Le Conseil d’Etat ; — Vu la requête et le mémoire ampliatif présentés par la Compagnie des chemins de fer du Midi, tendant à ce qu’il plaise au Conseil d’annuler une décision, en date du 20 avril 1916, par laquelle le ministre des travaux publics a rejeté sa demande d’indemnité pour perte de recettes due au détournement de trafic résultant de l’établissement de l’embranchement particulier desservant les Magasins généraux de Toulouse ; — Vu le cahier des charges régissant la concession de la Compagnie des chemins de fer du Midi, notamment l’art. 62 ; — Vu la loi du 3 décembre 1908 ; — Vu la loi du 24 mai 1872 ; — Considérant que la loi du 3 décembre 1908, après avoir étendu aux propriétaires, concessionnaires des magasins généraux ainsi qu’aux concessionnaires d’un outillage public et aux propriétaires d’un outillage privé dûment autorisé sur les ports maritimes ou de navigation intérieure, le droit d’embranchement reconnu aux propriétaires de mines ou d’usines, dans les conditions stimulées par l’art. 62 du cahier des charges des concessions de chemins de fer d’intérêt général, annexé à la loi du 4 décembre 1875, dispose, dans son art. 3, qu’il sera statué par le Conseil d’Etat sur les indemnités qui pourraient être réclamées par les compagnies de chemins de fer à raison du préjudice qui leur serait causé par l’application de la loi ; — Considérant que cette dernière disposition doit être entendue en ce sens qu’elle subordonne le droit à indemnité de toute compagnie intéressée, non seulement à l’existence d’un préjudice démontré qui lui aurait été causé par un raccordement entre les voies ferrées et les voies d’eau, mais encore à l’intervention préalable du pouvoir concédant, suivie de pourparlers au cours desquels les sollicitations adressées à la Compagnie par l’Administration permettraient d’établir le caractère de sujétion extra-contractuelle du raccordement envisagé, obligeraient la compagnie à faire des réserves sur ses conséquences préjudiciables, et mettraient l’Etat à même d’apprécier l’utilité des travaux projetés et de mesurer l’étendue de la responsabilité qui pourrait lui incomber à raison de son intervention ; mais qu’il n’a pas été dans l’intention du législateur de mettre à la charge de l’Etat la réparation du préjudice qui subirait une compagnie par le seul fait qu’elle aurait consenti, postérieurement à la mise en vigueur de la loi du 3 décembre 1908, un raccordement, en vertu d’un accord auquel le pouvoir concédant serait resté complètement étranger ; — Considérant qu’il résulte de l’instruction que, dès 1899, les Magasins généraux de Toulouse avaient obtenu un embranchement avec les voies de la Compagnie des chemins de fer du Midi ; que, par un traité passé le 20 avril 1910, sans que l’Administration soit intervenue dans la préparation et la rédaction de ce traité, ladite compagnie a autorisé la Société des magasins généraux de Toulouse à prolonger son embranchement jusqu’à une voie latérale au canal du Midi ; que c’est seulement le 30 avril 1910 que la compagnie requérante a soumis le traité précité à l’approbation du ministre des travaux publics ; que, si les accords conclus entre la Compagnie des chemins de fer du Midi et la Société des magasins généraux de Toulouse ont eu pour résultat de relier la voie ferrée au canal du Midi, un tel raccordement ne peut être regardé comme ayant été établi dans les conditions, ci-dessus définies, auxquelles la loi du 3 décembre 1908 subordonne la réparation des sujétions qu’elle permet d’imposer aux compagnies de chemins de fer ; que la compagnie requérante n’est, dès lors, pas fondée à demander une indemnité, à raison du préjudice qu’elle soutient lui avoir été causé par le détournement de trafic qui aurait été la conséquence dudit raccordement, pendant la période comprise entre le 1er mars 1915 et le 29 février 1916 ; — Art. 1er. La requête de la Compagnie des chemins de fer du Midi est rejetée.
Du 11 juillet 1919, – Cons. d’Etat. – MM. Alibert, rapp. ; Corneille, comm. du gouv.