Vu la requête, enregistrée le 9 décembre 1993 au secrétariat du Contentieux du Conseil d’Etat, présentée par M. Alain X…, demeurant … la Chasse à Saint-Palais-sur-Mer (17420) ; M. X… demande au Conseil d’Etat :
1°) d’annuler le jugement, en date du 20 octobre 1993, par lequel le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande tendant à l’annulation des opérations électorales organisées le 9 mai 1993, par la commune de Saint-Palais-sur-Mer, en application de l’article L.125-1 du code des communes, sur l’opportunité de délivrer un permis de construire ;
2°) d’annuler les opérations électorales du 9 mai 1993 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des communes ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel ;
Vu l’ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
— le rapport de Mlle Lagumina, Auditeur,
— les observations de Me Parmentier, avocat de la commune de Saint-Palais-sur-Mer,
— les conclusions de M. Chantepy, Commissaire du gouvernement ;
Sur la requête de M. X… :
Considérant qu’aux termes de l’article R. 153-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel : « Sauf dans les cas mentionnés au premier alinéa de l’article L. 9 et à l’article R. 149, lorsque la décision lui paraît susceptible d’être fondée sur un moyen relevé d’office, le président de la formation de jugement en informe les parties avant la séance de jugement et fixe le délai dans lequel elles peuvent présenter leurs observations » ;
Considérant que la commune de Saint-Palais-sur-Mer n’a pas opposé, en première instance, à la demande de M. X… une fin de non-recevoir tirée de ce que les résultats de la consultation, organisée en application des dispositions des articles L. 125-1 et suivants du code des communes, n’étaient susceptibles de faire l’objet d’aucun recours ; qu’en se fondant sur ce moyen, soulevé d’office, pour rejeter la demande de M. X…, sans avoir informé les parties de son intention de fonder éventuellement sa décision sur ce moyen, le tribunal administratif de Poitiers a entaché d’irrégularité son jugement en tant qu’il a statué sur les conclusions de M. X… dirigées contre les résultats de la consultation des électeurs de la commune de Saint-Palais-sur-Mer qui s’est déroulée le 9 mai 1993 ; que le jugement attaqué doit, dans cette mesure, être annulé ;
Considérant qu’il y a lieu d’évoquer et de statuer immédiatement sur la demande de M. X… tendant à l’annulation de la consultation des électeurs de la commune de Saint-Palais-sur-Mer ;
Considérant qu’aux termes de l’article L. 125-1 du code des communes dans sa rédaction alors en vigueur : « Les électeurs de la commune peuvent être consultés sur les décisions que les autorités municipales sont appelées à prendre pour régler les affaires de la commune » ; qu’aux termes de l’article L. 125-2 du même code : « La délibération qui décide la consultation indique expressément que cette consultation n’est qu’une demande d’avis » ; qu’enfin aux termes de l’article R. 125-8 du même code : « Les résultats de la consultation sont consignés dans un procès-verbal que le maire communique aux conseillers municipaux aux fins de délibération, à la plus proche séance du conseil municipal … » ;
Considérant qu’il résulte des prescriptions législatives susrappelées que les opérations qui concourent à la consultation des électeurs ne constituent pas des opérations électorales ; qu’aucune disposition du code des communes ni aucune autre disposition législative ou réglementaire ne prévoit que le déroulement d’une telle consultation puisse faire l’objet d’une contestation devant le juge administratif ; qu’en outre, les résultats de la consultation, tels qu’ils sont consignés dans un procès-verbal n’expriment qu’un simple avis qui ne lie pas l’autorité compétente pour prendre la décision et qui ne constitue pas un acte faisant grief susceptible de faire l’objet d’un recours pour excès de pouvoir ; que, dès lors, la demande de M. X…, tendant à l’annulation de la consultation des électeurs de la commune de Saint-Palais-sur-Mer est irrecevable et doit être rejetée ;
Sur les conclusions du recours incident de la commune de Saint-Palais-sur-Mer :
En ce qui concerne la recevabilité du recours incident :
Considérant, d’une part, que le présent litige ne porte pas sur des opérations électorales ; que, par suite, la fin de non-recevoir tirée de ce que l’appel incident de la commune serait irrecevable devant le juge de l’élection, doit être écartée ;
Considérant, d’autre part, que la fin de non-recevoir tirée de ce que les conclusions de l’appel incident constitueraient un litige distinct de l’appel principal, ne peut être accueillie ;
En ce qui concerne le bien-fondé de l’appel incident :
Considérant que par une délibération du 23 mars 1993, le conseil municipal de Saint-Palais-sur-Mer a demandé au maire d’organiser une consultation des électeurs de la commune ; que par deux délibérations du 7 avril 1993, le conseil municipal a respectivement fixé la composition du dossier mis à la disposition du public et précisé les termes de la question posée aux électeurs dont les termes étaient les suivants : « Approuvez-vous la position prise par le conseil municipal lors de ses délibérations des 23 mars et 7 avril 1993 en faveur de la délivrance à la société CIPP Océan d’un permis de construire réduisant les hauteurs des constructions et limitant le nombre de logements à 129 (au lieu de 260), de préférence au remboursement à la S.C.I. fief du Rha des sommes trop perçues par la commune » ;
Considérant qu’il résulte des dispositions précitées de l’article L. 125-1 du code des communes que les décisions des autorités municipales sur lesquelles les électeurs peuvent être préalablement consultés sont celles qui relèvent soit de la compétence du conseil municipal, soit des compétences propres du maire agissant au nom de la commune ; que par suite, la commune de Saint-Palais-sur-Mer est fondée à soutenir que c’est à tort que le tribunal administratif de Poitiers, pour annuler les délibérations du conseil municipal des 23 mars et 7 avril 1993 et l’arrêté municipal du 13 avril 1993, s’est fondé sur le motif que l’octroi ou le refus de permis de construire relevant de la compétence du maire, il ne pouvait faire l’objet d’une consultation préalable des électeurs ;
Considérant, toutefois, qu’il appartient au Conseil d’Etat, saisi de l’ensemble du litige par l’effet dévolutif de l’appel, d’examiner les autres moyens soulevés par M. X… devant le tribunal administratif ;
Considérant que la consultation organisée par la commune de Saint-Palais-sur-Mer, compte tenu de la nature de la question soumise aux électeurs et des caractéristiques du projet auquel elle se référait, entrait dans le champ d’application des dispositions de l’article L. 125-1 du code des communes qui déterminent les questions qui peuvent être soumises à la consultation des électeurs ; que, dès lors, la commune de Saint-Palais-sur-Mer est fondée à demander l’annulation de l’article 1° du jugement attaqué, par lequel le tribunal administratif de Poitiers a annulé les délibérations de son conseil municipal des 23 mars et 7 avril 1993 et l’arrêté du 13 avril 1993 ;
Sur les conclusions de la commune de Saint-Palais-sur-Mer tendant à l’application des dispositions de l’article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 :
Considérant qu’il y a lieu dans les circonstances de l’espèce de faire application des dispositions de l’article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 et de condamner M. X… à verser à la commune de Saint-Palais-sur-Mer une somme de 5 000 F au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Poitiers en date du 20 octobre 1993 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. X… devant le tribunal administratif de Poitiers est rejetée.
Article 3 : M. X… est condamné à payer la somme de 5 000 F à la commune de Saint-Palais-sur-Mer au titre des dispositions de l’article 75-I de la loi du 10 juillet 1991.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. Alain X…, à la commune de Saint-Palais-sur-Mer et au ministre de l’intérieur.