REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la requête et les mémoires complémentaires, enregistrés les 8 janvier et 9 mai 2001 et 13 septembre 2002 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentés pour la SOCIETE GEFCO, dont le siège est … (92402 cedex), représentée par ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège ; la SOCIETE GEFCO demande au Conseil d’Etat :
1°) d’annuler l’arrêt du 24 octobre 2000 par lequel la cour administrative d’appel de Paris a ordonné un supplément d’instruction ne portant que sur une partie des préjudices subis du fait des barrages installés sur la voie publique par les chauffeurs routiers durant les mois de juin et juillet 1992 ;
2°) de renvoyer l’affaire devant la cour administrative d’appel de Paris ;
3°) au cas où le Conseil d’Etat déciderait de régler l’affaire au fond, de condamner l’Etat à lui verser la somme de 1 308 085 F (199 416,27 euros) et de 1 329 479 F (202 677,77 euros) assortie des intérêts au taux légal à compter du 19 octobre 1992 et des intérêts des intérêts aux dates auxquelles la capitalisation a été réclamée, soit les 3 août 1994, 4 août 1995, 2 octobre 1996, 16 octobre 1997, 18 février 1999, 25 février 1999, 9 mai 2001 et 13 septembre 2002 ;
4°) à titre subsidiaire, d’ordonner une expertise portant sur le chiffrage exact des préjudices de perte de marge et de frais supplémentaires de personnel subis par la SOCIETE GEFCO ;
5°) de condamner l’Etat à lui verser une somme de 25 000 F (3 811,23 euros) au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des collectivités territoriales, notamment son article L. 22163 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
– le rapport de Mme Sophie-Caroline de Margerie, Maître des Requêtes,
– les observations de la SCP Gatineau, avocat de la SOCIETE GEFCO,
– les conclusions de Mme Emmanuelle Prada Bordenave, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu’aux termes de l’article L. 22163 du code général des collectivités locales, issu de l’article 92 de la loi du 7 janvier 1983 relative à la répartition des compétences entre les communes, les départements, les régions et l’Etat : « L’Etat est civilement responsable des dégâts et dommages résultant des crimes et délits commis, à force ouverte ou par violence, par des attroupements armés ou non armés, soit contre les personnes, soit contre les biens » ;
Considérant que, par l’arrêt attaqué, la cour administrative d’appel de Paris a estimé que les conditions d’application de ces dispositions étaient réunies du fait des entraves apportées à la circulation par les barrages de transporteurs routiers précisément identifiés, établis entre le 30 juin et le 8 juillet 1992 en différents points du territoire national et que la société requérante était fondée à demander réparation du préjudice résultant, d’une part, du surcoût d’exploitation dû aux dépenses de transport supplémentaires et, d’autre part, du montant définitif des litiges « transports » sans recours directement causés par la présence des barrages et le blocage des voies de circulation qui s’en est suivi au cours de la période rappelée ci-dessus, mais a rejeté les conclusions de la société requérante tendant à la réparation des autres chefs de préjudice invoqués ;
Considérant que l’application des dispositions précitées de l’article L. 22163 du code général des collectivités territoriales est subordonnée à la condition que les dommages dont l’indemnisation est demandée résultent de manière directe et certaine de crimes ou de délits déterminés commis par des rassemblements ou attroupements précisément identifiés ;
Considérant que, pour juger, d’une part, qu’il n’y avait pas de lien direct entre la plus grande partie du préjudice subi du fait de la perte de marge commerciale enregistrée sur l’activité « marchandise » de la société au cours du mois de juillet 1992 et les barrages routiers, la cour a estimé que la cause directe du dommage était l’afflux massif de marchandises consécutif au rétablissement de la circulation routière après la levée des barrages ; que pour juger, d’autre part, qu’il n’y avait pas de lien direct entre le préjudice subi du fait de frais supplémentaires de personnel et les barrages, la cour a estimé que la cause en était la reprise d’activité de l’entreprise ; que, ce faisant, la cour n’a pas commis d’erreur de droit ni inexactement qualifié les faits de l’espèce ;
Considérant qu’il résulte de ce qui précède que la société requérante n’est pas fondée à demander l’annulation de l’arrêt attaqué ;
Sur l’application des dispositions de l’article L. 7611 du code de justice administrative :
Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l’Etat, qui n’est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que la SOCIETE GEFCO demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
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Article 1er : La requête de la SOCIETE GEFCO est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à la SOCIETE GEFCO et au ministre de l’intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.