Vu la requête enregistrée le 28 janvier 1994 au secrétariat du Contentieux du Conseil d’Etat, présentée par le PREFET DES YVELINES ; le PREFET DES YVELINES demande au président de la section du contentieux du Conseil d’Etat :
1°) d’annuler le jugement du 28 décembre 1993 par lequel le conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Versailles a annulé son arrêté du 30 novembre 1993 par lequel il a décidé la reconduite à la frontière de M. Djalo ;
2°) de rejeter la demande de M. Djalo devant le tribunal administratif de Versailles ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu l’ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée, notamment par la loi du 2 août 1989, la loi du 10 janvier 1990, la loi du 26 février 1992 et la loi du 24 août 1993 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel ;
Vu l’ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
– le rapport de M. Errera, Conseiller d’Etat,
– les conclusions de M. Delarue, Commissaire du gouvernement ;
Sur la recevabilité de la demande de première instance :
Considérant que le PREFET DES YVELINES soutient que la demande présentée par M. Djalo contre l’arrêté préfectoral de reconduite à la frontière était irrecevable pour avoir été présentée plus de vingt quatre heures après sa notification ;
Considérant qu’il résulte des pièces du dossier que si l’arrêté du 30 novembre 1993 ordonnant la reconduite à la frontière de M. Djalo, lui a été notifié par lettre recommandée avec avis de réception, le pli contenant cette notification a été retourné à l’envoyeur avec la mention « pas de pièce d’identité à présenter » ; que M. Djalo fait valoir qu’il s’est présenté au bureau de poste dans les premiers jours du mois de décembre pour retirer la lettre recommandée dont l’avis lui était parvenu à son domicile le 1er décembre alors qu’il était hospitalisé, mais que la remise de cette lettre lui a été refusée au motif qu’il n’avait pas pu produire de pièce d’identité ; que le bien fondé de cette affirmation est corroboré par les pièces du dossier ; que, par ailleurs, M. Djalo affirme sans être contredit qu’il était dans l’incapacité de produire une pièce d’identité, ces pièces lui ayant été, ainsi que cela ressort du dossier, confisquées le 20 septembre 1991 lors d’une opération de police à la suite de laquelle il a été placé en rétention administrative jusqu’au 30 septembre 1991 ; que dans ces conditions la requête présentée par M. Djalo le 24 décembre 1993, après que l’arrêté de reconduite à la frontière lui a été remis le 23 décembre aux guichets de la préfecture où il avait été invité à se présenter, n’était pas tardive ;
Sur la légalité de la décision de reconduite :
Considérant qu’il n’est pas contesté que M. Djalo se trouve dans un des cas où, en application de l’article 22 de l’ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée, la reconduite d’un étranger à la frontière peut être ordonnée par le préfet ;
Considérant toutefois qu’il appartient au préfet, même dans ce cas, de vérifier si la mesure de reconduite à la frontière ne comporte pas de conséquences d’une gravité exceptionnelle sur la situation personnelle de l’intéressé ; qu’il ressort des pièces du dossier que M. Djalo qui avait été victime en janvier 1992 d’un grave accident de voiture ayant entraîné son hospitalisation pendant plusieurs mois, avait encore à la date à laquelle est intervenu l’arrêté litigieux, des séquelles graves nécessitant des examens et des soins complémentaires ; que la reconduite à la frontière de M. Djalo comportait ainsi, à la date à laquelle a été prise la décision du préfet, des risques sérieux pour la santé de l’intéressé ; que par suite en ordonnant la reconduite à la frontière de M. Djalo par un arrêté susceptible d’application immédiate, le PREFET DES YVELINES a commis une erreur manifeste dans l’appréciation des conséquences de cette mesure sur la situation personnelle de l’intéressé ; que dès lors le PREFET DES YVELINES n’est pas fondé à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le président du tribunal administratif de Versailles a annulé son arrêté du 30 novembre 1993 ;
Article 1er : La requête du PREFET DES YVELINES contre le jugement du conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Versailles en date du 28 décembre 1993 est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée au PREFET DES YVELINES, à M. Djalo, au président du tribunal administratif de Versailles et au ministre de l’intérieur.