Conseil d’État
N° 339943
ECLI:FR:CESSR:2013:339943.20130313
Mentionné dans les tables du recueil Lebon
1ère et 6ème sous-sections réunies
M. Jean Lessi, rapporteur
Mme Maud Vialettes, rapporteur public
lecture du mercredi 13 mars 2013
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Texte intégral
Vu le pourvoi, enregistré le 25 mai 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présenté pour le département de Tarn-et-Garonne, représenté par le président du conseil général ; le département demande au Conseil d’Etat d’annuler la décision n° 080261 et 080262 du 22 janvier 2010 par laquelle la commission centrale d’aide sociale, statuant par voie d’évocation après avoir annulé pour irrégularité les décisions du 4 octobre 2007 par lesquelles la commission départementale d’aide sociale de Tarn-et-Garonne avait, à la demande du département, interprété deux de ses précédentes décisions du 25 mai 2007 annulant deux décisions du président du conseil général de ce département du 6 janvier 2006 attribuant à M. B… C…et à Mme A…C…, à la suite de leur hébergement par un accueillant familial, l’allocation personnalisée d’autonomie selon de nouvelles modalités, a interprété les décisions juridictionnelles en cause ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de l’action sociale et des familles ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
– le rapport de M. Jean Lessi, Maître des Requêtes,
– les conclusions de Mme Maud Vialettes, rapporteur public ;
1. Considérant que le recours en interprétation d’une décision juridictionnelle n’est recevable que s’il émane d’une partie à l’instance ayant abouti au prononcé de la décision dont l’interprétation est sollicitée et dans la seule mesure où il peut valablement être argué que cette décision est obscure ou ambiguë ;
2. Considérant qu’il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par deux décisions du 25 mai 2007, la commission départementale d’aide sociale de Tarn-et-Garonne, saisie respectivement par M. C…et par MmeC…, a annulé deux décisions du 6 janvier 2006 du président du conseil général de ce département révisant à la baisse leurs droits respectifs à l’allocation personnalisée d’autonomie, en fondant ces annulations sur le motif que les deux décisions litigieuses, qui étaient intervenues à la suite de demandes formulées par les intéressés, n’avaient pas été prises dans le délai de deux mois prévu pour l’instruction des demandes d’allocation personnalisée d’autonomie par l’article L. 232-14 du code de l’action sociale et des familles ; que, par la décision attaquée, la commission centrale d’aide sociale, statuant par voie d’évocation après avoir annulé pour irrégularité, par des motifs non contestés, les décisions du 4 octobre 2007 par lesquelles la commission départementale d’aide sociale avait, à la demande du département, interprété ses décisions du 25 mai 2007, a procédé à l’interprétation des décisions juridictionnelles en cause ;
3. Considérant que ni les dispositifs ni les motifs de ces deux décisions d’annulation n’étaient entachés d’obscurité ou d’ambiguïté ; que si d’éventuelles difficultés d’exécution, découlant notamment du motif d’annulation retenu par la commission départementale d’aide sociale, pouvaient le cas échéant justifier, soit que le département de Tarn-et-Garonne sollicite par la voie de l’appel, s’il s’y croyait fondé, la réformation des décisions en cause, soit qu’il demande au Conseil d’Etat d’être éclairé sur leurs modalités d’exécution en application des dispositions de l’article R. 931-1 du code de justice administrative, elles ne pouvaient en revanche être utilement invoquées à l’appui d’un recours en interprétation devant la commission départementale ;
4. Considérant qu’il résulte de ce qui précède que les demandes en interprétation dont le département de Tarn-et-Garonne a saisi la commission départementale d’aide sociale de ce département étaient irrecevables ; qu’il appartenait à la commission centrale d’aide sociale de relever d’office ces irrecevabilités ; que faute d’y avoir procédé, l’article 2 de sa décision du 22 janvier 2010 doit être annulé ;
5. Considérant qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de régler dans cette mesure l’affaire au fond en application des dispositions de l’article L. 821-2 du code de justice administrative et, pour les raisons indiquées ci-dessus, de rejeter les demandes d’interprétation présentées devant la commission départementale d’aide sociale de Tarn-et-Garonne par le département ;
6. Considérant qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de faire droit aux conclusions présentées par MmeE…, venant aux droits de MmeC…, et par M. C…, sur le fondement des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative, et de mettre à la charge du département de Tarn-et-Garonne le versement, à ce titre, d’une somme de 800 euros à chacun d’eux ;
D E C I D E :
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Article 1er : L’article 2 de la décision de la commission centrale d’aide sociale du 22 janvier 2010 est annulé.
Article 2 : Les demandes d’interprétation présentées par le département de Tarn-et-Garonne devant la commission départementale d’aide sociale de ce département sont rejetées.
Article 3 : Le département de Tarn-et-Garonne versera à Mme E…et à M. C… une somme de 800 euros chacun au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : La présente décision sera notifiée au département de Tarn-et-Garonne, à Mme D…E…et à M. B…C….
Analyse
Abstrats : 54-02-03 PROCÉDURE. DIVERSES SORTES DE RECOURS. RECOURS EN INTERPRÉTATION. – 1) POSSIBILITÉ DE FORMER UN RECOURS EN INTERPRÉTATION DEVANT UNE JURIDICTION SPÉCIALISÉE – EXISTENCE (SOL. IMPL.) [RJ1] – 2) RECEVABILITÉ – CONDITIONS [RJ2] – 3) CARACTÈRE D’ORDRE PUBLIC DE L’IRRECEVABILITÉ DU RECOURS EN INTERPRÉTATION – EXISTENCE, Y COMPRIS EN CASSATION.
54-07-01-04-01-02 PROCÉDURE. POUVOIRS ET DEVOIRS DU JUGE. QUESTIONS GÉNÉRALES. MOYENS. MOYENS D’ORDRE PUBLIC À SOULEVER D’OFFICE. EXISTENCE. – IRRECEVABILITÉ DU RECOURS EN INTERPRÉTATION – EXISTENCE, Y COMPRIS EN CASSATION.
54-08-02-004-03-01 PROCÉDURE. VOIES DE RECOURS. CASSATION. RECEVABILITÉ. RECEVABILITÉ DES MOYENS. MOYEN D’ORDRE PUBLIC. – EXISTENCE – IRRECEVABILITÉ DU RECOURS EN INTERPRÉTATION.
Résumé : 54-02-03 1) Le recours en interprétation est possible devant une juridiction spécialisée.,,2) Un tel recours n’est recevable que s’il émane d’une partie à l’instance ayant abouti au prononcé de la décision dont l’interprétation est sollicitée et dans la seule mesure où il peut valablement être argué que cette décision est obscure ou ambiguë.,,3) L’irrecevabilité du recours en interprétation présenté en première instance est d’ordre public, y compris en cassation.
54-07-01-04-01-02 L’irrecevabilité du recours en interprétation présenté en première instance est d’ordre public, y compris en cassation.
54-08-02-004-03-01 L’irrecevabilité du recours en interprétation présenté en première instance est d’ordre public, y compris en cassation.
[RJ1] Cf., pour un précédent concernant la section des assurances sociales du conseil national de l’Ordre des médecins, CE, Section, 23 février 1951, Sieur Araf, n° 4700, p. 110.,,[RJ2] Cf. CE, 28 novembre 1934, Ville de Bagnères-de-Luchon, p. 1122 ; CE, 14 novembre 1956, Sieur Airlin, p. 431 ; CE, Assemblée, 7 juillet 1950, Secrétaire d’Etat à la présidence du Conseil, p. 427 ; CE, 16 mai 1975, Ministre de l’équipement c/ consorts Ybert, n° 96229, T. p. 1209.