AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
L’association Le Comité d’aménagement du VIIe arrondissement, l’association Les Amis du Champ de Mars et M. B… A… ont demandé à la cour administrative d’appel de Paris d’annuler, ou à défaut de résilier, le contrat de concession de travaux conclu le 17 septembre 2019 entre l’établissement public de la Réunion des musées nationaux et du Grand Palais des Champs-Elysées et l’association Paris 2024 – Comité d’organisation des jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 (COJO), d’une part, et les sociétés GL Events Venues et GL Events Live, d’autre part, portant sur la conception, la réalisation, le financement, l’exploitation et le démontage d’une structure éphémère au Champ de Mars à Paris.
Par un arrêt n° 19PA04069 du 21 juillet 2020, la cour administrative d’appel de Paris a enjoint à l’établissement public de la Réunion des musées nationaux et du Grand Palais des Champs-Elysées (RMN-GP) et aux sociétés GL Event Venues et GL Events Live de régulariser l’annexe III au contrat en litige, dans un délai de deux mois à compter de la notification de son arrêt, sauf à ce qu’elles préfèrent résilier ou résoudre le contrat.
Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire, un mémoire en réplique et un nouveau mémoire, enregistrés les 21 septembre et 17 décembre 2020 et les 7 mai et 28 mai 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, l’association Le Comité d’aménagement du VIIe arrondissement et l’association Les Amis du Champ de Mars demandent au Conseil d’Etat :
1°) d’annuler cet arrêt, en tant qu’il ne fait pas droit à leurs conclusions ;
2°) réglant l’affaire au fond, de faire droit à leur demande ;
3°) de mettre à la charge solidaire des défenderesses à la somme de 5 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
– le code général des collectivités territoriales ;
– la loi n° 2018-202 du 26 mars 2018 ;
– le décret n° 2018-379 du 22 mai 2018 ;
– le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
– le rapport de M. Alexis Goin, auditeur,
– les conclusions de Mme Mireille Le Corre, rapporteure publique ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP L. Poulet, Odent, avocat de l’association Le Comité d’aménagement du VIIe arrondissement et l’association Les Amis du Champ de Mars, à la scp Piwnica, Molinié, avocat de l’établissement public Réunion des musées nationaux et du Grand Palais des Champs-Elysées et de l’association Paris 2024 – Comité d’organisation des jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 et au cabinet Rousseau et Tapie, avocat de la société GL Events Venues et de la société GL Events Live ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la Ville de Paris a, par une convention signée le 18 septembre 2018, autorisé l’établissement public de la Réunion des musées nationaux et du Grand Palais des Champs-Elysées (RMN-GP) et l’association Paris 2024 – Comité d’organisation des jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 (COJO) à occuper de manière précaire et révocable une parcelle de son domaine public située dans la zone du Champ de Mars, côté Plateau Joffre, afin d’y installer une structure temporaire, dite » Grand Palais éphémère « . Par un contrat de concession de travaux conclu le 17 septembre 2019, la RMN-GP et le COJO, constituées en un groupement d’autorités concédantes, ont concédé aux sociétés GL Events Venues et GL Events Live, constituées en un groupement conjoint, la conception, la réalisation, le financement, l’exploitation et le démontage de cette structure temporaire. L’association Le Comité d’aménagement du VIIe arrondissement et l’association Les Amis du Champ de Mars ont demandé à la cour administrative d’appel de Paris l’annulation de ce contrat. Par l’arrêt attaqué du 21 juillet 2020, la cour administrative d’appel de Paris, statuant en premier et dernier ressort, a enjoint à la RMN-GP et aux sociétés GL Event Venues et GL Events Live de régulariser l’annexe III au contrat en litige, dans un délai de deux mois à compter de la notification de son arrêt, sauf à ce qu’elles préfèrent résilier ou résoudre le contrat.
2. Par un pourvoi, l’association Le Comité d’aménagement du VIIe arrondissement et l’association Les Amis du Champ de Mars demandent l’annulation de l’arrêt en tant qu’il ne fait pas droit à leurs conclusions. La RMN-GP et le COJO concluent au rejet de ce pourvoi et, par des conclusions incidentes, à l’annulation de l’article 1er de cet arrêt.
Sur les moyens relatifs à l’objet du contrat en litige :
3. En premier lieu, aux termes de l’article 10 de la loi du 26 mars 2018 relative à l’organisation des jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 : » Les constructions, installations et aménagements directement liés à la préparation, à l’organisation ou au déroulement des jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 et ayant un caractère temporaire constituent des réalisations dispensées de toute formalité au titre du code de l’urbanisme comme relevant du b de l’article L. 421-5 du même code et sont soumis au régime applicable à celles-ci. / En ce qui concerne les constructions, installations et aménagements temporaires utilisés pour les jeux Olympiques et Paralympiques de 2024, la durée d’implantation ne peut être supérieure à dix-huit mois et la durée de remise en état des sites ne peut être supérieure à douze mois à compter de la fin de leur utilisation. Un décret en Conseil d’Etat précise les conditions d’application du présent alinéa, notamment la durée maximale d’implantation en fonction des types de constructions, installations et aménagements ainsi que de leur localisation. / En ce qui concerne les constructions, installations et aménagements temporaires directement liés à des travaux réalisés sur un site accueillant des compétitions pour les jeux Olympiques et Paralympiques de 2024, la durée maximale d’implantation est celle de la durée du chantier. La durée de remise en état du site ne peut être supérieure à douze mois à compter de la fin du chantier. Toutefois, dans le cas où, à l’issue de cette durée d’implantation, ces constructions, installations et aménagements temporaires doivent être maintenus afin d’être réutilisés pour accueillir des manifestations directement liées aux jeux Olympiques et Paralympiques de 2024, ils sont alors soumis aux durées d’implantation et de remise en état prévues au deuxième alinéa du présent article. Un décret fixe la liste des constructions, installations et aménagements concernés « .
4. Aux termes de l’article 1er du décret du 22 mai 2018, pris pour l’application de cette loi : » Les constructions, installations et aménagements temporaires directement liés à des travaux réalisés sur un site accueillant des compétitions pour les jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 figurent au tableau annexé au présent décret « . Selon ce tableau annexé, constitue une construction, installation ou aménagement temporaire visé au troisième alinéa de l’article 10 de la loi relative à l’organisation des jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 la » construction provisoire destinée à accueillir les activités du Grand Palais, notamment celles déployées dans la nef, site accueillant les compétitions d’escrime et de taekwondo pour les jeux Olympiques et Paralympiques de 2024, pendant la fermeture de ce site pour la réalisation des travaux préalables à l’accueil de ces compétitions « . Ce tableau décrit les caractéristiques principales de cette installation, notamment la surface occupée, les dimensions maximales et la jauge.
5. Il résulte des termes mêmes de l’article 10 de la loi du 26 mars 2018 que les constructions, installations et aménagements temporaires directement liés à des travaux réalisés sur un site accueillant des compétitions pour les jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 figurant sur une liste fixée par décret constituent des constructions directement liées aux jeux Olympiques et Paralympiques, au sens de son premier alinéa. La construction provisoire destinée à accueillir les activités du Grand Palais, qui était mentionnée par le décret du 22 mai 2018, et dont l’objet était, au demeurant, d’accueillir les activités du Grand Palais jusqu’à l’achèvement des travaux de rénovation dont cet édifice doit faire l’objet pour accueillir les épreuves d’escrime et de taekwondo des jeux Olympiques et Paralympiques de 2024, avant d’être utilisée pour les jeux eux-mêmes, doit être regardée comme y étant directement liée. Par suite, en jugeant la construction de cette structure provisoire relevait du régime institué par l’article 10 de la loi du 26 mars 2018, la cour administrative d’appel de Paris n’a pas commis d’erreur de droit.
6. En deuxième lieu, il appartient au juge du contrat, lorsqu’il constate l’existence de vices entachant la validité du contrat, d’en apprécier l’importance et les conséquences. Ainsi, il lui revient, après avoir pris en considération la nature de ces vices, soit de décider que la poursuite de l’exécution du contrat est possible, soit d’inviter les parties à prendre des mesures de régularisation dans un délai qu’il fixe, sauf à résilier ou résoudre le contrat. En présence d’irrégularités qui ne peuvent être couvertes par une mesure de régularisation et qui ne permettent pas la poursuite de l’exécution du contrat, il lui revient de prononcer, le cas échéant avec un effet différé, après avoir vérifié que sa décision ne portera pas une atteinte excessive à l’intérêt général, soit la résiliation du contrat, soit, si le contrat a un contenu illicite ou s’il se trouve affecté d’un vice de consentement ou de tout autre vice d’une particulière gravité que le juge doit ainsi relever d’office, l’annulation totale ou partielle de celui-ci. Il peut enfin, s’il en est saisi, faire droit, y compris lorsqu’il invite les parties à prendre des mesures de régularisation, à des conclusions tendant à l’indemnisation du préjudice découlant de l’atteinte à des droits lésés.
7. Le décret du 22 mai 2018 fixe des prescriptions spécialement applicables à la construction provisoire destinée à accueillir les activités du Grand Palais, régissant sa réalisation sous l’empire du régime dérogatoire prévu par l’article 10 de la loi du 26 mars 2018. La cour administrative d’appel de Paris, après avoir relevé que les stipulations du contrat litigieux prévoyaient la réalisation de cette construction provisoire sans respecter la limite de jauge alors prévue par le décret du 22 mai 2018, n’a pas commis d’erreur de droit en jugeant que cette méconnaissance, portant sur une caractéristique essentielle de l’ouvrage à réaliser, rendait illicite l’objet du contrat en cause.
8. En recherchant si ce vice était, en l’espèce, susceptible d’être couvert par une mesure de régularisation, qui doit pouvoir être prise dans le respect des règles de la commande publique, et en invitant les parties à régulariser le contrat, sauf à ce qu’elles préfèrent le résilier ou le résoudre, sans procéder à l’annulation totale ou partielle de celui-ci, la cour n’a pas commis d’erreur de droit.
9. En troisième lieu, le décret du 22 mai 2018, dans sa version applicable à la date du contrat de concession, prévoyait, dans la colonne » caractéristiques principales » de son annexe, que la construction provisoire était une » structure en forme de croix « . Par suite, la cour n’a pas commis d’erreur de droit en estimant que ce décret était applicable à cette seule structure, et non à d’éventuelles constructions secondaires prévues par le contrat de concession.
Sur les autres moyens du pourvoi principal :
10. En premier lieu, la cour administrative d’appel de Paris a suffisamment motivé son arrêt en écartant le moyen tiré de ce que le contrat aurait été passé à tort selon la procédure applicable aux concessions alors qu’il devait être regardé comme un marché public.
11. En deuxième lieu, la cour n’a pas entaché son arrêt, qu’elle a suffisamment motivé, d’erreur de droit en estimant que les associations requérantes, qui ne pouvaient être regardées comme des candidats évincés, ne pouvaient utilement se prévaloir des manquements aux règles applicables à la passation du contrat litigieux, ces irrégularités n’étant pas en rapport avec les intérêts lésés dont elles se prévalent.
12. En troisième lieu, en jugeant que les informations communiquées au conseil de Paris à l’occasion de l’examen de la délibération autorisant la maire de Paris à signer avec la RMN-GP et le COJO la convention d’occupation du domaine public étaient suffisantes, au regard des obligations résultant de l’article L. 2121-12 du code général des collectivités territoriales, la cour administrative d’appel de Paris a porté sur les faits qui lui étaient soumis une appréciation souveraine exempte de dénaturation. Par suite, c’est sans erreur de droit ni contradiction de motifs qu’elle a pu, en tout état de cause, écarter le moyen, invoqué par la voie de l’exception, tiré de l’illégalité de la délibération du conseil de Paris autorisant le maire à signer la convention d’occupation temporaire.
13. Il résulte de tout ce qui précède que les associations Le Comité d’aménagement du VIIe arrondissement et Les Amis du Champ de Mars ne sont pas fondées à demander l’annulation de l’arrêt qu’elles attaquent en tant qu’il ne fait pas droit à l’intégralité de leurs conclusions. Le pourvoi incident de la RMN-GP et du COJO doit, de même, être rejeté.
14. Il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge solidaire des associations Le Comité d’aménagement du VIIe arrondissement et Les Amis du Champ de Mars, d’une part, la somme globale de 3 000 euros à verser à la RMN-GP et au COJO et, d’autre part, la somme globale de 3 000 euros à verser aux sociétés GL Events Venues et GL Events Live, au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative. Les dispositions de cet article font, en revanche, obstacle à ce qu’une somme soit mise à la charge de la RMN-GP, du COJO et des sociétés GL Events Venues et GL Events Live, qui ne sont pas les parties perdantes dans la présente instance.
D E C I D E :
————–
Article 1er : Le pourvoi des associations Le Comité d’aménagement du VIIe arrondissement et Les Amis du Champ de Mars est rejeté.
Article 2 : Le pourvoi incident de l’établissement public de la Réunion des musées nationaux et du Grand Palais des Champs-Elysées et l’association Paris 2024 – Comité d’organisation des jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 est rejeté.
Article 3 : Les associations Le Comité d’aménagement du VIIe arrondissement et Les Amis du Champ de Mars verseront solidairement, d’une part, la somme globale de 3 000 euros à la RMN-GP et au COJO et, d’autre part, la somme globale de 3 000 euros aux sociétés GL Events Venues et GL Events Live, sur le fondement des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à l’association Le Comité d’aménagement du VIIe arrondissement, à l’association Les Amis du Champ de Mars, à l’association Paris 2024 – Comité d’organisation des jeux Olympiques et Paralympiques, à l’établissement public de la Réunion des musées nationaux et du Grand Palais des Champs-Elysées, aux sociétés GL Events Venues et GL Events Live.