REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu 1°) sous le n° 204 657, la requête enregistrée le 15 février 1999, au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat présentée par le CONSEIL SUPERIEUR DE L’ADMINISTRATION DE BIENS (C.S.A.B.), dont le siège est …, représenté par son président en exercice ; le CONSEIL SUPERIEUR DE L’ADMINISTRATION DE BIENS demande au Conseil d’Etat l’annulation pour excès de pouvoir du décret n° 98-1249 du 29 décembre 1998 relatif au champ d’application de la taxe annuelle sur les logements vacants instituée par l’article 232 du code général des impôts, pris en application de l’article 51 de la loi n° 98-657 du 29 juillet 1998 d’orientation relative à la lutte contre l’exclusion ;
Vu, 2°) sous le n° 204943, la requête et le mémoire complémentaire enregistrés les 22 février et 10 mai 1999 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat présentés pour la CHAMBRE SYNDICALE DES PROPRIETAIRES ET COPROPRIETAIRES DE CANNES ET DE LA RIVE DROITE DU VAR dont le siège est …, représentée par ses représentants légaux, la CHAMBRE SYNDICALE DE L’IMMOBILIER DES ALPES-MARITIMES (FNAIM), dont le siège est …, représentée par son président en exercice, la CHAMBRE NATIONALE DES ADMINISTRATEURS DE BIENS (CNAB), dont le siège est …, représentée par son président en exercice ; ils demandent au Conseil d’Etat l’annulation pour excès de pouvoir du décret n° 98-1249 du 29 décembre 1998 relatif au champd’application de la taxe annuelle sur les logements vacants instituée par l’article 232 du code général des impôts, pris en application de l’article 51 de la loi n° 98-657 du 29 juillet 1998 d’orientation relative à la lutte contre l’exclusion ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n° 98-657 du 29 juillet 1998 d’orientation relative à la lutte contre l’exclusion ;
Vu le décret n° 98-1249 du 29 décembre 1998 relatif au champ d’application de la taxe annuelle sur les logements vacants instituée par l’article 232 du code général des impôts ;
Vu le code général des impôts ;
Vu l’ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
– le rapport de M. Sauron, Maître des Requêtes,
– les observations de Me Choucroy, avocat de la CHAMBRE SYNDICALE DES PROPRIETAIRES ET COPROPRIETAIRES DE CANNES ET DE LA RIVE DROITE DU VAR et autres,
– les conclusions de M. Arrighi de Casanova, Commissaire du gouvernement ;
Sans qu’il soit besoin de se prononcer sur la fin de non-recevoir soulevée par le ministre de l’équipement, des transports et du logement :
Considérant que, sous le n° 204657, le CONSEIL SUPERIEUR DE L’ADMINISTRATION DE BIENS demande l’annulation du décret n° 98-1249 du 29 décembre 1998 relatif au champ d’application de la taxe annuelle sur les logements vacants prévue par l’article 232 du code général des impôts ; que, sous le n° 204943, la CHAMBRE SYNDICALE DES PROPRIETAIRES ET COPROPRIETAIRES DE CANNES ET DE LA RIVE DROITE DU VAR et deux autres requérants demandent l’annulation du même décret en tant qu’il inclut dans le champ d’application de la taxe sur les logements vacants l’ agglomération de Cannes-Grasse-Antibes et celle de Nice ; qu’il y a lieu de joindre ces requêtes et de statuer par une seule décision ;
Considérant qu’aux termes des dispositions introduites à l’article 232 du code général des impôts par l’article 51 de la loi n° 98-657 du 29 juillet 1998 d’orientation relative à la lutte contre les exclusions : « I. Il est institué, à compter du 1er janvier 1999, une taxe annuelle sur les logements vacants dans les communes appartenant à des zones d’urbanisation continue de plus de deux cent mille habitants où existe un déséquilibre marqué entre l’offre et la demande de logements, au détriment des personnes à revenus modestes et des personnes défavorisées, qui se concrétise par le nombre élevé de demandeurs de logement par rapport au parc locatif et la proportion anormalement élevée de logements vacants par rapport au parc immobilier existant. Un décret fixe la liste des communes où la taxe est instituée … II. Lataxe est due pour chaque logement vacant depuis au moins deux années consécutives au 1er janvier de l’année d’imposition … » ;
Considérant que les dispositions précitées renvoyant à un décret le soin de fixer la liste des communes où la taxe est instituée, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que le décret établissant cette liste serait entaché d’incompétence pour n’avoir pas été précédé de la consultation du Conseil d’Etat ;
Considérant qu’en indiquant que la taxe annuelle sur les logements vacants instituée par l’article 232 du code général des impôts « s’applique à compter du 1er janvier 1999 » dans les communes dont il fixe la liste, le décret attaqué du 29 décembre 1998, publié au Journal officiel du 30 décembre 1999, a fait une exacte application des dispositions précitées de l’article 51 de la loi du 29 juillet 1998 ; que, dès lors, le moyen tiré de ce qu’il aurait ainsi conféré une portée rétroactive illégale au dispositif de taxation en cause ne peut qu’être écarté ; que la circonstance qu’en vertu des dispositions du décret la taxe, dans les communes où elle s’applique, soit due en 1999 pour les logements restés vacants, pendant une période de deux ans au moins, antérieure à l’entrée en vigueur dudit décret, n’a pas en tout état de cause pour effet de conférer à cette taxe un caractère rétroactif ;
Considérant qu’en application du I de l’article 232 précité du code général des impôts, le décret attaqué a fixé une liste de 633 communes appartenant aux agglomérations de Paris, Lille, Bordeaux, Toulouse, Lyon, Montpellier, Cannes-Grasse-Antibes et Nice ; qu’il ressort du dossier que, pour établir cette liste, les auteurs du décret ont retenu les communes appartenant à celles des agglomérations de plus de 200 000 habitants, selon les chiffres du recensement de 1990, dans lesquelles, d’une part, le pourcentage de logements vacants était supérieur au pourcentage moyen constaté dans l’ensemble des ces agglomérations, et d’autre part, une demande forte de logements pouvait se déduire d’une population en croissance par rapport au précédent recensement et de niveaux de loyers apparaissant relativement élevés ;
Considérant, en premier lieu, que la délimitation par l’INSEE des agglomérations étant fondée sur le seul critère de la continuité de l’habitat, les auteurs du décret attaqué n’ont pas fait une inexacte application de la loi en assimilant aux zones d’urbanisation continue de plus de deux cent mille habitants prévues à l’article 232 du code général des impôts les agglomérations de plus de 200 000 habitants telles qu’elles ressortaient du recensement de la population de 1990 et notamment l’agglomération de Cannes-Grasse-Antibes ;
Considérant, en deuxième lieu, que si le CONSEIL SUPERIEUR DE L’ADMINISTRATION DE BIENS soutient, d’ailleurs sans aucune précision, que le choix, parmi les 29 agglomérations existantes de plus de 200 000 habitants, des huit agglomérations énumérées en annexe du décret attaqué, révélerait une erreur d’appréciation, une telle erreur ne ressort pas des pièces versées au dossier ;
Considérant, en troisième lieu, qu’en ne prévoyant l’application de la taxe litigieuse que dans certaines des agglomérations existantes de plus de 200 000 habitants le décret attaqué s’est conformé aux prévisions de la loi, laquelle en effet subordonne cette application à la constatation d’un déséquilibre marqué entre l’offre et la demande de logement ; que le moyen tiré de ce que ledit décret entraînerait ainsi une rupture d’égalité devant les charges publiques entre les propriétaires de logements situés dans les agglomérations de plus de 200 000 habitants est par suite inopérant ;
Considérant, en quatrième lieu, que la population de l’agglomération de Cannes-Grasse-Antibes ressortait, selon les chiffres du recensement de la population de 1990, à 335 647 habitants ; que la CHAMBRE SYNDICALE DES PROPRIETAIRES ET COPROPRIETAIRES DE CANNES ET DE LA RIVE DROITE DU VAR et les autres requérants ne sont par suite pas fondés àsoutenir qu’elle ne serait pas au nombre des zones d’urbanisation continue de plus de deux cent mille habitants visées par les dispositions précitées de l’article 232 du code général des impôts ;
Considérant, enfin, qu’il ne ressort pas des pièces versées au dossier que, pour estimer qu’il existait dans les agglomérations de Cannes-Grasse-Antibes et de Nice, un déséquilibre marqué du marché du logement locatif, les auteurs du décret attaqué se seraient fondés sur des faits matériellement inexacts ;
Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que les conclusions des requêtes dirigées contre le décret attaqué du 29 décembre 1998 doivent être rejetées ;
Article 1er : Les requêtes n° 204657 du CONSEIL SUPERIEUR DE L’ADMINISTRATION DE BIENS et n° 204943 de la CHAMBRE SYNDICALE DES PROPRIETAIRES ET COPROPRIETAIRES DE CANNES ET DE LA RIVE DROITE DU VAR, de la CHAMBRE SYNDICALE DE L’IMMOBILIER DES ALPES-MARITIMES (FNAIM) et de la CHAMBRE NATIONALE DES ADMINISTRATEURS DE BIENS (C.N.A.B.) sont rejetées.
Article 2 : La présente décision sera notifiée au CONSEIL SUPERIEUR DE L’ADMINISTRATION DE BIENS, à la CHAMBRE SYNDICALE DES PROPRIETAIRES ET COPROPRIETAIRES DE CANNES ET DE LA RIVE DROITE DU VAR, à la CHAMBRE SYNDICALE DE L’IMMOBILIER DES ALPES-MARITIMES (FNAIM), à la CHAMBRE NATIONALE DES ADMINISTRATEURS DE BIENS (C.N.A.B.), au ministre de l’équipement, des transports et du logement, au ministre de l’économie, des finances et de l’industrie et au Premier ministre.