans leur rédaction résultant de la loi n° 2010-1249 du 22 octobre 2010 de régulation bancaire et financière sont conformes à la Constitution.
Article 2.- Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l’article 23-11 de l’ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée.
Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 29 septembre 2016, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, Mme Claire BAZY MALAURIE, MM. Jean-Jacques HYEST, Lionel JOSPIN, Mmes Corinne LUQUIENS et Nicole MAESTRACCI.
Rendu public le 30 septembre 2016.
ECLI:FR:CC:2016:2016.572.QPC