REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la requête et le mémoire complémentaire, enregistrés le 4 août et le 29 novembre 2005 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentés pour Mme Anne Marie A, demeurant … ; Mme A demande au Conseil d’Etat :
1°) d’annuler l’ordonnance du 19 juillet 2005 par laquelle le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande tendant, en application de l’article L. 521-3 du code de justice administrative, à ce que soit ordonnée la réalisation des travaux de mise en sécurité de sa maison d’habitation ;
2°) statuant comme juge des référés, d’ordonner au département des Pyrénées-Atlantiques la réalisation à ses frais avancés de travaux de mise en sécurité de sa maison d’habitation ;
3°) de mettre à la charge du département des Pyrénées-Atlantiques la somme de 3 000 euros en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
– le rapport de M. Damien Botteghi, Auditeur,
– les observations de Me Haas, avocat de Mme A, et de Me Odent, avocat du département des Pyrénées-Altlantiques,
– les conclusions de M. Didier Chauvaux, Commissaire du gouvernement ;
Sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens de la requête ;
Considérant qu’il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés du tribunal administratif de Pau que la maison dont Mme A est propriétaire à Arberats (Pyrénées-Atlantiques) est affectée de désordres que cette dernière impute aux eaux de ruissellement en provenance de la route départementale 933 ; qu’eu égard aux risques imminents d’effondrement de certaines parties de la maison, l’intéressée a demandé au tribunal administratif de Pau, sur le fondement des dispositions de l’article L. 521-3 du code de justice administrative, d’ordonner que des travaux provisoires destinés à mettre en sécurité le bâtiment soient réalisés aux frais avancés du département des Pyrénées-Atlantiques ; que le juge des référés a rejeté ces conclusions au motif que le département, saisi par une lettre du 15 octobre 2004 de Mme A d’une demande tendant à la réalisation de travaux confortatifs, avait pris une décision implicite de rejet à l’exécution de laquelle il ne lui appartenait pas de faire obstacle ;
Considérant qu’aux termes de l’article L. 511-1 du code de justice administrative : « Le juge des référés statue par des mesures qui présentent un caractère provisoire. Il n’est pas saisi du principal et se prononce dans les meilleurs délais » ; que l’article L. 521-3 du même code dispose que : « En cas d’urgence et sur simple requête qui sera recevable même en l’absence de décision administrative préalable, le juge des référés peut ordonner toutes autres mesures utiles sans faire obstacle à l’exécution d’aucune décision administrative » ;
Considérant que pour prévenir ou faire cesser un dommage dont l’imputabilité à des travaux publics ou à un ouvrage public ne se heurte à aucune contestation sérieuse, le juge des référés peut, sur le fondement des dispositions précitées de l’article L. 521-3 du code de justice administrative, enjoindre au responsable du dommage de prendre des mesures conservatoires destinées à faire échec ou mettre un terme aux dangers immédiats présentés par l’état de l’immeuble ; que si, dans ce cadre, le juge des référés ne doit pas faire obstacle à l’exécution d’une décision administrative, la circonstance que le responsable du dommage, saisi par l’intéressé d’une demande tendant à la réalisation de ces mêmes mesures, l’ait rejetée par une décision expresse ou implicite n’est pas à elle seule de nature à faire obstacle à la mise en oeuvre de la procédure prévue par l’article L. 521-3 ;
Considérant qu’en estimant que le rejet implicite par le département des Pyrénées-Atlantiques d’une demande tendant à ce qu’il prenne à sa charge des travaux de mise en sécurité du bâtiment, qui aurait été contenue dans une lettre que Mme A a adressée au conseil général le 15 octobre 2004, constituait, au sens de l’article L. 521-3, une décision administrative à l’exécution de laquelle il lui était interdit de faire obstacle, le juge des référés a commis une erreur de droit ; que l’ordonnance attaquée encourt par suite l’annulation ;
Considérant qu’il y a lieu, par application des dispositions de l’article L. 821-2 du code de justice administrative, de statuer sur la demande en référé présentée par Mme A devant le tribunal administratif de Pau ;
Considérant qu’il résulte de l’instruction, notamment des rapports en date des 2 mai 2005 et 26 janvier 2006 de l’expert désigné à la demande de Mme A par le juge des référés du tribunal administratif de Pau sur le fondement de l’article R. 532-1 du code de justice administrative, que les importants désordres qui affectent la maison de l’intéressée trouvent leur origine dans l’accumulation, dans le terrain d’assiette de la construction constitué d’argiles compressibles sous l’effet de l’eau, des eaux de ruissellement de la route départementale 933, renvoyées au pied de la maison par un caniveau construit lors de travaux effectués sur la chaussée en 1986 ; qu’ainsi, en l’état de l’instruction, l’imputabilité du dommage à l’ouvrage public que constitue la route départementale ne se heurte à aucune contestation sérieuse ;
Considérant qu’il résulte également de l’instruction qu’en raison du caractère rapidement évolutif du sinistre et de sa gravité, il existe des risques sérieux d’effondrement de certaines parties du bâtiment, exigeant de manière urgente la réalisation de travaux confortatifs ; qu’il y a lieu, par suite, d’ordonner que des travaux provisoires d’étaiement des parties sinistrées de la maison, tels qu’ils ont été décrits et chiffrés par l’expert dans son rapport du 26 janvier 2006, ainsi que toute autre mesure qui se révèlerait indispensable à la mise en sécurité du bâtiment, soient réalisés aux frais avancés du département ; qu’en cas de contestation relative à la consistance de ces mesures, il appartiendra aux parties de saisir à nouveau le juge des référés ;
Sur les conclusions tendant à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de Mme A, qui n’est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme demandée par le département des Pyrénées-Atlantiques au titre des frais engagés par lui et non compris dans les dépens ; qu’il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de ce dernier, la somme de 3 000 euros demandée par Mme A au titre des frais de même nature qu’elle a exposés ;
D E C I D E :
Article 1er : L’ordonnance du 19 juillet 2005 du magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Pau est annulée.
Article 2 : Les travaux provisoires d’étaiement des parties sinistrées de l’habitation appartenant à Mme A, tels qu’ils ont été décrits et chiffrés par l’expert dans son rapport du 26 janvier 2006, ainsi que toute autre mesure qui se révèlerait indispensable à la mise en sécurité du bâtiment, seront réalisés aux frais avancés du département des Pyrénées-Atlantiques.
Article 3 : Le département des Pyrénées-Atlantiques versera à Mme A la somme de 3 000 euros en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions présentées devant le Conseil d’Etat par le département des Pyrénées-Atlantiques est rejeté.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à Mme Anne-Marie A, au département des Pyrénées-Atlantiques et au ministre d’Etat, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire.