REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu 1°), sous le n° 194 491, la requête, enregistrée le 26 février 1998 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentée pour l’UNION PROFESSIONNELLE ARTISANALE, dont le siège est …, représentée par son président en exercice ; l’UNION PROFESSIONNELLE ARTISANALE demande au Conseil d’Etat d’annuler pour excès de pouvoir l’article 3 du décret n° 97-1252 du 29 décembre 1997 modifiant les taux de cotisations d’assurance maladie et d’allocations familiales de certains assurés et modifiant le code de la sécurité sociale (troisième partie : décrets) ;
Vu 2°), sous le n° 194 545, la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 2 mars 1998 et 31 mars 1998 présentés pour l’ORDRE DES AVOCATS A LA COUR D’APPEL D’ORLEANS, dont le siège est …, représenté par son bâtonnier en exercice ; l’ORDRE DES AVOCATS A LA COUR D’APPEL D’ORLEANS demande au Conseil d’Etat d’annuler pour excès de pouvoir l’article 3 du décret n° 97-1252 du 29 décembre 1997 modifiant les taux de cotisations d’assurance maladie et d’allocations familiales de certains assurés et modifiant le code de la sécurité sociale (troisième partie : décrets) ;
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu la Constitution, notamment ses articles 34, 37 et 62 ;
Vu le code de la sécurité sociale ;
Vu la loi n° 97-1164 du 19 décembre 1997 de financement de la sécurité sociale pour 1998, ensemble la décision du Conseil constitutionnel n° 97-393 DC du 18 décembre 1997 ;
Vu l’ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
– le rapport de M. Donnat, Auditeur,
– les observations de la SCP Célice, Blancpain, Soltner, avocat de l’UNION PROFESSIONNELLE ARTISANALE et de l’ORDRE DES AVOCATS A LA COUR D’ORLEANS,
– les conclusions de Mme Maugüé, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que les requêtes de l’UNION PROFESSIONNELLE ARTISANALE et de l’ORDRE DES AVOCATS A LA COUR D’APPEL D’ORLEANS sont dirigées contre l’article 3 du décret n° 97-1252 du 29 décembre 1997 qui modifie l’article D. 612-4 du code de la sécurité sociale relatif aux taux des cotisations dues par les assurés obligatoires du régime d’assurance maladie des travailleurs non salariés des professions non agricoles ; qu’il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;
Sur les moyens de légalité externe :
En ce qui concerne le vice d’incompétence invoqué :
Considérant que la compétence que le législateur est susceptible d’exercer en vertu de l’article 34 de la Constitution s’agissant de la fixation des règles d’assiette, de taux et des modalités de recouvrement des impositions de toute nature est distincte de celle qui lui incombe en ce qui concerne la détermination des principes fondamentaux de la sécurité sociale ; que si à ce dernier titre, il lui appartient de déterminer les catégories de personnes assujetties à l’obligation de cotiser ainsi que le cas échéant le partage de cette obligation entre employeurs et salariés, il revient au pouvoir réglementaire, conformément à l’article 37 de la Constitution, de fixer le taux de la part qui incombe à chacune de ces catégories dans le payement de la cotisation ; qu’ainsi, l’ORDRE DES AVOCATS A LA COUR D’APPEL D’ORLEANS n’est pas fondé à soutenir que le gouvernement aurait excédé sa compétence en fixant un taux de cotisation sociale qui équivaudrait selon lui à une imposition nouvelle ; qu’il suit de là que le moyen tiré de ce que l’article 3 du décret attaqué aurait empiété sur la compétence réservée au législateur par la Constitution ne peut qu’être écarté ;
En ce qui concerne l’irrégularité de procédure alléguée :
Considérant qu’il résulte des dispositions combinées des articles L. 616-3 et L. 612-4 du code de la sécurité sociale que le décret qui fixe le taux et les modalités de calcul des cotisations doit être pris après avis du conseil d’administration de la caisse nationale d’assurance maladie et maternité des travailleurs non salariés ; que, lors de la séance de ce conseil au cours de laquelle il a émis un avis sur le projet de décret, le quorum de la moitié au moins des membres, exigé en vertu de l’article R. 611-25 du code de la sécurité sociale, était réuni ; qu’ainsi, le moyen tiré de ce que l’article 3 du décret attaqué aurait été pris à la suite d’une procédure irrégulière ne peut qu’être écarté ;
Sur les moyens de légalité interne :
En ce qui concerne le moyen tiré de la méconnaissance par le décret attaqué du rapport annexé à la loi du 19 décembre 1997 :
Considérant qu’aux termes de l’article L.O. 111-3, ajouté au code de la sécurité sociale par la loi organique du 22 juillet 1996 : « Chaque année, la loi de financement de la sécurité sociale : 1° Approuve les orientations de la politique de santé et de sécurité sociale et les objectifs qui déterminent les conditions générales de l’équilibre financier de la sécurité sociale » ; qu’en vertu de l’article L.O. 111-4, ajouté au code précité par la même loi, le projet de loi de financement de la sécurité sociale de l’année est accompagné d’un « rapport présentant les orientations de la politique de santé et de sécurité sociale et les objectifs qui déterminent les conditions générales de l’équilibre financier de la sécurité sociale » ;
Considérant que les orientations et les objectifs présentés par le rapport accompagnant la loi de financement de la sécurité sociale ne sont pas revêtus de la portée normative qui s’attache aux dispositions de celle-ci ; que, par suite, les organisations requérantes ne sauraient utilement soutenir que le décret attaqué méconnaîtrait les indications contenues dans le rappport annexé à la loi du 19 décembre 1997 ;
En ce qui concerne les autres moyens de légalité interne :
Considérant que, dans sa décision n° 97-393 DC du 18 décembre 1997 par laquelle il s’est prononcé sur la conformité à la Constitution de la loi de financement de la sécurité sociale pour 1998, le Conseil constitutionnel a relevé, à propos des dispositions de l’article 5 de ce texte qui majorent les taux de la contribution sociale généralisée, qu’il appartiendra au pouvoir réglementaire de fixer les nouveaux taux des cotisations d’assurance maladie de façon à ne pas créer de « rupture caractérisée de l’égalité » entre catégories socioprofessionnelles ;
Considérant que les travailleurs non salariés des professions non agricoles sont soumis depuis l’intervention de la loi du 12 juillet 1966 à un régime de sécurité sociale spécifique dont l’équilibre financier dépend notamment de la capacité contributive des différentes catégories de cotisants ; qu’eu égard aux particularités inhérentes à ce régime, la circonstance que les modifications des taux de cotisations opérées par les dispositions de l’article 3 du décret attaqué entraîneraient, pour certains membres des professions intéressés, un gain de pouvoir d’achat inférieur à celui dont bénéficient les salariés soumis au régime général de la sécurité sociale, n’est pas contraire aux dispositions de la loi du 19 décembre 1997 ; qu’elle n’entraîne pas non plus de rupture caractérisée de l’égalité des citoyens devant les charges publiques ;
Considérant que l’article 3 du décret attaqué a fixé les nouveaux taux de cotisations d’assurance maladie de telle sorte que leur remplacement partiel par la contributionsociale généralisée soit favorable en priorité aux titulaires de faibles revenus ; qu’à cet effet, la diminution des cotisations d’assurance maladie a été fixée à 5,5 points sous plafond et à 3,7 points entre une et cinq fois le plafond ; qu’en procédant de la sorte, le pouvoir réglementaire n’a pas, eu égard à l’objectif de solidarité mis en oeuvre par un régime obligatoire de sécurité sociale, porté une atteinte illégale à l’égalité entre les membres d’une même catégorie socioprofessionnelle ;
Considérant qu’il résulte de ce qui précède que l’UNION PROFESSIONNELLE ARTISANALE et l’ORDRE DES AVOCATS A LA COUR D’APPEL D’ORLEANS ne sont pas fondés à demander l’annulation de l’article 3 du décret n° 97-1252 du 29 décembre 1997 ;
Article 1er : La requête n° 194 491 de l’UNION PROFESSIONNELLE ARTISANALE et la requête n° 194 545 de l’ORDRE DES AVOCATS A LA COUR D’APPEL D’ORLEANS sont rejetées.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à l’UNION PROFESSIONNELLE ARTISANALE, à l’ORDRE DES AVOCATS A LA COUR D’APPEL D’ORLEANS au Premier ministre et au ministre de l’emploi et de la solidarité.