REQUÊTES de la « Société Mathieu », agissant poursuites et diligences de son gérant en exercice, tendant à ce qu’il plaise au conseil, statuant sur renvoi d’une question préjudicielle ordonné par arrêt de la Cour d’appel d’Aix-en-Provence en date du 24 janvier 1949, déclarer illégaux un ordre de réquisition du major de garnison de la place de Marseille en date du 3 janvier 1945, portant sur des salons lui appartenant, dits « Salons Mireille » …, et une décision du major de garnison en date du 20 avril 1945, reportant au 1er décembre 1944 l’entrée en vigueur de l’ordre de réquisition susvisé en date du 3 janvier 1946 ;
Vu le mémorandum n° 1 de l’accord conclu le 25 août 1944 entre le gouvernement provisoire de la République française et le gouvernement des Etats-Unis d’Amérique ; la loi du 11 juillet 1938 et le décret du 1er juin 1940, ensemble le décret du 28 novembre 1938; l’ordonnance du 31 juillet 1945 ;
CONSIDÉRANT que les requêtes susvisées de la société Mathieu sont relatives à des ordres de réquisition portant sur le même local ; qu’il y a lieu de les joindre pour y être statué par une seule décision ;
Cons. qu’avant de fixer le montant de l’indemnité à laquelle a droit la société Mathieu à la suite de la réquisition de locaux lui appartenant, prononcée au profit des forces armées américaines par un ordre de réquisition du major de garnison de la place de Marseille en date du 3 janvier 1945, suivi d’un ordre modificatif du 20 avril 1945, la Cour d’appel d’Aix-en-Provence a, par un arrêt du 24 janvier 1949, sursis à statuer au fond jusqu’à ce que la juridiction administrative se soit prononcée sur la question de savoir si ces ordres de réquisition étaient au nombre de ceux qui pouvaient être pris en application de la loi du 11 juillet 1938 sur l’organisation générale de la nation pour le temps de guerre ; qu’il est ainsi demandé au Conseil d’Etat de dire si ces ordres de réquisition répondaient à un besoin du pays au sens de la loi du 11 juillet 1938 ;
Cons. qu’à la date où ils ont été pris, les ordres de réquisition dont s’agit trouvaient leur fondement juridique non dans les dispositions de la loi du 11 juillet 1938 et notamment dans les articles 22 et 22 bis de ladite loi complétée par le décret du 1er juin 1940, qui autorisent la réquisition de l’usage d’un immeuble dans les cas où elle est nécessaire pour les besoins du pays, mais dans les stipulations de l’accord intervenu entre le commandement en chef interallié et le gouvernement français pour l’application du mémorandum n° 1 du 25 août 1944, relatif au service d’aide aux forces alliées en France et qui porte que les autorités françaises réquisitionneront les fournitures, facilités et services que le commandant en chef interallié estimera nécessaires aux besoins militaires du commandement dont il a la charge ; que dans ces conditions, la question renvoyée par la Cour d’appel d’Aix-en-Provence concerne en réalité l’application de ladite convention et non l’application de la loi du 11 juillet 1938 ; que la convention conclue entre le commandement en chef interallié et le gouvernement français est un acte international ; que, par suite, la juridiction administrative est incompétente pour se prononcer sur la question préjudicielle soumise au Conseil d’Etat ;… (Il est déclaré que les ordres de réquisition en date du 3 janvier et du 20 avril 1945 prononcés au profit des forces armées américaines trouvent leur fondement juridique dans l’accord intervenu entre le commandement en chef interallié et le gouvernement français pour l’application du mémorandum n° 1 du 25 août 1944 relatif au service d’aide aux forces alliées en France, aux termes duquel « les autorités françaises réquisitionneront… les fournitures, facilités et services que le commandant en chef interallié considère comme nécessaires aux besoins militaires du commandement dont il a la charge », que l’appréciation de ces besoins n’est pas de la compétence du Conseil d’Etat).