REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Requête de la société pour l’esthétique générale de la France , représentée par son président en exercice, tendant à l’annulation pour excès de pouvoir d’une décision, en date du 2 août 1952, par laquelle le Ministre de la Reconstruction et de l’Urbanisme a rejeté la demande de ladite société tendant à ce que soient arrêtés les travaux projetés ou commencés à Rezé et à Strasbourg;
Vu l’ordonnance du 27 octobre 1945 ; l’ordonnance du 31 juillet 1945 et le décret du 30 septembre 1953 ;
CONSIDÉRANT qu’aux termes de l’article 1er de l’ordonnance du 27 octobre 1945 « quiconque désire entreprendre une construction, à usage d’habitation ou non, doit, au préalable, obtenir un permis de construire. Cette obligation, s’impose aux services publics et concessionnaires de services publics de l’Etat, des départements et des communes comme aux personnes privées », et qu’en vertu de l’article 3 « des arrêtés concertés entre le Ministre chargé de l’Urbanisme et les autres ministres intéressés déterminent la liste des constructions et des travaux qui, en raison de leur nature ou de leur faible importance, pourront être exemptés du permis de construire, à condition qu’ils ne soient pas soumis, par ailleurs, à des dispositions législatives ou réglementaires spéciales » ;
En ce qui concerne l’immeuble de Strasbourg : Cons., d’une part, que par une décision en date du 14 décembre 1951 le Conseil d’Etat statuant au contentieux a annulé, comme entaché d’excès de pouvoir, l’arrêté du Ministre de la Reconstruction et de l’Urbanisme, en date du 25 juillet 1949, pris en application de l’article 3 précité et prévoyant des exemptions du permis de construire pour les constructions ou travaux ayant un caractère expérimental ; que l’arrêté individuel du 6 août 1951 exemptant, en raison de son caractère expérimental, la construction dont s’agit par application de l’arrêté du 25 juillet 1949 est entaché de la même illégalité ; que ledit arrêté individuel, n’ayant fait l’objet d’aucune publication, n’est pas devenu définitif à l’égard des tiers ; que, par suite, la société réquérante est recevable à en invoquer l’illégalité à l’appui du présent pourvoi ;
Cons., d’autre part, que si un second arrêté réglementaire, en date du 5 novembre 1952, signé par les Ministres de la Reconstruction et de l’Urbanisme, de l’Intérieur et de la Santé publique, prévoit à nouveau que l’exemption du permis de construire peut être accordée aux constructions dont le caractère expérimental est reconnu et si un arrêté, en date du 5 février 1953, exempte du permis de construire la construction du susdit immeuble de Strasbourg, cette circonstance ne peut avoir d’effet sur la légalité de la décision antérieure seule attaquée et dont la validité doit être appréciée à la date de la signature ;
Cons. qu’il est constant que lq construction d’habitation en cause, entreprise pour le compte de l’Etat, n’a fait objet d’aucun permis de construire ; qu’il résulte de ce qu’il vient d’ être dit qu’à la date du 2 août 1952 elle n’était pas d’avantage régulièrement exemptée de cette procédure ; que, dès lors, la Société pour l’esthétique générale de la France est fondée à soutenir que la décision du 2 août 1952, par laquelle le Ministre de la Reconstruction et de l’Urbanisme a refusé d’arrêter les travaux de construction ainsi entrepris à Strasbourg, est entachée d’excès de pouvoir ;
En ce qui concerne l’immeuble de Rézé: Cons. que l’immeuble projeté à Rézé était entrepris, non au compte de l’Etat, mais au compte d’une société H.L.M dénommée « la maison familiale de Nantes » ; que la société requérante, sans attaquer l’arrêté du 1er juin 1951 qui exempte ledit immeuble du permis de construire, se borne à demander l’annulation de la décision par laquelle le Ministre de la Reconstruction et de l’Urbanisme a refusé d’ordonner l’interruption des travaux ;
Cons. que l’arrêté du 1er juin 1951 a créé des droits au profit de la société bénéficiaire ; qu’en l’absence de tout recours gracieux ou contentieux formé contre cet arrêté, l’illégalité dont cette décision, comme l’arrêté susmentionné du 6 août 1951, était entachée ne pouvait autoriser le ministre à en prononcer le retrait ni, par voie de conséquence, à ordonner légalement l’arrêt des travaux ; que, dès lors, la Société pour l’esthétique générale de la France n’est pas fondée à soutenir que la décision de refus attaquée, en tant qu’elle concerne l’immeuble de Rézé, est entachée d’excès de pouvoir ;… (Décision annulée en tant qu’elle refuse de prescrire l’interruption des travaux entrepris pour la réalisation de huit cents logements à Strasbourg au titre des chantiers d’expérience du Ministère de la Reconstruction et de l’Urbanisme ; rejet du surplus des conclusions de la requête).