REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu le recours enregistré le 14 août 1986 au secrétariat du Contentieux du Conseil d’Etat, présenté par le ministre de la défense, et tendant à ce que le Conseil d’Etat :
1° annule l’ordonnance du 30 juillet 1986 par laquelle le conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Paris statuant en référé, a ordonné, à la demande de M. Gildas X…, une expertise à l’effet :
1- de décrire la blessure subie lors de l’accident dont il a été victime au cours de sa préparation militaire parachutiste, ainsi que les soins qu’elle a nécessité en requérant la production de tous les documents médicaux qui lui paraitraient nécessaires ;
2- de déterminer la durée de la période d’incapacité temporaire totale ou partielle et de fixer la date de la consolidation ;
3- d’évaluer le taux d’incapacité permanente partielle dont l’intéressé resterait atteint ;
4- de donner son avis sur les souffrances endurées ainsi que, s’il y a lieu, sur le préjudice esthétique en le chiffrant de 0 à 7 ; et plus généralement, de procéder à toutes constatations utiles et de donner son avis sur tous autres éléments du préjudice tel que le préjudice d’agrément et les répercussions des blessures subies sur la vie courante de l’intéressé ;
2° rejette la demande présentée par M. Gildas X… devant le président du tribunal administratif de Paris,
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n° 62-898 du 4 août 1962 ;
Vu la loi n° 83-605 du 8 juillet 1983 ;
Vu le code des pensions militaires d’invalidité ;
Vu le code du service national ;
Vu le code des tribunaux administratifs, notamment les articles R.102 et R.103 ;
Vu l’ordonnance du 31 juillet 1945 et le décret du 30 septembre 1953 ;
Vu la loi du 30 décembre 1977 ;
Après avoir entendu :
– le rapport de Mme Lenoir, Maître des requêtes,
– les conclusions de M. Stirn, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu’aux termes de l’article R.102 du code des tribunaux administratifs : « Dans tous les cas d’urgence, le président du tribunal administratif ou le magistrat qu’il délègue peut, sur simple requête qui sera recevable même en l’absence d’une décision administrative préalable, ordonner toutes mesures utiles sans faire préjudice au principal et sans faire obstacle à l’exécution d’aucune décision administrative … » ;
Considérant que, compte tenu des caractères de la procédure de référé, le président d’un tribunal administratif ou le magistrat qu’il délègue n’est compétemment saisi que lorsque la demande qui lui est présentée n’est pas manifestement insusceptible de se rattacher à un litige relevant de la compétence de la juridiction administrative de droit commun ;
Considérant que l’ordonnance attaquée du juge des référés du tribunal administratif de Paris a prévu la désignation d’un expert en vue de décrire la blessure reçue par M. X… au cours d’exercices de préparation militaire, d’indiquer les soins que cette blessure a nécessité et d’évaluer ses conséquences ur l’état de la victime ;
Considérant qu’aux termes de la loi du 4 août 1962 relative aux réparations à accorder aux jeunes gens ou aux militaires de la disponibilité ou des réserves victimes d’accidents lors de leur participation à des séances d’instruction militaire « les dispositions du code des pensions militaires d’invalidité … sont applicables en dehors de toute autre réparation de la part de l’Etat … aux jeunes gens victimes d’accidents survenus … au cours des séances d’instruction ou d’examen de préparation militaire organisées sous la responsabilité de l’autorité militaire » ; que, si la loi du 8 juillet 1983 a introduit à l’article L.62 du code du service national un second alinéa en vertu duquel « les jeunes gens accomplissant les obligations du service militaire, victimes de dommages corporels subis dans le service ou à l’occasion du service », peuvent « obtenir de l’Etat, lorsque sa responsabilité est engagée, une réparation complémentaire destinée à assurer l’indemnisation intégrale du dommage subi, calculée selon les règles du droit commun », ces nouvelles dispositions législatives, relatives d’après leurs termes mêmes aux seuls appelés qui accomplissent les obligations du service militaire, n’ont pas modifié les règles applicables à l’indemnisation des dommages subis par des jeunes gens au cours d’exercices de préparation militaire ; que cette indemnisation relève en conséquence des seules prescriptions du code des pensions militaires d’invalidité et que les contestations auxquelles elle peut donner lieu entrent dans la compétence des tribunaux départementaux et des cours régionales des pensions prévus par l’article L.79 de ce code ;
Considérant que l’action tendant à la réparation que M. X… pourrait, le cas échéant, demander à l’Etat du fait de l’accident dont il a été victime relèverait de la compétence non du tribunal administratif mais du tribunal départemental des pensions ; que, dès lors, en ordonnant l’expertise susanalysée, le juge des référés du tribunal administratif de Paris a méconnu les limites de sa compétence ; que le ministre de la défense est fondé à demander pour ce motif l’annulation de l’ordonnance attaquée ;
Considérant qu’il y a lieu pour le Conseil d’Etat, dans les circonstances de l’espèce, d’évoquer le litige et de statuer immédiatement sur la demande d’expertise présentée par M. X… au juge des référés du tribunal administratif de Paris ;
Considérant, comme il vient d’être dit, que les conclusions de M. X… tendant à la désignation par le juge des référés du tribunal administratif de Paris, d’un expert médical, ont été portées devant une juridiction incompétente pour en connaître ;
Mais considérant qu’aucune disposition du code des pensions civiles et militaires d’invalidité ne donne au juge des pensions, dont relève l’action tendant à la réparation du préjudice subi par M. X… à la suite de la blessure qu’il a reçue au cours de sa préparation militaire, le pouvoir d’ordonner une expertise en référé ; qu’ainsi la demande de M. X… est entachée d’une irrecevabilité manifeste non susceptible d’être couverte en cours d’instance ; qu’il y a lieu, dès lors, pour le Conseil d’Etat, en application de l’article 54 bis du décret du 30 juillet 1963, dans sa rédaction issue du décret du 29 août 1984, de la rejeter ;
Considérant que, dans les circonstances de l’espèce, les frais de l’expertise ordonnée en référé doivent être mis à la charge de M. X… ;
Article 1er : L’ordonnance du 30 juillet 1986 du juge des référés du tribunal administratif de Paris est annulée.
Article 2 : La demande d’expertise présentée par M. X… au président du tribunal administratif de Paris statuant en référé est rejetée.
Article 3 : Les frais de l’expertise ordonnée par le juge des référés du tribunal de Paris sont mis à la charge de M. X….
Article 4 : La présente décision sera notifiée au ministre de la défense et à M. Gildas X….