REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu le recours du MINISTRE D’ETAT, MINISTRE DE L’INTERIEUR ET DE L’AMENAGEMENT DU TERRITOIRE, enregistré le 13 avril 2006 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat ; le MINISTRE D’ETAT, MINISTRE DE L’INTERIEUR ET DE L’AMENAGEMENT DU TERRITOIRE demande au Conseil d’Etat :
1°) d’annuler l’arrêt en date du 16 mars 2006 par lequel la cour administrative d’appel de Douai a annulé le jugement du 31 mars 2005 du tribunal administratif d’Amiens rejetant la demande de la société des autoroutes du nord et de l’est de la France (SANEF) tendant à l’annulation de la décision du 6 février 2001 du préfet de l’Oise rejetant sa réclamation préalable du 19 janvier 2001 tendant à obtenir réparation du préjudice résultant d’une manifestation de transporteurs et a condamné l’Etat à verser à la société des autoroutes du Nord et de l’Est de la France la somme de 263.439, 87 euros ;
2°) statuant au fond, de rejeter la requête présentée par la société des autoroutes du nord et de l’est de la France devant la cour administrative d’appel de Douai ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des collectivités territoriales ;
Vu le code de la route ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
– le rapport de M. Herbert Maisl, Conseiller d’Etat,
– les observations de la SCP Célice, Blancpain, Soltner, avocat de la société des autoroutes du nord et de l’est de la France,
– les conclusions de M. Didier Chauvaux, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu’aux termes de l’article L. 2216-3 du code général des collectivités territoriales : L’Etat est civilement responsable des dégâts et dommages résultant des crimes et délits commis, à force ouverte ou par violence, par des attroupements ou rassemblements armés ou non armés, soit contre les personnes, soit contre les biens (…) » ;
Considérant qu’il ressort des énonciations de l’arrêt attaqué que, le 31 janvier 2000, dans le cadre d’une action collective de revendication salariale, une centaine de chauffeurs routiers a occupé, de 6 h 10 à 17 h 20, les installations des péages autoroutiers d’Arsy, Chevrières, Chamant, Senlis-Chamant et Senlis-Bonsecours et Saint-Witz, dans le département de l’Oise, exploitées par la société des autoroutes du nord et de l’est de la France (SANEF) ;
Considérant, en premier lieu, qu’aux termes de l’article L. 7 du code de la route alors en vigueur : « Quiconque aura, en vue d’entraver ou de gêner la circulation, placé ou tenté de placer sur une voie ouverte à la circulation publique un objet faisant obstacle au passage des véhicules ou qui aura employé ou tenté d’employer un moyen quelconque pour y mettre obstacle, sera puni d’un emprisonnement de deux ans et d’une amende de 30.000 F, ou de l’une de ces deux peines seulement » ; que, pour juger que les manifestants avaient commis ce délit, la cour administrative d’appel de Douai a relevé que « les manifestants ont placé des véhicules légers devant les musoirs d’entrée et retenu, par des barrages bloquants ou filtrants, des véhicules au poste de péage de Chamant ; qu’ils ont en particulier, bloqué les poids lourds, provoquant des bouchons de plusieurs kilomètres ; que ces barrages sont constitutifs du délit d’entrave ou de gêne à la circulation » ; que la cour a pu, par une exacte qualification, estimer que ces faits, qu’elle a souverainement constatés, caractérisaient le délit d’entrave à la circulation défini à l’article L. 7 du code de la route et ce alors même que les manifestants avaient laissé circuler les véhicules légers ;
Considérant, en second lieu, que la cour a pu, sans commettre d’erreur de qualification juridique, juger que les faits litigieux résultaient d’un attroupement ou d’un rassemblement au sens de l’article L. 2216-3 du code général des collectivités territoriales alors même que des tracts avaient appelé le 17 janvier à des actions de mobilisation ;
Considérant qu’il résulte de ce qui précède que le ministre de l’intérieur n’est pas fondé à demander l’annulation de l’arrêt de la cour administrative d’appel de Douai en date du 16 mars 2006 ;
Sur les conclusions tendant à l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de faire application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de l’Etat le versement de la somme de 3.500 euros au titre des frais exposés par la société des autoroutes du nord et de l’est de la France et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
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Article 1er : Le recours du MINISTRE D’ETAT, MINISTRE DE L’INTERIEUR ET DE L’AMENAGEMENT DU TERRITOIRE est rejeté.
Article 2 : L’Etat versera à la société des autoroutes du nord et de l’est de la France la somme de 3.500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à la société des autoroutes du nord et de l’est de la France et au MINISTRE DE L’INTERIEUR ET DE L’AMENAGEMENT DU TERRITOIRE.