Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 24 février et 24 mai 2011 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentés pour la Société Juwi Energies Renouvelables, dont le siège est ZI Portuaire avenue Marcel Liabastre à Honfleur (14600), représentée par son gérant en exercice ; la Société Juwi Energies Renouvelables demande au Conseil d’Etat :
1°) d’annuler l’arrêt n° 09NT01503 et 09NT01507 du 24 décembre 2010 par lequel la cour administrative d’appel de Nantes a annulé, à la demande, d’une part, de l’association » Vents de folie » et autres, d’autre part, de M. F et autres, le jugement du 30 avril 2009 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté leur demande tendant à l’annulation de l’arrêté du 13 mars 2006 par lequel le préfet du Morbihan a délivré à la Société Juwi Energies Renouvelables un permis de construire un parc éolien de six aérogénérateurs sur des parcelles sises aux lieux-dits » Kerbescontez » et » Le Drouloué » sur le territoire de la commune de Langonnet ;
2°) réglant l’affaire au fond, de faire droit à ses conclusions d’appel ;
3°) de mettre à la charge de l’association » Vents de Folie « , de Mmes B, de M. E, de M. A, de M. F, du GAEC de Croas-Loas, de M. C et de M. D, la somme de 5 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de l’environnement ;
Vu le code de l’urbanisme ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
– le rapport de M. Samuel Gillis, Maître des Requêtes en service extraordinaire,
– les observations de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano, avocat de la Société Juwi Energies Renouvelables, de la SCP Gaschignard, avocat de M. Georges F et autres et de la SCP Monod, Colin, avocat de l’association « Vents de folie » et autres,
– les conclusions de Mme Suzanne von Coester, rapporteur public ;
La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano, avocat de la Société Juwi Energies Renouvelables, à la SCP Gaschignard, avocat de M. Georges F et autres et à la SCP Monod, Colin, avocat de l’association « Vents de folie » et autres ;
Considérant que, par un jugement du 30 avril 2009, le tribunal administratif de Rennes a rejeté les demandes de l’association » Vents de folie » et autres et de M. F et autres tendant à l’annulation de l’arrêté du 13 mars 2006 par lequel le préfet du Morbihan a délivré à la Société Juwi Energies Renouvelables un permis de construire six éoliennes sur le territoire de la commune de Langonnet ; que saisie par l’association » Vents de folie » et autres et par M. F et autres, la cour administrative d’appel de Nantes a fait droit à leurs requêtes et annulé le permis de construire litigieux, par un arrêt du 24 décembre 2010 contre lequel la Société Juwi Energies Renouvelables se pourvoit en cassation ;
Sur la régularité de l’arrêt :
Considérant qu’aux termes de l’article R. 611-1 du code de justice administrative : « La requête et les mémoires, ainsi que les pièces produites par les parties, sont déposés ou adressés au greffe. / La requête, le mémoire complémentaire annoncé dans la requête et le premier mémoire de chaque défendeur sont communiqués aux parties avec les pièces jointes dans les conditions prévues aux articles R. 611-3, R. 611-5 et R. 611-6. / Les répliques, autres mémoires et pièces sont communiqués s’ils contiennent des éléments nouveaux » ; qu’aux termes de l’article R. 613-2 du même code : » Si le président de la formation de jugement n’a pas pris une ordonnance de clôture, l’instruction est close trois jours francs avant la date de l’audience indiquée dans l’avis d’audience prévu à l’article R. 711-2. Cet avis le mentionne (…) » ; que, selon l’article R. 613-4 de ce code : » Le président de la formation de jugement peut rouvrir l’instruction par une décision qui n’est pas motivée et ne peut faire l’objet d’aucun recours. Cette décision est notifiée dans les mêmes formes que l’ordonnance de clôture./ La réouverture de l’instruction peut également résulter d’un jugement ou d’une mesure d’investigation ordonnant un supplément d’instruction (…) » ;
Considérant qu’il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, alors que l’affaire était inscrite à l’audience du 23 novembre 2010 et que la date de clôture de l’instruction se trouvait en conséquence fixée, en l’absence d’ordonnance de clôture de l’instruction du président de la formation de jugement, au 19 novembre 2010, le ministre chargé de l’écologie a produit un premier mémoire en défense à cette même date ; que, le même jour, la cour administrative d’appel de Nantes a communiqué ce mémoire à l’association » Vents de folie » et autres et à M. F et autres, appelants, ainsi qu’à la Société Juwi Energies Renouvelables, autre défendeur qui avait elle-même déjà produit un mémoire en défense ; que la mention, contenue dans le courrier joint à la communication de ce mémoire, invitant son destinataire à produire, s’il l’estimait utile, des observations » aussi rapidement que possible « , n’a pas eu pour effet de reporter la date de clôture de l’instruction ;
Considérant que la Société Juwi Energies Renouvelables, bénéficiaire du permis de construire contesté, avait comme le ministre chargé de l’écologie, la qualité de défendeur en appel ; que si elle soutient que l’absence de réouverture de l’instruction ne lui a pas permis de répondre utilement au mémoire en défense du ministre, la communication tardive d’un mémoire en défense à un codéfendeur ne vicie cependant pas la régularité de la procédure lorsque ce mémoire tend aux mêmes fins que celui produit par ce codéfendeur et développe des moyens ou présente une argumentation qui n’appellent pas de discussion de la part de ce codéfendeur ; qu’au cas d’espèce, il ressort des pièces du dossier soumis à la cour que le mémoire du ministre tendait également au rejet de la requête et formulait des moyens, qui eu égard à leur nature, n’appelaient pas de discussion de la part de la Société Juwi Energies Renouvelables ; que la Société Juwi Energies Renouvelables n’est par suite pas fondée à soutenir qu’en l’absence de réouverture de l’instruction, la cour administrative d’appel a statué au terme d’une procédure irrégulière ;
Sur le bien-fondé de l’arrêt :
Considérant, en premier lieu, que contrairement à ce qui est soutenu, la cour n’a pas dénaturé les pièces du dossier en estimant que l’étude d’impact figurant au dossier de l’enquête publique préalable au permis autorisant la réalisation du projet de parc éolien en cause était insuffisante au regard de l’analyse à la fois de l’état initial de l’environnement et des effets du projet sur le paysage ; que, par ailleurs, contrairement également à ce qui est soutenu, la cour ne s’est pas abstenue de rechercher si les insuffisances de l’étude d’impact revêtaient un caractère substantiel et étaient, comme telles, de nature à entacher la régularité de la procédure d’édiction du permis litigieux ; que, par suite, son arrêt, qui est suffisamment motivé sur ce point, n’est pas entaché d’erreur de droit ;
Considérant, en second lieu, qu’en retenant également, par une décision suffisamment motivée, le moyen tiré de la méconnaissance de l’article R. 111-21 du code de l’urbanisme pour annuler le permis contesté, la cour n’a pas excédé les limites du contrôle restreint qu’il lui appartenait d’exercer sur l’atteinte portée au site par le permis ; que contrairement à ce qui est soutenu, elle ne s’est pas abstenue de vérifier que le site d’implantation présentait un caractère remarquable ; qu’enfin la cour, en relevant que, eu égard à la dimension des éoliennes en cause et à leur implantation à quelques mètres en contrebas d’une ligne de crête, dans un site naturel remarquable, le préfet du Morbihan avait entaché sa décision d’une erreur manifeste d’appréciation au regard des dispositions de l’article R 111-21 du code de l’urbanisme en délivrant le permis contesté, s’est livrée à une appréciation souveraine des faits qui, contrairement à ce que soutient la Société Juwi Energies Renouvelables, est exempte de dénaturation ;
Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que le pourvoi de la Société Juwi Energies Renouvelables doit être rejeté ;
Sur les conclusions tendant à l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de l’article L 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l’association » Vents de Folie » et autres et de M. Georges F et autres, qui ne sont pas les parties perdantes dans la présente instance, la somme que la Société Juwi Energies Renouvelables demande au titre des mêmes frais ; qu’en revanche il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de la Société Juwi Energies Renouvelables le versement d’une somme de 400 euros respectivement à l’association » Vents de Folie « , à Mme Marie-Thérèse B, à Mme Danièle B, à M. Joël E, à M. Jean LE GOFF, à M. Georges F, au groupement d’exploitation en commune de Croas-Loas, à M. Pierrick C et à M. Ronan D ;
D E C I D E :
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Article 1er : Le pourvoi de la Société Juwi Energies Renouvelables est rejeté.
Article 2 : La Société Juwi Energies Renouvelables versera au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative une somme de 400 euros chacun à l’association » Vents de Folie « , à Mme Marie-Thérèse B, à Mme Danièle B, à M. Joël E, à M. Jean A, à M. Georges F, au groupement d’exploitation en commune de Croas-Loas, à M. Pierrick C et à M. Ronan D.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à la Société Juwi Energies Renouvelables, à l’association « Vents de folie », à M. Georges F et à la ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie.
Les autres défendeurs seront informés par la SCP Monod-Colin et par la SCP Gaschignard, avocats au Conseil d’Etat et à la Cour de Cassation, qui les représentent devant le Conseil d’Etat.