Vu LA REQUÊTE présentée pour le syndicat national des chemins de fer de France et des colonies, agissant poursuites et diligences de son secrétaire général, et, en tant que de besoin, pour le sieur Pijoury, ancien ouvrier ferblantier aux ateliers de Landy de la compagnie des chemins de fer du Nord…, tendant à.ce qu’il plaise au Conseil annuler, pour excès de pouvoir, un arrêté du ministre de la Guerre, en date du 11 oct. 1910, portant ordre d’appel sous les drapeaux du personnel de la 5e section dé chemins de fer de campagne et des subdivisions complémentaires territoriales qui y sont rattachées, ainsi que du personnel de la division de la traction de la 8° section pour une période de vingt et un jours à dater du 13 oct. 1910, ordre notifié personnellement au sieur Pijoury par convocation du commandant de recrutement du cinquième bureau du département de la Seine, en date du 12 oct. 1910; — Ce faire, attendu que l’arrêté ministériel est entaché de détournement de pouvoir; qu’il a été pris dans le but non dissimulé de contraindre les ouvriers et employés de la compagnie des chemins de fer du Nord, qui venaient de se mettre en grève, à reprendre le travail ; qu’en déclarant la grève les employés de la compagnie du Nord n’ont fait qu’user d’un droit qui leur appartient depuis les lois des 25 mai 1864 et 21 mars 1884 et qu’aucun texte de loi ne leur a enlevé; que, d’autre part, l’arrêté ministériel du 11 oct. 1910 a été pris en vertu des décrets du 8 déc. 1909 et du 16 juill. 1910; mais que le décret du 8 déc. 1909 qui seul a organisé les sections de chemins de fer de campagne n’a été publié ni au Bulletin des lois, ni au Journal officiel et qu’il n’a par suite aucune force obligatoire; pas plus d’ailleurs que le décret du 16 juill. 1910 qui n’est qu’une application et un complément de celui du 8 déc. 1909; qu’enfin le décret du 16juill. 1910, publié seulement au Journal officiel du 12 octobre suivant, n’était obligatoire à Paris que le 14 octobre et, sur la plus grande partie du réseau du Nord, le 15 octobre seulement, conformément aux dispositions-du décret du 5 nov. 1870; qu’il ne pouvait, dès lors, être adressé le 12 octobre des ordres d’appel à une catégorie d’employés et d’ouvriers dont la convocation ne pouvait être régulièrement imposée que le 14 octobre ; qu’ainsi c’est à tort qu’un ordre d’appel a été le 12 octobre adressé au sieur Pijoury le convoquant pour le 13 octobre;
Vu (les lois des 21 mars 1905, 28 déc. 1888; les décrets des 5-11 nov. 1870, 8 déc. 1909, 16 juill. 1910; les lois des 7-14 oct. 1790 et 24 mai 1872);
Sur le moyen tiré de ce que le décret du 8 déc. 1909 n’a été publié ni au « Journal officiel », ni au « Bulletin des lois » : — Cons. que le décret du 8 déc. 1909 reproduit les dispositions de celui du 5 févr. 1889 qui a été publié au Journal officiel le 6 du même mois ; qu’il n’y a introduit d’autres modifications que les changements de dénomination nécessités par le rachat par l’Etat du réseau du chemin de fer de l’Ouest, et la réunion en un seul des tableaux A et B annexés au décret de 1889 ; qu’il n’a apporté aucun changement à la situation des agents des compagnies de chemins de fer et du réseau de l’Etat et que notamment son art. 5 reproduit textuellement l’art. 5 du décret du 5 févr. 1889, aux termes duquel, « les sections de chemins de fer de campagne seront en tempe de paix soumises à des inspections, appels, revues et réunions d’instruction sur l’ordre du ministre de la Guerre »; qu’il suit de là que le défaut de publication du décret du 8 déc. 1909 au Journal officiel ou au Bulletin des lois ne pouvait pas porter atteinte au droit du ministre de convoquer, pour une période de vingt et un jours, le personnel de la 5e section et de partie de la 8e section de chemins de fer de campagne;
Sur le moyen tiré de ce que le décret du 16 juill. 1910 n’a été publié au Journal officiel » que le 12 octobre suivant : — Cons. que l’arrêté ministériel attaqué, en date du 11 oct. 1910, aune base légale dans le décret du 16 juill. 1910 qui a organisé les subdivisions complémentaires des sections de chemins de fer de campagne; que la circonstance que ce décret n’a été publié au Journal officiel que le 12 oct. 1910, alors que le personnel visé par l’arrêté ministériel du 11 oct. 1910 était convoqué pour une période de vingt et un jours à dater du 13 octobre suivant ne pouvait avoir pour effet que d’autoriser les intéressés, au cas où des poursuites-auraient été exercées contre eux pour n’avoir pas obéi ledit jour à la convocation, à soutenir que le décret du 16 juill. 1910 et l’arrêté ministériel pris en exécution de ce décret n’étaient obligatoires pour chacun d’eux, aux termes de l’art. 2 du décret sus-visé des 5-11 nov. 1870, qu’un jour franc après que le Journal officiel serait parvenu au chef-lieu de l’arrondissement de leur résidence; mais que l’arrêté ministériel ne serait pas en lui-même entaché, de ce fait, d’illégalité; que d’ailleurs, en fait, une instruction ministérielle du 13 oct. 1910 a prescrit aux commandants des sections de chemins de fer de campagne de ne rechercher comme retardataires que ceux des employés et ouvriers de la compagnie des chemins de fer du Nord qui n’auraient rejoint leur poste qu’après le 14 octobre à 6 heures du matin, c’est-à-dire précisément après l’expiration du délai prévu à l’art. 2 du décret précité des 5-11 nov. 1870 ;
Sur le moyen tiré de ce que le ministre de la Guerre aurait usé de ses pouvoirs dans un but autre que celui en vue duquel ils lui ont été conférés : — Cons. qu’en convoquant, au cours d’une grève, pour une période de service de vingt et un jours à accomplir sous le régime militaire, les employés et ouvriers de la compagnie des chemins de fer du Nord faisant partie de la 5e section et de la 8e section des chemins de fer de campagne et des subdivisions complémentaires rattachées à ces sections, le ministre de la Guerre a entendu assurer la continuité du service des chemins de fer, dont le fonctionnement régulier et ininterrompu est, à toute époque, indispensable à la sécurité du territoire et à la défense nationale ; qu’ainsi la décision attaquée a été prise pour la sauvegarde des intérêts dont le ministre de la Guerre a la charge;… (Rejet).