Vu l’arrêt du 30 novembre 1999, enregistré au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat le 3 février 2000, par lequel la cour administrative d’appel de Paris, après avoir, sur recours du ministre de l’équipement, annulé deux jugements des 12 avril et 20 décembre 1996 du tribunal administratif de Versailles rendus sur les demandes de M. Erik A…, a renvoyé le jugement de ces demandes au Conseil d’Etat en application de l’article R. 81 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel ;
Vu les demandes de M. Z… demeurant …, enregistrées au greffe du tribunal administratif de Versailles le 20 août 1990 et le 25 août 1995, et son mémoire complémentaire enregistré au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat le 27 mars 2000 ; M. Y… demande :
1°) l’annulation pour excès de pouvoir de la décision du 21 septembre 1989 par laquelle le conseil médical de l’aéronautique civile l’a déclaré définitivement inapte à la profession de CSS steward ;
2°) l’annulation pour excès de pouvoir de la décision du 23 avril 1990 par laquelle le ministre de l’équipement, du logement, des transports et de la mer a déclaré son inaptitude non imputable au service aérien ;
3°) la condamnation de l’Etat à lui verser la somme de 1 079 649 F augmentée des intérêts et des intérêts capitalisés en réparation du préjudice subi du fait de l’illégalité des décisions du 21 septembre 1989 et 23 avril 1990 ;
4°) la condamnation de l’Etat à lui verser la somme de 30 000 F au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu l’arrêté du 5 juillet 1984 relatif à l’attestation d’aptitude physique et mentale du personnel navigant commercial ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
– le rapport de M. Olléon, Maître des Requêtes,
– les observations de Me X…, avocat M. A…,
– les conclusions de Mme Mignon, Commissaire du gouvernement ;
Sur les conclusions dirigées contre la décision du conseil médical de l’aéronautique civile en date du 21 septembre 1989 déclarant M. A… inapte définitivement à exercer la profession de navigant :
Sur la fin de non-recevoir opposée par le ministre :
Considérant que le ministre soulève la tardiveté des conclusions de M. A… tendant à l’annulation de la décision du conseil médical de l’aéronautique civile du 21 septembre 1989, en faisant valoir qu’il doit être regardé comme ayant eu connaissance de cette décision, soit le 2 novembre 1989, lorsqu’il a demandé au conseil médical de l’aéronautique civile de statuer sur l’imputabilité au service aérien de son inaptitude définitive, soit au plus tard le 27 juillet 1990, date à laquelle il a formé un recours contentieux à l’encontre de la décision ministérielle du 23 avril 1990 déclarant son inaptitude définitive non imputable au service aérien; que si la formation d’un recours contre une décision établit que l’auteur de ce recours a eu connaissance de la décision au plus tard à la date à laquelle il a formé ce recours, une telle circonstance est, par elle-même, sans incidence sur l’application des dispositions de l’article R. 104 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel, alors en vigueur, selon lesquelles : « Les délais de recours ( …) ne sont opposables qu’à la condition d’avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision » ; qu’il n’est pas contesté que la décision du 21 septembre 1989 n’a pas été notifiée à M. A… conformément aux dispositions précitées de l’article R. 104 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel ; que, par suite, la fin de non-recevoir du ministre doit être écartée ;
Sans qu’il soit besoin d’examiner l’autre moyen de la requête :
Considérant qu’il ressort des pièces du dossier que, pour prononcer l’inaptitude définitive du requérant à l’exercice de la profession de navigant, le conseil médical de l’aéronautique civile s’est fondé sur ce que celui-ci présentait une « tachycardie paroxystique traitée chirurgicalement » ; que, si le requérant souffrait depuis plusieurs années de troubles cardiaques provoquant des crises de tachycardie dont certaines s’étaient produites en vol, il a subi, le 10 février 1988, une intervention chirurgicale destinée à mettre fin à ces troubles ; qu’il ressort de l’expertise médicale qui figure au dossier que, le 21 septembre 1989, date à laquelle il a été déclaré définitivement inapte à exercer ses fonctions de steward, M. A… n’avait plus subi, depuis l’opération, aucune manifestation de symptôme tachycardique et pouvait être regardé comme ayant recouvré un état de santé normal ; qu’il résulte de ce qui précède que M. A… est fondé à soutenir que la décision du 21 septembre 1989 du conseil médical de l’aéronautique civile est entachée d’une erreur d’appréciation et à en demander pour ce motif l’annulation ;
Sur les conclusions dirigées contre la décision du ministre de l’équipement, du logement, des transports et de la mer en date du 23 avril 1990 déclarant que l’inaptitude définitive de M. Y… n’est pas imputable au service aérien :
Considérant que l’annulation, par la présente décision, de la décision du 21 septembre 1989 du conseil médical de l’aéronautique civile rend sans objet les conclusions de M. A… tendant à l’annulation de la décision du ministre de l’équipement, du logement, des transports et de la mer en date du 23 avril 1990 ;
Sur les conclusions indemnitaires :
Sur la fin de non-recevoir opposée par le ministre :
Considérant que si, à la date à laquelle il a saisi le tribunal administratif de Versailles, M. A… ne justifiait d’aucune décision expresse ou tacite lui refusant l’indemnité qu’il sollicitait, il a, le 16 juillet 1996, demandé au ministre des transports de lui allouer une indemnité ; que le silence gardé pendant plus de quatre mois par le ministre sur cette réclamation a fait naître une décision implicite de rejet contre laquelle M. A… a présenté des conclusions dans un mémoire enregistré le 3 octobre 1997 ; que, dès lors, et alors même que le ministre de l’équipement a opposé le défaut de décision préalable à la demande initiale de M. A…, aucune fin de non-recevoir tirée du défaut de décision préalable ne peut être opposée à ces conclusions additionnelles ;
En ce qui concerne les préjudices financiers et de carrière :
Considérant que M. A… demande à être indemnisé, tant du préjudice financier qu’il soutient avoir subi, à concurrence de 579 649 F, en se fondant sur la différence entre le salaire qu’il aurait perçu en qualité de personnel navigant commercial et celui qu’il a effectivement perçu en tant que personnel au sol, compte tenu d’un changement de coefficient qui aurait pu lui être attribué, que de son préjudice de carrière, à concurrence de 250 000 F, en faisant valoir que ses perspectives de carrière en tant qu’agent de coordination de vol sont inférieures à celles dont il aurait pu bénéficier en tant que steward, notamment en ce qu’il aurait été privé d’une chance sérieuse de réussir certains examens ;
Considérant qu’il ne ressort pas des pièces du dossier que le conseil médical de l’aéronautique civile n’aurait pas pris la même décision d’inaptitude en se fondant sur l’hypoacousie bilatérale dont souffrait également le requérant ; que si ce dernier fait valoir qu’il aurait eu la possibilité de demander une dérogation aux conditions d’aptitude médicale, l’administration n’aurait pas été tenue de lui accorder le bénéfice d’une telle dérogation ; que, par suite, M. A… n’établit pas qu’il aurait nécessairement continué à exercer ses fonctions de steward si la décision illégale n’était pas intervenue, et ne saurait dès lors prétendre à l’indemnisation du préjudice financier et du préjudice de carrière allégués, qui ne présentent pas de caractère certain ;
En ce qui concerne les troubles dans les conditions d’existence et le préjudice moral :
Considérant qu’en conséquence de la décision du 21 septembre 1989 du conseil médical de l’aéronautique civile le déclarant inapte définitivement à exercer la profession de personnel navigant, M. A… a été affecté dans un emploi d’agent coordonnateur de vol qui n’était pas adapté à son état de santé ; qu’il sera fait une juste appréciation du préjudice moral et des troubles dans les conditions d’existence en ayant résulté en condamnant l’Etat à verser de ce chef au requérant une somme de 15 000 euros (98 393 F) ;
Considérant que M. A… a droit aux intérêts de la somme de 15 000 euros (98 393 F) à compter du 16 juillet 1996, date de sa demande préalable au ministre chargé des transports ;
Considérant que la capitalisation des intérêts a été demandée le 27 mars 2000 ; qu’à cette date, il était dû au moins une année d’intérêts ; que, par suite, il y a lieu de faire droit à cette demande ;
Sur les conclusions présentées par M. A… au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de faire application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative et de condamner l’Etat à verser à M. A… la somme de 4 570 euros (29 977 F) au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
Article 1er : La décision du conseil médical de l’aéronautique civile en date du 21 septembre 1989 est annulée.
Article 2 : Il n’y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête de M. A… tendant à l’annulation de la décision du ministre de l’équipement, du logement, des transports et de la mer en date du 23 avril 1990.
Article 3 : L’Etat est condamné à verser à M. A… une indemnité de 15 000 euros (98 393 F) assortie des intérêts légaux à compter du 16 juillet 1996. Les intérêts échus le 27 mars 2000 seront capitalisés à cette date pour produire eux-mêmes intérêts.
Article 4 : L’Etat est condamné à verser à M. A… la somme de 4 570 euros (29 977 F) au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A… est rejeté.
Article 6 : La présente décision sera notifiée à M. Erik Y… et au ministre de l’équipement, des transports et du logement.