Le prestige des fonctions de juge international attire de nombreuses vocations et, le cas échéant, de rancœurs et d’amertumes.
Dans ce cadre particulier, M. de B. avait candidaté aux fonctions de juge à la Cour pénale internationale auprès du « groupe français » de la Cour permanente d’arbitrage (Le « groupe français » de la Cour permanente d’arbitrage comprend les membres de cet organe qui ont été nommés par la France) qui était chargé, en application des dispositions de l’article 36 du Statut de Rome du 17 juillet 1998, de procéder aux sélections des candidats.
Cet organe n’a pas retenu M. de B. parmi les candidats qu’il a ensuite proposé à l’Assemblée générale des Etats parties à cet accord qui est chargé d’élire ensuite les 18 juges parmi les multiples propositions qui lui sont formulées par chaque « groupe national ».
C’est alors que ce candidat malheureux a saisi le Conseil d’Etat d’un recours pour excès de pouvoir dirigé contre cette décision suivant ainsi le droit commun ouvert aux concours de la fonction publique française (Conseil d’Etat, 12 novembre 1954, Chouffot, requête numéro 89219, rec. p. 591).
S’il est dans la logique des choses que les candidats éconduits saisissent les juridictions des décisions par lesquelles les jurys de concours ne les retiennent pas comme lauréats, la requête ainsi formée auprès du Conseil d’Etat soulevait des questions inédites qui ont justifié la réunion de la section du contentieux.
En effet, si le « groupe français » de la Cour permanente d’arbitrage est bien nommé par les autorités françaises, la question de la nature de cet organe qui fait fonctions de jury de concours comme relevant du droit interne français est inédite. La conséquence de cette qualification serait, logiquement, d’admettre en ce cas la compétence du juge administratif pour en contrôler le fonctionnement.
Or, le Conseil d’Etat va reconnaître la juridiction administrative française comme incompétente pour connaître de ce litige au motif que de telles décisions relèvent de la catégorie des « actes de Gouvernement » qui ne sont pas susceptibles d’être l’objet d’un recours pour excès de pouvoir (I.), seul le recours en inexistence semble théoriquement possible à leur égard (Conseil d’Etat, Assemblée, 18 décembre 1992, Mhamedi, rec. p. 446). En procédant ainsi, le juge administratif suprême confirme que seules les structures internes des organisations internationales sont susceptibles de contrôler de tels actes ce qui n’est pas forcément très satisfaisant en ce qui concerne l’effectivité du contrôle (II.)
I. L’incompétence des juridictions administratives françaises pour contrôler les candidatures aux fonctions de juge international
Le juge administratif français est normalement compétent pour connaître de la légalité de toute décision administrative prise en vertu de prérogatives de puissance publique (Conseil Constitutionnel, 23 janvier 1987, « Conseil de la concurrence », décision numéro 86-224 DC). Néanmoins, et suivant une jurisprudence ancienne (Conseil d’Etat, 19 février 1875, Prince Napoléon, requête numéro 46707, concl. David, rec. p. 155), certains actes échappent à tout contrôle juridictionnel interne même si cette solution est en voie de réduction sous l’influence de la Convention et de la Cour européenne des droits de l’Homme (Articles 6 §. 1 et 13 de la Convention qui sont normalement applicables au contentieux de la fonction publique, cf. CEDH, 19 avril 2007, Vilho Eskelinen c. Finlande, affaire n° 63235/00).
A. Le rattachement à la qualification d’« acte de Gouvernement »
1°) La qualification d’« acte de Gouvernement » est en réalité une catégorie complexe et atypique du droit public français qui est emprunte de nombreux contradictions et critiques (E. Carpentier, « L’ »acte de Gouvernement » n’est pas insaisissable », RFDA 2006 p. 661 ; B. Seiller, « Acte administratif (I.- Identification) », Répertoire de contentieux administratif, Dalloz, 2014 ; P. Serrand, L’acte de Gouvernement (Contribution à la théorie des fonctions juridiques de l’Etat), Thèse Paris II, 772 p.).
Elle comprend en réalité deux grandes catégories d’actes émis par des « autorités administratives ».
En premier lieu, cette catégorie comporte des actes dont les effets sont purement internes et qui touchent aux rapports entre pouvoirs constitutionnels tel que les décrets portant dissolution de l’Assemblée Nationale (Conseil d’Etat, 20 février 1989, Allain, requête numéro 98538, rec. p. 60), ceux de promulgation d’une loi adoptée par le Parlement (Conseil d’Etat, 3 novembre 1933, Desreumeaux, rec. p. 993) ou les actes touchant à la composition et aux attributions du Gouvernement.
En second lieu, la jurisprudence administrative y rattache également les actes qui constituent un lien avec l’ordre international. Il en est ainsi pour les actes internes relatifs à l’adoption ou à la mise en vigueur du droit international (Conseil d’Etat, Section, 13 juillet 1979, Coparex, requête numéro 04880, rec. p. 319) ou ceux portant sur les relations avec d’autres sujets de cet ordre juridique (Etats et organisations intergouvernementales, cf. Conseil d’Etat, 9 juin 1952, Gény, requête numéro 92255, rec. p. 19). Au cas présent, la section du contentieux pouvait aisément intégrer dans la seconde hypothèse, l’espèce qui lui était soumise.
Toutefois, il convient de préciser que, dans ce domaine, la notion d’« actes de Gouvernement » fait l’objet d’une réduction notable. En effet, de nombreuses décisions sont considérées comme « détachables » des relations diplomatiques ou des conventions internationales (Conseil d’Etat, 5 février 1926, requête numéro 83102, Caraco, rec. p. 125 ; Conseil d’Etat, Assemblée, 28 mai 1937, Decerf, requête numéro 54631, rec. p. 534) et la tendance est à l’accroissement du contrôle juridictionnel en la matière (O. Cayla, « Le contrôle des mesures d’exécution des traités : réduction ou négation de la théorie des actes de Gouvernement », RFDA 1994 p. 1).
Le Conseil d’Etat n’utilise pourtant qu’exceptionnellement une telle qualification dans les motifs de ses arrêts (Pour une rare utilisation de l’expression : Conseil d’Etat, Assemblée, 2 mars 1962, Rubin de Servens et autres, requête numéro 55049, rec. p. 143), son utilisation est en réalité le plus souvent implicite et c’est bien le cas ici (Cependant le titrage à paraître au Recueil Lebon fait clairement apparaître cette notion).
Or, dans le cadre des rapports de droit international, cette notion est ici utilitaire : ce sont concrètement des actes qui échappent aux juridictions françaises qui sont ainsi qualifiés car elle relèvent d’autres modes de contrôle.
2°) Toutefois, le Conseil d’Etat a une jurisprudence beaucoup plus éclectique en la matière ce qui offrait en réalité de multiples alternatives et le renvoi de cette question en formation solennelle démontre bien que la réponse n’était pas évidente. Le président de la section du contentieux aurait pu, notamment, rejeter une telle requête par ordonnance sur le fondement de l’article R.122-12 2° du code de justice administrative.
Ainsi, il a été admis que la décision par laquelle un ministre retirait la qualité d’administrateur de la Banque européenne pour la reconstruction et de développement à l’un de ses ressortissants était détachable des relations diplomatiques entre la France et cette organisation internationale (Conseil d’Etat, SSR., 20 octobre 2000, Bukspan, reuête numéro 201061, mentionné au tables du recueil, rec. T. p. 802-893-1054-1072-1140-1189). Ce raisonnement se fondait sur le fait que le ministre avait agit en qualité d’autorité nationale et non en qualité d’autorité internationale, l’organisation européenne se trouvant alors en situation de compétence liée.
De même, en ce qui concerne les magistrats de l’ordre judiciaire, le Conseil d’Etat a très récemment admis que les avis conformes du Conseil supérieur de la magistrature relatifs aux affectations des magistrats du siège étaient susceptibles de recours contentieux (Conseil d’Etat, 29 octobre 2013, Vidon, requête numéro 346569, publié au recueil) ; de tels avis sont matériellement très proche de la décision ici litigieuse.
Il y avait donc des précédents sur la base desquels le Palais royal aurait pu parfaitement reconnaître la compétence de la juridiction administrative.
Toutefois, d’autres jurisprudences plus classiques faisaient obstacle à une telle admission de compétence.
Au titre des emplois à discrétion du Gouvernement, les personnels affectés à haut niveau au sein des postes diplomatiques et consulaires peuvent être nommés et révoqués à tout moment sans que le juge administratif puisse en contrôler les motifs (Conseil d’Etat, SJS, 16 novembre 2011, Pernet, requête numéro 341312, inédit au recueil). Il se contente de s’assurer que les garanties procédurales ont bien été respectées (Conseil d’Etat, SSR., 17 juillet 2013, B., requête numéro 343554 , mentionné aux tables). On notera d’ailleurs qu’un poste de juge international est assimilé aux fonctions de chef de mission par le droit international (Cf., pour la Cour pénale internationale, l’article 48 §.2 du Statut qui prévoit que « Les juges (…) jouissent, dans l’exercice de leurs fonctions ou relativement à ces fonctions, des privilèges et immunités accordés aux chefs de missions diplomatiques »).
Enfin, il convient de rappeler que le Conseil d’Etat avait refusé de connaître de la légalité des décrets par lesquels le président de la République procédait à la nomination de membres du Conseil constitutionnel (Conseil d’Etat, Assemblée, 9 avril 1999, Mme Ba, requête numéro 195616, rec. p. 124). Si la Cour pénale internationale n’a pas le même statut que le juge constitutionnel français, la transposition de solution était favorisée par l’usage de la qualification d’« acte de Gouvernement » et pouvait ainsi servir de fondement pour justifier de l’incompétence du juge administratif français à connaître des décisions rendues par le « groupe français » de la Cour permanente d’arbitrage.
B. Un rattachement logique aux actes internes des organisations internationales
La notion de « groupe français » de la Cour permanente d’arbitrage est une notion ambivalente. En effet, le qualificatif de « français » peut être la résultante soit de sa constitution matérielle de l’organe, par des membres français, soit du rattachement organique de celui-ci aux autorités publiques françaises.
La jurisprudence du Conseil d’Etat considère que lorsqu’un organe français se trouve rattaché à des autorités relevant de plusieurs Etats souverains, la compétence juridictionnelle ne saurait être française (Conseil d’Etat, 1er juillet 1938, Jabin-Dudognon, requête numéro 57674, rec. p. 607, à propos du condominium des Nouvelles-Hébrides). Il en est de même pour les actes pris par des autorités françaises agissant pour le compte d’autorités étrangères (Conseil d’Etat, 26 janvier 1944, Wang Yu Kong, requête numéro 70992, rec. p. 30 ; Conseil d’Etat, 23 octobre 1973, Costa, note Homont, AJDA 1963.II.284) ou le compte d’organismes internationaux (Conseil d’Etat, Section, 28 juillet 1951, Société Mathieu, rec. p. 468 ; Conseil d’Etat, 6 janvier 1961, Dame Perret, requête numéro 41842, rec. p. 4).
Inversement, le juge administratif français est compétent pour connaître des litiges ayant trait à certains organes, dont les missions diplomatiques françaises, au sein d’organisations internationales (Conseil d’Etat, SJS, 15 novembre 2006, Journes et autres, requête numéro 277341) en particulier pour les litiges tenant au statut de ses agents.
Se posait donc la question de savoir si ce « groupe français » devait être ici qualifié d’organe administratif français basé à l’étranger (Le droit public français connaît de multiples illustrations de telles structures : Casa de Velázquez, écoles françaises d’Athènes, de Rome, d’Extrême-Orient ou Institut français d’archéologie orientale,…) ou d’organe international français. Or les termes de l’article 44 de la Convention du 18 octobre 1907 sont laconiques à cet égard (« Chaque puissance contractante désigne quatre personnes au plus, d’une compétence reconnue dans les questions de droit international, jouissant de la plus haute considération morale et disposées à accepter les fonctions d’arbitre ») dans la mesure où les fonctions premières de ces personnes est de pouvoir assurer la composition de tribunaux arbitraux. Ce n’est qu’avec la création de la justice internationale moderne, d’abord de la Cour permanente de justice internationale puis de la Cour internationale de justice que les membres de groupes nationaux se sont vus attribuer la compétence de proposer des candidats aux fonctions de juge (Cf. le Statut de la Cour). Ce mécanisme pouvant, sur option, être mis en œuvre en ce qui concerne la Cour pénale internationale à défaut de mise en œuvre d’une procédure nationale de sélection. On notera que la France a souhaité utiliser unilatéralement cette procédure en ce qui concerne les fonctions de juge à la Cour européenne des droits de l’Homme (cf. infra).
2°) Dès lors, le Conseil d’Etat avait deux lectures possibles du droit mis en œuvre pour déterminer la compétence de la juridiction administrative. Sur un plan théorique la compétence pour connaître de ces questions aurait dû relever du Tribunal administratif de Paris en application de l’article R.312-19 du code de justice administrative sauf si le Conseil d’Etat estimait que ces « décisions » auraient dû être adoptées en la forme de décrets auquel cas il aurait été compétent en premier et dernier ressort en vertu de l’article R.311-1 du même code.
Il pouvait procéder à une lecture matérielle et ponctuelle du droit en question en qualifiant de décisions administratives françaises les choix opérés par le « groupe français » de la Cour permanente d’arbitrage. Une telle lecture du droit impliquait en ce cas de considérer ce « groupe » comme un organe administratif français sui generis dont la composition est arrêté par la voie de décrets du président de la République (La composition actuelle de ce « groupe » résulte de trois décrets du 2 mai 2013 pour Mmes E. Belliard et G. Bastid-Burdeau, JO p. 7684, décret du 10 janvier 2011 pour M. G. Guillaume, JO p. 631 et du 12 avril 2010 pour MM. J. P. Puissochet, P. Weil et M. Perrin de Brinchambaut, JO p. 7052) et qui adopte des décisions qui peuvent être soumises au droit interne français.
Il pouvait également procéder à une lecture globale du droit applicable en retenant une approche finaliste de la procédure suivie. La procédure en cause vise à ce que le groupe national français de la Cour permanente d’arbitrage propose une liste de candidats en vue de pourvoir aux fonctions de juge international qui seront ensuite choisis par l’Assemblée générale des Etats parties au Statut de Rome.
L’option entre les deux lectures du droit applicable impliquait nécessairement de déterminer si ces décisions étaient détachables des fonctions internationales exercées (Sur ce procédé : cf. Conseil d’Etat, Assemblée, 28 mai 1937, Decerf, requête numéro 54631, rec. p. 534). Or ces décisions de proposition s’insèrent dans une opération comprenant de multiples actes qui auraient pu donner lieu à une mise en œuvre de la théorie des « opérations complexes » au sein de laquelle chaque acte peut être attaqué indépendamment des autres sans attendre l’acte final.
Toutefois, telle n’est pas l’approche retenue par le Conseil d’Etat. En effet, seul le premier acte préparatoire de cette chaîne de décisions pourrait être éventuellement rattaché au droit interne ce qui signifie que le juge administratif français ne connaîtrait alors qu’une fraction réduite de cette chaîne d’actes. Quel pourrait être alors le contrôle réel du juge sur de simples propositions dépourvues de certitude quand à leur effets ?
Le Conseil d’Etat avait admis, en matière d’« actes de Gouvernement » portant sur les rapports internes entre Gouvernement et Parlement, qu’un contrôle unique par l’organe décisionnel final était préférable à un contrôle morcelé (Conseil d’Etat, Assemblée, 27 juin 1958, Georger et Teivassigamany, requêtes numéro 35160 et 35191, rec. p. 403).
Il était donc logique que le Conseil d’Etat maintienne ici sa jurisprudence sur son incompétence à connaître des rapports entre la France et les organisations internationales (Conseil d’Etat, Section, 20 février 1953, Weiss, requêtes numéro 91419 et 96512, Rec. p. 87) même si cette solution n’était pas certaine au cas particulier, ici jugé, et ne doit pas être regardée comme intangible du fait des évolutions récentes de son contrôle sur les nominations françaises dans les organisations internationales.
II. La compétence des organes internationaux pour contrôler les candidatures aux fonctions de juge international
Le choix du Conseil d’Etat d’unifier le contrôle des opérations de sélection et de nomination des juges internationaux au profit des organes internationaux consacre en réalité leur autonomie sur le plan décisionnel (A.) et sur celui du contrôle sur les décisions adoptées (B.).
A. La nécessaire autonomie de la procédure internationale
1°) Les précédents en matière de justice pénale internationale n’étaient en effet pas dépourvus de reproches sur le plan des principes.
Ainsi les Tribunaux militaires de Nuremberg (Article 2 du Statut du Tribunal militaire international) et pour l’Extrême-Orient (L’article 2 du Statut du Tribunal militaire d’Extrême-Orient prévoyait que le commandement suprême allié nommait de 6 à 11 juges sur proposition des puissances victorieuses) comprenaient des juges nommés par les « Etats victorieux » pour juger certains crimes commis par les agents des « Etats vaincus ». Si une telle solution était la seule envisageable dans le contexte de l’époque, elle ne pouvait être transposée telle quelle pour les autres tribunaux pénaux internationaux (Le cas des tribunaux mixtes doit cependant être réservé).
Dans le cadre du Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie, les juges sont proposés par chaque Etat membre ou observateur des Nations-Unies au Conseil de sécurité qui en présélectionne 22 à 33. Puis l’Assemblée générale élit parmi ceux-ci les 11 juges du Tribunal (Article 13 bis du Statut du Tribunal pénal pour l’ex-Yougoslavie). Une procédure similaire a été instituée pour le Tribunal pénal pour le Rwanda (Article 12 du Statut du Tribunal pénal pour le Rwanda).
Lors de la négociation du Statut de Rome, il a été tenu compte du caractère universel et permanent de la Cour pénale internationale. C’est ainsi qu’il a été prévu une procédure similaire à celle applicable pour élire les juges de la Cour internationale de justice en faisant appel aux groupes nationaux de la Cour permanente d’arbitrage.
2°) Le droit international public est souvent présenté comme un droit des « Etats » et c’est donc tout naturellement que les Etats nommaient certains juges au sein des juridictions internationales ou des organes arbitraux.
Mais ce procédé n’a pas donné une entière satisfaction dans le cadre d’une société internationale rénovée et plus active.
Afin d’assurer l’indépendance des juges internationaux et de rehausser leur légitimé, il a été instauré pour la Cour permanente de justice internationale puis pour la Cour internationale de Justice une procédure internationalisée de légitimisation en deux temps. Dans un premier temps les Etats ou leur groupe national au sein de la Cour permanente d’arbitrage proposent à l’Assemblée générale et au Conseil de sécurité des Nations-Unies une liste de candidats aux fonctions de juge. Ensuite, ces dernières co-choisissent parmi ces candidats ceux qui siégeront comme juges à la Cour de La Haye.
Cette procédure, même si elle n’est pas exempte de critiques fait l’objet d’un consensus qui a permis sa reprise lors de la rédaction du Statut de Rome de la Cour pénale internationale. En effet elle est de nature à conférer une légitimité accrue aux juges sans pour autant impliquer un élément démocratique ou technique qui ne saurait être universel ; c’est la communauté des Etats qui procède à cette légitimisation.
B. Les contrôles exercés par les organes internationaux
1°) Dès lors, le contrôle de la régularité et de la qualité des candidats aux fonctions de juge international est, dans ce cadre, de la compétence des organes des Nations-Unies.
Ainsi, le Conseil de sécurité et l’Assemblée générale opèrent dans le cadre de leurs compétences respectives tous contrôles requis. En pratique, ceci est purement formel. Le Tribunal administratif des Nations-Unies n’est compétent, en ce qui concerne les tribunaux internationaux, qu’à l’égard du personnel du greffe de la Cour internationale de Justice et du Tribunal international du droit de la mer. Les juges ne sont donc pas concernés, la juridiction étant normalement chargée de trancher elle-même les questions de statut.
Mais il convient de relever, et ce point n’est pas anodin ici, que les organes des Nations-unies demeurent seuls compétents pour apprécier les mérites des candidats qui leurs sont proposés. Il en résulte que la compétence juridictionnelle française aurait été problématique.
En effet, on peut clairement s’interroger sur le sort qui aurait été réservé à une décision d’annulation d’une proposition aux fonctions de juge prononcée par le juge français de l’excès de pouvoir si, entre-temps, la personne en cause aurait été élue juge au sein d’une juridiction internationale par l’assemblée des Etats parties à un traité.
Le droit international semble rendre inopposable les actes internes, même juridictionnels, aux organisations internationales en pareille situation (CPJI, 13 septembre 1928, Usine de Chorzow). Cela impliquerait donc un déni de Justice ou une contrariété directe entre actes internes et externe, ce qui n’est guère satisfaisant (Cf. la contrariété entre Cass. crim., 16 mars 2005, Marchiani, pourvoi numéro 05-80093 et Parlement européen, 5 juillet 2005, n° 2005/2105 (IMM), JCP (G) 2005.II.10167).
Autrement dit, l’admission d’un quelconque contrôle par le juge interne ne saurait se justifier que s’il pouvait être suivi d’effets dans l’ordre international soit du fait de l’absence totale d’acte international d’application (Cas par exemple de la désignation d’un juge ad hoc devant une juridiction internationale), soit du fait de la compétence liée de l’organisation internationale (CE, 20 octobre 2000, Bukspan, op. cit.).
2°) Mais si le contrôle qui est opéré dans le cadre des Nations-unies est limité, pourrait-il en être autrement dans un cadre universel ? Tel n’est pas le cas devant les organes du Conseil de l’Europe (Article 22 de la Convention européenne des droits de l’Homme) et ce « précédent » constitue une source d’évolution notable pour les juridictions internationales.
La France a ainsi fait le choix de confier au « groupe français » de la Cour permanente d’arbitrage la détermination des 6 candidats présélectionnés aux fonctions de juge à la Cour européenne des droits de l’Homme au titre de la France. Le président de la République déterminant parmi ses 6 candidats, les 4 personnes qui seront auditionnées aux fins d’élection de l’un d’entre eux par l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe.
Toutefois, le candidat « pressenti » par le président de la République n’a pas été retenu par le « groupe français » compte tenu de son profil politique et de sa faible expérience juridictionnelle (Doc. APCE n° 12527 du 25 février 2011). Il a alors été décidé par les organes compétents du Conseil de l’Europe de projeter de rejeter, en bloc, la liste des candidats français imposant par la même aux autorités françaises de retirer intégralement la liste de candidats avant d’en reformuler une nouvelle. La Moldova avait également vu sa liste de candidats ainsi rejetée.
Ceci permet d’analyser les synergies entre les contrôles opérés par les autorités internes et ceux opérés par les autorités internationales. Sur le plan des principes, il est logique que le juge administratif français ne soit pas compétent pour connaître des propositions formulées par le « groupe national » français de la Cour permanente d’arbitrage puisque ses propositions sont sanctionnées par des organes internationaux dont la décision sera nécessairement effective.
Mais la réalité, dans le cadre universel, est que la portée et l’efficacité de ce contrôle apparaissent en retrait au regard des avancées européennes. Il pourrait être, en la matière, opéré une évolution progressive qui ne pourra être que lente compte tenu des difficultés à faire évoluer le droit international en l’absence de large consensus.
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