RECOURS du ministre des Finances et des Affaires économiques, tendant à l’annulation d’un jugement du 11 juillet 1962 par lequel le Tribunat administratif de Paris a annulé la décision implicite du ministre de l’Agriculture, rejetant la demande de la dame veuve X tendant à la réparation du préjudice que lui a causé la carence de l’Etat à prendre le décret prévu à l’article 13 du décret n° 51-1445 du 12 décembre 1951 et a condamné l’Etat à lui allouer une indemnité de 11.969, 74 francs avec les intérêts de droit en réparation dudit préjudice ;
Vu le n° 51-1445 du 12 décembre 1951 ; l’ordonnance du 31 juillet 1945 ; les décrets des 30 septembre et 28 novembre 1953 ; le Code général des impôts ;
CONSIDÉRANT que le sieur X, au cours de la carrière qu’il a accomplie au service de l’Etat, a été successivement officier des Haras entre 1913 et 1928 et, à ce titre, fonctionnaire titulaire, soumis aux retenues légales pour pension, puis ingénieur contractuel de l’administration des eaux et forêts de 1944 à 1956 ; qu’après son décès survenu le 1er juin 1956, l’Institution de prévoyance des agents contrac¬tuels et temporaires de l’Etat (I.P.A.C.T.E.) a refusé à sa veuve de prendre en compte, dans la pension de réversion allouée à cette dernière, les années passées par son époux comme fonctionnaire titulaire au motif que l’Etat n’avait pas dé¬terminé les modalités d’application du régime prévu à l’article 13 du décret du 12 décembre 1951 et, en particulier, n’avait pas signé avec elle de convention ;
Cons. qu’aux termes de l’article 13 du décret n° 51-1445 du 12 décembre 1951, instituant un régime de retraites complémentaires des assurances sociales pour certaines catégories d’agents de l’Etat non titulaires : « un décret déterminera, « en tant que de besoin, les modalités de coordination entre le régime institué «par le présent décret et ceux qui sont visés à l’article 2-4°» ; qu’au nombre de ces derniers figurent les régimes légaux de retraites institués en faveur des agents de l’Etat ;
Cons. que, se fondant sur la circonstance que le décret ainsi prévu par l’article 13 précité n’est jamais intervenu, la dame veuve X a réclamé l’allocation d’une indemnité en réparation du préjudice qu’elle estimait lui avoir été causé par la carence du gouvernement ; que, pour demander l’annulation du jugement par lequel le Tribunal administratif de Paris a fait droit à ces prétentions, le ministre des Finances et des Affaires économiques se borne à soutenir que le gouvernement disposait pour prendre le décret dont s’agit, d’un pouvoir discrétionnaire et qu’ainsi le défaut d’intervention dudit décret n’est pas de nature à engager la responsabilité de l’État;
Cons. qu’en prévoyant qu’un second décret devait déterminer les modalités de coordination entre le régime qu’il instituait et ceux visés en son article 2, le décret du 12 décembre 1951 a conféré aux intéressés qui avaient accompli des services relevant de régimes de retraites différents, le droit de voir leur situation au regard de ces divers régimes de retraites fixée de façon précise par un texte réglementaire ; que si le gouvernement conservait la faculté d’abroger, s’il le jugeait opportuns, l’article 13 précité du décret du 12 décembre 1951, il avait par contre, en l’absence d’une telle mesure d’abrogation, l’obligation d’assurer la pleine application de ce décret en prenant dans un délai raisonnable, qui est en l’espèce largement dépassé, le texte complémentaire qui y était expressément prévu ; qu’une abstention aussi prolongée équivaut de la part du gouvernement à un refus de satisfaire à l’obligation qui lui incombait ; qu’elle est dans ces conditions constitutive d’une faute de nature à engager la responsabilité de l’Etat ; qu’il suit de là que le ministre des Finances et des affaires économiques n’est pas fondé à demander, par le moyen qu’il invoque, l’annulation du jugement attaqué ;
Sur la demande de capitalisation des intérêts présentée par la dame veuve X :
— Cons. que la capitalisation des intérêts de l’indemnité allouée à la dame veuve X par le jugement attaqué a été demandée le 13 septembre 1963 ; qu’à cette date, il était dû au moins une année d’intérêts ; que dès lors, conformément aux dispositions de l’article 1154 du Code civil, il y a lieu de faire droit à ladite demande ;.. (Rejet ; intérêts de l’indemnité allouée à la dame veuve X échus le 13 septembre 1963, capitalisés à cette date pour produire eux-mêmes intérêts ; dépens mis à la charge de l’Etat).
Conseil d’Etat, Assemblée, 27 novembre 1964, Ministre des Finances et des Affaires économiques, requête numéro 59068, rec. p. 590.
Citer : Revue générale du droit, 'Conseil d’Etat, Assemblée, 27 novembre 1964, Ministre des Finances et des Affaires économiques, requête numéro 59068, rec. p. 590., ' : Revue générale du droit on line, 1964, numéro 17090 (www.revuegeneraledudroit.eu/?p=17090)
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