REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés au secrétariat du Contentieux du Conseil d’Etat les 27 mars 1992 et 13 avril 1992, présentés pour le Port autonome de Marseille, dont le siège est …, agissant par ses représentants légaux ; le Port autonome de Marseille demande que le Conseil d’Etat :
1°) annule l’arrêt du 10 mars 1992 par lequel la cour administrative d’appel de Lyon a, à la demande de la commune de Port-de-Bouc, d’une part, annulé l’ordonnance du 20 août 1991 par laquelle le président du tribunal administratif de Marseille a rejeté la demande de ladite commune tendant à la condamnation de l’Etat et du Port autonome de Marseille à lui verser une provision de 6 000 000 F en réparation du préjudice subi du fait de désordres affectant le pont qu’enjambe le canal d’Arles, d’autre part, condamné solidairement le Port autonome de Marseille et l’Etat à verser une provision de 3 000 000 F à ladite commune ;
2°) décide qu’il sera sursis à l’exécution dudit arrêt ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des ports maritimes ;
Vu l’article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel ;
Vu l’ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
– le rapport de M. Genevois, Conseiller d’Etat,
– les observations de la S.C.P. Guiguet, Bachellier, de la Varde, avocat du Port autonome de Marseille et de la S.C.P. Vier, Barthélemy, avocat de la commune de Port-de-Bouc,
– les conclusions de M. Scanvic, Commissaire du gouvernement ;
Sur les conclusions à fin de non-lieu présentées pour la commune de Port-de-Bouc :
Considérant que par un jugement en date du 2 mars 1993, le tribunal administratif de Marseille a statué au fond ; que la commune de Port-de-Bouc soutient que l’intervention de ce jugement rend sans objet le litige relatif au paiement d’une provision dès lors que l’indemnité qui lui est allouée par le tribunal administratif est supérieure à la provision primitivement accordée ;
Considérant, toutefois, que le jugement du 2 mars 1993, qui a été frappé d’appel, n’est pas passé en force de chose jugée ; que le pourvoi en cassation par lequel le Port autonome de Marseille conteste la décision de justice le condamnant à verser à la commune une provision n’est donc pas devenu sans objet ;
Sur le moyen tiré de ce que l’appel de la commune était irrecevable :
Considérant qu’il résulte du rapprochement des articles R. 129 et R. 132 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel que la décision par laquelle le président du tribunal administratif ou son délégué statue sur une demande de provision est susceptible d’appel devant la cour administrative dès lors que le litige se rattache à la compétence de cette juridiction et ceci sans qu’il y ait lieu de distinguer selon qu’il y a octroi ou refus de la provision ; que c’est donc par une exacte application des dispositions réglementaires précitées que la cour administrative d’appel a admis la recevabilité de l’appel de la commune de Port-de-Bouc à l’encontre de l’ordonnance du président du tribunal administratif de Marseille refusant de faire droit à la demande de provision dont elle l’avait saisi sur le fondement de l’article R. 129 du code précité ;
Sur les autres moyens de la requête :
Considérant, d’une part, que le juge d’appel s’est référé aux conclusions de l’expertise prescrite au fond pour estimer que les désordres affectant le pont construit par la commune de Port-de-Bouc et qui enjambe le canal reliant Arles à cette commune, ont pour origine les travaux d’élargissement dudit canal, lesquels ont été effectués par le port autonome ; qu’il ne ressort pas des pièces du dossier au vu duquel a statué la cour administrative d’appel que son arrêt soit fondé sur des faits matériellement inexacts ;
Considérant, d’autre part, que sur le fondement de l’article R. 129 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel, le juge du référé administratif peut accorder une provision au créancier qui a saisi le tribunal ou la cour d’une demande au fond « lorsque l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable » ;
Considérant qu’après avoir relevé que les travaux d’élargissement du canal d’Arles à Port-de-Bouc sont à l’origine des désordres dont la commune de Port-de-Bouc a demandé réparation, la cour administrative d’appel a prononcé la condamnation solidaire de l’Etat et du Port autonome de Marseille en raison de l’obligation solidaire qui pèse sur eux de réparer le dommage causé à la commune ; que si le Port autonome de Marseille, pour soutenir qu’il ne pouvait être condamné solidairement avec l’Etat à verser une provision à la commune de Port-de-Bouc, se prévaut, devant le juge de cassation, de ce que les travaux ont été faits par lui pour le compte de l’Etat, la qualité ainsi revendiquée ne ressort pas des pièces du dossier au vu duquel la cour administrative d’appel a statué ; que la cour qui n’était donc pas tenue de la rechercher d’office a pu, sans erreur de droit, estimer que l’obligation qu’avait la commune de Port-de-Bouc vis-à-vis du Port autonome de Marseille n’était pas sérieusement contestable et condamner ce dernier, solidairement avec l’Etat, à verser une provision à la commune ;
Considérant, enfin, qu’il est soutenu devant le juge de cassation que la pile du pont endommagée étant implantée sur le domaine public de l’Etat, la cour n’aurait pu sans erreur de droit, reconnaître à la commune droit à indemnité pour les dommages qu’elle subit du fait de l’exécution de travaux réalisés dans l’intérêt du domaine ; que ce moyen n’a pas été présenté devant les juges du fond ; qu’au vu du dossier qui leur était soumis, il n’avait pas à être soulevé d’office ; qu’il ne peut dès lors qu’être rejeté ;
Considérant qu’il résulte de ce qui précède et sans qu’il soit besoin de statuer sur la recevabilité de sa requête, que le Port autonome de Marseille n’est pas fondé à demander l’annulation de l’arrêt attaqué ;
Sur les conclusions tendant à l’application de l’article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 :
Considérant que, dans les circonstances de l’affaire, il y a lieu de faire droit aux conclusions de la commune de Port-de-Bouc tendant à ce que le port autonome de Marseille soit condamné à lui verser la somme de 11 860 F au titre des frais irrépétibles ;
Article 1er : La requête susvisée du Port autonome de Marseille est rejetée.
Article 2 : Le Port autonome de Marseille est condamné à payer à la commune de Port-de-Bouc la somme de 11 860 F au titre des frais irrépétibles.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au Port autonome de Marseille, à la commune de Port-de-Bouc et au ministre de l’équipement, des transports et du tourisme.